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20/09/1993 | FRANCE | N°112635

France | France, Conseil d'État, 2 / 6 ssr, 20 septembre 1993, 112635


Vu l'ordonnance en date du 13 décembre 1989, enregistrée le 5 janvier 1990 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président du tribunal administratif de Bordeaux a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R.81 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, la demande présentée par la SOCIETE CHATEAU D'ARSAC ;
Vu la demande et le mémoire complémentaire enregistrés au greffe du tribunal administratif de Bordeaux, les 14 février et 18 avril 1989, présentée par la SOCIETE CHATEAU D'ARSAC dont le siège est Châtea

u d'Arsac, (33460) Margaux, représentée par son président en exe...

Vu l'ordonnance en date du 13 décembre 1989, enregistrée le 5 janvier 1990 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président du tribunal administratif de Bordeaux a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R.81 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, la demande présentée par la SOCIETE CHATEAU D'ARSAC ;
Vu la demande et le mémoire complémentaire enregistrés au greffe du tribunal administratif de Bordeaux, les 14 février et 18 avril 1989, présentée par la SOCIETE CHATEAU D'ARSAC dont le siège est Château d'Arsac, (33460) Margaux, représentée par son président en exercice et tendant :
1°) à l'annulation de la décision implicite par laquelle l'Institut National des Appellations d'Origine (INAO) a rejeté sa demande de modification de la délimitation parcellaire des terres bénéficiant de l'appellation d'origine contrôlée "Margaux" opérée par une délibération de l'INAO du 27 juin 1956 et a refusé de lui délivrer un certificat d'agrément lui permettant de mettre en circulation des vins bénéficiant de l'appellation d'origine contrôlée "Margaux" ;
2°) subsidiairement, à ce que soit désigné un expert afin de comparer le terroir et les vins du Château d'Arsac avec le terroir et les vins bénéficiant de l'appellation d'origine contrôlée "Margaux" ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 6 mai 1919 relative à la protection des appellations d'origine ;
Vu le décret-loi du 30 juillet 1935 modifié notamment par la loi n° 84-1008 du 16 novembre 1984 sur les appellations d'origine contrôlée ;
Vu le décret du 10 août 1954 définissant l'appellation d'origine contrôlée "Margaux" ;
Vu le décret n° 74-871 du 19 octobre 1974 relatif aux examens analytique et organoleptique des vins à appellation d'origine contrôlée ;
Vu le décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983 concernant les relations entre l'administration et les usagers ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Devys, Maître des requêtes,
- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la SOCIETE CHATEAU D'ARSAC et de Me Parmentier, avocat de l'Institut National des Appellations d'Origine des vins et eaux de vie,
- les conclusions de M. Abraham, Commissaire du gouvernement ;

Sur la recevabilité de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article 5 du décret du 28 novembre 1983 susvisé : "Les délais opposables à l'auteur d'une demande courent de la date de la transmission, à l'auteur de cette demande, d'un accusé de réception (...)" ;
Considérant que, par lettre en date du 14 juin 1988, la SOCIETE CHATEAU D'ARSAC a demandé à l'Institut National des Appellations d'Origine (INAO), d'une part, pour qu'y soit incluse tout ou partie es terres formant le domaine du même nom, la révision de la délimitation parcellaire de l'appelation d'origine Margaux approuvée le 27 juin 1956 par le comité national de l'établissement en application du décret du 10 août 1954 ayant créé ladite appellation, d'autre part, la délivrance d'un certificat d'agrément lui permettant de mettre en circulation sous cette appellation le vin produit sur le domaine ; qu'il est constant qu'aucun accusé de réception n'a été transmis par l'INAO à la société requérante ; qu'ainsi la demande enregistrée au greffe du tribunal administratif de Bordeaux le 14 février 1989 et dirigée contre la décision implicite de rejet née du silence gardé par l'Institut n'était pas tardive ; que, par ailleurs, et contrairement à ce que soutient l'INAO, cette demande renvoyée au Conseil d'Etat, en application de l'article R-81 du code des tribunaux administratifs, contient l'exposé des faits et moyens invoqués par la société au soutien de ses conclusions et ne s'analyse pas en une demande d'injonction adressée à l'administration ;
Sur la légalité de la décision attaquée en tant qu'elle rejette la demande de modification de la délimitation parcellaire de l'aire de production de l'appellation d'origine controlée "Margaux" :

Considérant qu'aux termes de l'article 21 du décret du 30 juillet 1935 relatif à la défense du marché du vin, dans sa rédaction issue de la loi du 16 novembre 1984 : "après avis des syndicats de défense intéressés, l'institut national des appellations d'origine délimite les aires de production donnant droit à appellation ... Les propositions de l'institut sont approuvées par décret ..." ; qu'en vertu de l'article 1er du décret du 10 août 1954 créant l'appellation d'origine "Margaux", ont droit à cette appellation les vins rouges répondant aux conditions de production déterminées par ce texte et provenant de récoltes effectuées sur les territoires de cinq communes, dont celle d'Arsac (Gironde), à l'exclusion des terrains qui, par la nature de leur sol ou leur situation, sont impropres à produire le vin de l'appellation" ;
Considérant qu'à l'appui de sa demande tendant à la révision de la délimitation parcellaire en cause, la société requérante a fait valoir, de façon précise et circontanciée, qu'une partie au moins des terrains formant le domaine du Château d'Arsac, dont il n'est pas contesté que les vins, antérieurement au décret du 10 août 1954, avaient été durant une longue période commercialisés sous l'appellation "Margaux", présentait des caractéristiques les rendant propres à produire des vins de l'appellation et que la circonstance qu'ils ont cependant été exclus en totalité de la délimitation parcellaire approuvée le 27 juin 1956 s'explique par l'abstention des précédents propriétaires, lesquels avaient alors renoncé à la production viticole ; que si l'INAO soutient de son côté que la commission d'experts chargés d'opérer la délimitation parcellaire de l'aire de production de l'appellation d'origine "Margaux" en a exclu les terres du Château d'Arsac pour des motifs "purement techniques", elle ne produit pas le rapport de cette commission, dont les conclusions auraient été présentées oralement au Comité National ayant approuvé les plans de cette délimitation ; qu'il ressort d'une étude faite en mai 1987 par le Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM) et versée au dossier par la société requérante qu'en ce qui concerne la composition géologique du sol et du sous-sol, les pentes, l'exposition, l'ensoleillement, différentes parcelles du domaine du Château d'Arsac "présentent des caractéristiques de terroir semblables à celles d'unités disséminées au sein de l'appellation d'origine controlée Margaux" ; que ces constatations, reposant sur une cinquantaine de sondages ou forages et sur des techniques d'investigations cartographique et informatique dont la valeur scientifique n'est pas contestée, ne sont pas réellement infirmées par un rapport, défavorable au classement des terres du Château d'Arsac dans l'aire de production de l'appellation d'origine "Margaux", établi le 11 octobre 1988, par le directeur de l'Institut de Géographie de l'Université de Bordeaux III ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en rejetant, dès lors, en totalité la demande de la société requérante tendant à ce que soit entreprise une modification de la délimitation parcellaire approuvée en 1956 de l'aire de production de l'appellation d'origine "Margaux", pour qu'y soit incluse tout ou partie des terres du Château d'Arsac, l'INAO a commis une erreur manifeste d'appréciation ; que la décision attaquée doit, dans cette mesure, être annulée ;
Sur la légalité de la décision attaquée en tant qu'elle rejette la demande de certificat d'agrément :
Considérant que les vins qui, conformément aux dispositions de l'article 1er du décret du 19 octobre 1974 ne peuvent être mis en circulation sans la délivrance préalable, à l'issue d'examens annuels analytiques et organoleptiques, de certificats d'agrément, sont ceux qui peuvent bénéficier d'une appellation d'origine contrôlée ; qu'à la date de la décision attaquée, les terres du domaine du Château d'Arsac n'étaient pas comprises dans l'aire de production de l'appellation d'origine contrôlée "Margaux" ; que la société requérante n'est, par suite, pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'INAO a rejeté sa demande tendant à la délivrance d'un certificat d'agrément lui permettant de mettre en circulation, sous cette appellation, les vins de son domaine ;
Article 1er : La décision implicite de l'Institut National des Appellations d'Origine est annulée en tant qu'elle rejette en totalité la demande de la SARL CHATEAU D'ARSAC du 14 juin 1988 tendant à ce que la délimitation parcellaire de l'aire de production de l'appellation d'origine "Margaux" soit modifiée pour y inclure tout ou partie des parcelles lui appartenant.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SARL CHATEAUD'ARSAC, à l'INAO et au ministre de l'agriculture et de la pêche.


Synthèse
Formation : 2 / 6 ssr
Numéro d'arrêt : 112635
Date de la décision : 20/09/1993
Sens de l'arrêt : Annulation partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITE DES ACTES ADMINISTRATIFS - MOTIFS - ERREUR MANIFESTE - EXISTENCE - Agriculture - Rejet d'une demande de modification de la délimitation parcellaire de l'aire de production de l'appellation d'origine contrôlée "Margaux".

01-05-04-01, 03-05-06-02-01(2) La société requérante demande la révision de la délimitation parcellaire de l'aire de production de l'appellation d'origine contrôlée "Margaux", en faisant valoir, de façon précise et circonstanciée, qu'une partie au moins des terrains lui appartenant, dont les vins, antérieurement au décret du 10 août 1954 créant l'appellation d'origine "Margaux", étaient commercialisés sous l'appellation "Margaux", présente des caractéristiques les rendant propres à produire des vins de l'appellation. Il ressort d'une étude du Bureau de recherches géologiques et minières que ce domaine présente "des caractéristiques de terroir semblables à celles d'unités disséminées au sein de l'appellation d'origine contrôlée Margaux". Ces constatations, dont la valeur scientifique n'est pas contestée, ne sont pas réellement infirmées par un rapport, défavorable à ce classement, du directeur de l'Institut de géographie de l'université de Bordeaux III. Par suite, l'INAO a commis une erreur manifeste d'appréciation.

AGRICULTURE - PRODUITS AGRICOLES - VINS ET ALCOOLS - CONTENTIEUX DES APPELLATIONS - APPELLATION D'ORIGINE CONTROLEE (1) - RJ1 Compétence à l'intérieur de la juridiction administrative - Refus de réviser la délimitation parcellaire d'un vin et de délivrer un certificat d'agrément - Compétence du Conseil d'Etat en premier et dernier ressort (1) - (2) Rejet d'une demande de modification de la délimitation parcellaire de l'aire de production de l'appellation "Margaux" - Erreur manifeste d'appréciation.

03-05-06-02-01(1), 17-05-02-07 La décision par laquelle l'Institut national des appellations d'origine refuse implicitement de faire droit à une demande de révision de la délimitation parcellaire d'un vin d'appellation d'origine et de délivrance d'un certificat d'agrément permettant de mettre en circulation le vin produit sous cette appellation ressortit à la compétence du Conseil d'Etat en premier et dernier ressort (sol. impl.).

- RJ1 COMPETENCE - COMPETENCE A L'INTERIEUR DE LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE - COMPETENCE DU CONSEIL D'ETAT EN PREMIER ET DERNIER RESSORT - DECISIONS ADMINISTRATIVES DES ORGANISMES COLLEGIAUX A COMPETENCE NATIONALE - Décision de l'Institut national des appellations d'origine refusant de réviser la délimitation parcellaire d'un vin d'appellation d'origine et de délivrer un certificat d'agrément (sol - impl - ) (1).


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R-81
Décret du 10 août 1954 art. 1
Décret 74-871 du 19 octobre 1974 art. 1
Décret 83-1025 du 28 novembre 1983 art. 5
Décret-loi du 30 juillet 1935 art. 21
Loi 84-1008 du 16 novembre 1984

1.

Cf. pour une décision de l'I.N.A.O. relative à la délimitation d'une aire de production, 1992-02-24, Epoux Giraud, T. p. 736


Publications
Proposition de citation : CE, 20 sep. 1993, n° 112635
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Bauchet
Rapporteur ?: M. Devys
Rapporteur public ?: M. Abraham

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1993:112635.19930920
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