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10/12/1990 | FRANCE | N°61347

France | France, Conseil d'État, 9 / 8 ssr, 10 décembre 1990, 61347


Vu la requête et le mémoire complémentaire enregistrés les 1er août 1984 et 29 octobre 1984, au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la Société d'aménagement foncier d'établissement rural Dordogne-Gironde, dont le siège est ..., représentée par son directeur en exercice ; la Société d'aménagement foncier d'établissement rural Dordogne-Gironde demande que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement du 4 juillet 1984 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande en décharge du complément d'impôt sur les sociétés, assorti

d'intérêts de retard, auquel elle a été assujettie au titre de l'année 1979 ...

Vu la requête et le mémoire complémentaire enregistrés les 1er août 1984 et 29 octobre 1984, au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la Société d'aménagement foncier d'établissement rural Dordogne-Gironde, dont le siège est ..., représentée par son directeur en exercice ; la Société d'aménagement foncier d'établissement rural Dordogne-Gironde demande que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement du 4 juillet 1984 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande en décharge du complément d'impôt sur les sociétés, assorti d'intérêts de retard, auquel elle a été assujettie au titre de l'année 1979 ;
2° lui accorde la décharge des droits et pénalités contestés ;
3° ordonne, au besoin, qu'il soit procédé à une expertise ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Fabre, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Cossa, avocat de la Société d'aménagement foncier d'établissement rural Dordogne-Gironde,
- les conclusions de M. Ph. Martin, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'en vertu de l'article 38 du code général des impôts, qui définit le bénéfice net imposable des entreprises industrielles et commerciales, les stocks et les travaux en cours sont, normalement, évalués au prix de revient en vue de la détermination de ce bénéfice ; qu'aux termes de l'article 38 ter de l'annexe III audit code : "Le stock est constitué par l'ensemble des marchandises, des matières ou fournitures, ... des produits semi-ouvrés, des produits finis, des produits et des travaux en cours ... qui sont la propriété de l'entreprise à la date de l'inventaire. Les produits finis sont les produits fabriqués par l'entreprise et qui sont destinés à être vendus ou fournis ..." ;
Considérant qu'à l'issue d'une vérification de la comptabilité de la Société d'aménagement foncier d'établissement rural Dordogne-Gironde, l'administration a regardé comme insuffisante l'évaluation que la société avait faite des terres détenues par elle et des travaux en cours réalisés lors de l'établissement de son bilan au 31 décembre 1979, en s'abstenant d'y incorporer le montant de certains frais tels que frais de recherche, de prospection, d'études techniques, de gestion des terrains, d'arpentage et de géomètre, de frais préalables aux rétrocessions des terrains et aux rétrocessions d'ouvrages dans le cadre des différentes opérations de réadaptation, remembrement et aménagement des terrains réalisées par la société ; que, pour tenir compte de ces éléments du coût réel des biens en stock et des travaux en cours à la clture de l'exercice coïncidant avec l'année 1979, l'administration a majoré les évaluations faites par la société de ces éléments d'actif respectivement de 2 % et 6 % ;

Considérant, en premier lieu, que, pour l'application des dispositions précitées, les biens destinés à être rétrocédés par la Société d'aménagement foncier d'établissement rural Dordogne-Gironde doivent, à l'exception de ceux qui devaient être purement et simplement revendu en l'état, être regardés comme des "produits finis", sans que, contrairement à ce que soutient la société requérante dans le dernier état de ses conclusions, il y ait lieu de distinguer selon que ces biens ont fait l'objet, après leur acquisition, de travaux d'aménagement qui ont modifié leur consistance, ou seulement d'opérations de remembrement ;
Considérant, en second lieu, que s'il convient en conséquence, ainsi que le soutient à bon droit l'administration, de comptabiliser les biens et les travaux en cours de la société "toutes charges directes ou indirectes incluses", il n'en est ainsi qu'autant qu'il s'agit de charges de production, entrant dans le coût réel des "produits finis" et des travaux ; que doivent être exclus de ces charges les frais purement administratifs, les frais préalables aux rétrocessions et qui, étant engagés après la fin des travaux et ayant le caractère de frais accessoires de vente, doivent être regardés comme étant de la nature de frais commerciaux, et les charges d'intérêt afférentes aux emprunts contractés pour le financement des stocks ; qu'en revanche, si ne doivent être comptabilisés comme stocks que les biens qui sont encore la propriété de la société à la date de l'inventaire, la circonstance que certains travaux ont été réalisés sur des terres déjà rétrocédées aux agriculteurs ne met nul obstacle à leur comptabilisation comme travaux en cours ;

Considérant, en troisième lieu, que la société est fondée, comme le reconnaît d'ailleurs l'administration en appel, à soutenir, d'une part, que les rehaussements forfaitaires appliqués par le vérificateur sont impropres à rétablir le coût réel des biens détenus et des travaux en cours au 31 décembre 1979, et, d'autre part, que l'erreur entachant la méthode suivant laquelle elle comptabilisait lesdits biens et travaux en cours à la clôture de chaque exercice ne saurait donner lieu à la rectification du bilan du 31 décembre 1979 sans qu'une correction semblable soit apportée au bilan du 31 décembre 1978, lequel n'était pas atteint par la prescription lors de la vérification de la comptabilité ; que l'état du dossier ne permettant pas de déterminer le coût réel des biens en stock et des travaux en cours tant à l'ouverture qu'à la clôture de l'exercice coïncidant avec l'année d'imposition 1979, il y a lieu, avant de statuer sur la requête de la Société d'aménagement foncier d'établissement rural Dordogne-Gironde, d'ordonner qu'il soit procédé à cette fin à une expertise ;
Article 1er : Il sera, avant de statuer sur la requête susvisée de la Société d'aménagement foncier d'établissement rural Dordogne-Gironde, procédé, par un expert désigné d'un commun accord par les parties si elles s'entendent, dans le délai de deux mois, à compter de la notification de la présente décision, sur le nom de cetexpert, autrement par le président de la section du Contentieux du Conseil d'Etat, à une expertise aux fins de déterminer, au moyen de la comptabilité analytique de la société ou, à défaut, par les calculs ou évaluations statistiques appropriés et conformément aux principes contenus dans les motifs de la présente décision, le coût réel des biens destinés à être rétrocédés et détenus en stock par la société, ainsi que des travaux en cours, tant au 31 décembre 1978 qu'au 31 décembre 1979.
Article 2 : La partie la plus diligente fera connaître au secrétariat de la section du Contentieux du Conseil d'Etat le nom de l'expert désigné d'un commun accord et, à défaut, à l'expiration du délai mentionné à l'article 1er, l'impossibilité de parvenir à un accord sur le nom de l'expert.
Article 3 : L'expert est dispensé du serment.
Article 4 : L'expert déposera son rapport dans les six mois à compter de la date où il aura reçu les pièces du dossier.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la Société d'aménagement foncier d'établissement rural Dordogne-Gironde et au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget.


Synthèse
Formation : 9 / 8 ssr
Numéro d'arrêt : 61347
Date de la décision : 10/12/1990
Sens de l'arrêt : Expertise
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-02-01-03-05,RJ1 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - BENEFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - EVALUATION DE L'ACTIF - STOCKS -Evaluation - Distinction entre marchandises et produits finis - Biens destinés à être rétrocédés par une société d'aménagement foncier d'établissement rural - Evaluation des produits finis - Notion de charges directes et indirectes - Exclusion des frais administratifs et des frais commerciaux (1).

19-04-02-01-03-05 Les biens destinés à être rétrocédés par une société d'aménagement foncier d'établissement rural doivent, à l'exception de ceux qui devaient être purement et simplement revendu en l'état, être regardés comme des "produits finis", sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que ces biens ont fait l'objet, après leur acquisition, de travaux d'aménagement qui ont modifié leur consistance, ou seulement d'opérations de remembrement. S'il convient de comptabiliser les biens et les travaux en cours "toutes charges directes ou indirectes incluses", il n'en est ainsi qu'autant qu'il s'agit de charges de production, entrant dans le coût réel des "produits finis" et des travaux. Doivent être exclus de ces charges les frais purement administratifs, les frais préalables aux rétrocessions et qui, étant engagés après la fin des travaux et ayant le caractère de frais accessoires de vente, doivent être regardés comme étant de la nature de frais commerciaux, et les charges d'intérêt afférentes aux emprunts contractés pour le financement des stocks.


Références :

CGI 38
CGIAN3 38 ter

1. Ab. jur. 1988-07-27, 57687, qui semblait inclure les frais commerciaux dans les charges indirectes de production


Publications
Proposition de citation : CE, 10 déc. 1990, n° 61347
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Rougevin-Baville
Rapporteur ?: M. Fabre
Rapporteur public ?: M. Ph. Martin
Avocat(s) : Me Cossa, Avocat

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1990:61347.19901210
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