Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 7 janvier 1992 et 6 mai 1992, présentés pour le comité central d'entreprise de la Société d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes (SEITA), dont le siège est situé ... ; le comité central d'entreprise de la Société d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes (SEITA) demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule la décision en date du 7 novembre 1991 de transférer le siège et les services centraux de la Société d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes à Angoulème ;
2°) décide qu'il sera sursis à l'exécution de ladite décision ;
3°) condamne l'Etat à lui verser une somme de 16 674 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 84-603 du 13 juillet 1984 créant une société d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes (SEITA) ;
Vu le décret du 31 décembre 1984 approuvant les statuts de la Société d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes (SEITA) ;
Vu le décret n° 60-1219 du 19 novembre 1960 modifié portant création d'un comité interministériel permanent pour les problèmes d'action régionale et d'aménagement du territoire ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Hirsch, Maître des requêtes,
- les observations de la S.C.P. Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat du comité central d'entreprise de la Société d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes (SEITA),
- les conclusions de M. Schwartz, Commissaire du gouvernement ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre du budget :
Considérant que si le ministre du budget soutient que le décret susvisé du 19 novembre 1960 ne donne compétence au comité interministériel pour l'aménagement du territoire que pour préparer les décisions du gouvernement en matière d'aménagement du territoire, il ressort des pièces du dossier et notamment tant du compte rendu du comité interministériel qui s'est tenu le 7 novembre 1991 que du communiqué publié par le Premier ministre, que celui-ci, à l'issue de ce comité interministériel, a bien entendu décider le transfert de la Société d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes à Angoulême ; que si le Premier ministre a prévu d'arrêter ultérieurement le calendrier du transfert de cette société, il n'a pas entendu subordonner la réalisation effective de ce transfert à l'intervention d'une autre décision ; que le ministre chargé du budget a, au contraire, immédiatement donné instruction au président-directeur général de la société de prendre les dispositions nécessaires à la mise en oeuvre de la décision de transfert ; qu'ainsi, la décision du Premier ministre prise lors de la réunion du comité interministériel qui s'est tenue le 7 novembre 1991 et rendue publique par un communiqué du même jour ne constituait pas une simple mesure préparatoire mais avait le caractère d'une décision susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par le ministre du budget doit être écartée ;
Sur la légalité de la décision attaquée :
Considérant que les statuts de la Société d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes approuvés par le décret susvisé du 31 décembre 1984 prévoient que le siège social de cette société est fixé à Paris au ... ; que, selon l'article 4 des mêmes statuts, ce siège pourra être transféré en tout endroit de la même ville ou d'un département limitrophe par simple décision du conseil d'administration, sous réserve de ratification par la plus prochaine assemblée générale ;
Considérant que le transfert du siège de la société d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes dans une commune n'appartenant pas à un département limitrophe de Paris ne pouvait intervenir qu'à la suite d'une modification des statuts de cette société ; qu'aux termes de l'article 32 de ces statuts, une telle modification ne peut être décidée que par l'assemblée générale de la société, à l'initiative du conseil d'administration ou de l'actionnaire ; que, par suite, le Premier ministre n'était pas compétent pour décider le transfert du siège de la société d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes à Angoulême ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le comité central d'entreprise de la Société d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes est fondé à demander l'annulation de la décision du Premier ministre en date du 7 novembre 1991 de transférer le siège de la Société d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes à Angoulême ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser au comité central d'entreprise de la Société d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes la somme de 16 674 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Article 1er : La décision du Premier ministre en date du 7 novembre 1991 de transférer le siège de la Société d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes à Angoulême est annulée.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser au comité central d'entreprise de la Société d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes la somme de 16 674 F.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au comité centrald'entreprise de la Société d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes (SEITA), au Premier ministre et au ministre de l'économie et des finances.