Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 3 février 1988 et 24 mai 1988, présentés pour M. Norbert X..., demeurant à Rocbaron Forcalqueiret (83147) ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 23 novembre 1987 par lequel le tribunal administratif de Nice a, d'une part, rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 26 septembre 1984 du préfet, commissaire de la République du département du Var autorisant le reboisement d'office, à ses frais, d'une surface de 70 ares faisant partie des parcelles cadastrées 182, 185 et 187, section L, sises au ... pour requête abusive ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 26 septembre 1984 précité du préfet, commissaire de la République du département du Var ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code forestier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Frydman, Maître des requêtes,
- les observations de Me Choucroy, avocat de M. Norbert X...,
- les conclusions de M. Pochard, Commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions dirigées contre l'article 1er du jugement attaqué :
Considérant que l'article L.311-1 du code forestier interdit à tout particulier d'arracher ou de défricher ses bois sans avoir préalablement obtenu une autorisation administrative ; qu'aux termes des premier et deuxième alinéas de l'article L.313-1 du même code, dans leur rédaction applicable à la date des faits de l'espèce : "En cas d'infraction aux dispositions de l'article L.311-1, le propriétaire est condamné à une amende calculée à raison de 1 800 à 8 000 F par hectare de bois défriché. Le propriétaire doit, en outre, s'il en est ainsi ordonné par l'autorité administrative, rétablir les lieux en nature de bois dans le délai que fixe cette autorité (...)" et qu'aux termes de l'article L.313-3 : "Faute par le propriétaire d'effectuer la plantation ou le semis prévus au deuxième alinéa de l'article L.313-1 dans le délai prescrit, il y est pourvu à ses frais par l'administration qui arrête le mémoire des travaux faits et le rend exécutoire contre le propriétaire." ;
Considérant que, par un arrêté en date du 13 juin 1983, pris sur le fondement du deuxième alinéa de l'article L.313-1 précité, le préfet, commissaire de la République du département du Var a ordonné à M. X... de rétablir en nature de bois une surface de 70 ares, faisant partie des parcelles cadastrées 182, 185 et 187, section L, sises au lieu-dit Ginestone, sur le territoire de la commune de Roquebrune-sur-Arges (Var), dont les peuplements avaient été arrachés sans qu'eût été préalablement obtenue l'autorisation administrative prévue à l'article L.311-1 ; que, par l'arrêté attaqué, en date du 26 septembre 1984, le préfet, commissaire de la République a, sur le fondement de l'article L.313-3, et faute pour l'intéressé d'avoir effectué les plantations ou semis requis dans le délai fixé à cet effet par le précédent arrêté, prescrit le reboisement d'office, aux frais de M. X..., des terrains en cause ;
Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de procès-verbaux établis par un agent assermenté de la direction départementale de l'agriculture du Var, que les parcelles de terrains susmentionnées, qui sont situées dans le massif forestier des Maures, étaient en nature de bois ; que la circonstance, à la supposer établie, que les peuplements implantés sur lesdites parcelles aient été de qualité médiocre ne saurait être par elle-même susceptible de remettre en cause cette nature ;
Considérant, en second lieu, que si l'article L.311-2 du code forestier excepte du champ d'application des dispositions de l'article L.311-1 certains bois de moins de 4 hectares, il est constant que le défrichement effectué par le requérant affectait, alors même qu'il ne portait que sur une superficie de 70 ares, un bois dont la contenance excédait, pour sa part, 4 hectares ; que les prescriptions dudit article L.311-2 ne trouvaient donc pas application en l'espèce ;
Considérant, en troisième lieu, que les opérations qui ont pour effet de détruire l'état boisé d'un terrain et de mettre fin à sa destination forestière constituent des défrichements, sans qu'il y ait lieu de prendre en considération les fins en vue desquelles ces opérations sont entreprises ou les motifs qui inspirent celui qui en prend l'initiative ; qu'ainsi, M. X... ne saurait en tout état de cause utilement se prévaloir, pour soutenir que les travaux exécutés échapperaient au champ d'application des dispositions précitées du code forestier, de la circonstance que ceux-ci auraient eu pour seul objet d'établir des chemins d'accès appelés à desservir une autre partie de sa propriété ;
Considérant, en quatrième lieu, que l'arrêté préfectoral attaqué ayant été pris sur le seul fondement de l'article L.313-3 précité du code forestier, et non, comme le soutient le requérant, sur celui de l'article R.130-23 du code de l'urbanisme, le moyen tiré de l'illégalité prétendue de cette dernière disposition est en tout état de cause inopérant ;
Considérant, enfin, qu'il résulte des termes mêmes de l'article L.313-3 précité que l'arrêté préfectoral prescrivant le reboisement par l'administration de bois illégalement défrichés en cas d'inexécution, dans les délais impartis, de l'arrêté ayant préalablement ordonné le reboisement par le propriétaire, n'est subordonné à l'intervention d'aucune décision de l'autorité judiciaire autre que la condamnation pénale prévue au premier alinéa de l'article L.313-1 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté précité du préfet, commissaire de la République du département du Var en date du 26 septembre 1984 ;
Sur les conclusions dirigées contre l'article 2 du jugement attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article R.77-1 du code des tribunaux administratifs, applicable à la date de la demande formée par M. X... devant le tribunal administratif de Nice : "Dans le cas de requête jugée abusive, son auteur encourt une amende qui ne peut excéder 10 000 F" ; qu'en l'espèce, ladite demande présentait un caractère abusif ; que, dès lors, le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, les premiers juges l'ont condamné à une amende de 2 000 F ;
Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. X... et au ministre de l'agriculture et du développement rural.