Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 22 novembre 1982 et 22 mars 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société SAGEM, dont le siège est ... à Paris 75016 , représentée par ses dirigeants légaux dûment habilités à cet effet et domiciliés au dit siège, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
- annule le décret 82.804 du 22 septembre 1982, relatif au contrat emploi-formation ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Fillioud, Conseiller d'Etat,
- les observations de la S.C.P. Lyon-Caen, Fabiani, Liard, avocat de société SAGEM,
- les conclusions de Mme de Clausade, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'en vertu des dispositions du décret attaqué en date du 22 septembre 1982, relatif au contrat emploi-formation, les employeurs peuvent proposer à certaines personnes sans emploi des contrats de travail dits "contrats emploi-formation" et demander à conclure avec l'Etat, une "convention de contrat emploi-formation" qui détermine les modalités de la formation dont bénéficieront les personnes intéressées et ouvre droit, pour les entreprises, au versement par l'Etat d'une aide forfaitaire par heure de formation ;
Sur les conclusions du ministre des affaires sociales et de l'emploi tendant à ce qu'il soit décidé qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la requête de la société SAGEM :
Considérant que le décret attaqué a été non pas rapporté mais abrogé par le décret °n 83-397 du 19 mai 1983 ; que, par suite, la requête de la société SAGEM n'est pas devenue sans objet ; qu'ainsi les conclusions susanalysées ne sauraient être accueillies ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre des affaires sociales et de l'emploi :
Sur la légalité externe du décret attaqué :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du dernier alinéa de l'article 1er du décret attaqué : "Les employeurs ayant fait l'objet d'une condamnation pour infraction délictuelle à la législation du travail ne peuvent conclure de contrats emploi-formation" ; que cette disposition a pour objet d'écarter certains employeurs, en raison de leur comportement, de l'accès à une procédure conduisant à l'attribution d'une aide financière de l'Etat ; que l'exclusion ainsi édictée a le caractère d'une mesure administrative et non d'une peine complémentaire à la peine principale prononcée par la juridiction répressive ; qu'ainsi, la disposition précitée ne saurait être regardée comme instituant l'une des peines dont la détermination est réservée à la loi par l'article 34 de la Constitution ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le décret attaqué serait sur ce point, entaché d'incompétence, doit être écarté ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'en vertu de l'aticle 21 de la Constitution, le Premier ministre exerce le pouvoir règlementaire, sous réserve des dispositions de l'article 13 selon lequel le Président de la République signe, notamment, les décrets délibérés en Conseil des Ministres ; qu'aucune disposition constitutionnelle ou législative n'imposait que le décret attaqué fut délibéré en Conseil des Ministres ; que, dès lors, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le Premier ministre n'était pas compétent pour signer ce décret ;
Considérant, enfin, qu'aucune disposition législative ou règlementaire n'obligeait les auteurs du décret attaqué à consulter préalablement les "organisations représentatives des intéressés" ni le comité supérieur de l'emploi ;
Sur la légalité du dernier alinéa de l'article 1er du décret attaqué :
Considérant, en premier lieu, que si le dernier alinéa de l'article 1er du décret attaqué a pour effet d'interdire la conclusion de contrats emploi-formation aux employeurs qui ont fait l'objet d'une condamnation antérieurement à la publication dudit décret, cette disposition, qui ne s'applique qu'à compter de la publication du décret, n'est pas entachée de rétroactivité ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aucune disposition constitutionnelle ou législative ni aucun principe ne s'opposaient à ce que le décret attaqué édicte l'interdiction susmentionnée ; que, par suite, les conséquences que cette interdiction comporte à l'égard des employeurs qu'elle concerne ne portent pas illégalement atteinte au principe d'égalité et ne sauraient davantage être regardées comme instituant une discrimination illégale à l'égard des demandeurs d'emploi auxquels les employeurs auraient été susceptibles de proposer des contrats emploi-formation ;
Considérant, en troisième lieu, que la disposition critiquée de l'article 1er du décret attaqué a pour effet d'empêcher les employeurs qu'elle concerne de conclure avec l'Etat la convention de contrat emploi-formation prévue par l'article 2 dudit décret ; qu'ainsi, contrairement à ce qui est soutenu, il n'existe aucune contradiction entre les deux articles ;
Considérant, enfin, qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la disposition entachée n'a ni pour objet ni pour effet d'instituer une sanction pénale ; que, dès lors, le moyen tiré de ce qu'elle instaurerait illégalement une responsabilité pénale des personnes morales ne saurait être accueilli ;
Article ler : La requête de la société SAGEM est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société SAGEM et au ministre des affaires sociales et de l'emploi.