Vu la requête enregistrée le 16 mars 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Me Michel Y..., administrateur judiciaire, demeurant ... (Haute-Savoie), agissant en qualité de syndic à la liquidation des biens de M. François X..., courtier d'assurances, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1- annule le jugement n° 17328, en date du 21 décembre 1983, par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande de décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et de la cotisation à l'impôt sur le revenu auxquelles M. X... a été assujetti dans les rôles de la commune d'Annecy, respectivement au titre des années 1974, 1975 et 1976 et au titre de l'année 1977 ;
2- accorde la décharge des impositions contestées ;
3- prononce en sa faveur le remboursement des frais exposés ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Renauld, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Ph. Martin, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il est constant que, de 1974 à 1978, M. X..., courtier d'assurances, a détourné frauduleusement, au préjudice de la "société alsacienne d'aluminium", une somme globale de 8 423 737 F en appréhendant des fonds qui lui avaient été versés par cette société en excédent du montant des primes réellement dues par celle-ci du chef des contrats d'assurances souscrits en son nom et pour son compte par M. X... ; que l'administration a estimé que les sommes ainsi détournées constituaient pour M. X... des recettes professionnelles dissimulées et les a réintégrées dans le revenu du contribuable imposable à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, par voie de rectification d'office au titre des années 1974, 1975 et 1976 et par voie de taxation d'office, au titre de l'année 1977, année pour laquelle M. X... n'avait pas souscrit de déclaration de résultats ;
Considérant que les sommes détournées à son profit par M. X... ne correspondent pas à la rétribution d'une prestation de service au bénéfice de la "société alsacienne d'aluminium", alors même que leur appréhension par l'intéressé a eu lieu à l'occasion de l'exécution du mandat que la société lui avait confié dans l'exercice de son activité commerciale de courtier, mais tirent seulement leur origine des agissements frauduleux dont l'intéressé s'est rendu coupable à l'égard de cette société et pour lesquels il a fait l'objet d'une condamnation pénale pour abus de confiance par un arrêt du 31 mai 1979 de la Cour d'appel de Chambéry, devenu définitif ; que, dans ces conditions, les sommes qui ont été réintégrées de ce chef par l'administration dans les bass d'imposition du contribuable n'entrent pas dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ;
Considérant, toutefois, que l'administration, qui est en droit, à tout moment de la procédure contentieuse, d'invoquer une base légale de nature à justifier l'imposition, sous réserve de ne pas priver le contribuable des garanties prévues par la loi en matière de procédure d'imposition, soutient, devant le Conseil d'Etat, à titre subsidiaire, que les agissements du contribuable ont constitué une source de profit dont le produit, en application des dispositions du 1 de l'article 92 du code général des impôts, est passible de l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices des professions non commerciales ;
Considérant qu'aux termes de l'article 92 : "1. Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices ... de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus" ;
Considérant que les sommes que M. X... a perçues, du fait des agissements susrappelés, au cours des années 1974, 1975, 1976 et 1977 constituent des bénéfices des professions non commerciales au sens des dispositions précitées du 1 de l'article 92 du code général des impôts ; que, par suite, il était tenu de souscrire, pour chacune de ces années, une déclaration spéciale desdits revenus dans les conditions prévues par les articles 97 et 101 du code général des impôts ; que, faute pour lui d'avoir souscrit une déclaration, son bénéfice imposable pouvait, par application des dispositions de l'article 104 du code, applicable au présent litige, être arrêtés d'office ; que, par suite, M. X... ne peut obtenir, par la voie contentieuse, la décharge ou la réduction de l'imposition qu'il conteste qu'en apportant la preuve de l'exagération des bases d'imposition, ce qu'il ne fait pas ; qu'il suit de là que le syndic requérant n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande en décharge des impositions et des pénalités contestées ;
Article ler : La requête de Me Y..., syndic à la liquidation des biens de M. X..., est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. X... par Me Y..., syndic à la liquidation des biens de M. X..., et au ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la privatisation, chargé du budget.