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14/06/1989 | FRANCE | N°107969

France | France, Conseil d'État, Pleniere, 14 juin 1989, 107969


Vu la décision en date du 14 juin 1989 par laquelle le Conseil d'Etat a décidé que les productions de la société anonyme "MOULIN X..." enregistrées sous le n° 61 229 seraient rayées du registre du secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat pour être enregistrées sous un numéro distinct ;
Vu, en tant qu'ils sont présentés pour la société anonyme "MOULIN X..." dont le siège est à Corre, Jussey (70500), la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 juillet 1984 et 9 novembre 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, et tendant à ce

que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement, en date du 30 mai 1984, p...

Vu la décision en date du 14 juin 1989 par laquelle le Conseil d'Etat a décidé que les productions de la société anonyme "MOULIN X..." enregistrées sous le n° 61 229 seraient rayées du registre du secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat pour être enregistrées sous un numéro distinct ;
Vu, en tant qu'ils sont présentés pour la société anonyme "MOULIN X..." dont le siège est à Corre, Jussey (70500), la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 juillet 1984 et 9 novembre 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement, en date du 30 mai 1984, par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté la demande de ladite société à fin de réduction de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés et des pénalités auxquelles elle avait été assujettie au titre de l'année 1980 et à la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités mises à sa charge au titre de la période du 1er avril 1979 au 31 mars 1980 ;
2°) décharge la société requérante des impositions et pénalités contestées ou en accorde la réduction ;
Vu les autres pièces du dossier n° 61 229 ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Teissier du Cros, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Choucroy, avocat de la Société anonyme "MOULIN X...",
- les conclusions de M. Ph. Martin, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par décision du 14 juin 1989, le Conseil d'Etat, statuant au Contentieux sur la requête n° 61 229 par laquelle M. X... et la société anonyme "MOULIN X..." ont fait appel du jugement unique du tribunal administratif de Besançon du 30 mai 1984 se prononçant sur les demandes distinctes dont ils l'avaient saisi, a annulé ledit jugement en tant qu'il a statué sur les demandes de la société anonyme "MOULIN X...", a évoqué ces demandes et décidé d'y statuer après que les productions de la société auront été enregistrées par le secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat sous un numéro distinct ; que lesdites productions ayant été enregistrées sous le n° 107 969, il y a lieu de statuer, sous ce numéro, sur les conclusions des demandes de la société anonyme "MOULIN X..." ;
Sur la taxe sur la valeur ajoutée :
Considérant qu'aux termes de l'article 237 de l'annexe II au code général des impôts : "Les véhicules ou engins, quelle que soit leur nature, conçus pour transporter des personnes ou à usages mixtes, qui constituent une immobilisation ... n'ouvrent pas droit à déduction ..." ;
Considérant que l'administration, estimant que deux voitures de sport que la société "MOULIN X..." avait inscrites en stocks à l'actif de ses bilans avaient le caractère d'immobilisations, a rappelé, en application de l'article 237 de l'annexe II au code précité, la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé l'acquisition desdites voitures, dont l'entreprise avait opéré la déduction ; que, pour demander la décharge de ce rappel, la société "MOULIN X..." se borne à soutenir que les véhicules en question étaient utilisés par elle comme des objets de démonstration pour les besoins du commerce de véhicules neufs et d'occasion qu'elle exploitait à titre accessoire ; que, toutefois, l'administration établit que l'emploi de ces voitures ne présentait pas, avec l'activité accessoire de la société, un lien suffisamment étroit pour les faire regarder comme des voitures de démonstration ayant le caractère de stock et non comme des éléments durables d'exploitation ayant le caractère d'immobilisations, et servant, en réalité, à titre principal, à l'usage de M. X..., président-directeur général et associé de la société ; que les conclusions de la demande de la société relatives à la taxe sur la valeur ajoutée en droits simples doivent dès lors être rejetées ;
Sur l'impôt sur les sociétés :
En ce qui concerne la cession d'un véhicule :

Considérant que la société "MOULIN X..." a cédé, le 15 juin 1979, l'une des deux voitures de sport ci-dessus, qu'elle avait acquise le 8 mars 1978 et inscrite en stock à l'actif du bilan de clôture de son exercice 1978, subissant ainsi une moins-value à court terme qu'elle a déduite de son bénéfice ; que l'administration estimant, ainsi qu'il a été dit, que les véhicules avaient le caractère d'immobilisations et non de stocks, a soumis au régime des plus-values à court terme l'amortissement que l'entreprise aurait dû effectuer selon le mode linéaire sur cette immobilisation en vertu de l'article 39-B du code général des impôts, et déduit du prix d'acquisition du véhicule l'amortissement omis en comptabilité, trouvant ainsi une valeur résiduelle inférieure de 13 279 F au prix de cession ; qu'elle a imposé en conséquence une plus-value de ce montant ;
Considérant qu'aux termes de l'article 39-8 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu du 1 de l'article 209 du même code : "A la clôture de chaque exercice, la somme des amortissements effectivement pratiqués depuis l'acquisition ou la création d'un élément donné ne peut être inférieure au montant cumulé des amortissements calculés suivant le mode linéaire et répartis sur la durée normale d'utilisation. A défaut de se conformer à cette obligation, l'entreprise perd définitivement le droit de déduire la fraction des amortissements qu'elle a ainsi différée" ; qu'aux termes de l'article 39 duodecies du même code : " ... 2 - Le régime des plus-values à court terme est applicable : a) Aux plus-values provenant de la cession d'éléments acquis ou créés depuis moins de deux ans ; b) Aux plus-values réalisées à l'occasion de la cession d'éléments détenus depuis deux ans au moins, dans la mesure où elles correspondent aux amortissements déduits pour l'assiette de l'impôt. Le cas échéant, ces plus-values sont majorées du montant des amortissements expressément exclus des charges déductibles ainsi que de ceux qui ont été différés en contravention aux dispositions de l'article 39-B ; ... 4 - Le régime des moins-values à court terme est applicable : ... b) Aux moins-values subies lors de la cession de biens amortissables, quelle que soit la durée de leur détention. Le cas échéant, ces moins-values sont diminuées du montant des amortissements expressément exclus des charges déductibles, ainsi que de ceux qui ont été différés en contravention aux dispositions de l'article 39-B" ;

Considérant que l'administration établit que le véhicule litigieux avait le caractère d'une immobilisation ; qu'elle est dès lors fondée à soutenir qu'en inscrivant ce bien à son bilan comme stock, ce qui lui permettait de ne pas pratiquer d'amortissement, l'entreprise a omis l'amortissement dudit bien auquel elle était obligée en vertu de l'article 39-B du code ; que c'est dès lors à bon droit que l'administration a retranché de la moins-value à court terme, sur le fondement des dispositions du 4 b) de l'article 39 duodecies, l'amortissement ainsi différé en contravention à la règle tracée à l'article 39-B ; que cet amortissement étant supérieur au chiffre de la moins-value déclarée, l'administration était fondée à décider qu'aucune moins-value n'était déductible ;
Considérant, en revanche, que la voiture cédée le 15 juin 1979 ayant été acquise par l'entreprise le 8 mars 1978, soit depuis moins de deux ans, les dispositions du 2 a) de l'article 39 duodecies s'opposaient à ce que l'administration tînt compte de l'amortissement différé pour calculer une plus-value ; qu'ainsi la somme de 13 279 F, représentant l'excédent de l'amortissement différé sur la moins-value déclarée, n'était pas imposable comme plus-value ; qu'il y a lieu pour le Conseil d'Etat, par ce moyen, qui touche au champ d'application de la loi, de limiter d'office le redressement au montant de la moins-value indûment déduite ;
En ce qui concerne l'acquisition d'une porcherie :
Considérant que l'administration a réintégré dans le bénéfice imposable de la société "MOULIN X..." au titre de l'année 1980 la libéralité que celle-ci aurait consentie à M. X... en acquérant, ladite année, pour un prix excédant 80 700 F sa valeur réelle, une porcherie appartenant à l'intéressé ;

Considérant qu'il est constant que la porcherie que M. X... avait acquise en 1973 au prix de 180 000 F et qu'il a cédée en 1979 au prix de 250 000 F était aménagée en vue de l'engraissement de 500 animaux et comportait des installations modernes notamment d'alimentation automatique, de chauffage et de ventilation ; que si l'administration estime que la cession de la porcherie a été faite à un prix excédant de 80 700 F sa valeur vénale, elle n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, de l'acte anormal de gestion dont elle se prévaut, en se bornant à se référer aux prix, corrigés par des calculs purement théoriques, de la cession en 1976 et 1981 de deux autres porcheries qui n'avaient ni une capacité, ni des caractéristiques techniques comparables à celles de M. X... ; qu'ainsi l'existence de la libéralité de 80 700 F consentie à l'intéressé n'est pas établie ; que la société ne contestant le redressement qu'à concurrence de 66 000 F, il n'y a lieu de faire droit que dans cette mesure à sa demande en réduction ;
Considérant que, de ce qui précède, il résulte que la base de l'impôt sur les sociétés assigné à la société "MOULIN X..." pour l'année 1980 doit être réduite de 79 279 F, total des sommes de 13 279 F et de 66 000 F ci-dessus ;
Sur les pénalités appliquées aux impositions encore en litige :
Considérant que l'administration ne justifie, ni que la société "MOULIN X..." aurait organisé, dans des conditions révélatrices de manoeuvres frauduleuses, la dissimulation de biens amortissables afin de déduire de son résultat une moins-value à court terme ainsi que de la taxe sur la valeur ajoutée dont elle était redevable une taxe ayant grevé un bien acquis par elle, ni qu'elle aurait opéré ces déductions de mauvaise foi ; qu'il y a lieu, dès lors, de substituer aux majorations pour manoeuvres frauduleuses dont le supplément d'impôt sur les sociétés maintenu à sa charge au titre de l'année 1980 et le rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er avril 1979 au 31 mars 1980 ont été assortis, les intérêts et les indemnités de retard prévus aux articles 1727, 1728 et 1734 du code général des impôts dans la limite, toutefois, des majorations primitivement appliquées ;
Article 1er : Le bénéfice imposable de la société anonyme "MOULIN X..." au titre de l'année 1980 est réduit de 79 279 F.
Article 2 : La société anonyme "MOULIN X..." est déchargée de la fraction du supplément d'impôt sur les sociétés et des majorations y afférentes auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 1980 qui résulte de l'application de l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : Aux majorations de 150 % et 300 % appliquées, respectivement, au supplément d'impôt sur les sociétés maintenu à la charge de la société anonyme "MOULIN X..." au titre de l'année 1980 et au rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la même société au titre de la période du 1er avril 1979 au 31 mars 1980 sont substitués, dans la limite de chacune de ces majorations, les intérêts et indemnités de retard prévus aux articles 1727, 1728 et 1734 du code général des impôts.
Article 4 : Le surplus des conclusions des demandes présentées devant le tribunal administratif de Besançon par la société anonyme "MOULIN X..." et le surplus des conclusions de sa requête devant le Conseil d'Etat sont rejetés.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société anonyme "MOULIN X..." et au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget.


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-02-01-03-03 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - BENEFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - EVALUATION DE L'ACTIF - PLUS ET MOINS-VALUES DE CESSION -Calcul du montant de la plus-value - L'administration peut retrancher d'une moins-value à court terme l'amortissement différé en contravention à la règle tracée à l'article 39-B du C.G.I., et décider qu'aucune moins-value n'est déductible - Mais elle ne peut tenir compte de l'amortissement différé pour calculer une plus-value.

19-04-02-01-03-03 La société a cédé le 15 juin 1979 une voiture de sport, qu'elle avait acquise le 8 mars 1978 et inscrite en stock à l'actif du bilan de clôture de son exercice 1978, subissant ainsi une moins-value à court terme qu'elle a déduite de son bénéfice. L'administration estimant que ce véhicule avait le caractère d'immobilisations et non de stocks, a soumis au régime des plus-values à court terme l'amortissement que l'entreprise aurait dû effectuer selon le mode linéaire sur cette immobilisation en vertu de l'article 39-B du CGI, et déduit du prix d'acquisition du véhicule l'amortissement omis en comptabilité, trouvant ainsi une valeur résiduelle inférieure au prix de cession. Elle a imposé en conséquence une plus-value de ce montant. L'administration établit que le véhicule litigieux avait le caractère d'une immobilisation ; elle est dès lors fondée à soutenir qu'en inscrivant ce bien à son bilan comme stock, ce qui lui permettait de ne pas pratiquer d'amortissement, l'entreprise a omis l'amortissement dudit bien auquel elle était obligée en vertu de l'article 39-B du code. C'est dès lors à bon droit que l'administration a retranché de la moins-value à court terme, sur le fondement des dispositions du 4 b) de l'article 39 duodecies, l'amortissement ainsi différé en contravention à la règle tracée à l'article 39-B ; cet amortissement étant supérieur au chiffre de la moins-value déclarée, l'administration était fondée à décider qu'aucune moins-value n'était déductible. En revanche, la voiture cédée en 1979 ayant été acquise par l'entreprise depuis moins de deux ans, les dispositions du 2 a) de l'article 39 duodecies s'opposaient à ce que l'administration tint compte de l'amortissement différé pour calculer une plus-value, la somme de 13 279 F, représentant l'excédent de l'amortissement différé sur la moins-value. IL y a lieu pour le Conseil d'Etat, par ce moyen, qui touche au champ d'application de la loi, de limiter d'office le redressement au montant de la moins-value indûment déduite.


Références :

. CGI 39 B, 209, 39 duodecies, 1727, 1728, 1734
CGIAN2 237


Publications
Proposition de citation: CE, 14 jui. 1989, n° 107969
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Rougevin-Baville
Rapporteur ?: M. Teissier du Cros
Rapporteur public ?: M. Ph. Martin

Origine de la décision
Formation : Pleniere
Date de la décision : 14/06/1989
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 107969
Numéro NOR : CETATEXT000007628346 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1989-06-14;107969 ?
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