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22/05/1991 | FRANCE | N°35140

France | France, Conseil d'État, 4 / 1 ssr, 22 mai 1991, 35140


Vu la requête, enregistrée le 24 juin 1981 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. X..., demeurant place la Fontaine Jussat à Chanonat (63450) ; M. X... demande au Conseil d'Etat l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du conseil national de l'ordre des architectes fixant le taux et l'assiette des cotisations dues pour l'année 1981, telle qu'elle résulte d'une lettre circulaire jointe à l'appel de cotisation adressée à M. X... le 24 avril 1981 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu la loi du 31 d

écembre 1940 ;
Vu la loi du 3 janvier 1977 ;
Vu le décret du 28 décembr...

Vu la requête, enregistrée le 24 juin 1981 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. X..., demeurant place la Fontaine Jussat à Chanonat (63450) ; M. X... demande au Conseil d'Etat l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du conseil national de l'ordre des architectes fixant le taux et l'assiette des cotisations dues pour l'année 1981, telle qu'elle résulte d'une lettre circulaire jointe à l'appel de cotisation adressée à M. X... le 24 avril 1981 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu la loi du 31 décembre 1940 ;
Vu la loi du 3 janvier 1977 ;
Vu le décret du 28 décembre 1977 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Sanson, Maître des requêtes,
- les observations de la S.C.P. Delaporte, Briard, avocat de M. Gilles X...,
- les conclusions de Mme Laroque, Commissaire du gouvernement ;

Sur le moyen tiré de l'incompétence du conseil national de l'ordre des architectes :
Considérant que si la loi du 3 janvier 1977 sur l'architecture fait, en son article 22, mention des cotisations dues par les membres de l'ordre des architectes à propos du décret en Conseil d'Etat relatif au fonctionnement des conseils régionaux, c'est, toutefois, en précisant que ces cotisations sont destinées "à couvrir les dépenses du conseil régional et du conseil national" ; qu'à la différence de la loi du 31 décembre 1940 instituant l'ordre des architectes, la loi du 3 janvier 1977 ne contient aucune disposition attribuant expressément compétence à un organisme déterminé pour fixer le montant des cotisations ; qu'à la différence également de la loi du 31 décembre 1940 qui donnait compétence exclusive à chaque conseil régional pour assurer "la défense des intérêts matériels de l'ordre", pour en gérer les biens, pour "créer dans sa circonscription ... des organismes de coopération, de mutualité, d'assistance ou de retraite au bénéfice des architectes et des membres de leur famille", la loi du 3 janvier 1977, dans son article 26, donne concurremment compétence au conseil national et aux conseils régionaux pour assurer" l'organisation de la formation permanente et de la promotion sociale" ainsi que "le financement d'organismes intéressant la profession" ; que, par suite, le gouvernement a pu, par le décret susvisé du 28 décembre 1977, sans violer les prescriptions de la loi du 3 janvier 1977, dont l'article 21 confère à l'ordre pris dans son ensemble la personnalité morale et l'autonomie financière, décider d'attribuer au conseil national, plutôt qu'aux conseils régionaux, compétence pour fixer le montant de la cotisation annuelle due par les membres de l'ordre ;
Sur les moyens tirés d'un vice de procédure :

Considérant que si, d'une part, l'article 36 du décret du 28 décembre 1977 dispose que les avis des conseils régionaux doivent parvenir au conseil national avant le 1er novembre et que la décision de ce dernier doit être notifiée avant le 1er décembre aux conseils régionaux auxquels il appartient d'informer tous les inscrits au tableau du montant de la cotisation dont ils sont redevables pour l'année et que si, d'autre part, aux termes de l'article 37 dudit décret, cette cotisation est exigible dès le 1er janvier de l'année, ces délais ne sont pas prescrits à peine de nullité et leur inobservation n'entache pas d'irrégularité la procédure suivie ; que, dès lors, les moyens tirés de ce que le conseil national, pour fixer le taux des cotisations de l'année 1981, n'aurait ni pris ni notifié sa décision dans les délais réglementaires et de ce que les inscrits au tableau n'auraient été informés de cette décision que postérieurement au 1er janvier, à supposer ces faits établis, ne sauraient être retenus ;
Considérant que la circonstance que l'inobservation des délais fixés par le décret du 28 décembre 1977 a eu pour effet d'abréger la période s'écoulant entre la date d'exigibilité de la cotisation et la date de mise en demeure d'en effectuer le paiement, fixée au 1er juillet, ne saurait par elle-même entraîner l'annulation de la décision attaquée ;
Sur les moyens tirés de la violation de l'article 34 de la Constitution, de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, des principes du libre exercice de l'activité professionnelle et d'égalité des usagers devant les charges publiques :

Considérant que le versement que l'article 22 de la loi du 3 janvier 1977 met à la charge des architectes inscrits au tableau régional et dont la décision attaquée a prévu qu'il serait assis sur les revenus professionnels déclarés et calculés selon un taux progressif, présente non le caractère d'un prélèvement fiscal, mais celui d'une cotisation ; qu'ainsi le régime applicable à ces cotisations ne concerne ni l'assiette, le taux ou le recouvrement d'une imposition qui relèvent du législateur en vertu de l'article 34 de la Constitution, ni celui d'une contribution au sens de l'article 13 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
Considérant qu'il ne résulte pas des pièces du dossier que la décision fixant pour l'année 1981 les taux des cotisations, qui sont assises sur les revenus professionnels déclarés et dont sont exonérés les architectes diplômés depuis moins d'un an et inscrits depuis moins d'un an au tableau à la date d'exigibilité de ces cotisations, soit entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant qu'en faisant varier la cotisation des membres de l'ordre selon un taux progressif le conseil national n'a pas méconnu le principe d'égalité dès lors que le même barème s'applique à tous les membres de l'ordre ;
En ce qui concerne les dispositions des chapitres 4-3 et 4-4 de la décision attaquée relatives aux architectes fonctionnaires ou agents publics et aux architectes et agréés salariés d'un architecte, d'un employeur privé non architecte, ou d'un établissement d'enseignement :

Considérant que le principe d'égalité devant les charges publiques ne s'oppose pas à ce que des dispositions différentes soient appliquées à des personnes qui ne se trouvent pas dans la même situation ; qu'en l'espèce, l'abattement accordé aux architectes fonctionnaires ou agents publics, dont ne bénéficient pas les architectes qui pratiquent leur activité selon un autre mode d'exercice, n'est que la conséquence de régimes juridiques distincts et de la situation particulière des premiers à l'égard de l'ordre ;
Considérant, en revanche, que la différence de régime entre, d'une part, les architectes salariés d'une personne privée, qui peuvent déduire de leur revenus professionnels un forfait de 10 % pour frais professionnels ainsi que le montant de la cotisation payée en 1980, afin de rapprocher leur situation du régime fiscal des architectes exerçant à titre libéral, et d'autre part, les architectes fonctionnaires ou agents publics, qui ne bénéficient pas de ces déductions, n'est justifiée en l'espèce par aucune différence dans la situation de ces architectes à l'égard de l'ordre, ni par aucune différence dans leurs modalités de rémunération ; qu'il y a donc lieu d'annuler le chapitre 4-3 de la décision attaquée en tant qu'il n'autorise pas les architectes fonctionnaires ou agents publics à déduire de leur traitement net un forfait de 10 % pour frais professionnel ainsi que le montant de la cotisation payée en 1980 ;
En ce qui concerne les dispositions du chapitre 8-2 de la décision attaquée relatives aux documents justificatifs à joindre au règlement de la cotisation :

Considérant qu'à l'appui de leurs conclusions tendant à l'annulation des dispositions de la décision du conseil national en tant qu'elles prévoient que le règlement de la cotisation devra être accompagné d'une copie certifiée conforme de l'avertissement modèle, les requérants soutiennent que cette obligation de communication d'un document fiscal aurait été imposé sans habilitation législative et qu'elle serait contraire aux dispositions des articles 2006, 2020, 2020 A et 243 du code général des impôts alors en vigueur ;
Considérant que le conseil national qui pouvait asseoir la cotisation annuelle sur le montant des revenus tirés de l'exercice de la profession, pouvait aussi, pour l'application de cette décision légalement prise et sans porter illégitimement atteinte aux libertés professionnelles des membres de l'ordre, imposer à ceux-ci de faire connaître le montant de ces revenus par un document adressé au service chargé du recouvrement des cotisations qui est tenu de ne pas divulguer les informations ainsi recueillies ;
Considérant que les articles 2006 et suivants du code général des impôts fixent les règles du secret professionnel applicables aux personnes appelées à intervenir, à l'occasion de leurs fonctions, dans l'établissement, la perception ou le contentieux de certains impôts ou de certaines taxes ; que, notamment l'article 2020 A et le décret pris pour son application ont pour seul objet de définir limitativement les organismes envers lesquels ces personnes sont déliées de leur obligation au secret professionnel, c'est-à-dire les organismes qui peuvent obtenir des services fiscaux la vérification des déclarations de revenus qu'ils reçoivent de leurs prestataires ou de leurs assujettis ; que, par suite, le fait que l'ordre des architectes n'est pas inscrit sur la liste de ces organismes a pour seul effet de l'empêcher d'obtenir des services fiscaux le contrôle des déclarations de revenus professionnels de ses membres, mais ne lui interdit pas de demander à ceux-ci la déclaration de ces revenus ;

Considérant que le dernier alinéa de l'article 243 du code général des impôts interdit de publier ou de diffuser les listes des personnes assujetties à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés ainsi que toute indication quelconque se rapportant à ces listes et visant des personnes nommément désignées ; que ces dispositions n'ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet d'interdire à l'ordre des architectes de demander à ses membres le montant de leurs revenus ;
Article 1er : Le chapitre 4-3 de la délibération du conseil national de l'ordre des architectes fixant le montant de la cotisation due par les membres de l'ordre pour l'année 1981 est annulé en tant qu'il n'autorise pas les architectes fonctionnaires ouagents publics à déduire de leur traitement net un forfait de 10 % pour frais professionnels ainsi que le montant de la cotisation payée à l'ordre en 1980.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. X..., au conseil national de l'ordre des architectes et au ministre de l'équipement, du logement, des transports et de la mer.


Synthèse
Formation : 4 / 1 ssr
Numéro d'arrêt : 35140
Date de la décision : 22/05/1991
Sens de l'arrêt : Annulation partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITE DES ACTES ADMINISTRATIFS - VIOLATION DIRECTE DE LA REGLE DE DROIT - PRINCIPES GENERAUX DU DROIT - EGALITE DEVANT LES CHARGES PUBLIQUES - Violation - Délibération du conseil national de l'ordre des architectes fixant le montant de la cotisation due par les membres de l'ordre pour 1981 - Abattement sur l'assiette des revenus professionnels réservé aux architectes salariés d'une personne privée.

01-04-03-02, 55-01-02-03-005 Le principe d'égalité devant les charges publiques ne s'oppose pas à ce que des dispositions différentes soient appliquées à des personnes qui ne se trouvent pas dans la même situation. Toutefois, la différence de régime entre, d'une part, les architectes salariés d'une personne privée, qui peuvent déduire de leurs revenus professionnels un forfait de 10 % pour frais professionnels ainsi que le montant de la cotisation payée en 1980, afin de rapprocher leur situation du régime fiscal des architectes exerçant à titre libéral, et d'autre part, les architectes fonctionnaires ou agents publics, qui ne bénéficient pas de ces déductions, n'est justifiée en l'espèce par aucune différence dans la situation de ces architectes à l'égard de l'ordre, ni par aucune différence dans leurs modalités de rémunération. Le chapitre 4-3 de la délibération du conseil national de l'ordre des architectes fixant le montant de la cotisation due par les membres de l'ordre pour 1981 doit dès lors être annulé en tant qu'il n'autorise pas les architectes fonctionnaires ou agents publics à déduire de leur traitement net un forfait de 10 % pour frais professionnel ainsi que le montant de la cotisation payée en 1980.

PROFESSIONS - CHARGES ET OFFICES - ORDRES PROFESSIONNELS - ORGANISATION ET ATTRIBUTIONS NON DISCIPLINAIRES - QUESTIONS PROPRES A CHAQUE ORDRE PROFESSIONNEL - ORDRE DES ARCHITECTES - QUESTIONS GENERALES - Cotisations - Montant - Abattement sur l'assiette des revenus professionnels - Différence de régime entre les architectes salariés d'une personne privée et les architectes fonctionnaires ou agents publics - Violation du principe d'égalité - Existence.


Références :

CGI 2006, 2020, 2020 A, 243
Constitution du 04 octobre 1958 art. 34
Déclaration du 26 août 1789 droits de l'homme et du citoyen art. 13
Décret 77-1481 du 28 décembre 1977 art. 36, art. 37
Loi du 31 décembre 1940
Loi 77-2 du 03 janvier 1977 art. 22, art. 26, art. 21


Publications
Proposition de citation : CE, 22 mai. 1991, n° 35140
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Coudurier
Rapporteur ?: M. Sanson
Rapporteur public ?: Mme Laroque

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1991:35140.19910522
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