Vu 1°), sous le numéro 148 888, enregistré le 11 juin 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, le jugement du 28 mai 1993 par lequel le tribunal administratif de Paris, avant de statuer sur les demandes de Mme Marie-Thérèse Y..., Mme Marie-France Y..., épouse X..., Mme Claudine Y..., épouse Z..., Mme Sylvie Y... et M. Pascal Y... tendant à ce que l'Etat soit condamné à leur verser la somme de 10 000 000 F assortie des intérêts légaux en réparation du préjudice subi par leur époux et père M. Goulven Y..., décédé le 11 décembre 1991, du fait de sa contamination par le virus de l'immunodéficience humaine à la suite de la perfusion de produits sanguins anti-hémophiliques ainsi que la somme de 10 000 F au titre des frais irrépétibles, a décidé, par application des dispositions de l'article 12 de la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 portant réforme du contentieux administratif, de transmettre le dossier de ces demandes au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen les questions suivantes : 1°- la circonstance que la victime ou ses ayants droits informent le tribunal administratif qu'ils ont saisi le fonds d'indemnisation institué par l'article 47 de la loi du 31 décembre 1991, comme le prévoit le paragraphe VI de l'article précité, a-t-elle pour effet, en l'état actuel des dispositions applicables, d'imposer au tribunal l'obligation de communiquer d'office au fonds la requête de la victime ou de ses ayants droits et de mettre ainsi en cause cet organisme afin qu'il exerce l'action subrogatoire prévue à l'article 47-IX ? ; 2°- si une telle obligation n'incombe pas au tribunal administratif, quelles conséquences celui-ci, informé de ce que la victime ou ses ayants droits ont accepté l'offre d'indemnisation faite par le fonds, doit-il tirer de cette acceptation : en particulier le juge doit-il d'office déduire la somme ainsi retenue de l'indemnité qu'il condamne éventuellement la personne responsable du dommage à verser au demandeur, ou doit-il toujours accorder à celui-ci, l'intégralité de cette indemnité en se bornant, s'il y a lieu, à rappeler les droits que le fonds tient de l'article 47-IX ? 3°- si au contraire, le tribunal administratif a l'obligation de mettre en cause d'office le fonds pour que celui-ci exerce l'action subrogatoire prévue à l'article 47-IX, doit-il le cas échéant déduire la somme offerte aux intéressés par le fonds et acceptée par ceux-ci, de l'indemnité qu'il condamne la personne responsable du dommage à leur verser ? 4°- la circonstance qu'à la date du jugement rendu par le tribunal administratif la victime ou ses ayants droits aient exercé devant la cour d'appel de Paris une action en vue de contester l'offre d'indemnisation qu'ils ont reçue du fonds, est-elle de nature à modifier les solutions que le tribunal doit adopter dans les hypothèses susmentionnées ? ; 5°- lorsque les ayants droits de la victime décédée saisissent le tribunal administratif d'une action contre la personne responsable du dommage, les sommes offertes aux intéressés par le fonds au titre du préjudice personnel que leur a causé le décès de la victime, peuvent-elles être éventuellement imputées par le juge sur l'indemnité qui est mise à la charge de la personne responsable en vue de réparer le seul préjudice subi directement par la victime ?
Vu 2°), sous le numéro 148 889, enregistré le 11 juin 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, le jugement du 28 mai 1993 par lequel le tribunal administratif de Paris, avant de statuer sur la demande de M. Alain A..., tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 2 500 000 F assortie des intérêts légaux en réparation du préjudice qu'il a subi du fait de sa contamination par le virus de l'immunodéficience humaine à la suite de la perfusion de produits sanguins anti-hémophiliques ainsi que la somme de 5 000 F au titre des frais irrépétibles, a décidé, par application des dispositions de l'article 12 de la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 portant réforme du contentieux administratif, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen des questions semblables à celles ci-dessus analysées : 1°- la circonstance que, conformément aux dispositions de l'article 47-VI de la loi du 31 décembre 1991 instituant le fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles, la victime ou ses ayants droits, qui ont saisi le fonds, informent le tribunal administratif de cette saisine, a-t-elle pour effet, en l'état actuel des dispositions applicables, d'imposer au tribunal l'obligation de communiquer d'office au fonds la requête de la victime ou de ses ayants droits et de mettre ainsi en cause cet organisme afin qu'il exerce l'action subrogatoire prévue à l'article 47-IX ? ; 2°- si une telle obligation n'incombe pas au tribunal administratif, quelles conséquences celui-ci, informé de ce que la victime ou ses ayants droits ont accepté l'offre d'indemnisation faite par le fonds, doit-il tirer de cette acceptation : en particulier le juge doit-il d'office déduire la somme ainsi retenue de l'indemnité qu'il condamne éventuellement la personne responsable du dommage à verser au demandeur, ou doit-il toujours accorder à celui-ci, l'intégralité de cette indemnité en se bornant, s'il y a lieu, à rappeler les droits que le fonds tient de l'article 47-IX ? 3°- si au contraire, le tribunal administratif a l'obligation de mettre en cause d'office le fonds pour que celui-ci exerce l'action subrogatoire prévue à l'article 47-IX, doit-il le cas échéant déduire la somme offerte aux intéressés par le fonds et acceptée par ceux-ci, de l'indemnité qu'il condamne la personne responsable du dommage à leur verser ? 4°- la circonstance qu'à la date du jugement rendu par le tribunal administratif la victime ou ses ayants droits aient formé un pourvoi en cassation contre un arrêt de la cour d'appel de Paris rejetant l'action qu'ils ont exercée en vue de contester l'offre d'indemnisation qu'ils ont reçue du fonds, est-elle de nature à modifier les solutions que le tribunal doit adopter dans les hypothèses susmentionnées ? ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu l'article 47 de la loi n° 91-1406 du 31 décembre 1991 portant diverses dispositions d'ordre social ;
Vu le décret n° 92-183 du 26 février 1992 relatif au fonds d'indemnisation institué par l'article 47 de la loi n° 91-1406 du 31 décembre 1991 ;
Vu le décret n° 92-759 du 31 juillet 1992 relatif aux actions en justice intentées devant la cour d'appel de Paris en vertu de l'article 47 de la loi n° 91-1406 du 31 décembre 1991 ;
Vu le décret n° 93-906 du 12 juillet 1993 instituant des dispositions particulières de procèdure intéressant le fonds créé par l'article 47 de la loi n° 91-1406 du 31 décembre 1991 et modifiant le décret n° 92-759 du 31 juillet 1992 relatif aux actions en justice intentées à l'encontre du fonds devant la cour d'appel de Paris ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Mitjavile, Maître des requêtes,
- les observations de Me Blanc, avocat de Mmes Marie-Thérèse, Marie-France, Claudine et Sylvie Y..., de MM. Pascal Y... et Alain A... et de la S.C.P. Rouvière, Boutet, avocat du ministre d'Etat, ministre des affaires sociales, de la santé et de la ville,
- les conclusions de M. Frydman, Commissaire du gouvernement ;
1° Le décret du 12 juillet 1993 ajoutant au décret du 31 juillet 1992 les articles 15 à 20 est, en vertu de l'article 20 nouveau, applicable aux instances en cours à la date de sa publication. Les articles 15, 16 et 17 du décret du 31 juillet 1992 ainsi modifié déterminent les règles de mise en cause du fonds d'indemnisation des personnes transfusées ou hémophiles victimes de la contamination par le virus d'immunodéficience humaine (V.I.H.), institué par l'article 47 de la loi du 31 décembre 1991, notamment dans les instances juridictionnelles mettant en cause la responsabilité encourue par l'Etat du fait d'une telle contamination, à l'égard des personnes contaminées et de leurs ayants droit. Ce texte donne une solution au problème soulevé par la première question posée par le tribunal administratif.
2° Une collectivité publique ne pouvant être condamnée à verser une somme qu'elle ne doit pas, il appartient au juge administratif à qui une telle condamnation est demandée, de soulever d'office, lorsque cela ressort des pièces du dossier, que le préjudice invoqué a déjà été, en tout ou partie indemnisé par un tiers, alors même que celui-ci ne présente pas, par subrogation aux droits de la victime, de conclusions tendant au remboursement des sommes qu'il a versées en réparation du dommage subi par cette dernière.
Dès lors, le juge administratif, saisi d'une demande de réparation du préjudice résultant de la contamination par le virus d'immunodéficience humaine, lorsqu'il est informé par l'une des parties au litige, de ce que la victime ou ses ayants droit ont déjà été indemnisées du préjudice dont ils demandent réparation doit, d'office, déduire la somme ainsi allouée du montant du préjudice indemnisable.
En application de l'article 47 de la loi du 31 décembre 1991 précitée et des dispositions du décret du 26 février 1992 relatif au fonds d'indemnisation institué par cette loi et du décret du 31 juillet 1992 relatif aux actions en justice intentées devant la cour d'appel de Paris en vertu de l'article 47 de la même loi, le fonds, saisi par la victime ou ses ayants droit, est tenu de faire à la victime une offre d'indemnisation. Lorsque la demande a été rejetée, lorsqu'aucune offre n'a été faite ou lorsque celle-ci n'a pas été acceptée, la victime ou ses ayants droit peuvent agir en justice contre le fonds en saisissant la cour d'appel de Paris et former éventuellement un pourvoi devant la Cour de cassation.
Lorsque la somme offerte par le fonds a été acceptée par les intéressés ou lorsque la somme a été fixée par un arrêt de la cour d'appel de Paris ne faisant pas l'objet d'un pourvoi en cassation ou, encore, lorsque le pourvoi contre l'arrêt de cette cour a été rejeté par la Cour de cassation, tout ou partie du préjudice dont il est demandé réparation est effectivement et définitivement indemnisé par le fonds. En conséquence, il appartient au juge administratif, informé de cette circonstance, de déduire d'office la somme dont le fonds est ainsi redevable, de l'indemnité qu'il condamne la personne publique responsable du dommage à verser à la victime.
En revanche et eu égard aux objectifs d'indemnisation complète et rapide fixés par le législateur, dans les cas où la somme à verser par le fonds en réparation du préjudice invoqué n'a pas été définitivement arrêtée ou est susceptible d'être remise en cause, soit que le fonds saisi d'une demande n'y ait pas encore statué, soit que l'offre qu'il a faite soit contestée devant la cour d'appel de Paris, soit que l'arrêt de la cour d'appel accordant une indemnité soit frappé d'un recours en cassation, il appartient au juge administratif, depuis la publication le 17 juillet 1993 du décret précité du 12 juillet 1993, d'accorder une réparation intégrale du préjudice, en subrogeant, le cas échéant, l'Etat dans les droits de la victime à l'encontre du fonds.
3°- Les sommes offertes aux ayants-droit de la victime par le fonds au titre du préjudice personnel que leur a causé le décès de cette dernière ne peuvent être imputées par le juge sur l'indemnité qu'il met à la charge de la personne responsable en vue de réparer le seul préjudice subi directement par la victime représentée par ses ayants-droit et qui concerne un chef de préjudice différent.
Le présent avis sera notifié au tribunal administratif de Paris, aux consorts Y..., à M. A... et au ministre d'Etat, ministre des affaires sociales, de la santé et de la ville.
Il sera publié au Journal officiel de la République française.