Vu la requête, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 16 juin 1989, présentée pour la société "Etablissements Fabre", sise au Lamentin (Martinique) ; celle-ci demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 25 avril 1989, par lequel le tribunal administratif de Fort-de-France a annulé les décisions de l'inspecteur du travail de la Martinique du 29 août 1985 ayant autorisé la société "Etablissements Fabre" à licencier M. X... et M. Y..., salariés protégés, ensemble la décision implicite du ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale rejetant le recours hiérarchique formé par ces deux salariés ;
2°) de rejeter les demandes de MM. X... et Y... accueillies par ce jugement ;
3°) de décider qu'il sera sursis à l'exécution de ce jugement ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Daguet, Auditeur,
- les observations de la S.C.P. Waquet, Farge, Hazan, avocat de la société "Etablissements Fabre" et de la S.C.P. Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de MM. X... et Y...,
- les conclusions de M. Tuot, Commissaire du gouvernement ;
Sur la recevabilité des demandes de première instance :
Considérant qu'aux termes de l'article 5 du décret du 28 novembre 1983, concernant les relations entre l'administration et les usagers, "les délais opposables à l'auteur d'une demande adressée à l'administration courent de la date de la transmission, à l'auteur de cette demande, d'un accusé de réception mentionnant : 1°) Le service chargé du dossier ou l'agent à qui l'instruction du dossier a été confiée ; 2°) Le délai à l'expiration duquel, à défaut d'une décision expresse, la demande sera réputée acceptée ou rejetée ; 3°) S'il y a lieu, les délais et les voies de recours contre la décision implicite de rejet." ; qu'il n'est pas établi ni même allégué que le ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale ait accusé réception des recours hiérarchiques formés le 31 octobre 1985 par MM. X... et Y... contre les décisions de l'inspecteur du travail de la Martinique en date du 29 août 1985 autorisant leur licenciement ; qu'ainsi, et nonobstant la circonstance que, par lettre du 16 avril 1986, le directeur départemental et de l'emploi de la Martinique a fait savoir à MM. X... et Y... que le ministre l'avait informé le 4 mars 1986 du rejet implicite de leurs recours, les délais de recours contentieux contre les décisions ministérielles implicites rejetant les recours hiérarchiques susmentionnés n'ont pu courir ; que, par suite, contrairement à ce que soutient la société "Etablissements Fabre", les demandes d'annulation de ces décisions implicites de rejet, présentées le 27 juin 1986 par MM. X... et Y... devant le tribunal administratif de Fort-de-France, n'étaient pas tardives ;
Sur la légalité des décisions de l'inspecteur du travail autorisant les licenciements et des décisions ministérielles rejetant les recours hiérarchiques de MM. X... et Y... :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 436-3 du code du travail, relatif au licenciement des représentants du personnel et des représentants syndicaux : "La demande d'autorisation de licenciement est adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception à l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement où est employé l'intéressé", et qu'aux termes de l'article R. 436-8 du même code : "En cas de faute grave, le chef d'entreprise a la faculté de prononcer la mise à pied immédiate de l'intéressé jusqu'à la décision de l'inspecteur du travail. La demande prévue à l'article R. 436-3 est, dans ce cas, présentée au plus tard dans les quarante-huit heures suivant la délibération du comité d'entreprise. S'il n'y a pas de comité d'entreprise, le délai de quarante-huit heures court à compter de la date de la mise à pied" ; que si cette durée de quarante-huit heures n'est pas prescrite à peine de nullité, le délai mentionné par les dispositions précitées doit cependant être aussi court que possible eu égard à la gravité de la mesure de mise à pied ;
Considérant qu'il est constant que le mandat des membres du comité d'entreprise de la société "Etablissements Fabre" était expiré depuis le 11 avril 1985 et que ledit comité n'avait pas été renouvelé le 23 mai 1985, date à laquelle la société a prononcé la mise à pied de M. X..., délégué syndical et représentant syndical au comité d'entreprise, et de M. Y..., délégué du personnel ; qu'ainsi, et quelles que soient les raisons pour lesquelles le comité d'entreprise n'avait pas été renouvelé le 23 mai 1985, il n'y avait pas à cette date de comité d'entreprise au sens et pour l'application des dispositions précitées de l'article R. 436-8 du code du travail ; que, par suite, contrairement à ce que soutient la société requérante, le délai mentionné par ces dispositions, courait à compter de la date des mises à pied ; que la société n'a saisi l'inspecteur du travail des demandes d'autorisation de licenciement de MM. X... et Y... que le 2 août 1985, plus de deux mois après leur mise à pied ; que la longueur excessive de ce délai a entaché d'irrégularité la procédure au terme de laquelle l'inspecteur du travail a, le 29 août 1985, autorisé la société à licencier ces deux salariés ; que, dès lors, la société requérante n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Fort-de-France a annulé les décisions de l'inspecteur du travail du 29 août 1985 ainsi que la décision implicite du ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale rejetant les recours hiérarchiques formés par MM. X... et Y... ;
Article 1er : La requête de la société "Etablissements Fabre" est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société "Etablissements Fabre", à M. X..., à M. Y... et au ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle.