Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 14 mars 1986 et 15 juillet 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE AUXILIAIRE D'ENTREPRISES DE LA REGION PARISIENNE, dont le siège social est ..., représentée par son président-directeur général et tendant à ce que le Conseil d'Etat annule :
1°) un jugement du tribunal administratif de Paris du 10 décembre 1985, rejetant son recours en annulation d'une décision du 26 octobre 1984 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle a annulé l'autorisation de licencier MM. Z... de Sousa et Antonio X... délivrée le 2 avril 1984 à la société par l'inspecteur du travail de la section n° 13 B de Paris ;
2°) ladite décision du ministre du travail du 26 octobre 1984 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Lerche, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Blondel, avocat de la SOCIETE AUXILIAIRE D'ENTREPRISES DE LA REGION PARISIENNE (S.A.),
- les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement ;
Sur la recevabilité du recours hiérarchique :
Considérant qu'aux termes de l'article R.436-6 du code du travail : "Le ministre compétent peut annuler ou réformer la décision de l'inpecteur du travail sur le recours de l'employeur, du salarié ou du syndicat que ce salarié représente ou auquel il a donné mandat à cet effet. Ce recours doit être introduit dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision de l'inspecteur" ;
Considérant, d'une part, que les lettres en date du 4 avril 1984 adressées à MM. X... et Rodrigues de Sousa, délégués du personnel suppléants CGT, pour les aviser de leur licenciement ne pouvaient constituer la notification complète et régulière de la décision administrative autorisant leur licenciement faute de mentionner la date de cette décision, le motif invoqué, et les délais de voies de recours ouverts contre elle ; qu'ainsi le recours hiérarchique formé par M. Y..., délégué CGT et secrétaire du comité d'entreprise de la SOCIETE AUXILIAIRE D'ENTREPRISES DE LA REGION PARISIENNE, contre l'autorisation de licencier MM. X... et Rodrigues de Sousa, n'était pas tardif ; que si, d'autre part, à la date de ce recours M. Y... n'avait pas produit de mandat des intéressés pour former en leur nom un tel recours hiérarchique, il est constant qu'à la date du 26 octobre 1984 à laquelle le ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale a statué sur ce recours, ce représentant syndical avait justifié être investi d'un tel mandat ; que, dès lors, ls moyens tirés par la société requérante d'une prétendue irrecevabilité de ce recours hiérarchique doivent être écartés ;
Sur la légalité de la décision du ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale en date du 26 octobre 1984 :
Considérant qu'aux termes de l'article R.436-5-II du code du travail dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : "Lorsqu'un licenciement pour motif économique concerne en même temps un ou des salariés bénéficiant des mesures de protection susrappelées et un ou plusieurs autres salariés, la demande d'autorisation est adressée simultanément au directeur départemental du travail et de l'emploi et à l'inspecteur du travail dans les formes prévues à l'article R.321-8 et en outre aux articles R.412-5 ou R.436-3 pour le ou les salariés bénéficiant de ladite protection" ;
Considérant qu'il ressort des pièces versées au dossier que la décision de l'inspecteur du travail, rapportée par la décision contestée du ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale, a été prise au vu d'une demande présentée dans les formes prévues à l'article R.321-8 et tendant au licenciement pour motif économique de 113 salariés, au nombre desquels figuraient MM. X... et Rodrigues de Sousa ; que cette demande ne faisait pas apparaître que les intéressés possédaient la qualité de délégués du personnel suppléants ; qu'aucune demande n'a été présentée dans les formes prévues aux articles R.412-5 ou R.436-3 relatives au licenciement des délégués syndicaux, des représentants du personnel et des salariés assimilés ; que d'ailleurs, la décision susmentionnée de l'inspecteur du travail vise uniquement les dispositions de l'article L.321-7 du code précité alors en vigueur aux termes desquelles "tout licenciement individuel ou collectif fondé sur un motif économique d'ordre conjoncturel ou structurel est subordonné à une autorisation de l'autorité administrative compétente" ; qu'ainsi cette décision a été prise sans que l'autorisation spéciale instituée au profit des délégués du personnel suppléants par l'article L.425-1 du code du travail ait été délivrée et était ainsi illégale ; que le ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale était dès lors tenu de la rapporter en tant qu'elle concernait MM. X... et Rodrigues de Sousa ; que, par suite, la circonstance que le ministre ait statué sur le recours hiérarchique dont il était saisi sans avoir mis la société requérante à même de présenter des observations écrites, conformément à l'article 8 du décret du 28 novembre 1983, n'était pas de nature à entacher sa décision d'une irrégularité de procédure ; que les autres moyens de la requête étant également inopérants, la SOCIETE AUXILIAIRE D'ENTREPRISES DE LA REGION PARISIENNE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision précitée du 26 octobre 1984 ;
Article 1er : La requête de la SOCIETE AUXILIAIRE D'ENTREPRISES DE LA REGION PARISIENNE est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE AUXILIAIRE D'ENTREPRISES DE LA REGION PARISIENNE, à MM. X... et Rodrigues de Sousa, au ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle et au ministre des affaires sociales et de la solidarité.