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03/06/1987 | FRANCE | N°52798

France | France, Conseil d'État, 10/ 4 ssr, 03 juin 1987, 52798


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 28 juillet 1983 et 21 octobre 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le Président de l' ASSEMBLEE NATIONALE, agissant poursuites et diligences de son président et de ses questeurs en exercice, 7 place du Palais Bourbon à Paris 75007 , et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° réforme le jugement du 7 juin 1983 en tant que, par ledit jugement, le tribunal administratif de Paris a condamné solidairement la société Dumont et Besson et la Sodeteg à lui payer une indemnité de 2

794 543 F qu'elle estime insuffisante correspondant au coût des tra...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 28 juillet 1983 et 21 octobre 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le Président de l' ASSEMBLEE NATIONALE, agissant poursuites et diligences de son président et de ses questeurs en exercice, 7 place du Palais Bourbon à Paris 75007 , et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° réforme le jugement du 7 juin 1983 en tant que, par ledit jugement, le tribunal administratif de Paris a condamné solidairement la société Dumont et Besson et la Sodeteg à lui payer une indemnité de 2 794 543 F qu'elle estime insuffisante correspondant au coût des travaux de réfection de la galerie souterraine qui relie l' ASSEMBLEE NATIONALE à l'immeuble du ...Université et a rejeté ses conclusions tendant à l'allocation d'une indemnité de 100 000 F par mois pendant la durée de la privation de jouissance de la galerie ;
2° condamne solidairement la société Dumont et Besson et la Sodeteg à lui payer :
a une indemnité de 12 641 953 F correspondant au coût des travaux de réparation qui ont été effectuées avec les intérêts de droit à compter au plus tard du 15 octobre 1981 et les intérêts des intérêts ;
b une indemnité de 2 400 000 F en réparation du dommage que lui a causé la privation de jouissance de la galerie ;
3° reporte le point de départ des intérêts afférents à la somme de 993 491 F allouée par les premiers juges en remboursement des frais occasionnés par la recherche des causes du sinistre à la date à laquelle ces frais ont été engagés dans la mesure où elle serait antérieure au 15 octobre 1981 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Terquem, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Jousselin, avocat de l' ASSEMBLEE NATIONALE, de Me Odent, avocat de la Société Dumont et Besson, en règlement judiciaire, représentée par son syndic Me Y... et de Me Choucroy, avocat du bureau d'études Sodeteg,
- les conclusions de M. Van Ruymbeke, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que le Président de l' ASSEMBLEE NATIONALE demande au Conseil d'Etat de relever à la somme de 12 641 953 F l'indemnité de 2 794 543 F que, par son jugement du 7 juin 1983, le tribunal administratif de Paris a condamné solidairement le bureau d'études Sodeteg et l'entreprise Dumont et Besson à payer à l'Etat au titre des travaux de réfection des désordres qui ont affecté la galerie souterraine reliant le Palais Bourbon à l'ensemble du ...Université, de condamner ledit bureau d'études et ladite entreprise à payer à l'Etat la somme de 2 400 000 F au titre de la privation de jouissance de ladite galerie et de fixer à compter de la date de leurs paiements effectifs le point de départ des intérêt afférents à la somme de 993 491 F correspondant aux frais de recherche engagés par l'Etat pour déterminer l'origine et la cause des désordres ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 8 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 modifiée que les actions en responsabilité concernant les services des assemblées parlementaires sont portées devant les juridictions compétentes pour en connaître, et que "dans les instances visées ci-dessus, l'Etat est représenté par le Président de l'Assemblée intéressée" ; que, par suite, le Président de l'ASSEMBLEE NATIONALE était bien compétent pour engager au nom de l'Etat devant la juridiction administrative une action en réparation des désordres survenus à la suite de travaux susanalysée ; que la fin de non-recevoir soulevée par le bureau d'études Sodeteg à l'encontre de la demande de première instance doit en conséquence être écartée ;
Sur la responsabilité :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les désordres dont s'agit ne sont apparus qu'après la réception définitive de l'ouvrage ; que, contrairement à ce que soutient le bureau d'études Sodeteg qui ne conteste pas qu'ils aient rendu celui-ci impropre à sa destination, ils n'étaient pas prévisibles en fonction des stipulations techniques du marché ; qu'ils étaient donc bien de nature à engager la responsabilité décennale des constructeurs sur la base des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil ;
Considérant qu'aux termes de stipulations de la convention conclue le 12 mars 1969 entre le Président de l' ASSEMBLEE NATIONALE et le bureau d'études Sodeteg et ce dernier, "dans le cadre de sa mission, est responsable de l'ensemble des dispositions permettant aux différents ouvrages de remplir leur destination fonctionnelle. Sont également compris dans cette mission les calculs préalables ou de contrôle, en laboratoire ou sur le chantier, relevant de la technique de l'ingénieur" ; que, si les documents relevant de sa discipline devaient être visés par les architectes, "ce visa signifiait que les solutions arrêtées par le bureau d'études ne contredisent pas le parti architectural arrêté par l'architecte" ; qu'il en résulte que le bureau d'études Sodeteg, alors qu'il est établi par l'instruction que les désordres sont dus à la fois à un vice dans la conception du projet et à l'exécution des travaux par l'entreprise sur laquelle il n'a pas exercé le devoir de surveillance qui lui incombait, n'est pas fondé à soutenir, par la voie du recours incident, que sa responsabilité serait dégagée ou à tout le moins atténuée par les fautes commises par les architectes de l'ASSEMBLEE NATIONALE ;
Sur l'évaluation du préjudice :

Considérant que le Président de l'ASSEMBLEE NATIONALE justifie le relèvement de l'indemnité qu'il sollicite au titre des travaux de réfection en se fondant sur le coût réel des travaux de réparation qui ont été menés à bien et ont permis la remise en état de la galerie et en soutenant que ces travaux, dont certains avaient d'ailleurs été engagés dès avant le dépôt du rapport de l'expert désigné en référé par le Président du tribunal administratif de Paris, ont été entrepris sans attendre dès que ce rapport eût été déposé ; qu'ils ont révélé que les désordres auxquels il convenait de remédier étaient en réalité sensiblement plus importants que ceux envisagés par l'expert et qu'il y a eu ainsi aggravation du dommage ; qu'il doit être tenu compte de surcroît des travaux annexes dus à l'attaque par l'humidité de certains équipements techniques et du montant des honoraires réellement versés au bureau d'études Simecsol, maître d'oeuvre des travaux de réparation ;
Considérant que l'état du dossier ne permet pas de déterminer avec certitude lesquels, parmi ces travaux, étaient nécessaires à la réfection de l'ouvrage et correspondaient à la réalisation de l'étanchéité prévue au marché initial et que le bureau d'études Sodeteg s'était contractuellement engagé à réaliser et lesquels constitueraient des améliorations ou des plus-values ni a fortiori le montant de ces divers travaux ; qu'il y a lieu, dans ces conditions, avant de statuer sur le montant de l'indemnité due au titre des travaux de réparation, d'ordonner un complément d'expertise confié au même expert aux fins indiquées ci-dessus ;

Considérant en revanche que la demande d'indemnité évaluée à 2 400 000 F et fondée sur les troubles de jouissance résultant de l'impossibilité pour les parlementaires et le personnel de l' ASSEMBLEE NATIONALE d'utiliser la galerie souterraine durant les deux années qu'ont duré les travaux de réfection n'est pas assortie de précisions suffisantes pour permettre d'en apprécier le bien-fondé ; qu'en particulier il n'est pas établi que l' ASSEMBLEE NATIONALE ait dû, de ce fait, engager des frais particuliers ; qu'ainsi c'est à bon droit que les premiers juges ont refusé d'indemniser ce chef de préjudice ;
Considérant enfin que c'est à bon droit que les premiers juges ont fait courir les intérêts au taux légal afférents à la somme de 993 491 F correspondant aux frais engagés au titre des opérations de recherche ayant pour objet de déterminer l'origine des désordres à compter de la demande introductive d'instance, soit du 15 octobre 1981, et non à compter de la date des paiements effectifs afférents à cette somme et qui ne sont d'ailleurs pas autrement précisés ;
Article 1er : Les conclusions incidentes du bureau d'études Sodeteg tendant à ce que la demande présentée par le Président de l' ASSEMBLEE NATIONALE au tribunal administratif de Paris soit déclarée irrecevale et à ce que sa responsabilité décennale soit écartée ou atténuée sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions de la requête du Président de l' ASSEMBLEE NATIONALE tendant à la condamnation du bureau d'études Sodeteg et de l'entreprise Dumont et Besson à payer solidairement à l'Etat la somme de 2 400 000 F au titre de la privation de jouissancede l'ouvrage et à ce que le point de départ des intérêts afférents à la somme de 993 491 F soit reporté du 15 octobre 1981 à la date des paiement effectifs afférents à ladite somme sont rejetées.

Article 3 : Il sera, avant de statuer sur la demande de relèvement d'indemnité présentée par le Président de l' ASSEMBLEE NATIONALE au titre des travaux de réfection de la galerie souterrainereliant le Palais Bourbon à l'immeuble du ...Université, procédé par M. Georges X..., professeur titulaire au Conservatoire national des arts et métiers, expert national agréé près les cours et tribunaux, demeurant ..., à un complément d'expertise en vue de déterminer, parmi les travaux de réfection effectivement réalisés en vue de la remise en état de la galerie souterraine, ceux qui étaient nécessaires et correspondaient à la réalisation de l'étanchéité prévue au marché initial et ceux qui constitueraient des améliorations ou plus-values et d'évaluer, selon la même répartition, le montant desdits travaux, y compris les travaux supplémentaires allégués par le Président de l'ASSEMBLEE NATIONALE et les honoraires dus au maître d'oeuvre chargé des réparations.

Article 4 : L'expert prêtera serment par écrit ou devant le Secrétaire du Contentieux du Conseil d'Etat ; le rapport d'expertise sera déposé au Secrétariat du contentieux dans le délai de six mois suivant la prestation de serment ;

Article 5 : Les frais d'expertise sont réservés pour y être statué en fin d'instance.

Article 6 : La présente décision sera notifiée au Président de l'ASSEMBLEE NATIONALE, au bureau d'études Sodeteg, à M. Y..., syndic à la liquidation de l'entreprise Dumont et Besson et au ministre chargé des relations avec le Parlement.


Synthèse
Formation : 10/ 4 ssr
Numéro d'arrêt : 52798
Date de la décision : 03/06/1987
Sens de l'arrêt : Expertise
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DECENNALE - QUALITE POUR LA METTRE EN JEU - Existence - Mise en jeu de la responsabilité décennale par le maître de l'ouvrage - Président de l'Assemblée Nationale compétent pour engager au nom de l'Etat une action en réparation sur le terrain de la responsabilité décennale [article 8 de l'ordonnance du 17 novembre 1958].

39-06-01-04-01, 52-03 Il résulte des dispositions de l'article 8 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 modifiée que les actions en responsabilité concernant les services des assemblées parlementaires sont portées devant les juridictions compétentes pour en connaître, et que "dans les instances visées ci-dessus, l'Etat est représenté par le président de l'Assemblée intéressée". Par suite, le président de l'Assemblée Nationale était bien compétent pour engager au nom de l'Etat devant la juridiction administrative une action en réparation des désordres survenus à la suite de travaux portant sur la galerie souterraine reliant l'Assemblée Nationale à l'immeuble du 101 rue de l'Université.

POUVOIRS PUBLICS - PARLEMENT - Contentieux - Engagement d'une action en réparation au nom de l'Etat à la suite de travaux effectués sur des immeubles appartenant à l'Assemblée nationale - Compétence du président de cette assemblée.


Références :

Ordonnance 58-1100 du 17 novembre 1958 art. 8


Publications
Proposition de citation : CE, 03 jui. 1987, n° 52798
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Bauchet
Rapporteur ?: M. Terquem
Rapporteur public ?: M. Van Ruymbeke

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1987:52798.19870603
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