La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/07/1987 | FRANCE | N°44229

France | France, Conseil d'État, 6 / 2 ssr, 24 juillet 1987, 44229


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 16 juillet 1982 et 17 novembre 1982 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la Société immobilière de VERNEUIL-VERNOUILLET, dont le siège est ... à Paris 75017 , représentée par son président-directeur général en exercice, et tendant :
1° à l'annulation d'un jugement du tribunal administratif de Versailles en date du 26 mars 1982 en tant qu'il a rejeté ses conclusions relatives à l'indemnisation de la dépréciation de sa propriété ainsi qu'à l'octroi d'une indemnité provis

ionnelle et en tant qu'il a omis de statuer sur les intérêts dus à la requéra...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 16 juillet 1982 et 17 novembre 1982 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la Société immobilière de VERNEUIL-VERNOUILLET, dont le siège est ... à Paris 75017 , représentée par son président-directeur général en exercice, et tendant :
1° à l'annulation d'un jugement du tribunal administratif de Versailles en date du 26 mars 1982 en tant qu'il a rejeté ses conclusions relatives à l'indemnisation de la dépréciation de sa propriété ainsi qu'à l'octroi d'une indemnité provisionnelle et en tant qu'il a omis de statuer sur les intérêts dus à la requérante pour toute la période durant laquelle la taxe locale d'équipement a été indûment perçue ;
2° à la condamnation de l'Etat et de la commune de Verneuil-sur-Seine, chacun pour moitié, au versement d'une indemnité de 59 133 000 F pour dépréciation de la propriété, ainsi qu'au paiement d'intérêts sur la somme de 3 035 510 F, indûment perçue au titre de la taxe locale du 31 juillet 1977 jusqu'à la date de remboursement de ladite somme, et à ce que les intérêts échus soient capitalisés,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Spitz, Auditeur,
- les observations de la S.C.P. Labbé, Delaporte , avocat de la Société immobilière de VERNEUIL-VERNOUILLET et de la S.C.P. Nicolas, Masse-Dessen, Georges, avocat, de la commune de Verneuil-sur-Seine,
- les conclusions de M. E. Guillaume, Commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a déclaré l'Etat et la commune de Verneuil-sur-Seine responsables des dommages subis par la société immobilière de Verneuil-Vernouillet, rejeté certaines conclusions de la société relatives aux préjudices et ordonné une expertise sur l'évaluation de ceux qu'il jugeait indemnisables, les droits des parties étant réservés pour autant qu'il n'y était pas expressément statué ; que tel était le cas pour les conclusions de la société portant sur le paiement indû d'une partie de la taxe locale d'équipement ; que, d'ailleurs, par un second jugement rendu le 26 avril 1985 après expertise, le tribunal administratif a statué sur ce chef de préjudice ; que le jugement attaqué n'est par suite pas entaché d'omission de statuer ;
Au fond :
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'aux mois de juin et juillet 1977, la municipalité de Verneuil-sur-Seine a non seulement invité la population de la commune à s'opposer aux travaux de défrichement que la société immobilière de Verneuil-Vernouillet était autorisée à effectuer en vue de la construction d'un programme de logements, mais a, de surcroît, apporté un concours actif aux manifestations et à a mise en place des barrages routiers qui ont empêché l'exécution de ces travaux ; que ces circonstances ont interdit à la société requérante d'utiliser l'autorisation de défrichement dont elle était titulaire depuis 1967 et dont la validité, qui, contrairement à ce qu'affirme la commune, n'a pu être prorogée du fait desdites circonstances, expirait le 13 juillet 1977, date à laquelle les manifestations ont cessé ; que par suite la commune de Verneuil-sur-Seine n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif l'a déclarée, en raison des fautes ainsi commises, responsable pour moitié des conséquences dommageables de ces incidents ;

Considérant que, faute de pouvoir procéder au défrichement, la société, propriétaire des terrains, s'est trouvée dans l'impossibilité d'achever le programme de construction de logements pour lequel elle possédait un permis de construire ; qu'en effet toute nouvelle autorisation de défrichement lui a été refusée et que les terrains ont ensuite été rendus inconstructibles par un nouveau plan d'occupation des sols ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'admettre que la perte de valeur vénale subie ainsi par les terrains trouve sa cause directe et certaine dans les évènements survenus en juin et juillet 1977, qui engagent, outre la responsabilité de la commune ainsi qu'il est dit ci-dessus, celle de l'Etat au titre du refus du concours de la force publique ; que dès lors la société est fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 26 mars 1982, le tribunal administratif a rejeté ses conclusions tendant à l'indemnisation de la valeur vénale de ces terrains ;
Considérant que l'état du dossier ne permet pas de fixer le montant du préjudice subi à ce titre ; qu'il y a lieu, par suite, d'ordonner une expertise à l'effet de déterminer la superficie des terrains devenus inconstructibles faute d'avoir pu être défrichés et d'évaluer la perte de valeur vénale qui les a affectés, cette perte devant être appréciée à la date des faits générateurs du dommage et abstraction faite des équipements déjà réalisés par la société, sur lesquels il est statué par une décision distincte ;
Article 1er : L'article 4 du jugement susvisé du tribunal administratif de Versailles, en date du 26 mars 1982, est annulé.
Article 2 : Il sera, avant de statuer sur les conclusions de la société immobilière Verneuil-Vernouillet relatives à la dépréciation de ses terrains, procédé par un expert désigné par le président de lasection du contentieux du Conseil d'Etat à une expertise en vue de déterminer, dans les conditions prévues par les motifs de la présentedécision, la perte de valeur vénale ayant affecté les terrains de la Société immobilière de VERNEUIL-VERNOUILLET, devenus inconstructibles faute d'avoir pu être défrichés.
Article 3 : L'expert prêtera serment par écrit ou devant le secrétaire du contentieux du Conseil d'Etat. Le rapport d'expertise sera déposé au secrétariat du contentieux dans un délai de trois mois suivant la prestation de serment.
Article 4 : Les frais d'expertise sont réservés pour y être statué en fin d'instance.
Article 5 : Le recours incident de la ville de Verneuil-sur-Seine est rejeté.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la société l'Epargne de France, à la commune de Verneuil-sur-Seine et au ministre de l'intérieur.


Sens de l'arrêt : Annulation partielle expertise
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICES DE L'URBANISME - PERMIS DE CONSTRUIRE - Titulaire d'une autorisation de défrichement et d'un permis de construire empêché de les exécuter par des manifestations de la population - encouragées par la municipalité - Lien direct entre les agissements fautifs de la commune et la perte de valeur vénale des terrains - ultérieurement rendus inconstructibles du fait d'une modification du plan d'occupation des sols.

60-02-05-01, 60-03-02-02-01, 60-04-01-03-02 Au mois de juin et de juillet 1977, la municipalité de Verneuil-sur-Seine a non seulement invité la population de la commune à s'opposer aux travaux de défrichement que la société immobilière V. était autorisée à effectuer en vue de la construction d'un programme de logements, mais a, de surcroît, apporté un concours actif aux manifestations et à la mise en place de barrages routiers qui ont empêché l'exécution de ces travaux. Ces circonstances ont interdit à la société requérante d'utiliser l'autorisation de défrichement dont elle était titulaire depuis 1967 et dont la validité qui, contrairement à ce qu'affirme la commune, n'a pu être prorogée du fait desdites circonstances, expirait le 13 juillet 1977, date à laquelle les manifestations ont cessé. Faute d'avoir pu procéder au défrichement, la société propriétaire des terrains s'est trouvée dans l'impossibilité d'achever le programme de construction des logements pour lequel elle possédait un permis de construire. En effet toute nouvelle autorisation de défrichement lui a été refusée et les terrains ont ensuite été rendus inconstructibles par un nouveau plan d'occupation des sols. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, d'admettre que la perte de valeur vénale subie ainsi par les terrains trouve sa cause directe et certaine dans les événements survenus en juin et juillet 1977 qui engagent la responsabilité de la commune et celle de l'Etat au titre du refus du concours de la force publique.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - PROBLEMES D'IMPUTABILITE - PERSONNES RESPONSABLES - ETAT OU AUTRES COLLECTIVITES PUBLIQUES - ETAT ET COMMUNE - Responsabilité de l'Etat et de la commune - Titulaire d'une autorisation de défrichement et d'un permis de construire empêché de les utiliser par des manifestations de la population - encouragées par la municipalité - Responsabilité de la commmune du fait de ces agissements et de l'Etat pour refus de concours de la force publique.

60-04-03-01 Terrains devenus inconstructibles, à la suite d'une modification du plan d'occupation des sols, faute d'avoir pu être défrichés en temps utile en raison notamment d'agissements fautifs de la municipalité, qui avait encouragé la population à s'opposer aux travaux. La perte de valeur vénale des terrains doit être appréciée à la date des faits générateurs du dommage et abstraction faite des équipements déjà réalisés par la société.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - PREJUDICE - CARACTERE DIRECT DU PREJUDICE - EXISTENCE - Lien entre le préjudice invoquée et une faute de service - Titulaire d'une autorisation de défrichement et d'un permis de construire n'ayant pu les utiliser en raison de manifestations de la population - encouragées par la municipalité - Lien direct entre les agissements fautifs de la commune et la perte de valeur vénale des terrains - ultérieurement rendus inconstructibles du fait d'une modification du plan d'occupation des sols.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - EVALUATION DU PREJUDICE - DATE D'EVALUATION - Perte de valeur de terrains - Evaluation à la date des faits générateurs du dommage.


Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 24 jui. 1987, n° 44229
Publié au recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : Mme Bauchet
Rapporteur ?: M. Spitz
Rapporteur public ?: M. E. Guillaume

Origine de la décision
Formation : 6 / 2 ssr
Date de la décision : 24/07/1987
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 44229
Numéro NOR : CETATEXT000007720332 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1987-07-24;44229 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award