Vu le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET enregistré le 28 mars 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement du 10 décembre 1985 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé sa décision du 28 octobre 1983 opposant à M. X... la déchéance quadriennale à sa demande d'indemnité d'éloignement prévue par l'article 6 du décret du 22 décembre 1953 et a renvoyé l'intéressé devant le ministre de l'économie, des finances et du budget pour la liquidation de ladite pension ;
2° rejette la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Toulouse,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu le décret n° 53-1266 du 22 décembre 1953 ;
Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Richer, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Van Ruymbeke, Commissaire du gouvernement ;
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 6 du décret n° 53-1266 du 22 décembre 1953 portant aménagement du régime de rémunération des fonctionnaires de l'Etat en service dans les départements d'outre-mer : "Les fonctionnaires domiciliés dans un département d'outre-mer, qui recevront une affectation en France métropolitaine à la suite de leur entrée dans l'administration, d'une promotion ou d'une mutation, percevront, s'ils accomplissent une durée minimum de service de quatre années consécutives en métropole, une indemnité d'éloignement non renouvelable. Les taux et conditions d'attribution de cette indemnité sont identiques à ceux prévus par les articles 2, 4 et 5 du présent décret" ; qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 2 du même décret : "L'indemnité d'éloignement est payable en trois fractions : la première lors de l'installation du fonctionnaire dans son nouveau poste, la seconde au début de la troisième année de service et la troisième après quatre ans de service" ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 : "Sont prescrites au profit de l'Etat .... toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ...." ; que l'article 2 de la même loi dispose que : "La prescription est identique pour toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative" ; qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : "La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni cotre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement" ;
Considérant que, si l'indemnité d'éloignement constitue une indemnité unique payable en trois fractions, chacune de ces fractions constitue pour son bénéficiaire une créance liquide et exigible à partir du moment où les conditions fixées à l'article 2 du décret du 22 décembre 1953 se trouvent remplies pour chacune d'elles ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X..., originaire de la Martinique, a été titularisé en Métropole comme préposé des douanes le 1er mars 1973 et est donc entré à cette date dans l'administration ; qu'il lui appartenait en conséquence, pour échapper au délai de la prescription quadriennale, de demander le bénéfice de la première fraction de l'indemnité d'éloignement avant le 31 décembre 1977, de la deuxième fraction avant le 31 décembre 1979 et de la troisième fraction avant le 31 décembre 1981 ; qu'il n'a présenté de demande écrite tendant au bénéfice de l'indemnité d'éloignement que le 12 avril 1983, soit après l'expiration du délai de la prescription quadriennale ;
Considérant que ni la circonstance que l'administration rejetait à l'époque, de manière générale, les demandes analogues à celle de M. X..., en se fondant sur une interprétation stricte de la notion de domicile pour l'application des dispositions de l'article 6 précité du décret du 22 décembre 1953 et qu'elle a ultérieurement modifié son interprétation des textes réglementaires, ni la circonstance qu'au moment de la titularisation de M. X... son supérieur hiérarchique aurait dissuadé celui-ci de présenter une demande d'indemnité d'éloignement en lui déclarant que celle-ci avait toutes chances d'être rejetée ne sont de nature à faire légitimement regarder M. X... comme ayant ignoré l'existence de sa créance alors qu'il lui était loisible de présenter sa demande et, sur le refus de l'administration, de former un recours contentieux pour faire valoir ses droits devant le juge de l'excès de pouvoir ; que, par suite, le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET est fondé à soutenir que M. X... ne peut valablement se prévaloir des dispositions de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968 pour prétendre que la prescription n'a pas couru à son encontre et à demander l'annulation du jugement en date du 10 décembre 1985 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision par laquelle il a opposé la prescription quadriennale à la demande d'indemnité d'éloignement présentée par M. X... ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 10 décembre 1985 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Toulouse est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Gabriel X... et au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget.