Vu, 1°), sous le n° 115 367 la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 12 mars 1990 et 9 juillet 1990 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la LIGUE INTERNATIONALE CONTRE LE RACISME ET L'ANTISEMITISME, dont le siège social est au ... ; la LIGUE INTERNATIONALE CONTRE LE RACISME ET L'ANTISEMITISME demande que le Conseil d'Etat annule pour excès de pouvoir le décret n° 90-115 du 2 février 1990 portant application aux juridictions du troisième alinéa de l'article 31 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'information, aux fichiers et aux libertés ;
Vu, 2°), sous le n° 115 397, la requête enregistrée le 13 mars 1990, présentée par M. Daniel Z..., demeurant ...Hôpital à Paris (75013) ; M. Z... demande que le Conseil d'Etat annule les décrets n° 90-115 du 2 février, 90-184 et 90-185 du 27 février 1990 :
Vu, 3°), sous le n° 115 881, la requête, enregistrée le 9 avril 1990, présentée pour l'ORDRE DES AVOCATS AU BARREAU DE LA GUADELOUPE, dont le siège est Maison de l'avocat, 2, place de l'Eglise à Pointe-à-Pitre (97110), représenté par son Bâtonnier en exercice ; l'ORDRE DES AVOCATS DE LA GUADELOUPE demande que le Conseil d'Etat annule le décret du 2 février 1990 ;
Vu 4°), sous le n° 115 884, la requête enregistrée le 4 avril 1990, présentée pour la CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL, dont le siège est ... ; la CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL demande que le Conseil d'Etat annule le décret du 2 février 1990 ;
Vu 5°) sous le n° 115 886, la requête sommaire enregistrée le 4 avril 1990, présentée par le MOUVEMENT CONTRE LE RACISME ET POUR L'AMITIE ENTRE LES PEUPLES, dont le siège social est ... ; le MOUVEMENT CONTRE LE RACISME ET POUR L'AMITIE ENTRE LES PEUPLES demande que le Conseil d'Etat annule le décret du 2 février 1990 ;
Vu, 6°), sous le n° 115 906, la requête enregistrée le 5 avril 1990, présentée par M. Jérôme X..., demeurant ... ; M. X... demande que le Conseil d'Etat annule le décret du 2 février 1990, ensemble l'arrêté du 2 février 1990 du vice-président du Conseil d'Etat ;
Vu, 7°), sous le n° 115 907, la requête enregistrée le 5 avril 1990, présentée par l'UNEF, dont le siège est ... ; l'UNEF demande que le Conseil d'Etat annule le décret du 2 février 1990, ensemble l'arrêté du 2 février 1990 ;
Vu, 8°), sous le n° 115 908, la requête enregistrée le 5 avril 1990, présentée par l'UNEF-ID dont le siège est ...
175010) ; l'UNEF-ID demande que le Conseil d'Etat annule le décret du 2 février 1990, ensemble l'arrêté du 2 février 1990 ;
Vu, 9°), sous le n° 115 909, la requête enregistrée le 5 avril 1990, présentée par INTERCAPA, dont le siège est à la faculté de droit de Paris ; INTERCAPA demande que le Conseil d'Etat annule le décret du 2 février 1990, ensemble l'arrêté du 2 février 1990 ;
Vu, 10°), sous le n° 115 910, la requête enregistrée le 5 avril 1990, présentée par la COORDINATION DES COMMISSIONS DE PARIS DE L'UNION NATIONALE DES ETUDIANTS DU MAROC, dont le siège est ... à Levallois-Perret 192300) ; la COORDINATION DES COMMISSIONS DE PARIS DE L'UNION NATIONALE DES ETUDIANTS DU MAROC demande que le Conseil d'Etat annule le décret du 2 février 1990, ensemble l'arrêté du 2 février 1990 ;
Vu, 11°), sous le n° 115 911, la requête enregistrée le 5 avril 1990, présentée par SOS-RACISME, dont le siège est ... ; SOS-RACISME demande que le Conseil d'Etat annule le décret du 2 février 1990, ensemble l'arrêté du 2 février 1990 ;
Vu, 12°), sous le n° 115 912, la requête enregistrée le 5 avril 1990 présentée par ALTERNATIVE ROUGE ET VERTE, dont le siège est ... ; ALTERNATIVE ROUGE ET VERTE demande que le Conseil d'Etat annule le décret du 2 février 1990, ensemble l'arrêté du 2 février 1990 ;
Vu, 13°), sous le n° 116 455, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 mai et 27 août 1990, présentés pour M. Félix Y..., demeurant ... ; M. Félix Y... demande que le Conseil d'Etat annule le décret du 2 février 1990 ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la Constitution du 4 octobre 1958 ;
Vu le code pénal ;
Vu le code civil ;
Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;
Vu la loi du 10 janvier 1990 ;
Vu la convention pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel faite à Strasbourg le 28 janvier 1981 et publiée par le décret n° 85-1203 du 15 novembre 1985 ;
Vu le décret n° 63-766 du 30 juillet 1963 modifié ;
Vu le décret n° 89-915 du 19 décembre 1989 ;
Vu les décrets n° 90-184 et 90-185 du 27 février 1990 ;
Vu le décret du 3 mars 1990 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Schrameck, Maître des requêtes,
- les observations de Me Roue-Villeneuve, avocat de la LIGUE INTERNATIONALE CONTRE LE RACISME ET L'ANTISEMITISME, de Me Guinard, avocat de l'ORDRE DES AVOCATS AU BARREAU DE LA GUADELOUPE, de la S.C.P. Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL et de la S.C.P. Guiguet, Bachellier, Potier de la Varde, avocat de M. Félix Y...,
- les conclusions de Mme Denis-Linton, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes susvisées présentent à juger des questions semblables ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur la requête n° 115 886 :
Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 53-3 du décret du 30 juillet 1963, modifié par le décret du 16 janvier 1981 : "Lorsque la requête ou le recours mentionne l'intention du requérant ou du ministre de présenter un mémoire complémentaire, la production annoncée doit parvenir au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat dans un délai de quatre mois à compter de la date à laquelle la requête a été enregistrée. Si ce délai n'est pas respecté, le requérant ou le ministre est réputé s'être désisté à la date d'expiration de ce délai, même si le mémoire complémentaire a été ultérieurement produit. Le Conseil d'Etat donne acte de ce désistement" ;
Considérant que par une requête sommaire, enregistrée le 4 avril 1990, le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples a exprimé l'intention de produire un mémoire complémentaire ; qu'à la date du 4 août 1990, ce mémoire n'avait pas été déposé au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat et qu'ainsi le délai de quatre mois imparti pour cette production par les dispositions précitées de l'article 53-3 du décret du 30 juillet 1963 modifié était expiré ; que si, par acte enregistré le 13 juin 1990, le requérant a déclaré son intention de renoncer à la production du mémoire complémentaire annoncé, cette circonstance ne fait pas obstacle à l'application des dispositions de l'article 53-3 susmentionné ; qu'ainsi, le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples doit être réputé s'être désisté de sa requête ;
Sur les autres requêtes :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par le ministre de la justice :
Sur les conclusions dirigées contre le décret n° 90-115 du 2 février 1990 :
En ce qui concerne la légalité externe du décret attaqué :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 22 de la Constitution du 4 octobre 1958 : "Les actes du Premier ministre sont contresignés, le cas échéant, par les ministres chargés de leur exécution" ; que, s'agissant d'un acte de nature réglementaire, les ministres chargés de son exécution sont ceux qui ont compétence pour signer ou contresigner les mesures réglementaires ou individuelles que comporte nécessairement l'exécution du décret ; que l'exécution du décret attaqué ne comporte pas de mesures que les ministres autres que le ministre de la justice aient compétence pour signer ; que, dès lors, l'absence du contreseing de ces ministres n'entache pas d'illégalité le décret attaqué ;
Considérant, d'autre part, que la rédaction du décret attaqué est conforme à celle qui avait été adoptée par la Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés dans ses séances des 11 juillet et 5 décembre 1989 ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le décret n'aurait pas été pris sur avis conforme de ladite commission, comme l'exigent les dispositions du 3ème alinéa de l'article 31 de la loi du 6 janvier 1978, ne saurait être accueilli ;
En ce qui concerne la légalité interne du décret attaqué :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'ensemble de ses dispositions que la loi du 6 janvier 1978, dont l'article 1er dispose que l'informatique : "... ne doit porter atteinte ... ni aux droits de l'homme, ni à la vie privée, ni aux libertés individuelles ou publiques", a pour objet, notamment de protéger toute personne contre l'institution et l'utilisation non autorisées de traitements automatisés d'informations nominatives qui, directement ou indirectement, font apparaître les origines raciales ou les opinions politiques, philosophiques ou religieuses ou les appartenances syndicales des personnes ; qu'aux termes de l'article 31 de cette loi : "Il est interdit de mettre ou conserver en mémoire informatisée, sauf accord exprès de l'intéressé, des données nominatives qui, directement ou indirectement, font apparaître les origines raciales ou les opinions politiques, philosophiques ou religieuses ou les appartenances syndicales des personnes ... Pour des motifs d'intérêt public, il peut aussi être fait exception à l'interdiction ci-dessus sur proposition ou avis conforme de la commission par décret en Conseil d'Etat" ;
Considérant que le décret attaqué accorde aux juridictions l'autorisation de mettre ou de conserver en mémoire des données de la nature de celles qui sont définies au premier alinéa de l'article 31 précité ; que cette autorisation ne saurait, par elle-même, porter une atteinte irrégulière à la liberté individuelle ni, en conséquence, aux stipulations des conventions internationales, aux principes généraux de droit interne ou aux dispositions législatives qui en consacrent l'existence et en garantissent l'exercice ; qu'elle n'est, par ailleurs, pas susceptible de faire exception aux dispositions générales du premier alinéa de l'article 2 de la loi du 6 janvier 1978 qui dispose qu'"aucune décision de justice impliquant une appréciation sur un comportement humain ne peut avoir pour seul fondement un traitement automatisé d'information donnant une définition du profil ou de la personnalité de l'intéressé" ;
Considérant, en deuxième lieu, que les articles 6 et 9 de la convention pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé de données à caractère personnel signée à Strasbourg le 28 janvier 1981, ratifiée en vertu de la loi du 19 octobre 1982 et publiée au Journal Officiel en vertu du décret du 15 novembre 1985, n'autorisent le traitement des données nominatives qui font apparaître les origines raciales ou les opinions politiques, les convictions religieuses ou autres convictions, les données à caractère personnel relatives à la santé ou à la vie sexuelle que si ce traitement dérogatoire prévu "par la loi de la partie, constitue une mesure nécessaire, dans une société démocratique : a) à la protection de l'Etat, à la sûreté publique, aux intérêts monétaires de l'Etat ou à la répression des infractions pénales ..." ;
Considérant que l'article 31 précité de la loi du 6 janvier 1978 n'autorise d'exception à l'interdiction du traitement des données énumérées aux articles 6 et 9 précités de la convention de Strasbourg du 28 janvier 1981 que s'il existe des motifs d'intérêt public et que si cette autorisation est donnée par décret en Conseil d'Etat rendu sur proposition ou avis conforme de la Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés ;
Considérant que le décret en Conseil d'Etat attaqué, rendu sur avis conforme de la Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés, fait exception à l'interdiction susmentionnée en faveur des juridictions, pour l'exercice de leur mission ; qu'elle répond ainsi aux motifs qui figurent tant dans la convention précitée qu'à l'article 31 de la loi du 6 janvier 1978 ;
Considérant, en troisième lieu, qu'en vertu de l'article 6 de la convention signée à Strasbourg le 28 janvier 1981 : "Les données à caractère personnel révélant l'origine raciale, les opinions politiques, les convictions religieuses ou autres convictions, ainsi que les données à caractère personnel relatives à la santé ou à la vie sexuelle, ne peuvent être traitées automatiquement à moins que le droit interne ne prévoie des garanties appropriées" ; que lesdites garanties sont définies aux articles 4 à 11 de la convention ; qu'elles concernent le caractère exact, licite et nécessaire des données conservées en mémoire, la durée de leur conservation, leur sécurité, la limitation de leur diffusion, le contrôle des destinataires, le droit d'information, d'accès et de rectification des personnes concernées, ainsi que le droit de recours et les sanctions pénales contre les violations des dispositions de droit interne donnant effet à ces garanties ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ses dispositions que la loi du 6 janvier 1978 prévoit des garanties appropriées en ce qui concerne, notamment, la nature des données conservées, leur utilisation, les procédures d'autorisation, les voies de recours et les sanctions pénales ; que les actes réglementaires qui autorisent les traitements automatisés d'informations nominatives opérés pour le compte de l'Etat, d'un établissement public ou d'une collectivité territoriale ou d'une personne morale de droit privé gérant un service public, sont pris, aux termes de son article 1er, après avis motivé de la Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés et, en cas d'avis défavorable, par un décret pris sur avis conforme du Conseil d'Etat ; que le droit interne français prévoit ainsi les garanties appropriées exigées par la convention signée à Strasbourg ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le décret attaqué ne respecterait ni les stipulations susrappelées de la convention signée à Strasbourg, ni les dispositions de la loi du 6 janvier 1978 ;
Considérant, enfin, que le décret attaqué qui, par application du troisième alinéa de l'article 31 de la loi du 6 janvier 1978, fait exception en faveur des juridictions à l'interdiction générale prononcée à l'alinéa premier du même article, n'entraîne, par lui-même, aucune rupture de l'égalité des citoyens devant la loi ou devant le service public de la justice ;
Considérant que la circonstance que les décrets n° 90-184 et 90-185 du 27 février 1990 aient été retirés par décret du 3 mars 1990 est sans incidence sur la légalité du décret attaqué ;
Considérant que le détournement de pouvoir et de procédure invoqué n'est pas établi ;
Sur les conclusions dirigées contre les décrets n° 90-184 et 90-185 du 27 février 1990 :
Considérant que les décrets susmentionnés du 27 février 1990 ont été retirés par décret du 3 mars 1990 ; qu'ainsi, les conclusions tendant à leur annulation et présentées postérieurement à l'intervention de ce dernier décret sont irrecevables ;
Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté du 2 février 1990 :
Considérant, d'une part, que les requêtes n° 115 911 et 115 912 demandent l'annulation de l'arrêté attaqué par voie de conséquence de l'annulation du décret du 2 février 1990 ; qu'il résulte de ce qui précède que ce moyen ne saurait être accueilli ;
Considérant, d'autre part, qu'il résulte des dispositions combinées de la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987, du décret n° 89-915 du 19 décembre 1989 relatif à la gestion des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, et du décret n° 63-766 du 30 juillet 1963 relatif à l'organisation et au fonctionnement du Conseil d'Etat que le vice-président du Conseil d'Etat, président du conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, est compétent pour prendre l'acte réglementaire prévu à l'article 15 de la loi du 6 janvier 1978 en ce qui concerne les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel ; que les requérants ne sont, dès lors, pas fondés à soutenir que l'arrêté attaqué aurait été pris par une autorité incompétente ;
Considérant enfin que le détournement de pouvoir et de procédure allégué n'est pas établi ;
Article 1er : Il est donné acte du désistement de la requête n° 115 886 du MOUVEMENT CONTRE LE RACISME ET POUR L'AMITIE ENTRE LES PEUPLES.
Article 2 : Les requêtes n° 115 367, 115 397, 115 881, 115 884, 115 906, 115 907, 115 908, 115 909, 115 910, 115 911, 115 912 et 116 455 sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la LIGUE INTERNATIONALE CONTRE LE RACISME ET L'ANTISEMITISME, à M. Daniel Z..., à l'ORDRE DES AVOCATS DE LA GUADELOUPE, à la C.G.T., au MOUVEMENT CONTRE LE RACISME ET POUR L'AMITIE ENTRE LES PEUPLES, à M. Jérôme X..., à l'U.N.E.F., à l'U.N.E.F.-ID, à l'INTERCAPA, à la COORDINATION DES COMMISSIONS DE PARIS DE L'UNION NATIONALE DES ETUDIANTS DU MAROC, à SOS-Racisme, à ALTERNATIVE ROUGE ET VERTE, à M. Félix Y..., au Premier ministre et au garde des sceaux, ministre de la justice.