Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 27 juillet 1984 et 9 novembre 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Louis X..., demeurant Corre à Jussey (70500) et pour la SOCIETE ANONYME MOULIN X..., dont le siège est à Corre, Jussey (70500), et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement, en date du 30 mai 1984, par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté la demande de M. X... à fin de décharge et de réduction des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes auxquelles il avait été assujetti au titre des années 1978 et 1979 et les demandes de la SOCIETE ANONYME MOULIN X... à fin de réduction de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés et des pénalités correspondantes auxquelles elle avait été assujettie au titre de l'année 1980 et de la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes mises à sa charge au titre de la période du 1er avril 1979 au 31 mars 1980,
2°) leur accorde la décharge ou la réduction des impositions contestées ainsi que des pénalités correspondantes,
3°) à titre subsidiaire, ordonne une expertise,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Teissier du Cros, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Choucroy, avocat de M. Louis X... et de la Société anonyme "MOULIN X...",
- les conclusions de M. Ph. Martin, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que le tribunal administratif de Besançon a été saisi de trois demandes distinctes, l'une émanant de M. X..., ayant trait aux suppléments d'impôt sur le revenu auxquels celui-ci a été assujetti au titre des années 1978 et 1979, les deux autres de la société anonyme "MOULIN X...", et ayant trait aux suppléments d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée auxquels cette société a été assujettie au titre, respectivement, de l'année 1980 et de la période du 1er avril 1979 au 31 mars 1980 ; que, compte tenu de la nature de l'impôt sur le revenu et de l'impôt sur les sociétés, et quels que fussent en l'espèce les liens de fait et de droit entre ces deux impositions, le tribunal devait statuer par deux décisions séparées à l'égard de M. X... d'une part et de la société anonyme "MOULIN X..." d'autre part ; que c'est en méconnaissance de cette règle d'ordre public que le tribunal administratif a prononcé la jonction des instances ; que, dès lors, son jugement doit être annulé en tant qu'il a statué sur les impositions de la société anonyme "MOULIN X..." en même temps que sur celles de M. X... ;
Considérant qu'il y a lieu, pour le Conseil d'Etat, dans les circonstances de l'affaire, d'une part, d'évoquer les demandes présentées devant le tribunal administratif de Besançon par la société anonyme "MOULIN X..." pour y être statué après que les mémoires et pièces produites pour ladite société auront été enregistrées par le secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat sous un numéro distinct, et, d'autre part, de statuer, par l'effet dévolutif de l'appel sur les conclusions de la requête n° 61 229 en tant qu'elles concernent les impositions contestées par M. X... ;
Sur les conclusions de la requête en tant qu'elles concernent le seul M. X... :
Sur l'étendue du litige :
Considérant que, par décision du 20 mars 1989, postérieure à l'introduction du pourvoi, le directeur des services fiscaux de la Haute-Marne a accordé à M. X... le dégrèvement d'impositions, en droits et pénalités, de 9 280 F au titre de l'année 1978 et de 15 700 F au titre de l'année 1979 ; que, dans cette mesure, les conclusions de la requête de M. X... sont devenues sans objet ;
Sur le bien-fondé de l'imposition en litige :
Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 109 du code général des impôts : "Sont considérés comme revenus distribués : 1°) Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ..." et qu'aux termes de l'article 111 du même code : "Sont notamment considérés comme revenus distribués : ... c) Les rémunérations et avantages occultes" ;
Considérant que le supplément d'impôt sur le revenu qui a été assigné à M. X... au titre de l'année 1979 et demeure en litige, a été établi, sur le fondement des dispositions précitées, à raison de l'"avantage occulte" qui aurait été accordé à l'intéressé par la société anonyme "MOULIN X...", dont il est président-directeur général et associé, et résultant de l'acquisition par la société, en 1979, d'une porcherie appartenant à M. X..., qu'elle a inscrite à ses immobilisations, pour un prix excédant, selon l'administration, de 80 700 F sa valeur vénale ;
Considérant qu'il est constant que la porcherie que M. X... avait acquise en 1973 au prix de 180 000 F et qu'il a cédée en 1979 à la société "MOULIN X..." au prix de 250 000 F était aménagée en vue de l'engraissement de 500 animaux et comportait des installations modernes notamment d'alimentation automatique, de chauffage et de ventilation ; que si l'administration estime, ainsi qu'il a été dit, que la cession de la porcherie a été faite pour un prix excédant de 80 700 F sa valeur vénale, elle n'en apporte pas la preuve, qui lui incombe, dès lors que le contribuable a exprimé, dans le délai prescrit, son désaccord avec le redressement, en se bornant à se référer aux prix, corrigés par des calculs purement théoriques, de la cession en 1976 et 1981 de deux autres porcheries qui n'avaient ni une capacité ni des caractéristiques techniques comparables à celles de M. X... ; qu'ainsi la réalité de l'avantage occulte de 80 700 F accordé à l'intéressé n'est pas établie ; que M. X... ne contestant ce redressement qu'à concurrence de 66 000 F, il n'y a lieu de faire droit, que dans cette mesure à sa demande en réduction ;
Considérant que, de ce qui précède, il résulte que M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande en réduction du supplément d'impôt sur le revenu qui lui a été assigné au titre de l'année 1979, à raison de la somme de 66 000 F ci-dessus ;
Article 1er : Les productions de la société anonyme "MOULIN X..." enregistrées sous le n° 61 229 seront rayées du registre du secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat pour être enregistrées sous un numéro distinct.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Besançon du 30 mai 1984 est annulé.
Article 3 : Il n'y a lieu de statuer sur les conclusions de la requête susvisée, en tant qu'elles concernent M. X... et tendaient à la réduction d'impositions, en droits et pénalités, de 9 280 F au titre de l'année 1978 et de 15 700 F au titre de l'année 1979, dont le dégrèvement a été prononcé.
Article 4 : La base de l'impôt sur le revenu dû par M. X... au titre de l'année 1979 est réduite de 66 000 F.
Article 5 : Le supplément d'impôt sur le revenu et les pénalités y afférentes qui ont été mis à la charge de M. X... au titre de l'année 1979, est réduit dans la mesure indiquée à l'article 4 ci-dessus.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. X..., à la société anonyme "MOULIN X..." et au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget.