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22/01/1992 | FRANCE | N°130264

France | France, Conseil d'État, Avis 9 / 7 ssr, 22 janvier 1992, 130264


Vu, enregistré le 19 octobre 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, le jugement du 11 octobre 1991 par lequel le tribunal administratif de Bastia, avant de statuer sur les demandes de la S.A. Brulerie Corsica et autres, tendant à la décharge de cotisations de taxe professionnelle établies au titre des années 1985 à 1990 dans les rôles de diverses communes situées dans les départements de la Corse, a décidé, par application des dispositions de l'article 12 de la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 portant réforme du contentieux administratif, de transmettre le dossi

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Vu, enregistré le 19 octobre 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, le jugement du 11 octobre 1991 par lequel le tribunal administratif de Bastia, avant de statuer sur les demandes de la S.A. Brulerie Corsica et autres, tendant à la décharge de cotisations de taxe professionnelle établies au titre des années 1985 à 1990 dans les rôles de diverses communes situées dans les départements de la Corse, a décidé, par application des dispositions de l'article 12 de la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 portant réforme du contentieux administratif, de transmettre le dossier de ces demandes au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen les questions suivantes :
1°) Les lois du 25 avril 1844 et du 15 juillet 1880 relatives aux patentes ont-elles entendu maintenir en vigueur les dispositions de l'article 10 de l'arrêté de l'administrateur général X... du 21 prairial an IX ?
2°) La loi n° 66-10 du 6 janvier 1966 portant réforme des taxes sur le chiffre d'affaires et diverses dispositions d'ordre financier et celle n° 67-1114 du 21 décembre 1967 portant loi de finances pour 1968 ont-elles, soit validé, soit remis en vigueur l'exonération prévue par l'article 10 précité ?
3°) La loi n° 75-678 du 29 juillet 1975 supprimant les patentes et instituant une taxe professionnelle a t-elle entendu maintenir pour cette imposition nouvelle l'exonération édictée par l'article 10 précité de l'arrêté X... pour la patente dans la mesure où elle n'aurait pas été précédemment abrogée ?

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu la Constitution du 22 frimaire an VIII et notamment son article 92 ;
Vu la loi du 22 frimaire an IX relative à la suspension de l'empire de la Constitution dans les départements du Golo, du Liamone, et dans plusieurs îles du territoire européen ;
Vu l'arrêté des consuls de la République du 17 nivôse an IX relatif à la nomination et aux attributions d'un administrateur général pour les départements du Golo et du Liamone ;
Vu l'arrêté de Bonaparte, premier consul de la République, du 17 Nivôse an IX, qui nomme le citoyen X..., conseiller d'Etat, administrateur général dans les départements du Golo et du Liamone ;
Vu l'arrêté de l'administrateur général pour les départements du Golo et du Liamone du 21 prairial an IX ;
Vu les lois du 1er brumaire an VII, du 25 avril 1844 et du 15 juillet 1880 sur les patentes ;
Vu la loi n° 66-10 du 6 janvier 1966 et la loi n° 67-1114 du 21 décembre 1967 ;
Vu la loi n° 75-678 du 29 juillet 1975 ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987, et notamment son article 12 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Fabre, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Ph. Martin, Commissaire du gouvernement ;

1°) Sur le fondement des dispositions de l'article 92 de la Constitution de l'an VIII, la loi du 22 frimaire an IX a suspendu "l'empire de la Constitution", jusqu'à la paix maritime, dans les départements du Golo et du Liamone en lesquels la Corse était alors subdivisée. Un arrêté des consuls de la République du 17 nivôse an IX a prévu qu'un conseiller d'Etat serait nommé, par le premier consul, administrateur général des départements du Golo et du Liamone, qu'il serait autorisé à prendre, sous la forme d'arrêtés ou de proclamations, "toutes les mesures de gouvernement et d'administration" qu'il estimerait nécessaires, et qu'en particulier, il pourrait, en matière de "finances", imposer des contributions extraordinaires et "prononcer des dégrèvements ou remises sur celles qui existent, soit directes, soit indirectes". Par arrêté de Bonaparte, premier consul, en date du même jour, le conseiller d'Etat Miot a été nommé administrateur général dans les départements du Golo et du Liamone.
L'administrateur général X... a, par un arrêté du 21 prairial an IX, introduit dans les départements du Golo et du Liamone un certain nombre de dispositions dérogatoires ou additives à la loi commune française en ce qui concerne les droits d'enregistrement, le droit de timbre et la contribution des patentes. Sous réserve des exceptions énoncées en son article 11, l'article 10 de cet arrêté disposait : "La contribution des patentes ne sera point établie ni perçue dans les communes dont la population ne s'élève pas à 1 800 âmes". L'exemption ainsi instituée au profit des personnes exerçant une activité patentable dans la plupart des communes de Corse dont la population n'excédait pas 1 800 âmes est venue s'ajouter aux cas d'exemption déjà prévus par la loi du 1er Brumaire an VII relative à la contribution des patentes en France.
La loi du 25 avril 1844 sur les patentes a, en son article 1er, disposé que "tout individu ... qui exerce en France un commerce, une industrie, une profession non compris dans les exceptions déterminées par la présente loi, est assujetti à la contribution des patentes". Les exceptions limitativement prévues par cette loi ne comportent pas la reconduction de l'exemption établie par les articles 10 et 11 de l'"arrêté X..." du 21 prairial an IX. Ces dispositions ont, par suite, été comprises dans le champ de l'article 55 de la loi du 25 avril 1844, aux termes duquel, à compter du 1er janvier 1845, "toutes les dispositions contraires à la présente loi seront et demeureront abrogées".
L'article 10 de l'"arrêté X..." du 21 prairial an IX doit donc être regardé comme ayant cessé, au plus tard, d'être en vigueur le 1er janvier 1845.

2°) En faisant mention, au 1 de l'article 27 de la loi n° 66-10 du 6 janvier 1966 portant réforme des taxes sur le chiffre d'affaires, du maintien des "exonérations ou dégrèvements dont bénéficie le département de la Corse par application des arrêtés X..., de l'article 16 du décret impérial de 1811, ... de l'article 95 de la loi de finances pour 1963 ...", puis, à l'article 20 de la loi de finances pour 1968 (n° 67-1114 du 21 décembre 1967), sous lequel sont regroupées diverses dispositions ayant trait à l'application de la taxe sur la valeur ajoutée, de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers et de certains droits indirects dans le département de la Corse, du "régime fiscal spécifique" qui, pour cette dernière, "résulte actuellement des arrêtés X..., du décret du 24 avril 1811, de l'article 95 de la loi de finances pour 1963 ... et des dispositions du présent article", le législateur, ainsi qu'il ressort, notamment, des travaux préparatoires à l'adoption de ces deux articles de loi, a seulement entendu viser celles des dispositions qui, présentant un rapport avec les matières dont il traitait, n'avaient pas alors cessé d'être en vigueur.
L'article 27-1 de la loi du 6 janvier 1966 et l'article 20 de la loi de finances pour 1968, n'ont, en conséquence, pu avoir pour effet de remettre en vigueur l'article 10 de l'"arrêté X..." du 21 prairial an IX qui, ainsi qu'il a été dit, a été abrogé le 1er janvier 1845 au plus tard.
3°) La loi n° 75-678 du 29 juillet 1975 supprimant la contribution des patentes et instituant une taxe professionnelle, et dont le II de l'article 2 se borne à prévoir la transposition à la taxe professionnelle des exonérations qui, jusqu'alors, étaient applicables à la contribution des patentes, n'a pas davantage eu cet effet.
Le présent avis sera notifié au tribunal administratif de Bastia, à la S.A. Brulerie Corsica, aux autres réclamants et au ministre délégué au budget.
Il sera publié au Journal officiel de la République Française.


Synthèse
Formation : Avis 9 / 7 ssr
Numéro d'arrêt : 130264
Date de la décision : 22/01/1992
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-03-04-03 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOSITIONS LOCALES AINSI QUE TAXES ASSIMILEES ET REDEVANCES - TAXE PROFESSIONNELLE - EXONERATIONS -Exonération pour certaines communes de Corse - Absence (avis article 12 de la loi du 31 décembre 1987).

19-03-04-03 L'article 10 de l'arrêté Miot du 21 Prairial an IX exemptant de patente, dans certaines communes de la Corse des personnes exerçant une activité patentable, doit être regardé comme ayant cessé au plus tard d'être en vigueur le 1er janvier 1845. L'article 27-1 de la loi du 6 janvier 1966 et l'article 20 de la loi de finances pour 1968 n'ont pas pu avoir pour effet de remettre en vigueur l'article 10 de l'arrêté Miot. La loi n° 75-678 du 29 juillet 1975 supprimant la contribution des patentes et instituant une taxe professionnelle et dont le II de l'article 2 se borne à prévoir la transposition à cette taxe des exonérations de patente n'a pas eu davantage cet effet.


Références :

Constitution AN08-FR-22 art. 92
Loi du 25 avril 1844 art. 1, art. 55
Loi 66-10 du 06 janvier 1966 art. 27
Loi 67-1114 du 21 décembre 1967 art. 20 finances pour 1968
Loi 75-678 du 29 juillet 1975 art. 2
Loi AN07-BR-01
Loi AN09-FR-22


Publications
Proposition de citation : CE, 22 jan. 1992, n° 130264
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Rougevin-Baville
Rapporteur ?: M. Fabre
Rapporteur public ?: M. Ph. Martin

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1992:130264.19920122
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