Vu le recours du MINISTRE DES DEPARTEMENTS ET DES TERRITOIRES D'OUTRE-MER enregistré le 16 mars 1987 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement du 23 décembre 1986 par lequel le tribunal administratif de Papeete a annulé la décision du Haut-Commissaire de la République en Polynésie française du 2 mars 1986, prononçant l'expulsion et l'interdiction de toute nouvelle entrée sur le territoire de la Polynésie française de Mme Dorothée X... ;
2° rejette la demande de Mme Dorothée X... devant le tribunal administratif de Papeete,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution de 1958, notamment son article 55 ;
Vu la loi du 3 décembre 1849 ;
Vu la loi du 29 mai 1874 ;
Vu le traité de Rome, notamment son article 131 et son annexe IV, ensemble la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le protocole du 8 avril 1965 sur les privilèges et immunités des communautés européennes ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi du 11 juillet 1979 ;
Vu la loi n° 84-820 du 6 septembre 1984 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Dubos, Maître des requêtes,
- les conclusions de M. Vigouroux, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la loi du 3 décembre 1849 sur la naturalisation et le séjour des étrangers en France, maintenue en vigueur dans les territoires d'outre-mer et applicable dans le territoire de la Polynésie française "le ministre de l'intérieur pourra par mesure de police enjoindre à un étranger voyageant ou résidant en France, de sortir immédiatement du territoire français, et le faire conduire à la frontière" ; qu'en vertu de l'article 2 de la loi du 29 mai 1874, les pouvoirs conférés au ministre de l'intérieur par l'article 7 de la loi du 3 décembre 1849 précitée sont exercés par le représentant du gouvernement dans le territoire ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X... a, lors de son séjour en Polynésie française, tenu au cours de manifestations publiques organisées pendant la campagne pour les élections législatives et pour les élections à l'assemblée territoriale, des propos violemment hostiles à la politique de défense de la France et à l'intégrité de son territoire ; qu'en estimant, dans les circonstances de l'affaire, que les agissements de Mme X... constituaient une menace pour l'ordre public et en décidant par ce motif d'enjoindre à l'intéressée de quitter le territoire, le Haut-commissaire de la République n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ; que, dès lors, le ministre des départements et territoires d'outre-mer est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Papeete, pour annuler l'arrêté du 2 mars 1986, s'est fondé sur l'absence de motif de nature à justifier l'expulsion de Mme X... ;
Considérant qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par Mme X... devant le tribunal administratif à l'appui de sa demande d'annulation dudit arrêté ;
Considérant qu'en l'absence de dispositions la rendant applicable au territoire de la Polynésie et dépendances la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre le public et l'administration est sans application dans ce territoire ; qu'aucune autre disposition législative ou réglementaire n'impose la motivation d'une mesure de police ;
Considérant que si Mme X... invoque les stipulations du Traité de Rome sur la libre circulation sur le territoire des Etats membres, les articles 135 et 227 du Traité renvoient la mise en euvre de cette liberté dans les pays associés, dont font partie les territoires d'outre-mer français, à des conventions ultérieures qui requièrent l'unanimité des Etats membres ; qu'en l'absence de telles conventions, le moyen ne saurait en tout état de cause être accueilli ;
Considérant que les privilèges et immunités reconnus aux membres du parlement européen par les articles 6 à 11 du protocole du 8 avril 1965 assurent à ceux-ci le libre déplacement pour se rendre au parlement et les protègent contre toute mesure de poursuite ou de détention durant ses réunions mais ne sauraient faire obstacle à l'édiction d'une mesure de police de la nature de celle qui a été prise à l'encontre de Mme X... ;
Considérant enfin que la mesure attaquée ne porte pas atteinte à la liberté d'expression définie aux articles 10 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et relève de l'article 2 alinéa 3 du protocole n° 4 annexé à ladite convention qui autorise les restrictions à la libre circulation fondées sur les impératifs de sécurité nationale, de sûreté publique et d'ordre public ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre des départements et Territoires d'outre-mer est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Papeete en date du 23 décembre 1986 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme X... devant le tribunal administratif de Papeete est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme X..., au ministre des départements et territoires d'outre-mer et au ministre d'Etat, ministre des affaires étrangères.