Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 août 1986 et 12 décembre 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE CIVILE AGRICOLE DU DOMAINE DU BREUIL, dont le siège est à Graveson (13690), représentée par son gérant en exercice, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 22 mai 1986 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de l'office national d'immigration lui infligeant une sanction, et à celle de l'état exécutoire du 26 septembre 1984 mettant en recouvrement la somme de 24 400 F ;
2°) annule ces décisions,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Rossi, Auditeur,
- les observations de la S.C.P. Piwnica, Molinié, avocat de la SOCIETE CIVILE AGRICOLE DU DOMAINE DU BREUIL et de la SCP Defrénois, Lévis, avocat de l'office national d'immigration,
- les conclusions de M. Faugère, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que le moyen tiré de ce que le jugement attaqué n'aurait pas comporté l'analyse des mémoires des parties manque en fait ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
Considérant qu'aux termes du 1er alinéa de l'article L.341-6 du code du travail : "il est interdit à toute personne d'engager ou de conserver à son service un étranger, non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France", et qu'aux termes de l'article L.341-7 du même code : "Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourraient être intentées à son encontre, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en violation des dispositions de l'article L.341-6, premier alinéa, sera tenu d'acquitter une contribution spéciale au bénéfice de l'office national d'immigration. Le montant de cette contribution spéciale ne saurait être inférieur à 500 fois le taux du minimum garanti prévu à l'article L.141-8 ..." ;
Considérant que l'état exécutoire émis le 12 octobre 1984 par le directeur de l'office national d'immigration à l'encontre de la SOCIETE CIVILE AGRICOLE DU DOMAINE DU BREUIL en application des dispositions susmentionnées, comporte l'indication des éléments de liquidation des sommes dues, la mention des textes applicables et le relevé des infractions, par référence à un procès-verbal ; que la lettre en date du même jour par laquelle le directeur de l'office national d'immigration notifiait à la société requérante sa décision de mettre en recouvrement la contribution spécile, indiquait qu'elle était prise à la suite de la constatation par un procès-verbal du contrôleur du travail et de la protection sociale agricole des Bouches-du-Rhône, de l'emploi par la SOCIETE CIVILE AGRICOLE DU DOMAINE DU BREUIL de quatre travailleurs étrangers en situation irrégulière, et mentionnait les textes applicables ; que cette motivation répond aux exigences de la loi du 11 juillet 1979 ;
Considérant que par une lettre du 21 novembre 1983, le contrôleur du travail et de la protection sociale agricole des Bouches-du-Rhône a adressé à M. Z..., gérant de la SOCIETE CIVILE AGRICOLE DU DOMAINE DU BREUIL, une lettre l'informant de la mise en oeuvre de la procédure de recouvrement de la contribution spéciale, et lui indiquant que, conformément aux dispositions de l'article R.341-33 du code du travail, il disposait d'un délai de quinze jours pour lui faire parvenir ses observations ; que, par suite le moyen tiré de ce que la décision attaquée aurait été prise au terme d'une procédure non contradictoire, manque en fait ;
Considérant que la procédure de mise en recouvrement de la contribution spéciale à l'office national d'immigration est indépendante des poursuites judiciaires qui peuvent être intentées à l'encontre des contrevenants aux dispositions de l'article L.341-6 précité du code du travail ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée devrait être annulée par voie de conséquence de la cassation à intervenir des sanctions pénales infligées à M. Z... est, en tout état de cause, inopérant ; qu'il en est de même du moyen tiré de ce que ces condamnations n'ont été prononcées que pour l'emploi de trois travailleurs étrangers en situation irrégulière, alors que les constatations de fait du tribunal correctionnel n'infirment pas celles du contrôleur du travail et de la protection sociale agricole en ce qui concerne le quatrième salarié ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment du procès-verbal dressé par le contrôleur du travail, que le 4 octobre 1983, quatre personnes qui ont déclaré se nommer Y... Mohamed, X... Ahmed, Bermili Mohamed A... Tahar étaient occupés aux travaux des vendanges sur l'exploitation agricole de la SOCIETE CIVILE AGRICOLE DU DOMAINE DU BREUIL pour un salaire moyen de 350 F par jour ; que les intéressés ont reconnu ne pas être titulaires d'un titre de travail régulier et que le gérant de la SOCIETE CIVILE AGRICOLE DU DOMAINE DU BREUIL lui-même a reconnu "ne pas avoir cherché à approfondir leur situation administrative" ; que ni la circonstance que les quatre salariés interrogés auraient dissimulé partiellement leur état-civil, ou que des feuilles de vendanges mentionnant le salaire versé aux vendangeurs auraient été volées à la SOCIETE CIVILE AGRICOLE DU DOMAINE DU BREUIL quelques jours auparavant, ni les affirmations ultérieures et d'ailleurs contradictoires du gérant ne sont de nature à infirmer ces constatations qui caractérisent l'infraction à l'article L.341-6 précité du code du travail ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que la SOCIETE CIVILE AGRICOLE DU DOMAINE DU BREUIL n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 12 octobre 1984 du directeur de l'office national d'immigration mettant à sa charge la contribution spéciale prévue par l'article L.341-7 du code du travail ;
Article 1er : La requête de la SOCIETE CIVILE AGRICOLE DU DOMAINE DU BREUIL est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE CIVILE AGRICOLE DU DOMAINE DU BREUIL et au ministre de l'agriculture et de la forêt.