Vu le recours enregistré le 25 juillet 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE LA CULTURE, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 26 avril 1985 par lequel le tribunal administratif de Marseille :
- a déclaré l'Etat responsable du préjudice résultant pour la S.C.I. "La Cardinale" de l'arrêt d'un de ses chantiers, situé à Aix-en-Provence, pendant quatre mois en raison de fouilles archéologiques ;
- a ordonné une expertise aux fins de déterminer le montant du préjudice subi ;
2°) rejette la demande présentée par la S.C.I. "La Cardinale" devant le tribunal administratif de Marseille ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu les lois des 27 septembre 1941 et 29 décembre 1892 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de Mme Jodeau-Grymberg, Maître des requêtes,
- les observations de Me Roger, avocat de la S.C.I. "La Cardinale" représentée par son gérant La Sogedal,
- les conclusions de M. Abraham, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 14 de la loi du 27 septembre 1941 validée par l'ordonnance du 13 septembre 1945 : "Lorsque par suite de travaux ou d'un fait quelconque, des monuments, des ruines ... vestiges ... ou généralement des objets pouvant intéresser la préhistoire, l'histoire, l'art, l'archéologie ou la numismatique sont mis à jour ... le secrétaire général des beaux-arts peut faire visiter les lieux où les découvertes ont été effectuées ainsi que les locaux où les objets ont été déposés et prescrire toutes mesures utiles pour leur conservation" ; qu'aux termes de l'article 9 de la même loi : "L'Etat est autorisé à procéder d'office à l'exécution de fouilles ou de sondages pouvant intéresser la préhistoire, l'histoire, l'art ou l'archéologie sur les terrains ne lui appartenant pas ... A défaut d'accord amiable avec le propriétaire, l'exécution des fouilles ou sondages est déclarée d'utilité publique par un arrêté du secrétaire d'Etat à l'éducation nationale et à la jeunesse, qui autorise l'occupation temporaire des terrains ..." ; qu'aux termes de l'article 15 de ladite loi : "Si la continuation des recherches présente au point de vue de la préhistoire, de l'histoire, de l'art ou de l'archéologie un intérêt public, les fouilles ne peuvent être poursuivies que par l'Etat ou après autorisation de l'Etat, dans les conditions prévues aux chapitre Ier et II du présent décret ..." ; que, parmi ces conditions prévues au chapitre II de la même loi, l'article 10 dispose : "L'occupation temporaire pour exécution de fouilles donne lieu, pour le préjudice résultant de la privation momentanée de jouissance des terrains et, éventuellement, si les lieux n peuvent être rétablis en leur état antérieur, pour le dommage causé à la surface du sol, à une indemnité dont le montant est fixé, à défaut d'accord amiable, conformément aux dispositions de la loi du 29 décembre 1892" ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en raison de la mise à jour en novembre 1979 de vestiges archéologiques au cours des travaux de fondation entrepris par la S.C.I. "La Cardinale" à Aix-en-Provence en vue de la construction d'un ensemble immobilier, les services locaux du ministère des affaires culturelles, après avoir exercé le droit de visite prévu à l'article 14 de la loi susvisée, ont arrêté le chantier en vue d'effectuer les travaux de reconnaissance de ces vestiges et prescrit des modifications au projet initial ;
Considérant que, d'une part, il ne résulte pas des termes de l'article 14 précité que le législateur ait entendu exclure toute indemnité dans le cas où l'exercice du droit de visite entraînerait un préjudice anormal pour le propriétaire ; que, d'autre part, il résulte des termes de l'article 10 précité que l'occupation temporaire ouvre droit à indemnité pour le préjudice résultant de la privation momentanée de jouissance du terrain, en l'absence même de la mise en oeuvre de la procédure contraignante prévue par l'article 9 ;
Considérant qu'en l'absence d'accord amiable entre le propriétaire et l'Etat, lequel ne saurait se prévaloir des prescriptions du permis de construire accordé à la S.C.I. "La Cardinale" relatives aux contraintes archéologiques pour se soustraire à un régime de responsabilité fixé par la loi, la requérante était fondée à demander une indemnité à l'Etat ; que, dès lors, le MINISTRE DE LA CULTURE n'est pas fondé à soutenir que, sans procéder à aucune mesure d'instruction, le tribunal administratif devait rejeter la demande dont il était saisi ; que compte tenu de la mission confiée à l'expert, désigné par les premiers juges, les conclusions indemnitaires incidentes de la S.C.I. "La Cardinale" doivent également être rejetées ;
Article 1er : Le recours du MINISTRE DE LA CULTURE et les conclusions incidentes de la S.C.I. "La Cardinale" sont rejetés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au ministre de laculture, de la communication et des grands travaux et à la S.C.I. "LaCardinale" ;