Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 2 juin 1982 et 4 octobre 1982 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jean-Pierre X..., demeurant ..., et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) réforme le jugement du tribunal administratif de Paris du 25 mars 1982, en tant qu'il a rejeté sa demande en décharge de la taxe sur la valeur ajoutée à laquelle il a été assujetti, au titre de la période du 1er janvier 1972 au 31 décembre 1973,
2°) le décharge de cette imposition ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Le Menestrel, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Boullez, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Racine, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 256 du code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur avant le 1er janvier 1979 : "Les affaires faites en France ... sont passibles de la taxe sur la valeur ajoutée lorsqu'elles relèvent d'une activité industrielle ou commerciale ..." ; qu'aux termes des dispositions, applicables en l'espèce, de l'article 265 du même code : "1. Le chiffre d'affaires est fixé forfaitairement en ce qui concerne les contribuables dont le chiffre d'affaires annuel n'excède pas les maximums prévus à l'article 302 ter -1 ...2. Le montant du forfait servant de base à l'impôt est établi par l'administration après entente avec le redevable ...6. A défaut d'accord entre l'administration et le redevable, les deux parties peuvent saisir la commission départementale prévue à l'article 1651. Les éléments servant de base à la détermination du forfait sont alors fixés par la commission, sans préjudice du droit pour le redevable d'introduire une réclamation ... en fournissant tous éléments, comptables et autres, de nature à permettre d'apprécier l'importance des affaires que son entreprise peut réaliser normalement, compte tenu de sa situation propre ..." ;
Considérant qu'à l'occasion d'une vérification de la situation fiscale de M. X..., qui exerce, à Paris, les professions d'expert-comptable et de commissaire aux comptes, l'administration a constaté, d'une part, que l'intéressé avait loué au cours, notamment, des années 1972 et 1973, des chambres meublées à des étudiants, d'autre part, que, par acte du 4 février 1972, il avait confié la gérance d'une partie de la clientèle de son cabinet d'expert-comptable à la société à responsabilité limitée d'expertise-comptable "Omnium Comptable" ; qu'estimant que ces deux opérations relevaient d'une activité commerciale, au sens de l'article 256 précité du code général des impôts, et que les recettes que M. X... en avait tirées, en 1972 et 1973, pour des montants restant inférieurs aux maximums fixés par l'article 302 ter-1 du même code, devaient, en conséquence, être soumises à la taxe sur la valeur ajoutée, l'administration lui a notifié une proposition de forfait de chiffre d'affaires pour chacune de ces deux années ; que cette proposition n'ayant pas été acceptée par M. X..., la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a fixé le chiffre d'affaires à retenir pour l'établissement du forfait à 75 780 F pour 1972 et à 76 980 F pour 1973, en évaluant à 27 000 F, pour chacune de ces années, les recettes afférentes à la location de neuf chambres meublées et à 48 780 F pour 1972, et 49 980 F pour 1973, les recettes produites par la mise en gérance d'une partie de la clientèle du cabinet d'expert-comptable ; que M. X... conteste les impositions mises, sur ces bases, à sa charge ;
En ce qui concerne l'imposition des recettes afférentes à la location de chambres meublées :
Considérant que la location de chambres meublées est une activité de nature commerciale dont les recettes sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée ;
Considérant, en premier lieu, qu'il ne résulte de l'instruction, ni que certaines des chambres dont M. X... est propriétaire avaient été mises gratuitement à la disposition de leurs occupants, ni que deux chambres avaient été louées non meublées ; qu'ainsi l'administration et la commission départementale des impôts n'ont commis aucune erreur d'appréciation en estimant à neuf le nombre des chambres données en location meublée par M. X... ;
Considérant, en deuxième lieu, que, si plusieurs de ces chambres ont été acquises par M. X... en même temps que l'appartement qui lui sert d'habitation principale, elles ne peuvent être regardées comme des pièces de cette habitation, dès lors qu'elles en sont séparées et qu'on y accède par les parties communes de l'immeuble ; que, par suite, M. X... n'est pas fondé, en ce qui les concerne, à se prévaloir, sur le fondement de l'article 1649 quinquies E du code général des impôts, repris à l'article L. 80 du livre des procédures fiscales, de l'indication contenue dans la documentation administrative de base de la direction générale des impôts (3-A-318), selon laquelle les personnes qui louent en meublé une ou plusieurs pièces de leur habitation principale sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée ;
Considérant, enfin, que M. X... ne fait état d'aucun élément, comptable ou autre, permettant d'évaluer les recettes qu'il était normalement susceptible de tirer, en 1972 et 1973, de la location de neuf chambres meublées, à une somme inférieure à celle de 27 000 F par an qui a été retenue par la commission départementale des impôts ; que la décision ministérielle du 3 août 1971, qui exempte de la taxe sur la valeur ajoutée le produit des locations meublées n'excédant pas, en 1972 et 1973, 8 000 F par an, ne peut donc être utilement invoqué par M. X..., sur le fondement des dispositions, déjà mentionnées, de l'article 1649 quinquies E du code général des impôts, repris à l'article L. 80 du livre des procédures fiscales ;
Considérant qu'il découle de tout ce qui a été dit ci-dessus que M. X... n'est fondé à contester, ni le principe, ni les bases des impositions qui lui ont été réclamées au titre de son activité de loueur de chambres meublées ;
En ce qui concerne l'imposition des recettes que la mise en gérance d'une partie de la clientèle de son cabinet d'expert-comptable aurait procurées à M. X... :
Considérant, d'une part, que le fait, par M. X..., d'avoir confié la gérance d'une partie de la clientèle de son cabinet d'expert-comptable à la société à responsabilité limitée d'expertise comptable "Omnium Comptable" n'est pas de nature à conférer à cette opération le caractère d'une "affaire", au sens de l'article 256 précité du code général des impôts ;
Considérant, d'autre part, que l'administration n'établit, ni même n'allègue que les locaux donnés à bail à la société à responsabilité limitée "Omnium Comptable" par la société civile immobilière "Montholon-Rochambeau", dont M. X... détenait la quasi-totalité des parts, étaient meublés ou munis de matériels nécessaires à l'activité du preneur ; qu'ainsi et à supposer même qu'elle doive être regardée comme ayant été, en réalité, directement consentie par M. X..., cette location nue, dépourvue de caractère commercial, n'a pu, en tout état de cause, contribuer à donner un tel caractère à la mise en gérance, par M. X..., d'une partie de la clientèle de son cabinet d'expert-comptable ; que les recettes que cette opération lui auraient procurées n'étaient donc pas passibles de la taxe sur la valeur ajoutée ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a refusé de le décharger de la taxe sur la valeur ajoutée à laquelle il a été assujetti au titre de la période du 1er janvier 1972 au 31 décembre 1973, à concurrence de droits calculés sur une base de 48 780 F pour 1972 et de 49 980 F pour 1973 ;
Article 1er : L'assiette de la taxe sur la valeur ajoutée à laquelle M. X... a été assujetti au titre de la période du 1er janvier 1972 au 31 décembre 1973, est réduite de 98 760 F.
Article 2 : M. X... est déchargé de la différence entre les droits auxquels il a été assujetti par avis de mise en recouvrement des 9 septembre et 10 décembre 1976, au titre de la période du 1er janvier 1972 au 31 décembre 1973, et ceux qui résultent le l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 25 mars 1982 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. X... et au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget.