Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, le 17 décembre 1984 et le 20 mars 1985, présentés pour la VILLE de CASTRES, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement du 3 octobre 1984, par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande, tendant à ce que l'Etat et la Société des Grands Travaux de Marseille soient condamnés solidairement à lui verser diverses indemnités en réparation des désordres affectant le Pont de Lameilhé sur l'Agoût ;
2° condamne solidairement l'Etat et la Société des Grands Travaux de Marseille à lui verser la somme de 1 685 628,81 F ainsi que les intérêts et les intérêts des intérêts ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu les articles 1792 et 2270 du code civil ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Le Pors, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Jousselin, avocat de la ville de Castres et de Me Celice, avocat de la Société des Grands Travaux de Marseille,
- les conclusions de M. Lasserre, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'en l'absence de stipulations contraires du contrat, le point de départ de l'action en garantie décennale dont le maître de l'ouvrage dispose, sur la base des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil, à l'encontre de l'entrepreneur et du maître d'oeuvre doit être fixé à la date de la prise de possession des ouvrages achevés ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté que le pont de Lameilhé de Castres a été ouvert à la circulation le 22 février 1971 ; que, dans ces conditions et en l'absence de stipulation contraire du marché, c'est à partir de cette date qu'a commencé à courir le délai de garantie décennale ;
Considérant, en second lieu, que, si la VILLE de CASTRES soutient qu'un accord transactionnel aurait, en janvier 1979, interrompu le cours dudit délai, il résulte de l'instruction que la Société des Grands Travaux de Marseille, tout en se déclarant favorable à un règlement amiable du litige, n'a à aucun moment cessé de contester expressement le principe de sa responsabilité ; que, dans ces conditions, le cours du délai de 10 ans n'a pas été interrompu et était expiré lorsque, le 11 décembre 1981, le tribunal administratif de Toulouse a été saisi par la commune de CASTRES d'une action en responsabilité décennale dirigée contre la Société des Grands Travaux de Marseille ;
Considérant, en dernier lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction que la Société des Grands Travaux de Marseille ait commis une faute qui, par sa nature ou sa gravité, serait assimilable au dol ou à la fraude et serait susceptible d'engager sa responsabilité à l'égard de la VILE de CASTRES sur la base de la prescription trentenaire ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la VILLE de CASTRES n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a refusé de condamner la Société des Grands Travaux de Marseille à réparer les désordres qui ont affecté le pont de Lameilhé ;
Article 1er : La requête de la VILLE de CASTRES est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la VILLE de CASTRES, à la Société des Grands Travaux de Marseille et au ministre de l'équipement, du logement, de l'aménagement du territoire et des transports.