Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 3 août 1992 et 15 octobre 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Syed Iqbal Y..., détenu à la maison d'arrêt de la Santé à Paris (75013) ; M. Y... demande que le Conseil d'Etat annule le décret du 2 juin 1992 accordant son extradition aux autorités belges ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention d'extradition conclue entre la France et la Belgique le 15 août 1874 ;
Vu la loi du 10 mars 1927 ;
Vu la loi du 11 juillet 1979 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Chauvaux, Auditeur,
- les observations de Me Choucroy, avocat de M. Syed Iqbal Y...,
- les conclusions de M. Vigouroux, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il résulte d'une ampliation délivrée le 14 août 1992 et certifiée conforme à l'original par le secrétaire général du gouvernement que le décret attaqué porte la signature de M. Z..., ministre de la justice ; qu'ainsi le moyen tiré de ce qu'il aurait été signé par M. X... à une date à laquelle ce dernier n'exerçait plus les fonctions de ministre de la justice manque en fait ;
Considérant que le décret vise la demande d'extradition et énumère les infractions pour lesquelles l'intéressé est recherché par la justice belge ; qu'il constate que les faits pour lesquels l'extradition est accordée répondent aux exigences posées par l'article 2 de la convention franco-belge d'extradition ; qu'ils sont punissables en droit français et ne sont pas prescrits ; qu'il affirme que ces faits n'ont pas un caractère politique et qu'il n'apparaît pas que la demande d'extradition ait été présentée dans un but politique ; que le décret satisfait ainsi aux exigences des articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979 ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, conformément aux exigences de l'article 5 de la convention franco-belge d'extradition du 15 août 1874, la demande d'extradition était accompagnée du mandat d'arrêt délivré par les autorités judiciaires belges à l'encontre de M. Y... et que ce document comportait l'indication précise des faits motivant les poursuites ; que si l'article 5 de la convention prévoit que la demande d'extradition sera accompagnée, "autant que possible" du signalement de l'individu réclamé, l'absence de ce signalement n'a pas entaché la régularité de la demande, qui comportait tous les éléments nécessaires à l'identification de l'intéressé ;
Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article 1er de la convention franco-belge d'extradition du 15 août 1874 : " ... lorsque le crime ou le délit motivant la demande d'extradition aura été commis hors du territoire du gouvernement requérant, il pourra être donné suite à cette demande, si la législation du pays requis autorise la poursuite des mêmes infractions commises hors de son territoire" ; que M. Y... citoyen britannique, est poursuivi par les autorités judiciaires belges pour avoir recelé sur le territoire de la République fédérale d'Allemagne des titres financiers provenant de soustractions frauduleuses commises à Bruxelles ; que si, au regard du droit français, la juridiction française est incompétente pour connaître de faits commis à l'étranger par un étranger, il en va autrement lorsque ces faits forment un tout indivisible avec des infractions dont ladite juridiction est légalement saisie ; qu'il ressort des pièces du dossier que les faits de recel reprochés à M. Y... forment un tout indivisible avec les faits de soustraction frauduleuse commis à Bruxelles et qui relèvent de la compétence des tribunaux belges ; que, dès lors, les conditions posées par les stipulations précitées de l'article 1er de la convention franco-belge d'extradition étaient remplies ;
Considérant qu'aucune stipulation de la convention franco-belge d'extradition non plus qu'aucun principe général du droit ne font, en tout état de cause, obstacle à ce que l'extradition soit accordée lorsque les autorités d'un Etat tiers ont, comme en l'espèce, décidé de suspendre l'enquête sur les faits à raison desquels elle est demandée ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Y... n'est pas fondé à demander l'annulation du décret attaqué ;
Article 1er : La requête de M. Y... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Y... et au ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice.