Vu l'ordonnance en date du 3 octobre 1990, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 4 octobre 1990 par laquelle le Président du tribunal administratif de Nantes a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R.81 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, la demande présentée à ce tribunal par M. Jean-Luc Y..., demeurant Résidence Empire 4, place Napoléon à La-Roche-sur-Yon (85000) ;
Vu la demande enregistrée au greffe du tribunal administratif de Nantes, le 24 juillet 1990, présentée par M. Jean-Luc Y... ; M. Y... demande au Conseil d'Etat l'annulation de la décision implicite de rejet résultant du silence gardé pendant plus de quatre mois par le préfet de la Vendée sur la demande en date du 26 février 1990 qu'il lui a présentée et tendant à déclarer démissionnaires d'office MM. Guintard, Riou et Vézin, conseillers municipaux adjoints au maire de La Roche-sur-Yon ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code électoral ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Marc Guillaume, Auditeur,
- les observations de la S.C.P. Vier, Barthélemy, avocat de la ville de La Roche-sur-Yon et autres,
- les conclusions de M. Pochard, Commissaire du gouvernement ;
Sur la compétence du Conseil d'Etat :
Considérant qu'aux termes de l'article R.120 du code électoral : "Le tribunal administratif prononce sa décision dans le délai de deux mois à compter de l'enregistrement de la réclamation ..." et qu'aux termes de l'article R.121 du même code : "Faute d'avoir statué dans les délais ci-dessus fixés, le tribunal administratif est dessaisi. Le secrétaire greffier en informe le préfet et les parties intéressées en leur faisant connaître qu'ils ont un délai d'un mois pour se pourvoir devant le Conseil d'Etat" ;
Considérant qu'il est constant que le tribunal administratif de Nantes saisi le 24 juillet 1990 ne s'est pas prononcé dans le délai prescrit à l'article R.120 ; que ce délai étant expiré, le président du tribunal administratif de Nantes a directement saisi le Conseil d'Etat par une ordonnance prise le 3 octobre 1990, contrairement à la procédure prévue à l'article R.121 précité, que cette ordonnance doit donc être annulée ;
Considérant que, faute de s'être vu notifié le dessaisissement du tribunal administratif de Nantes ainsi que le délai d'un mois dans lequel il pouvait se pourvoir devant le Conseil d'Etat, conformément à l'article R.121 précité, M. Y... ne peut se voir opposer ce délai ; que dès lors le mémoire de M. Y... qui a été enregistré le 11 décembre 1990 au Conseil d'Etat, lequel est compétent en vertu de l'article R.121 précité, n'est pas tardif ;
Sur la recevabilité de la demande de M. Y... :
Considérant qu'aux termes de l'article L.236 du code électoral : "Tout conseiller municipal qui, pour une cause survenue postérieurement à son élection, se trouve dans un des cas d'inéligibilité prévu par les articles L.230, L.231 et L.232, est immédiatement déclaré démissionnaire par le préfet, sauf réclamation au tribunal administratif dans les dix jours de la notification et, sauf recours au Conseil d'Etat, conformément aux articles L.249 et L.250" ; qu'il résulte de cette disposition que, dans le cas où le préfet s'abstient de prononcer la démission d'office d'un conseiller municipal devenu inéligible, tout électeur de la commune peut, à tout moment, demander à ce fonctionnaire de faire application des dispositions précitées ; qu'ainsi, la ville de La Roche-sur-Yon et MM. X..., Z... et A..., ne sont pas fondés à soutenir que la demande de M. Y..., tendant à ce que MM. X..., Z... et A... soient déclarés démissionnaires, aurait été présentée tardivement au préfet de la Vendée ;
Au fond :
Considérant que l'article L.236 précité du code électoral précité renvoie notamment aux cas d'inéligibilité de l'article L.231 du code électoral qui dispose : "Ne peuvent être élus conseillers municipaux dans les communes situées dans le ressort où ils exercent ou ont exercé leurs fonctions depuis moins de six mois ... 6°) les entrepreneurs de services municipaux ..." ;
Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction, en premier lieu, que la société d'économie mixte, société des Transports Yonnais (STY), est chargée depuis le 1er janvier 1981 de la gestion du réseau des transports urbains de la ville de La Roche-sur-Yon au moyen d'un parc de véhicule, propriété de la ville qui possède 76,5 % du capital de la société et couvre ses déficits ; en second lieu que la société d'économie mixte Roche-Développement gère depuis le 1er janvier 1986 des équipements, notamment des locaux de réunion, pour la ville de La Roche-sur-Yon avec laquelle elle a passé plusieurs conventions, la ville possédant 60,2 % de son capital ; en troisième lieu que la société d'économie mixte de la construction de La Roche-sur-Yon (SEMYON) gère pour la ville de La Roche-sur-Yon des équipements, notamment en matière de logement social, la ville possédant 68,2 % de son capital et couvrant ses pertes par des avances de trésorerie ; que ces trois sociétés d'économie mixte se sont ainsi trouvées chargées de missions qui les font participer, sous le contrôle de la ville de La Roche-sur-Yon, à l'exécution d'un service public municipal ;
Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que MM. Guintard, Riou et Vezin, conseillers municipaux de la ville de La Roche-sur-Yon ont été nommés par le conseil municipal de la ville le 17 mars 1989 administrateurs respectivement de la SEMYON, de Roche-Développement et de la STY, puis, par les conseils d'administration de ces sociétés directeur général salarié respectivement les 11 avril 1989, 18 avril 1989 et 12 mai 1989 ; que les intéressés ont alors exercé une influence prépondérante au sein de leur société respective ; qu'ils devaient être regardés, durant l'exercice de ces fonctions, comme entrepreneurs de services municipaux au sens des dispositions précitées de l'article L.231 du code électoral ;
Mais considérant que MM. X..., Z... et A... ont démissionné de leur fonction de directeur général le 1er mars 1990 ; que, depuis lors, ils ne peuvant plus être regardés comme entrepreneurs de services municipaux ; que la démission d'office ne pouvait être prononcée qu'autant que les intéressés demeurent frappés d'une inéligibilité entraînant leur exclusion du conseil municipal, les conclusions de M. Y... dirigées contre la décision implicite de rejet par laquelle le préfet de la Vendée a refusé de déclarer MM. X..., Z... et A... démissionnaires d'office doivent être rejetées ;
Sur les conclusions de M. Y... tendant à l'application de l'article 1er du décret n° 88-907 du 2 septembre 1988 :
Considérant qu'il n'y a pas lieu de faire application, dans les circonstances de l'espèce, des dispositions du décret n° 88-907 du 2 septembre 1988 ;
Article 1er : L'ordonnance du président du tribunal administratif de Nantes en date du 3 octobre 1990 est annulée.
Article 2 : La demande présentée par M. Y... tant devant le tribunal administratif de Nantes que le Conseil d'Etat est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Y..., à MM.Guintard, Z... et A..., à la ville de La Roche-sur-Yon et au ministre de l'intérieur.