Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 20 mai 1983 et 19 septembre 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour "ELECTRICITE DE FRANCE", établissement public dont le siège est ... à Paris 75008 , et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement en date du 8 mars 1983 par lequel le tribunal administratif d'Amiens l'a condamné à payer à M. X... la somme de 36 141 F, à la section autonome mutuelle d'assurance-maladie et maternité des travailleurs non-salariés de la batellerie la somme de 4 900 F 32 et à la caisse industrielle d'assurances mutuelles la somme de 1 449 F 40, en réparation du préjudice dont celui-ci a été victime à la suite d'une décharge électrique due à une ligne de transport d'électricité appartenant à E.D.F. ;
2° rejette la demande d'indemnité présentée par M. X... et les sociétés d'assurances susmentionnées ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Le Vert, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Coutard, avocat d'ELECTRICITE DE FRANCE et de Me Le Prado, avocat de M. X... et de la caisse industrielle d'assurances mutuelles,
- les conclusions de M. Vigouroux, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X... a été victime de sérieuses brûlures dues à la formation d'un arc électrique entre l'antenne de télévision qu'il avait dépliée au-dessus de sa péniche, après avoir amarré celle-ci à un emplacement prévu à cet effet sur le canal de la Sambre à l'Oise, à proximité de Berthéricourt Aisne , et une ligne électrique de 15 000 volts implantée par ELECTRICITE DE FRANCE le long de ce canal ;
Considérant que M. X... avait la qualité de tiers et non celle d'usager vis-à-vis de cette ligne électrique, qui constituait un ouvrage public distinct non incorporé au domaine public fluvial dont l'intéressé était usager ; qu'ainsi ELECTRICITE DE FRANCE est en principe responsable des dommages subis, imputables à la présence de cette ligne sous tension ; que cette responsabilité est toutefois atténuée par la grave imprudence commise par la victime qui a déployé dans l'obscurité, une volumineuse antenne de sept mètres au-dessus de sa péniche sans prendre de précaution particulière ; qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en fixant au quart des conséquences dommageables de cet accident la part de responsabilité d'ELECTRICITE DE FRANCE ; que cette entreprise est donc fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens l'a condamnée à réparer l'intégralité du dommage subi par M. X... ;
Considérant, d'une part, que l'indemnité qui doit être supportée par ELECTRICITE DE FRANCE au titre de la réparation des dommages matriels subis par M. X... s'élève au quart de la somme de 671 F, soit 167 F 75 ;
Considérant, d'autre part, que, selon l'évaluation non contestée des premiers juges, le montant des autres chefs de préjudice s'élève à 41 909 F 72 ; qu'ainsi l'indemnité qui doit être supportée à ce titre par ELECTRICITE DE FRANCE s'élève à 10 477 F 43 ;que les débours justifiés des organismes de sécurité sociale qui sont intervenus en faveur de M. X... sont de 6 439 F 72 ; qu'il y a lieu, dès lors, de confirmer le jugement attaqué en tant qu'il alloue auxdits organismes le montant de leurs débours, et de ramener à 4 037 F 71 la somme qu'ELECTRICITE DE FRANCE a été condamné à verser à M. X... ;
Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :
Considérant que M. X... et la caisse industrielle d'assurances mutuelles sont recevables et fondés à demander, par voie de recours incident, que les sommes qui leur sont dues par ELECTRICITE DE FRANCE portent intérêts à compter respectivement des 7 mai 1980 et 6 janvier 1981, date de leur demande introductive d'instance ;
Considérant que les mêmes requérants ont demandé, le 2 décembre 1985, la capitalisation des intérêts afférents aux indemnités qui leur sont dues ; qu'à cette date, au cas où le jugement attaqué n'aurait pas été exécuté, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Article 1er : La somme qu'ELECTRICITE DE FRANCE a été condamné à verser à M. X... est ramenée à 4 205 F 46.
Article 2 : Ladite somme, ainsi que la somme de 1 449 F 40 que l'article 1er du jugement attaqué a condamné ELECTRICITE DE FRANCE à verser à la caisse industrielle d'assurances mutuelles, porteront intérêts au taux légal à compter respectivement des 7 mai 1980 et 6 janvier 1981. Les intérêts correspondants seront capitalisés à la date du 2 décembre 1985 pour porter eux-mêmes intérêt, au cas où, à cette date, le jugement attaqué n'aurait pas été exécuté.
Article 3 : L'article 1er du jugement du tribunal administratif d'Amiens du 8 mars 1983 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête d'ELECTRICITE DE FRANCE est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à ELECTRICITE DE FRANCE, à M. X..., à la section autonome mutuelle d'assurance-maladie et maternité des travailleurs non-salariés de la batellerie, à la caisse industrielle d'assurances mutuelles et au ministre de l'équipement, du logement, de l'aménagement du territoireet des transports.