Vu 1°) sous le n° 124 069 la requête, le mémoire, les observations complémentaires et le mémoire aux fins de sursis à exécution enregistrés les 15 mars 1991, 10 juillet 1991 et 19 février 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour : - la COMMUNE DE FRICHEMESNIL, représentée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité à la mairie de Frichemesnil (76690) ; - l'ASSOCIATION DE DEFENSE DE LA HOUSSAYE-BERANGER, représentée par son président en exercice, domicilié en cette qualité à la Houssaye-Béranger (76690) ; - l'ASSOCIATION DE DEFENSE DE LOEUILLY-ETAIMPUIS, représentée par son président en exercice, domicilié en cette qualité à Etaimpuis (76850) ; - le COMITE DE DEFENSE DE L'ENVIRONNEMENT DE FRICHEMESNIL, représenté par son président en exercice, domicilié en cette qualité à Frichemesnil (76690) ; - M. Joël B..., demeurant à la Houssaye-Béranger (76690) ; - M. Norbert C..., demeurant à la Houssaye-Béranger (76690) ; - M. Jean de X..., demeurant à Frichemesnil (76690) ; - M. Jean-Pierre Z..., demeurant à Frichemesnil (76690) ; - M. André Y..., demeurant à Frichemesnil (76690) ; les requérants demandent que le Conseil d'Etat :
1/ annule le décret du 16 janvier 1991 déclarant d'utilité publique et urgents les travaux de construction de la section Le Havre (route industrielle) - A 28 (Saint-Saëns) de l'autoroute A 29 et mettant en compatibilité les plans d'occupation des sols de diverses communes ;
2/ ordonne le sursis à exécution dudit décret ;
Vu, 2°) sous le n° 124 071, la requête, le mémoire complémentaire et le mémoire aux fins de sursis à exécution enregistrés les 15 mars et 12 juillet 1991, au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour : - la FEDERATION NATIONALE DES INDUSTRIES CHIMIQUES C.G.T. dont le siège social se trouve ..., agissant poursuites et diligences de son secrétaire général en exercice M. Jean E... ; - le SYNDICAT C.G.T. DU COMPLEXE ATOCHEM dont le siège se trouve à Gonfreville l'Orcher B.P. 86 (zone industrielle portuaire du Havre) à Harfleur (76700), agissant poursuites et diligences de son secrétaire général en exercice M. Lucien D... ; - le COMITE D'ETABLISSEMENT ATOCHEM GROUPE ELF AQUITAINE dont le siège se trouve à Gonfreville l'Orcher B.P. 86 (zone industrielle portuaire du Havre) à Harfleur (76700) ; - le C.R.D. TOTAL FRANCE C.G.T. dont le siège social se trouve B.P. 98 Gonfreville l'Orcher (76700) Harfleur, agissant poursuites et diligences de son secrétaire général en exercice M. Micbel A... ; les requérants demandent que le Conseil d'Etat :
1/ annule le décret du 16 janvier 1991 déclarant d'utilité publique et urgents les travaux de construction de la section Le Havre (route industrielle) - A 28 (Saint-Saëns) de l'autoroute A 29 et mettant en compatibilité les plans d'occupation des sols de diverses communes ;
2/ ordonne le sursis à exécution dudit décret ;
Vu, 3°) sous le n° 124 132 la requête et le mémoire complémentaire enregistrés les 18 mars et 18 juillet 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la CONFEDERATION DES ASSOCIATIONS ET COMITES DE L'A 29 dont le siège est à Hautot-le-Votais (76190) représentée par son président en exercice ; la requérante demande que le Conseil d'Etat :
1/ annule le décret du 16 janvier 1991 déclarant d'utilité publique et urgents les travaux de construction de la section Le Havre (route industrielle) - A 28 (Saint-Saëns) de l'autoroute A 29 et mettant en compatibilité les plans d'occupation des sols de diverses communes ;
2/ ordonne le sursis à exécution dudit décret ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la Constitution ;
Vu le Traité de Rome instituant la Communauté Economique Européenne ;
Vu la directive CEE n° 85-337 du 27 juin 1985 ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
Vu la loi n° 83-630 du 12 juillet 1983 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le décret n° 55-1064 du 4 août 1955 ;
Vu le décret n° 77-1141 du 12 octobre 1977 ;
Vu le décret n° 85-453 du 23 avril 1985 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Devys, Auditeur,
- les observations de Me Odent, avocat de la COMMUNE DE FRICHEMESNIL et de la S.C.P. Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la CONFEDERATION DES ASSOCIATIONS ET COMITE DE L'A 29,
- les conclusions de M. Dutreil, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes susvisées sont dirigées contre un même décret ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des requêtes :
Sur le contreseing :
Considérant qu'aux termes de l'article 22 de la Constitution du 4 octobre 1958 : "Les actes du Premier ministre sont contresignés le cas échéant par les ministres chargés de leur exécution" ;
Considérant que ni la déclaration d'utilité publique, ni la notice annexée au décret attaqué n'impliquent nécessairement l'intervention de mesures réglementaires ou individuelles que les ministres de la recherche et de la technologie et de l'industrie et le ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé de l'environnement et de la prévention des risques technologiques et naturels majeurs seraient compétents pour signer ou contresigner ;
Sur la consultation du conseil régional :
Considérant, d'une part, que si, en vertu de l'article 8 de la loi du 5 juillet 1972 susvisée, le conseil régional est obligatoirement consulté sur "les problèmes de développement ou d'aménagement de la région", la construction d'une autoroute entre Le Havre et Saint-Saëns n'a pas le caractère d'un problème de développement ou d'aménagement régional au sens des dispositions de la loi précitée, sur lequel le conseil régional de Haute-Normandie devait donner son avis ;
Considérant, d'autre part, que si, aux termes de l'article L. 123-8 du code de l'urbanisme : "La déclaration d'utilité publique d'une opération qui n'est pas compatible avec les dispositions d'un plan d'occupation des sols rendu public ou approuvé ne peut intervenir que si (...) - l'acte déclaratif d'utilité publique est pris après que les dispositions proposées par l'Etat pour assurer la mise en compatibilité du plan ont fait l'objet d'un examen conjoint de l'Etat, de la commune (...), de la région (...)", il résulte des pièces du dossier que la région Haute-Normandie a été associée aux réunions organisées en application de l'article L. 123-8 précité du code de l'urbanisme ;
Sur la procédure préalable à l'enquête :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 11-14-3 du code de l'expropriation, le préfet "saisit, en vue de la désignation d'un commissaire enquêteur ou d'une commission d'enquête, le président du tribunal administratif (...) et lui adresse à cette fin une demande précisant l'objet de l'enquête ainsi que la période retenue (...). Le président du tribunal administratif (...) désigne dans un délai de quinze jours un commissaire enquêteur ou les membres, en nombre impair, d'une commission d'enquête (...)" et qu'aux termes de l'article R.11-14-5 : "le préfet, après consultation du commissaire enquêteur ou du président de la commission d'enquête précise par arrêté : 1°) l'objet de l'enquête (...)" ;
Considérant qu'il résulte du dossier que le préfet de Seine-Maritime a, par un arrêté en date du 13 novembre 1989, prescrit une enquête portant sur l'utilité publique de la construction de la section Le Havre (route industrielle) - A 28 (Saint-Saëns) de l'autoroute A 29, le changement d'utilisation des zones du domaine public maritime et la modification du plan d'occupation des sols de diverses communes de Seine-Maritime ; que la circonstance que l'objet de l'arrêté précité ne soit pas identique à celui décrit par l'ordonnance du président du tribunal administratif désignant les membres de la commission d'enquête et le fait que l'arrêté ait été signé avant la fin de la concertation prévue à l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme sont sans incidence sur la légalité du décret attaqué ;
Considérant qu'il résulte des articles R. 11-14-7 et R. 11-14-13, d'une part, que l'avis d'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique d'une opération d'importance nationale est publié dans deux journaux régionaux ou locaux et deux journaux à diffusion nationale ainsi que par voie d'affiches au minimum dans toutes les communes sur le territoire desquelles l'opération doit avoir lieu, d'autre part, que la décision de la commission d'enquête de proroger l'enquête est portée a la connaissance du public par la voie de l'affichage dans les communes concernées ; qu'il est constant que l'avis d'enquête a été publié dans deux journaux régionaux et deux journaux nationaux dans les conditions fixées par l'article R. 11-14-7 précité ; que si les requérants soutiennent que cet avis n'était pas affiché, le 19 décembre 1989, sur l'emplacement prévu à cet effet dans deux des communes concernées, ils n'établissent ni que l'avis n'était pas affiché sur d'autres emplacements, ni que le public n'a pas été en mesure de faire connaître ses observations sur le projet ; qu'il résulte des dispositions susrappelées du code de l'expropriation que l'expropriant n'était pas tenu de publier par voie de presse la décision prise par la commission de proroger l'enquête ;
Sur la composition du dossier d'enquête :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 11-3 du code de l'expropriation : "L'expropriant adresse au préfet pour être soumis à l'enquête un dossier qui comprend obligatoirement : I. Lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de la réalisation de travaux ou d'ouvrages : 1°) une notice explicative ; 2°) un plan de situation ; 3°) le plan général des travaux ; 4°) les caractéristiques principales des ouvrages les plus importants ; 5°) l'appréciation sommaire des dépenses ; 6°) l'étude d'impact définie à l'article 2 du décret n° 77-1141 du 12 octobre 1977 lorsque les ouvrages et travaux n'en sont pas dispensés (...) et qu'aux termes de l'article 2 du décret du 12 octobre 1977 : "L'étude d'impact présente successivement : 1°) une analyse de l'état initial du site et de l'environnement (...) 2°) une analyse des effets sur l'environnement (...) 3°) les raisons pour lesquelles le projet présenté a été retenu ; 4°) les mesures envisagées par le maître de l'ouvrage ou le pétitionnaire pour supprimer, réduire et, si possible, compenser les conséquences dommageables du projet sur l'environnement, ainsi que l'estimation des dépenses correspondantes" ;
Considérant qu'il ressort clairement de l'article 189 du traité du 25 mars 1957 que si les directives lient les Etats membres "quant au résultat à atteindre" et si, pour atteindre le résultat qu'elles définissent, les autorités nationales sont tenues d'adapter la législation et la réglementation des Etats membres aux directives qui leur sont destinées, ces autorités restent seules compétentes pour décider de la forme à donner à l'exécution des directives et pour fixer elles-mêmes, sous le contrôle des juridictions nationales, les moyens propres à leur faire produire des effets en droit interne ; qu'ainsi, quelles que soient d'ailleurs les précisions qu'elles contiennent à l'intention des Etats membres, les directives ne sauraient être invoquées par les ressortissants de ces Etats à l'appui d'un acte administratif non réglementaire ; qu'il suit de là que les requérants ne peuvent utilement soutenir que l'étude d'impact jointe au dossier d'enquête méconnaît les dispositions de la directive du 27 juin 1985 susvisée ;
Considérant que la notice explicative que comprenait le dossier soumis à enquête préalable à la déclaration d'utilité publique comportait toutes précisions nécessaires sur l'objet de l'opération, indiquait les raisons pour lesquelles le projet présenté avait été retenu, décrivait les caractéristiques des ouvrages les plus importants, la nature et la localisation des travaux envisagés ; qu'il n'est pas établi que l'évaluation des dépenses ait été entachée d'erreurs de nature à vicier la procédure ; que l'étude d'impact analysait les effets sur les ressources en eau affectées par le tracé retenu, les risques à proximité du Havre ainsi que les moyens d'y remédier ; qu'en outre, deux études réalisées par le Commissariat à l'énergie atomique et concernant les risques créés par l'existence de deux établissements industriels situés à proximité du tracé ainsi qu'une lettre du préfet en réponse aux questions de la commission d'enquête sur les autres installations de la zone ont été mises à la disposition du public ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne faisait obligation à l'auteur du décret attaqué de procéder à une enquête hydraulique ;
Sur la régularité de l'enquête :
Considérant que si, contrairement aux dispositions de l'arrêté préfectoral prescrivant l'enquête, la mairie de deux des communes concernées aurait été fermée pendant plusieurs des permanences qui devaient être assurées, il n'est pas établi que certaines personnes ont été privées du droit de consulter le dossier ; qu'ainsi, cette circonstance, eu égard, en outre, au fait que les fermetures auraient eu lieu pendant les congés de fin d'année et que l'enquête a duré 57 jours, n'est pas de nature à entacher d'irrégularité la procédure ;
Considérant que si les requérants soutiennent que l'enquête publique aurait dû porter sur la mise en compatibilité du plan d'occupation des sols de la commune de Gonfreville l'Orcher, il ressort des pièces du dossier que le projet ne traverse pas cette commune ;
Considérant que la commission d'enquête a émis un avis favorable au projet ; que cet avis est motivé ; que la circonstance que l'avis de la commission, également favorable, et relatif à la mise en compatibilité des plans d'occupation des sols des communes concernées qu'emporte le décret ne soit pas spécialement motivé est sans incidence sur la légalité du décret attaqué ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la conférence mixte à l'échelon central a examiné le projet dans les conditions fixées par la loi du 29 novembre 1952 et le décret du 4 août 1955 susvisés ;
Considérant que le schéma directeur de la région du Havre a été modifié, en vue de permettre la réalisation du projet d'autoroute, par arrêté du préfet de la Seine-Maritime en date du 8 août 1990 après que le ministre a déclaré le projet d'autoroute projet d'intérêt général par une décision en date du 19 juillet 1988 ; que cette modification est intervenue conformément aux dispositions de l'article L. 122-1-4 du code de l'urbanisme et sans méconnaître les dispositions de l'article L. 121-10 et L. 122-1 du même code ; que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, le projet est compatible avec le schéma ainsi modifié ;
Sur le bilan :
Considérant que le projet de construction de la section Le Havre (route industrielle) A 28 (Saint-Saëns) de l'autoroute A 29 répond à la nécessité de désenclaver le port du Havre et de desservir le littoral normand ; que cette autoroute permettra, en outre, de relier l'Ouest de la France au Nord de l'Europe ; qu'eu égard tant à l'importance de l'opération qu'aux précautions prises, la circonstance que le tracé retenu porte atteinte à l'environnement et soit source de nuisances sonores pour les pensionnaires de la maison de retraite de Saint-Joseph dans la descente du vallon de Rogerville ne sont pas de nature à lui retirer son caractère d'utilité publique ; qu'eu égard aux études et mesures qui devront être prises en application de la notice annexée au décret et qui concernent l'implantation de l'ouvrage dans la zone industrielle du Havre, le développement futur de cette dernière et la sécurité des installations, la circonstance que l'autoroute traverse la zone industrielle du Havre, n'est pas, non plus, de nature à lui ôter ce caractère ; que si les requérants soutiennent que d'autres tracés auraient offert de plus grands avantages que le tracé retenu, il n'appartient pas au Conseil d'Etat, statuant au Contentieux, d'apprécier l'opportunité de ce dernier ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il y ait lieu d'ordonner le supplément d'instruction sollicité, que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation du décret attaqué ;
Article 1er : Les requêtes susvisées de la COMMUNE DE FRICHEMESNIL, de l'ASSOCIATION DE DEFENSE DE LA HOUSSAYE-BERANGER, de l'ASSOCIATION DE DEFENSE DE LOEUILLY-ETAIMPUIS, du COMITE DE DEFENSE DE L'ENVIRONNEMENT DE FRICHEMESNIL, de MM. Joël B..., Norbert C..., Jean de X..., Jean-Pierre Z..., André Y..., de la FEDERATION NATIONALE DES INDUSTRIES CHIMIQUES CGT, du SYNDICAT CGT DU COMPLEXE ATOCHEM, du COMITE D'ETABLISSEMENT ATOCHEM GROUPE ELF AQUITAINE, du CRD TOTAL FRANCE CGT, de la CONFEDERATION DES ASSOCIATIONS ET COMITES DE L'A 29 sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE FRICHEMESNIL, à l'ASSOCIATION DE DEFENSE DE LA HOUSSAYE-BERANGER, à l'ASSOCIATION DE DEFENSE DE LOEUILLY-ETAIMPUIS, au COMITE DE DEFENSE DE L'ENVIRONNEMENT DE FRICHEMESNIL, à MM. Joël B..., Norbert C..., Jean de X..., Jean-Pierre Z..., André Y..., à la FEDERATION NATIONALE DES INDUSTRIES CHIMIQUES CGT, au SYNDICAT CGT DU COMPLEXE ATOCHEM, au COMITE D'ETABLISSEMENT ATOCHEM GROUPE ELF AQUITAINE, au CRD TOTAL FRANCE CGT, à la CONFEDERATION DES ASSOCIATIONS ET COMITES DE L'A 29 et au ministre de l'équipement, du logement et des transports.