Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 15 janvier 1986 et 15 mai 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Albert X..., demeurant 7 place des Trois Pigeons à Beaucaire (30300), et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°/ annule le jugement du 12 juin 1985 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 3 décembre 1983 par lequel le maire de Beaucaire a prononcé sa révocation ainsi que du refus de rapporter ledit arrêté et, d'autre part, à la condamnation de la commune à lui payer la somme de 1 100 000 F, augmentée des intérêts de droit, en réparation du préjudice qu'il aurait subi du fait de la décision susmentionnée en date du 9 décembre 1983 du maire de Beaucaire,
2°/ annule pour excès de pouvoir ces décisions du maire de Beaucaire,
3°/ condamne la commune de Beaucaire à lui verser la somme de 1 100 000 F augmentée des intérêts et des intérêts des intérêts ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des communes ;
Vu le code électoral et notamment son article L. 5 ;
Vu la loi n° 88-828 du 20 juillet 1988 portant amnistie ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Baptiste, Auditeur,
- les observations de Me Roue-Villeneuve, avocat de M. Albert X... et de la S.C.P. Masse-Dessen, Georges, avocat de la commune de Beaucaire,
- les conclusions de M. Lévis, Commissaire du gouvernement ;
Sur la légalité de l'arrêté du 9 décembre 1983 du maire de Beaucaire :
Considérant que par jugement en date du 1er septembre 1983, le tribunal de grande instance de Nîmes a condamné M. X... à une peine qui, en vertu de l'article L. 5 du code électoral, s'opposait à ce que l'intéressé fût inscrit sur les listes électorales et le rendait inéligible ; que, par l'effet de cette condamnation, le requérant a été privé de ses droits civiques bien que le jugement le condamnant n'ait pas prononcé contre lui la peine complémentaire de l'interdiction des droits civiques et de famille ;
Considérant que d'après l'article R. 416-1 du code des communes, applicable à l'époque des faits, la perte des droits civiques entraîne la perte de la qualité d'agent communal et la cessation définitive des fonctions ; que cette disposition interdisait donc le maintien dans un emploi communal de toute personne ne possédant pas l'intégralité de ses droits civiques ;
Considérant que l'arrêté attaqué du 9 décembre 1983, après avoir constaté la condamnation prononcée contre M. X..., a rayé l'intéressé des cadres ; qu'en excluant ainsi le requérant du service, le maire de Beaucaire s'est borné à tirer les conséquences nécessaires de la constatation qu'il avait faite ;
Sur la demande d'indemnité de . X... :
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, l'arrêté par lequel le maire de Beaucaire a rayé M. X... des cadres du personnel communal n'était pas entaché d'illégalité ; que, par suite, il n'a pu constituer une faute de nature à engager la responsabilité de la commune ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté en date du 9 décembre 1983 du maire de Beaucaire et ses conclusions à fin d'indemnité ;
Sur les conclusions tendant à l'application de la loi d'amnistie du 20 juillet 1988 :
Considérant qu'aux termes de l'article 17 de la loi du 20 juillet 1988 : "Les contestations relatives au bénéfice de l'amnistie des sanctions disciplinaires ou professionnelles définitives sont portées devant l'autorité ou la juridiction qui a rendu la décision. L'intéressé peut saisir cette autorité en vue de faire constater que le bénéfice de l'amnistie lui est effectivement acquis. En l'absence de décision définitive, ces contestations sont soumises à l'autorité ou à la juridiction saisie de la poursuite" ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, hormis le cas où l'application de la loi d'amnistie rendrait la requête sans objet, il n'appartient pas au juge de l'excès de pouvoir saisi d'une requête tendant à l'annulation d'une sanction, de connaître directement de conclusions tendant à ce qu'il constate que le bénéfice de l'amnistie est effectivement acquis ; que de telles conclusions doivent d'abord être portées devant l'autorité administrative qui a prononcé la sanction ; que seule la décision de rejet prise par cette autorité peut être déférée au juge de l'excès de pouvoir ; qu'il suit de là que les conclusions par lesquelles M. X... demande au Conseil d'Etat de constater qu'il bénéficie de la loi d'amnistie ne peuvent être accueillies ;
Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. X..., à la commune de Beaucaire et au ministre de l'intérieur.