Vu le recours du ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget enregistré le 3 février 1987 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 26 novembre 1986 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a annulé la décision du 10 avril 1985 du directeur des services fiscaux de la Charente-Maritime refusant à l'Association pour l'Action Sociale de la Charente-Maritime (A.P.A.S.) l'autorisation d'opter pour le paiement volontaire de la taxe sur la valeur ajoutée ;
2°) rejette la demande présentée par l'Association pour l'Action Sociale de la Charente-Maritime (A.P.A.S.) devant le tribunal administratif de Poitiers ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Le Menestrel, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Racine, Commissaire du gouvernement ;
Sur la recevabilité de la demande de l'Association pour l'Action Sociale de la Charente-Maritime (A.P.A.S.) :
Considérant que l'Association pour l'Action Sociale de la Charente-Maritime (A.P.A.S.), qui, selon ses statuts, "a pour objet exclusif l'organisation, le fonctionnement et la gestion d'un service médical interentreprises en vue de l'application de la médecine du travail au personnel des établissements de son ressort géographique et professionnel", a, par lettre du 20 mars 1985, demandé au directeur des services fiscaux de la Charente-Maritime de lui reconnaître la qualité d'assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, en faisant valoir, notamment, qu'elle fournit à ses adhérents des prestations de services à titre onéreux qui n'entrent pas dans les cas d'exonération prévus par l'article 261.7.1° du code général des impôts ; que, par lettre du 10 avril 1985, le directeur des services fiscaux a répondu à cette demande en indiquant à l'association qu'il ne pouvait que lui confirmer les termes de deux précédentes lettres des 24 septembre 1981 et 12 février 1982, dans lesquelles il lui avait exposé les motifs de son refus de renouveler l'autorisation, qui lui avait été antérieurement accordée, d'opter pour la taxe sur la valeur ajoutée ;
Considérant que, contrairement à ce que soutient le ministre, cette lettre, qui ne se borne pas à interpréter les dispositions fiscales en vigueur, contient une décision faisant grief à l'association dès lors, notamment, qu'elle est de nature, en lui déniant la qualité d'assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée à la priver du régime des déductions prévu par les articles 271 et suivants du code général des impôts et des textes réglementaires pris pour leur application ;
Considérant que cette même décision, qui rejette une demande de l'association fondée sur un terrain juridique différent de celui sur lequel reposaient les décisions du directeur des services fiscaux des 24 septembre 1981 et 12 février 1982, ne peut être regardée comme purement confirmative de ces dernières ;
Considérant qu'en l'absence d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée et, à défaut d'autre voie de recours juridictionnel permettant à l'association de faire valoir ses prétentions en ce qui concerne cette taxe, la décision du directeur des services fiscaux du 10 avril 1985 était susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ;
Sur la légalité de la décision attaquée :
Considérant qu'aux termes de l'article 256 du code général des impôts : "I- Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée ... les prestations de service effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel..."et qu'aux termes du premier alinéa de l'article 256 A du même code : "Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent d'une manière indépendante, à titre habituel ou occasionnel, une ou plusieurs opérations soumises à la taxe sur la valeur ajoutée, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention" ;
Considérant, toutefois, que l'article 261 du code général des impôts exonère de la taxe sur la valeur ajoutée : "...7.1° a) Les services de caractère social, éducatif, culturel ou sportif rendus à leurs membres par les organismes légalement constitués agissant sans but lucratif, et dont la gestion est désintéressée..., b) Les opérations faites au bénéfice de toutes personnes par des euvres sans but lucratif qui présentent un caractère social ou philanthropique et dont la gestion est désintéressée... ;" ;
Considérant qu'il ressort du règlement intérieur de l'Association pour l'Action Sociale de la Charente-Maritime (A.P.A.S.), que les cotisations exigées des employeurs adhérents couvrent l'ensemble des charges résultant, pour l'association, des examens réglementaires, des examens particuliers auxquels sont soumis les travailleurs exposés à certains risques, des examens occasionnels sollicités par l'entreprise ainsi que de la surveillance de l'hygiène et de la sécurité et sont calculées d'après le nombre des salariés de chaque entreprise, sous réserve des résultats de la comparaison établie, à la fin de chaque exercice, entre le nombre des salariés déclarés et celui des visites médicales réellement effectué et ayant donné lieu à la perception de cotisations ; qu'en raison du lien direct ainsi établi entre les services rendus aux adhérents et leur contrevaleur en argent, l'Association pour l'Action Sociale de la Charente-Maritime (A.P.A.S.) est, ainsi qu'il n'est d'ailleurs pas contesté, au nombre des personnes qui, effectuant des opérations ayant la nature de prestations de service fournies à titre onéreux, sont, en vertu des articles 256 et 256 A du code général des impôts, précités, assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée ; que les recettes provenant de telles opérations ne sont toutefois soumises à la taxe que sous réserve des exonérations prévues par la loi fiscale ;
Considérant que les opérations de l'Association pour l'Action Sociale de la Charente-Maritime (A.P.A.S.) sont faites au bénéfice de ses seuls membres et non de "toutes personnes" ; qu'ainsi et en tout état de cause, elles n'entrent pas dans les prévisions du 7.1° b) de l'article 261 du code général des impôts, précité ; que, bien que le rôle des services médicaux du travail consiste, selon l'article L.241-2 du code du travail, "à éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail, notamment en surveillant les conditions d'hygiène du travail, les risques de contagion et la santé des travailleurs", les organismes ayant, comme l'Association pour l'Action Sociale de la Charente-Maritime (A.P.A.S.), pour objet exclusif d'assurer, en se conformant aux dispositions des articles R.241.12 et suivants du code du travail, l'organisation, le fonctionnement et la gestion d'un service médical du travail interentreprises et de faciliter, ainsi, aux entreprises qui, n'étant pas tenues de disposer, en propre, d'un service médical du travail, l'exécution de l'obligation que la loi leur impose néanmoins de faire bénéficier leur personnel d'un tel service, ne peuvent être regardées comme rendant à celles de ces entreprises qui sont leurs adhérents, des services présentant, pour ces dernières, un "caractère social", au sens du 7.1° a) de l'article 261 du code général des impôts, précité ; que n'étant exonérée de la taxe sur la valeur ajoutée ni par cet article, ni par aucune autre disposition de la loi fiscale, l'Association pour l'Action Sociale de la Charente-Maritime (A.P.A.S.) soutient, avec raison, qu'elle est de plein droit assujettie à cette taxe et que la décision du directeur des services fiscaux de la Charente-Maritime, qui a refusé de lui reconnaître cette qualité est, par suite, entachée d'excès de pouvoir ; que, dans ces conditions, le ministre n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a prononcé l'annulation de cette décision ;
Article 1er : Le recours du ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget et à l'Association pour l'Action Sociale de la Charente-Maritime (A.P.A.S.).