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08/02/2019 | CANADA | N°2019CSC7

Canada | Canada, Cour suprême, 08 février 2019, 2019CSC7


Répertorié : R. c. Bird

No du greffe : 37596.

2018 : 16 mars; 2019 : 8 février.

Présents : Le juge en chef Wagner et les juges Abella, Moldaver, Karakatsanis, Gascon, Côté, Brown, Rowe et Martin.

en appel de la cour d’appel de la Saskatchewan

Coram : Le juge en chef Wagner et les juges Abella, Moldaver, Karakatsanis, Gascon, Côté, Brown, Rowe et Martin

Motifs de jugement (par. 1 à 87): Le juge Moldaver (avec l’accord du juge en chef Wagner et des juges Abella, Côté, Brown et Rowe)

Motifs concordants (par. 88 à 174) : La juge Mart

in (avec l’accord des juges Karakatsanis et Gascon)

Arrêt : Le pourvoi est rejeté.

...

Répertorié : R. c. Bird

No du greffe : 37596.

2018 : 16 mars; 2019 : 8 février.

Présents : Le juge en chef Wagner et les juges Abella, Moldaver, Karakatsanis, Gascon, Côté, Brown, Rowe et Martin.

en appel de la cour d’appel de la Saskatchewan

Coram : Le juge en chef Wagner et les juges Abella, Moldaver, Karakatsanis, Gascon, Côté, Brown, Rowe et Martin

Motifs de jugement (par. 1 à 87): Le juge Moldaver (avec l’accord du juge en chef Wagner et des juges Abella, Côté, Brown et Rowe)

Motifs concordants (par. 88 à 174) : La juge Martin (avec l’accord des juges Karakatsanis et Gascon)

Arrêt : Le pourvoi est rejeté.

Le juge en chef Wagner et les juges Abella, Moldaver, Côté, Brown et Rowe : B ne pouvait pas contester incidemment l’assignation à résidence prévue dans l’OSLD prononcée contre lui. Par conséquent, il n’est pas nécessaire d’examiner son argument selon lequel l’assignation à résidence porte atteinte à ses droits garantis par la Charte .

Dans l’arrêt R. c. Consolidated Maybrun Mines Ltd., [1998] 1 R.C.S. 706, et dans l’arrêt connexe R. c. Al Klippert Ltd., [1998] 1 R.C.S. 737, la Cour a élaboré une approche distincte pour déterminer si une personne accusée au criminel d’avoir contrevenu à une ordonnance administrative peut contester cette ordonnance de manière incidente. Pour ce faire, il faut s’intéresser à l’intention du législateur : le tribunal doit se demander si ce dernier avait l’intention de permettre la contestation incidente de l’ordonnance, ou s’il avait plutôt l’intention que la personne visée par l’ordonnance puisse la contester au moyen d’autres mécanismes d’examen. Vu le poids donné à l’intention du législateur, le cadre d’analyse de l’arrêt Maybrun met deux exigences en balance : 1) veiller à ce que la décision du législateur de conférer des pouvoirs décisionnels à des organismes administratifs ne soit pas contrecarrée, et 2) veiller à ce que les justiciables disposent d’un moyen efficace de contester les ordonnances administratives, surtout si elles sont contestées au motif qu’elles ne sont pas conformes à la Charte . Dans le contexte de la Charte , cela signifie que la personne qui conteste une ordonnance doit pouvoir disposer d’un recours efficace qui lui permettra de faire valoir ses droits protégés par la Charte . À défaut d’un tel recours, il faut conclure que le législateur entendait permettre la contestation incidente. S’agissant de déterminer l’intention du législateur quant au forum approprié pour contester la validité d’une ordonnance administrative, l’arrêt Maybrun énumère cinq facteurs non exhaustifs qui peuvent être pris en considération par un tribunal : 1) les termes de la loi dont découle le pouvoir de rendre l’ordonnance; 2) l’objectif de la loi; 3) l’existence d’un droit d’appel; 4) la nature de la contestation incidente, eu égard à l’expertise et à la raison d’être de l’instance administrative d’appel; et 5) la sanction imposable pour défaut d’avoir respecté l’ordonnance. Ces facteurs ne représentent pas des critères autonomes et absolus, mais plutôt des indices importants, parmi d’autres, permettant de cerner l’intention législative.

Tout bien considéré, les facteurs énoncés dans l’arrêt Maybrun, hormis le dernier, donnent fortement à penser que le législateur n’avait pas l’intention de permettre les contestations incidentes dans des circonstances comme celles de la présente affaire. Pour ce qui est des deux premiers facteurs, permettre aux délinquants d’adopter une approche qui consisterait à contrevenir aux conditions de l’OSLD d’abord, pour ensuite les contester minerait l’objet de la surveillance de longue durée. Assortir une OSLD de conditions vise à réduire à un niveau acceptable le risque élevé que présentent les délinquants à contrôler et les délinquants dangereux pour la collectivité. Lorsqu’un délinquant enfreint une de ces conditions, il expose le public à ce risque. Le fait de permettre l’approche qui consiste à « contrevenir d’abord, pour ensuite contester » dans ce contexte saperait non seulement les intérêts de la collectivité, mais aussi ceux du délinquant, en compromettant ses chances de réhabilitation. Ce résultat est incompatible avec les objectifs du régime de surveillance de longue durée.

Le troisième facteur permet au tribunal de tenir compte non seulement de l’existence d’un droit d’appel auprès d’un tribunal administratif d’appel, mais aussi de celle d’autres mécanismes efficaces ou forums pour contester l’ordonnance en cause. Bien que la LSCMLSC ne prévoie pas de droit d’appel de la décision de la Commission en ce qui a trait aux conditions dont est assortie une OSLD, il appert du dossier qu’il existait des mécanismes qui auraient permis à B de contester efficacement l’assignation à résidence. Il aurait pu écrire à la Commission pour lui demander de modifier ou d’annuler l’assignation, présenter une demande de contrôle judiciaire à la Cour fédérale, et présenter une demande d’habeas corpus devant la cour supérieure provinciale, un recours dont les procédures sont simplifiées et qui favorise donc l’accessibilité à la justice pour les parties qui se représentent elles-mêmes et pour celles dont les moyens sont limités. Puisqu’il pouvait contester l’ordonnance de la Commission en recourant à ces mécanismes, B n’a pas été privé de la possibilité de se défendre pleinement contre l’accusation d’avoir enfreint l’assignation à résidence.

Le quatrième facteur permet au tribunal de tenir compte de la nature de la contestation incidente eu égard à l’expertise du décideur et à la raison d’être d’autres mécanismes ou forums pour contester l’ordonnance. Lorsque la nature de la contestation incidente fait appel à des considérations qui relèvent clairement de l’expertise et de la raison d’être d’un organisme administratif ou d’un autre forum en particulier, on peut considérer qu’il s’agit d’un indice que le législateur souhaitait que cet organisme tranche la question, plutôt que de permettre une contestation incidente. En l’espèce, le paragraphe 134.1(2) de la LSCMLSC confère à la Commission un vaste pouvoir discrétionnaire d’imposer les conditions de surveillance de longue durée qu’elle juge « raisonnables et nécessaires pour protéger la société et favoriser la réinsertion sociale du délinquant ». Cette disposition témoigne de l’intention du législateur de s’en remettre à l’expertise et à l’expérience de la Commission pour déterminer les conditions dont il convient d’assortir l’OSLD afin de maintenir l’équilibre entre la sécurité du public et la réinsertion réussie du délinquant. En conséquence, si B avait demandé à la Commission de réexaminer sa décision d’imposer l’assignation à résidence, celle‑ci se serait penchée sur des questions qui relèvent clairement de son expertise. Ce n’est pas parce que la contestation de B quant à son assignation à résidence soulève des questions constitutionnelles qu’elle soulève des questions ne relevant pas de l’expérience et de l’expertise de la Commission. Ces questions n’échapperaient pas non plus à l’expertise de la Cour fédérale ou des cours supérieures provinciales qui instruisent les demandes d’habeas corpus. Par conséquent, ce facteur témoigne de l’intention du législateur que B s’en remette à ces mécanismes.

Enfin, la sanction imposable en cas de manquement à une condition d’une OSLD est lourde. Ce dernier facteur n’est toutefois pas déterminant. S’il est examiné non pas de manière isolée, mais conjointement avec les autres facteurs, il semble évident que ce facteur n’est pas déterminant quant à l’intention du législateur de permettre ou non à B de contester incidemment l’ordonnance de la Commission. Puisqu’autoriser le recours à l’approche qui consiste à « contrevenir d’abord, pour ensuite contester » dans le présent contexte poserait un véritable risque pour la sécurité du public, et puisque B avait à sa disposition des mécanismes d’examen efficaces, le législateur n’avait pas l’intention qu’il puisse contourner ces mécanismes et ainsi contester l’assignation à résidence uniquement après y avoir contrevenu. Le législateur avait plutôt l’intention que ces délinquants demandent à la Commission de modifier ou d’annuler l’assignation ou, dans l’éventualité où le contrôle judiciaire en Cour fédérale ne constitue pas un recours efficace, qu’ils présentent une demande d’habeas corpus.

Les juges Karakatsanis, Gascon et Martin : On aurait dû permettre à B de contester la constitutionnalité de l’assignation à résidence prévue dans son OSLD dans le cadre du procès qu’il a subi pour avoir contrevenu à cette condition. Cela dit, une fois cette contestation permise, la prétention de B fondée sur l’art. 7 de la Charte ne saurait tenir. Le pourvoi de B devrait donc être rejeté et la déclaration de culpabilité prononcée contre lui confirmée.

Il y a accord avec les juges majoritaires pour dire qu’il convient d’appliquer les facteurs énoncés dans l’arrêt Maybrun, mais il y a désaccord quant à leur application. Contrairement aux contestations incidentes dans les affaires Mayburn et Klippert, celle de B met en cause les droits que la Charte lui garantit compte tenu de la possibilité très réelle d’emprisonnement. Lorsque l’on examine ces dimensions constitutionnelle et carcérale en ce qui a trait à B, il appert que le législateur n’a pas voulu priver B de la possibilité de contester, dans le cadre de son procès, la validité constitutionnelle d’une condition dont la violation le rend passible d’une peine maximale de dix ans d’emprisonnement.

En ce qui concerne les deux premiers facteurs de l’arrêt Maybrun, bien que le vaste pouvoir que confère le par. 134.1(2) de la LSCMLSC à la Commission milite contre les contestations incidentes des OSLD qu’elle rend, le fait d’autoriser B à contester incidemment celle en cause en l’espèce n’est pas incompatible avec l’objet du régime applicable aux délinquants à contrôler. Autoriser B à présenter une contestation constitutionnelle de l’OSLD dont il fait l’objet n’aurait pas pour effet d’inciter ou d’encourager les délinquants à contrôler à « contrevenir d’abord, pour ensuite contester ». Dire que la conduite de B a consisté à agir ainsi met l’accent sur la question de savoir si le législateur a voulu permettre les contraventions aux OSLD commises dans le but de contester les conditions enfreintes plutôt que sur celle de savoir s’il a voulu permettre aux délinquants à contrôler de contester les conditions de leur OSLD lorsqu’ils sont accusés d’y avoir contrevenu, la question qu’il convient de se poser. Le législateur ne peut évidemment pas avoir eu l’intention de permettre les contestations incidentes pour ceux qui font fi de leurs conditions dans le but de les contester. Il est par ailleurs crucial de reconnaître que ce sont les contraventions aux assignations à résidence, et non les contestations incidentes de ces conditions, qui présentent un risque pour la société.

Pour ce qui est de l’analyse du troisième facteur, les trois avenues de contestation de l’assignation à résidence dont B disposait selon les juges majoritaires n’offrent aucunement, que ce soit ensemble ou séparément, un moyen efficace de statuer sur les prétentions de B fondées sur la Charte au point d’illustrer une intention du législateur de l’empêcher de faire valoir que la condition pour laquelle il fait l’objet d’une accusation criminelle est inconstitutionnelle. On ne saurait dire que le législateur a prescrit l’une ou l’autre d’entre elles comme étant le forum particulier pour contester la constitutionnalité d’une condition prévue dans une OSLD. Compte tenu de leurs lacunes respectives, ni l’examen interne par la Commission ni le contrôle judiciaire ne peut être la seule voie prescrite pour trancher les contestations constitutionnelles des conditions dont sont assorties les OSLD. Si l’on présume que, dans ce contexte, le recours en habeas corpus était possible et que le législateur le connaissait, ce recours ne peut servir à prouver l’intention du législateur d’empêcher les contestations incidentes des conditions prévues dans les OSLD; à l’instar d’une contestation incidente, la demande en habeas corpus constitue une contestation externe de l’assignation à résidence dont est assortie une OSLD qui ne tient pas compte du « processus d’appel administratif » envisagé par la LSCMLSC .

En ce qui a trait au cinquième facteur, la sanction prévue à l’art. 753.3 du Code criminel est une peine maximale de dix ans d’emprisonnement. Empêcher B de contester la constitutionnalité de la condition revient à le priver de son moyen de défense à un procès dans le cadre duquel il encourt une lourde peine d’emprisonnement. La règle générale interdisant les contestations incidentes découle de considérations relatives à la primauté du droit et à l’administration de la justice — à savoir qu’il ne convient pas de contourner les processus décisionnels établis par le législateur. Or, lorsque des moyens de défense en matière criminelle ne peuvent être présentés à l’encontre de sanctions sévères, des aspects différents de la primauté du droit et de l’administration de la justice peuvent clairement être en jeu. La tâche du juge du procès dans un cas comme l’espèce est de se demander si les considérations relatives à la défense pleine et entière et le droit à un procès équitable l’emportent sur le respect rigoureux des structures administratives, surtout lorsque ces structures sont limitées. La contestation de son assignation à résidence par B constitue son unique moyen de défense. Il pourrait être emprisonné pendant une longue période sans que la validité constitutionnelle du fondement de cette peine — l’assignation à résidence — n’ait jamais été examinée par un tribunal. L’idée qu’une personne se trouvant dans la même situation que lui qui présente une demande fondée sur la Charte méritant d’être instruite puisse quand même ne pas être admissible à une réparation correspondante en raison du forum dans lequel la demande a été présentée constitue un affront à la fois à l’administration de la justice et au droit de l’accusé protégé par la Charte de présenter une défense pleine et entière. Par conséquent, ce facteur milite fortement pour la conclusion selon laquelle le législateur ne peut avoir eu l’intention d’interdire la présentation d’une demande comme celle de B dans les circonstances de l’espèce. B doit être autorisé à faire valoir son moyen de défense d’ordre constitutionnel à ce moment-ci et devant le présent forum.

En ce qui concerne la demande de B fondée sur la Charte , l’atteinte à la liberté est arbitraire d’une manière qui enfreint l’art. 7 de la Charte si elle n’a aucun lien rationnel avec l’objet de la loi applicable. La surveillance de longue durée est une forme de peine exceptionnelle qui est réservée aux délinquants qui font peser sur la société une menace permanente de nature à justifier, à titre préventif, une peine plus sévère. La surveillance de longue durée vise précisément la prévention contre la récidive et la protection du public au cours d’une période de réinsertion sociale contrôlée. Le vaste pouvoir discrétionnaire d’établir les conditions dont sont assorties les OSLD que le par. 134.1(2) de la LSCMLSC confère à la Commission est limité uniquement par l’exigence selon laquelle les conditions doivent viser à protéger la société ou à favoriser la réinsertion sociale du délinquant à contrôler. Le libellé de la disposition étaye fortement la conclusion selon laquelle la Commission est autorisée à imposer des assignations à résidence, et le meilleur moyen d’atteindre les objectifs du régime applicable aux délinquants à contrôler consiste à interpréter le par. 134.1(2) comme autorisant la Commission à ordonner l’assignation à résidence où bon lui semble, y compris dans un établissement résidentiel communautaire comme le Centre Oskana. La qualité de « pénitencier » de ce centre au sens de la LSCMLSC ne change en rien cette conclusion, pas plus que les dispositions connexes de la LSCMLSC portant sur les assignations à résidence dans d’autres contextes. Ainsi, le libellé, le contexte et l’objet du par. 134.1(2) confirment que la Commission est habilitée à ordonner des assignations à résidence comme celle qu’elle a imposée à B lorsqu’elles sont raisonnables et nécessaires pour atteindre les objectifs du régime applicable aux délinquants à contrôler. L’assignation à résidence imposée en l’espèce reposait sur la situation particulière de B. Compte tenu de cette situation — qui comporte d’importants antécédents en matière de défaut de se conformer, des problèmes de toxicomanie et un casier judiciaire chargé — et de l’objet du par. 134.1(2) dans le contexte du régime applicable aux délinquants à contrôler, l’assignation à résidence imposée à B n’est pas arbitraire au sens où il faut l’entendre pour l’application de l’art. 7 de la Charte .

B ne devrait pas être autorisé à soulever des prétentions fondées sur l’art. 9 et l’al. 11h) de la Charte . Bien que la Cour ait effectivement le pouvoir discrétionnaire d’examiner de nouveaux arguments constitutionnels en appel, elle ne doit l’exercer qu’à titre exceptionnel, en tenant compte de l’ensemble des circonstances, dont la teneur du dossier, l’équité envers toutes les parties, l’importance que la question soit résolue par la Cour, le fait que l’affaire se prête ou non à une décision et les intérêts de l’administration de la justice en général. B n’a pas démontré qu’il s’agit de l’un des cas rares qui justifieraient que la Cour examine en appel ses arguments nouveaux de nature constitutionnelle.

Jurisprudence

Citée par le juge Moldaver

Arrêts appliqués : R. c. Consolidated Maybrun Mines Ltd., [1998] 1 R.C.S. 706; R. c. Al Klippert Ltd., [1998] 1 R.C.S. 737; May c. Établissement Ferndale, 2005 CSC 82, [2005] 3 R.C.S. 809; Établissement de Mission c. Khela, 2014 CSC 24, [2014] 1 R.C.S. 502; distinction d’avec l’arrêt : Mooring c. Canada (Commission nationale des libérations conditionnelles), [1996] 1 R.C.S. 75; arrêts examinés : R. c. Ipeelee, 2012 CSC 13, [2012] 1 R.C.S. 433; R. c. Conway, 2010 CSC 22, [2010] 1 R.C.S. 765; arrêts mentionnés : Wilson c. La Reine, [1983] 2 R.C.S. 594; Canada (Procureur général) c. TeleZone Inc., 2010 CSC 62, [2010] 3 R.C.S. 585; R. c. Litchfield, [1993] 4 R.C.S. 333; Garland c. Consumers’ Gas Co., 2004 CSC 25, [2004] 1 R.C.S. 629; R. c. Domm (1996), 31 O.R. (3d) 540; Canada (Commission des droits de la personne) c. Canadian Liberty Net, [1998] 1 R.C.S. 626; Canada (Commission des droits de la personne) c. Taylor, [1990] 3 R.C.S. 892; R. c. 974649 Ontario Inc., 2001 CSC 81, [2001] 3 R.C.S. 575; Doucet‑Boudreau c. Nouvelle‑Écosse (Ministre de l’Éducation), 2003 CSC 62, [2003] 3 R.C.S. 3; Henry c. Colombie‑Britannique (Procureur général), 2015 CSC 24, [2015] 2 R.C.S. 214; R. c. Steele, 2014 CSC 61, [2014] 3 R.C.S. 138; R. c. Boutilier, 2017 CSC 64, [2017] 2 R.C.S. 936; R. c. Johnson, 2003 CSC 46, [2003] 2 R.C.S. 357; Nouvelle‑Écosse (Workers’ Compensation Board) c. Martin, 2003 CSC 54, [2003] 2 R.C.S. 504; Québec (Procureur général) c. Québec (Tribunal des droits de la personne), 2004 CSC 40, [2004] 2 R.C.S. 223; D.G. c. Bowden Institution (Warden), 2016 ABCA 52, 612 A.R. 213; Brown c. Canada (Public Safety), 2018 ONCA 14, 420 D.L.R. (4th) 124; Ogiamien c. Ontario (Community Safety and Correctional Services), 2017 ONCA 839, 55 Imm. L.R. (4th) 220; R. c. Miller, [1985] 2 R.C.S. 613; Normandin c. Canada, 2005 CAF 345, [2006] 2 R.C.F. 112.

Citée par la juge Martin

Arrêts appliqués : R. c. Consolidated Maybrun Mines Ltd., [1998] 1 R.C.S. 706; R. c. Al Klippert Ltd., [1998] 1 R.C.S. 737; arrêts mentionnés : May c. Établissement Ferndale, 2005 CSC 82, [2005] 3 R.C.S. 809; Normandin c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 345, [2006] 2 R.C.F. 112; R. c. Litchfield, [1993] 4 R.C.S. 333; McKart c. United States, 395 U.S. 185 (1969); Guindon c. Canada, 2015 CSC 41, [2015] 3 R.C.S. 3; Canada (Procureur général) c. Bedford, 2013 CSC 72, [2013] 3 R.C.S. 1101; Carter c. Canada (Procureur général), 2015 CSC 5, [2015] 1 R.C.S. 331; Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27; R. c. Steele, 2014 CSC 61, [2014] 3 R.C.S. 138; R. c. L.M., 2008 CSC 31, [2008] 2 R.C.S. 163; R. c. Ipeelee, 2012 CSC 13, [2012] 1 R.C.S. 433; Thibodeau c. Air Canada, 2014 CSC 67, [2014] 3 R.C.S. 340.

Lois et règlements cités

Charte canadienne des droits et libertés, art. 7 , 9 , 10c), 11h), 24(1) , (2) .

Code criminel, L.R.C. 1985, c. C‑46, art. 753(1) a), b), (4) , (4.1) , 753.1(1) , (3) , 753.2(1) , 753.3 .

Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, c. F‑7, art. 18 , 18.1 .

Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, c. 20, art. 2 , 98 , 99.1 , 100 , 133 , 134.1 , 134.2(1) , 135.1 , 147(1) .

Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, DORS/92‑602, art. 161(1).

Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106, règle 8(1).

Doctrine et autres documents cités

Bilson, Beth. « Lying in Wait for Justice : Collateral Attacks on Administrative and Regulatory Orders » (1998), 12 C.J.A.L.P. 289.

Canada. Service correctionnel. Directive du commissaire 706, « Classification des établissements », 2018.

Clewley, Gary R., Paul G. McDermott and Rachel E. Young. Sentencing : The Practitioner’s Guide, Aurora (Ont.), Canada Law Book, 1995 (loose‑leaf updated May 2018, release 61).

POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel de la Saskatchewan (le juge en chef Richards et les juges Ottenbreit et Whitmore), 2017 SKCA 32, 348 C.C.C. (3d) 43, [2017] 8 W.W.R. 684, [2017] S.J. No. 181 (QL), 2017 CarswellSask 216 (WL Can.), qui a écarté l’acquittement prononcé par le juge Henning, 2016 SKPC 28, 352 C.R.R. (2d) 248, [2016] S.J. No. 68 (QL), 2016 CarswellSask 94 (WL Can.) et qui a ordonné un nouveau procès. Pourvoi rejeté.

Leif Jensen et Michelle Biddulph, pour l’appelant.

Theodore Litowski, pour l’intimée.

Sharlene Telles‑Langdon, pour l’intervenant le procureur général du Canada.

Deborah Krick, pour l’intervenante la procureure générale de l’Ontario.

Jonathan Rudin et Emilie N. Lahaie, pour l’intervenante Aboriginal Legal Services Inc.

Breese Davies et Cheryl Milne, pour l’intervenant David Asper Centre for Constitutional Rights.

Audrey Boctor et Olga Redko, pour l’intervenante l’Association canadienne des libertés civiles.

Version française du jugement du juge en chef Wagner et des juges Abella, Moldaver, Côté, Brown et Rowe rendu par

Le juge Moldaver —

I. Aperçu

[1] La règle générale interdisant les contestations incidentes des ordonnances judiciaires est bien établie : sauf rares exceptions, une ordonnance rendue par un tribunal doit être respectée, à moins qu’elle ne soit annulée à l’issue d’une instance introduite à cette fin. La règle a constamment été appliquée afin d’empêcher une personne de contester la validité d’une ordonnance judiciaire lorsqu’elle se défend d’une accusation criminelle découlant de la contravention à l’ordonnance. Dans l’arrêt R. c. Consolidated Maybrun Mines Ltd., [1998] 1 R.C.S. 706, et dans l’arrêt connexe R. c. Al Klippert Ltd., [1998] 1 R.C.S. 737, la Cour a élaboré une approche distincte pour déterminer si une personne accusée au criminel d’avoir contrevenu à une ordonnance administrative peut contester cette ordonnance de manière incidente. Dans ces affaires, ceux qui cherchaient à contester les ordonnances administratives n’ont pas allégué que ces dernières portaient atteinte à leurs droits garantis par la Charte canadienne des droits et libertés .

[2] Le présent pourvoi requiert que nous réexaminions le cadre énoncé dans l’arrêt Maybrun dans le contexte d’une ordonnance visant un délinquant à contrôler, accusé au criminel d’avoir contrevenu à l’assignation à résidence à laquelle il avait été contraint par la Commission des libérations conditionnelles du Canada (« Commission ») aux termes d’une ordonnance de surveillance de longue durée (« OSLD »). Plus particulièrement, nous devons décider si l’appelant, M. Spencer Dean Bird, pouvait, en défense à cette accusation, contester incidemment la validité de l’assignation à résidence au motif que celle-ci contrevenait aux droits que lui garantit la Charte .

[3] M. Bird, déclaré délinquant à contrôler, a été condamné à une peine d’emprisonnement suivie d’une période de surveillance de longue durée dans la collectivité. S’appuyant notamment sur le lourd passé de M. Bird en matière de violence ainsi que sur ses nombreuses libérations conditionnelles infructueuses, la Commission a assorti son OSLD d’une assignation à résidence. Cette condition obligeait M. Bird à demeurer dans un centre correctionnel communautaire, un centre résidentiel communautaire ou tout autre établissement résidentiel approuvé par le Service correctionnel du Canada (« SCC »). Ce dernier a placé M. Bird au centre Oskana, un centre correctionnel communautaire. Moins d’un mois après le début de sa surveillance de longue durée, M. Bird a quitté le centre et n’y est pas retourné. Il a par la suite été arrêté et accusé de ne pas s’être conformé à l’assignation à résidence prévue dans l’OSLD à laquelle il était assujetti, une infraction décrite au par. 753.3(1) du Code criminel, L.R.C. 1985, c. C‑46 .

[4] Lors du procès, M. Bird s’est défendu contre l’accusation dont il faisait l’objet, en alléguant que l’assignation à résidence prévue dans son OSLD ne relevait pas de la compétence conférée par la loi à la Commission et que cette condition contrevenait à ses droits garantis par l’art. 7 de la Charte . Le juge de première instance a fait droit à cet argument et a acquitté M. Bird, en concluant que l’assignation à résidence était invalide. En appel, la Cour d’appel de la Saskatchewan a rejeté cette conclusion. Selon elle, le juge de première instance avait commis une erreur en permettant à M. Bird de contester incidemment l’assignation à résidence. La Cour d’appel a annulé l’acquittement de M. Bird, inscrit une déclaration de culpabilité à l’égard de l’accusation fondée sur le par. 753.3(1) et renvoyé l’affaire à la Cour provinciale de la Saskatchewan pour détermination de la peine. M. Bird se pourvoit maintenant devant la Cour. Il conteste de nouveau l’assignation à résidence sur le fondement de l’art. 7 de la Charte . Il soutient en outre pour la première fois que cette assignation contrevient aux droits que lui garantissent l’art. 9 et l’al. 11h) de la Charte .

[5] Pour les motifs qui suivent, je conviens avec la Cour d’appel que M. Bird ne pouvait pas contester incidemment l’assignation à résidence prévue dans l’OSLD prononcée contre lui. Cela étant, j’estime qu’il n’est pas nécessaire d’examiner les divers arguments fondés sur la Charte qu’il a soulevés pour démontrer l’invalidité de l’assignation à résidence. Par conséquent, je suis d’avis de rejeter l’appel.

II. Faits

[6] M. Bird a un long passé criminel qui remonte à 1983. Il a été déclaré coupable d’environ 63 infractions, dont 12 avec violence.

[7] Le 27 mai 2005, après que M. Bird a été jugé coupable d’agression armée et de vol de moins de 5 000 $, le juge Ferris de la Cour provinciale de la Saskatchewan l’a déclaré délinquant à contrôler en vertu du par. 753.1(3) du Code criminel . Il a infligé à M. Bird une peine d’emprisonnement de 54 mois devant être suivie d’une période de surveillance de longue durée de cinq ans. Pendant qu’il purgeait sa peine, M. Bird a fait l’objet d’une libération d’office à trois reprises. Chaque fois, sa libération a été suspendue pour violation des conditions, récidive ou récidive alléguée. Le 21 juin 2013, M. Bird a été libéré conformément aux conditions de son OSLD. Trois jours plus tard, il a été arrêté et accusé de possession d’une arme dans un dessein dangereux, infraction pour laquelle il a été condamné à une peine d’emprisonnement de 12 mois.

[8] Le SCC a préparé une « Évaluation en vue d’une décision », datée du 28 avril 2014, dans laquelle il évaluait les projets de libération d’office de M. Bird relativement à la peine de 12 mois qui lui avait été infligée à la suite de sa condamnation pour possession d’une arme. M. Bird avait comme projet de retourner au sein de la Première Nation Ahtahkakoop et d’y vivre avec son frère. Le SCC a conclu que ce projet ne limiterait pas suffisamment le risque que M. Bird posait pour la collectivité, soulignant que ce dernier avait [traduction] « des tendances bien établies en matière de violence » et qu’il était « incapable de se conformer aux conditions qui lui étaient infligées pour quelque période que ce soit » (d.a., vol. II, p. 77). Le SCC a jugé que, sans l’imposition d’une assignation à résidence, M. Bird [traduction] « présenterait un risque inacceptable pour la société » (ibid.). Il a donc recommandé que M. Bird réside dans un centre correctionnel communautaire ou dans un centre résidentiel communautaire pendant toute la durée de sa libération d’office, ainsi que pendant les 180 premiers jours de sa période de surveillance de longue durée.

[9] Dans sa décision datée du 15 juillet 2014 antérieure à la libération, la Commission a adopté la recommandation du SCC et elle a assigné M. Bird à résidence dans un centre correctionnel communautaire, un centre résidentiel communautaire ou un autre établissement résidentiel communautaire (par ex., une maison privée) approuvé par SCC, pendant les 180 premiers jours de sa surveillance de longue durée. Cette condition a été imposée en vertu du par. 134.1(2) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, c. 20 (« LSCMLSC »), qui permet à la Commission d’« imposer au délinquant les conditions de surveillance qu’elle juge raisonnables et nécessaires pour protéger la société et favoriser la réinsertion sociale du délinquant ». Faisant écho aux préoccupations soulevées par le SCC, la Commission a jugé que l’assignation à résidence était raisonnable et nécessaire, compte tenu du [traduction] « lourd passé [de M. Bird] en matière de violence occasionnant des préjudices corporels » et de son « incapacité à se conformer aux conditions qui lui étaient imposées » lors de ses libérations conditionnelles (d.a., vol. II, p. 69). La Commission a conclu en précisant qu’elle était [traduction] « convaincue que [M. Bird aurait] besoin de la structure et de la surveillance que seuls peuvent lui offrir un centre correctionnel communautaire ou un centre résidentiel communautaire. Par conséquent, l’assignation à résidence est imposée pour une période de 180 jours » (ibid.).

[10] La Commission a transmis les motifs de sa décision à M. Bird avec une lettre d’accompagnement datée du 24 juillet 2014. Cette lettre l’avisait expressément qu’il pouvait présenter une demande à la Commission s’il souhaitait être soustrait à l’une ou l’autre des conditions prévues dans l’OSLD dont il était l’objet :

[traduction]

Vous pouvez présenter une demande à la Commission des libérations conditionnelles du Canada en vue d’être soustrait à l’une ou l’autre de vos conditions, ou pour lui demander de modifier l’une ou l’autre des conditions de l’ordonnance de surveillance de longue durée dont vous faites l’objet. Dès réception de votre demande et d’un rapport à jour de votre agent de libération conditionnelle, avec qui vous devriez discuter de votre demande, votre dossier sera transmis à la Commission qui tiendra un vote. Par la suite, vous serez informé du résultat du processus en question. Afin que votre demande puisse faire l’objet d’un examen complet, veuillez préciser les raisons qui la motivent. [Je souligne.]

(d.a., vol. II, p. 67)

[11] Le 14 août 2014, date de sa libération d’office, M. Bird a été transporté au centre Oskana, où il a vécu jusqu’au 7 janvier 2015, date à laquelle son mandat a expiré et où son OSLD a pris effet. Le même jour, M. Bird a signé un certificat de surveillance de longue durée préparé par le SCC, qui énonçait les conditions particulières de sa surveillance de longue durée, notamment qu’il devait se présenter au centre Oskana. Le certificat comprenait aussi une reconnaissance, signée par M. Bird, selon laquelle la violation d’une condition de sa surveillance de longue durée sans excuse légitime constituerait une infraction aux termes du par. 753.3(1) du Code criminel .

[12] Le centre Oskana, qui est un centre correctionnel communautaire, sert aussi de maison de transition. Il impose diverses conditions à ses résidents, dont les deux suivantes : respecter le couvre-feu et être de retour au centre entre 11 h et 13 h. M. Bird devait se conformer à ces conditions.

[13] Le 28 janvier 2015, M. Bird a quitté le centre Oskana et il n’y est pas retourné. Le jour suivant, il a été accusé d’avoir enfreint l’assignation à résidence prévue dans son OSLD, l’infraction décrite au par. 753.3(1) du Code criminel . Il a été en fuite pendant plus de deux mois, jusqu’à ce que, le 16 avril 2015, des policiers le repèrent et l’arrêtent.

III. Décisions des juridictions d’instances inférieures

A. Cour provinciale de la Saskatchewan, 2016 SKPC 28, 352 C.R.R. (2d) 248 (le juge Henning)

[14] Lors de son procès pour violation de l’assignation à résidence prévue dans son OSLD, M. Bird a fait valoir que cette condition outrepassait la compétence que la loi confère à la Commission et qu’elle portait atteinte à ses droits protégés par l’art. 7 de la Charte .

[15] Le juge de première instance s’est d’abord demandé si, pour se défendre contre l’accusation d’avoir contrevenu à l’assignation à résidence, M. Bird pouvait contester incidemment la décision de la Commission de lui avoir imposé cette condition. Après avoir appliqué le cadre d’analyse établi dans les arrêts Maybrun et Klippert, le juge a conclu que M. Bird pouvait effectivement contester incidemment l’ordonnance de la Commission.

[16] Le juge du procès s’est ensuite demandé si l’assignation à résidence était valide. Il a conclu que la décision de la Commission d’imposer cette condition avait eu pour effet de placer M. Bird au centre Oskana, un établissement carcéral. Or, selon lui, non seulement la LSCMLSC ne permet pas d’imposer une telle condition dans le cadre d’une OSLD, mais cette condition constituait une atteinte importante aux droits garantis à M. Bird par l’art. 7 de la Charte . Étant donné sa conclusion que l’assignation à résidence était inconstitutionnelle, le juge a conclu que M. Bird ne pouvait pas être déclaré coupable de l’avoir enfreinte. Par conséquent, il a rejeté l’accusation qui pesait sur ce dernier.

B. Cour d’appel de la Saskatchewan, 2017 SKCA 32, 348 C.C.C. (3d) 43 (le juge en chef Richards et les juges Ottenbreit et Whitmore)

[17] En appel, le ministère public a soutenu que le juge de première instance avait commis une erreur en permettant la contestation incidente de la décision de la Commission d’imposer une assignation à résidence et en concluant, par ailleurs, que cette assignation contrevenait à l’art. 7 de la Charte .

[18] Le juge en chef Richards, au nom des juges unanimes, a accueilli l’appel. À son avis, le juge de première instance a eu tort de permettre la contestation incidente de l’assignation à résidence imposée par la Commission. Se fondant sur le cadre d’analyse énoncé dans les arrêts Maybrun et Klippert et tenant compte de l’importance accordée dans ce cadre à l’intention du législateur, la Cour d’appel a conclu que ce dernier n’avait pas l’intention d’autoriser les contestations incidentes des conditions d’une OSLD imposées par la Commission.

[19] Pour le juge en chef Richards, permettre aux délinquants de « contrevenir d’abord, pour ensuite contester » tendrait à contrecarrer l’objet du régime de surveillance de longue durée (par. 57). En outre, selon lui, la Cour fédérale dispose d’un pouvoir de surveillance exclusif des décisions de la Commission et un délinquant peut demander à cette dernière de modifier ou d’annuler toute condition. Même si la violation d’une OSLD est passible d’une peine sévère, le juge en chef Richards a conclu que le législateur n’avait pas l’intention de permettre aux délinquants de s’opposer aux conditions de leur OSLD en ne s’y conformant pas. Il s’ensuit que le juge de première instance a commis une erreur en permettant à M. Bird de contester incidemment l’ordonnance rendue par la Commission. Compte tenu de cette conclusion, il a jugé inutile d’examiner si l’assignation à résidence portait atteinte aux droits de M. Bird protégés par l’art. 7 de la Charte . Il a donc annulé l’acquittement de M. Bird, inscrit une déclaration de culpabilité à l’égard de l’accusation portée en vertu du par. 753.3(1) du Code criminel et renvoyé l’affaire à la Cour provinciale pour détermination de la peine.

IV. Question en litige

[20] Je suis d’avis que le présent appel soulève une seule question : M. Bird peut‑il contester incidemment l’assignation à résidence dont la Commission a assorti son OSLD pour se défendre d’une accusation criminelle d’avoir enfreint l’assignation en question? Comme je répondrais à cette question par la négative, j’estime qu’il n’est pas nécessaire que j’examine l’argument de M. Bird selon lequel l’assignation à résidence porte atteinte à ses droits garantis par la Charte .

V. Analyse

A. Principes généraux en matière de contestations incidentes

[21] Une contestation incidente est une attaque faite à l’encontre d’une ordonnance « dans le cadre de procédures autres que celles visant précisément à obtenir l’infirmation, la modification ou l’annulation de l’ordonnance » (Wilson c. La Reine, [1983] 2 R.C.S. 594, p. 599; Canada (Procureur général) c. TeleZone Inc., 2010 CSC 62, [2010] 3 R.C.S. 585, par. 60). La Cour a reconnu l’existence d’une règle générale interdisant les contestations incidentes des ordonnances judiciaires : sauf rares exceptions, une ordonnance rendue par une cour doit être respectée, à moins qu’elle soit annulée à l’issue d’une instance introduite à cette fin (Maybrun, par. 2‑3; R. c. Litchfield, [1993] 4 R.C.S. 333, p. 349; Garland c. Consumers’ Gas Co., 2004 CSC 25, [2004] 1 R.C.S. 629, par. 71). Dans l’arrêt Maybrun, la Cour a jugé qu’une analyse différente était justifiée dans les cas de contestations incidentes d’ordonnances administratives. Or, comme je l’expliquerai, les deux approches s’appuient sur des principes similaires.

(1) Contestation incidente des ordonnances judiciaires

[22] La règle générale interdisant la contestation incidente des ordonnances judiciaires repose sur un raisonnement solide :

La règle [. . .] vise à maintenir la primauté du droit et à préserver la considération dont jouit l’administration de la justice. L’incertitude résulterait si on permettait aux parties de gérer leurs affaires suivant la perception qu’ils ont de questions comme la compétence du tribunal qui rend l’ordonnance. De plus, [traduction] « l’administration ordonnée et pratique de la justice » exige que les ordonnances judiciaires soient considérées comme définitives et ayant force exécutoire à moins d’être annulées en appel [. . .].

(Maybrun, par. 2, citant Litchfield, p. 349)

Comme la Cour l’a noté dans l’arrêt Maybrun, la règle interdisant la contestation incidente des ordonnances judiciaires est appliquée systématiquement dans les instances criminelles où l’accusation concerne la violation alléguée d’une ordonnance judiciaire (Maybrun, par. 3, citant R. c. Domm, (1996), 31 O.R. (3d) 540 (C.A.), p. 547, autorisation de pourvoi refusée, [1997] 2 R.C.S. viii). Cette règle est aussi appliquée dans les cas où l’accusé allègue que l’ordonnance judiciaire est inconstitutionnelle. Dans l’arrêt Domm, le juge Doherty, s’exprimant au nom de la Cour d’appel de l’Ontario, a statué que [traduction] « [m]ême les ordonnances inconstitutionnelles doivent être respectées, à moins qu’elles soient annulées à l’issue d’une instance introduite à cette fin » (p. 549). Comme la Cour l’a expliqué dans l’arrêt Canada (Commission des droits de la personne) c. Canadian Liberty Net, [1998] 1 R.C.S. 626, « [s]’il est permis de désobéir aux ordonnances judiciaires parce qu’on croit que leur fondement est inconstitutionnel, on va vers l’anarchie. Le recours des citoyens est non pas de désobéir aux ordonnances illégales mais [de] demander en justice leur annulation » (par. 51, citant les propos de la juge McLachlin (plus tard Juge en chef) dans l’arrêt Canada (Commission des droits de la personne) c. Taylor, [1990] 3 R.C.S. 892, p. 974).

[23] Cependant, la règle relative à la contestation incidente reconnait que les justiciables doivent disposer d’un moyen efficace pour contester les ordonnances judiciaires, surtout lorsqu’il est allégué que ces ordonnances contreviennent aux droits garantis par la Constitution. Dans l’arrêt Domm, le juge Doherty a précisé que, [traduction] « lorsque des droits constitutionnels sont en jeu, le tribunal doit se soucier particulièrement de l’existence ou non d’un recours efficace autre que la contestation incidente, lorsqu’il examine » s’il y a lieu d’autoriser cette dernière (p. 552). Ainsi, lorsque la contestation incidente est le seul moyen efficace de contester une ordonnance judiciaire, elle est permise (Domm, p. 553‑554).

[24] Bref, deux principes sous-tendent l’approche adoptée à l’égard des contestations incidentes des ordonnances judiciaires : 1) l’importance de maintenir la primauté du droit et de préserver la considération dont jouit l’administration de la justice, et 2) l’importance que les justiciables disposent de moyens efficaces pour contester les ordonnances judiciaires, surtout si elles sont contestées au motif qu’elles ne sont pas conformes à la Charte . Comme je l’expliquerai, le cadre exposé dans l’arrêt Maybrun tient compte de ces principes dans le contexte administratif.

(2) Contestation incidente des ordonnances administratives

[25] Dans l’arrêt Maybrun, la Cour a statué qu’il est justifié d’appliquer un cadre d’analyse différent à l’examen des contestations incidentes des ordonnances administratives, compte tenu des différences importantes entre ce type d’ordonnances et les ordonnances judiciaires, notamment quant à leur nature juridique et aux institutions qui les rendent (par. 4). Selon l’arrêt Maybrun, pour décider si la personne accusée d’avoir enfreint une ordonnance administrative peut contester incidemment la validité de celle-ci, il faut avant tout s’intéresser à l’intention du législateur. Le tribunal doit se demander si ce dernier avait l’intention de permettre la contestation incidente de l’ordonnance, ou s’il avait plutôt l’intention que la personne visée par l’ordonnance puisse la contester au moyen d’autres mécanismes d’examen.

[26] Vu le poids donné à l’intention du législateur, le cadre d’analyse de l’arrêt Maybrun met deux exigences en balance : 1) veiller à ce que la décision du législateur de conférer des pouvoirs décisionnels à des organismes administratifs ne soit pas contrecarrée, et 2) veiller à ce que les justiciables disposent d’un moyen efficace de contester les ordonnances administratives (Maybrun, par. 44; voir aussi B. Bilson, « Lying in Wait for Justice: Collateral Attacks on Administrative and Regulatory Orders » (1998), 12 C.J.A.L.P. 289, p. 291‑294).

[27] Compte tenu de l’importance qu’il accorde à l’intention du législateur quant au forum approprié pour contester une ordonnance administrative, le cadre d’analyse de l’arrêt Maybrun respecte le choix du législateur de conférer des pouvoirs décisionnels à des organismes administratifs. Dans cet arrêt, la Cour a d’ailleurs souligné que ces organismes jouent un rôle important dans l’organisation d’un vaste éventail d’activités de la société moderne (par. 26 et 43). Afin de préserver l’autorité de ces organismes administratifs, le législateur peut créer des mécanismes internes, dans l’intention qu’ils serviront, tout comme d’autres forums appropriés, à contester les ordonnances administratives en lieu et place des contestations incidentes dans le cadre de procès criminels (Maybrun, par. 27). La Cour a reconnu, dans l’arrêt Maybrun, que si une personne pouvait totalement ignorer les procédures ainsi établies pour contester une ordonnance et contrevenir à l’ordonnance, puis attendre que des accusations criminelles soient portées contre elle avant de la contester, cela risquerait de discréditer l’autorité des organismes administratifs qui rendent de telles ordonnances, en plus de miner l’efficacité des régimes administratifs (par. 42).

[28] En outre, si les contestations incidentes étaient permises, l’État recourrait davantage aux sanctions pénales (par. 42). En effet, si les personnes en cause s’opposaient aux ordonnances administratives dont elles sont l’objet seulement après y avoir contrevenu, l’État serait tenu de recourir aux accusations et aux peines pénales afin d’en assurer le respect. La Cour a fait la mise en garde suivante dans l’arrêt Maybrun : « [p]lutôt que de favoriser la collaboration et la conciliation, qui sont parmi les objectifs essentiels de tels mécanismes administratifs, cela mènerait à un durcissement des rapports entre l’Administration et les citoyens » (ibid.). Qui plus est, permettre la contestation incidente des ordonnances administratives pourrait contrecarrer l’intention du législateur de s’en remettre à l’expertise et à l’expérience de certains décideurs. Comme l’a fait remarquer la Cour dans l’arrêt Maybrun, en permettant de court-circuiter les tribunaux administratifs, ou tout autre forum approprié, et de transporter le débat dans l’arène judiciaire, nous risquerions d’amener les tribunaux à se prononcer sur des questions qu’ils ne sont pas les mieux placés pour trancher (par. 43).

[29] Cela dit, le cadre d’analyse dégagé dans l’arrêt Maybrun, tout en mettant l’accent sur l’intention du législateur quant au forum approprié, accorde une grande importance à l’existence d’un moyen efficace de contester les ordonnances administratives. En effet, la Cour a souligné dans cet arrêt que la primauté du droit exige que « l’Administration exerce ses pouvoirs dans les limites prescrites par la loi ou encore que les citoyens disposent de recours appropriés leur permettant de faire valoir leurs droits », en particulier lorsque des sanctions pénales sont en jeu (par. 25 et 44). Par conséquent, « on doit [. . .] présumer que le législateur n’a pas eu pour intention de priver les citoyens affectés par les actes de l’Administration d’une possibilité adéquate de soulever l’invalidité d’une ordonnance » (par. 46). Lorsqu’il n’existe pas de mécanisme ou de forum pour contester de façon efficace la validité de l’ordonnance administrative en cause, il faut en conclure que le législateur a souhaité permettre la contestation incidente (par. 44 et 46).

[30] Compte tenu de ce qui précède, je m’inscris en faux contre la prétention de M. Bird selon laquelle, suivant le cadre établi dans l’arrêt Maybrun, [traduction] « [l]’intention du législateur l’emporterait sur les droits protégés par la Charte » (m.a., par. 57). Selon M. Bird, l’importance accordée à l’intention du législateur dans l’arrêt Maybrun [traduction] « pourrait servir à supplanter [. . .] les droits garantis par la Charte . Lorsque des droits protégés par la Constitution sont en jeu, l’intention du législateur pourrait bien ne pas être suffisamment précise pour déterminer si une contestation incidente devrait être permise » (par. 57). L’arrêt Maybrun reconnaît expressément que le législateur entend donner aux individus la possibilité de faire valoir leurs droits de façon efficace. Dans le contexte de la Charte , cela signifie que la personne qui conteste l’ordonnance doit pouvoir disposer d’un recours efficace qui lui permettra de faire valoir ses droits protégés par la Charte (R. c. 974649 Ontario Inc., 2001 CSC 81, [2001] 3 R.C.S. 575, par. 19; Doucet‑Boudreau c. Nouvelle‑Écosse (Ministre de l’Éducation), 2003 CSC 62, [2003] 3 R.C.S. 3, par. 25 et 55; Henry c. Colombie‑Britannique (Procureur général), 2015 CSC 24, [2015] 2 R.C.S. 214, par. 64). À défaut d’un tel recours, il faut conclure que le législateur entendait permettre la contestation incidente.

[31] J’aimerais ajouter que la personne qui bénéficie d’un forum ou d’un mécanisme pour contester une ordonnance, et qui conteste cette dernière uniquement après y avoir contrevenu, n’aura pas été privée de la possibilité de se défendre pleinement contre l’accusation portée contre elle si cette contestation incidente est refusée. Il en est ainsi parce que, même si la personne ne s’en est pas prévalue, elle disposait d’autres moyens pour contester la validité de l’ordonnance (Maybrun, par. 60‑61).

[32] S’agissant de déterminer l’intention du législateur quant au forum approprié pour contester la validité d’une ordonnance administrative, l’arrêt Maybrun énumère cinq facteurs non exhaustifs qui peuvent être pris en considération par un tribunal : 1) les termes de la loi dont découle le pouvoir de rendre l’ordonnance; 2) l’objectif de la loi; 3) l’existence d’un droit d’appel; 4) la nature de la contestation incidente, eu égard à l’expertise et à la raison d’être de l’instance administrative d’appel, et 5) la sanction imposable pour défaut d’avoir respecté l’ordonnance (Maybrun, par. 45‑49; Klippert, par. 13). Ces facteurs « ne représentent pas des critères autonomes et absolus, mais plutôt des indices importants, parmi d’autres, permettant de cerner l’intention législative » (Maybrun, par. 46).

B. Application à la présente espèce du cadre d’analyse énoncé dans l’arrêt Maybrun : les cinq facteurs

(1) Premier facteur : les termes de la loi dont découle le pouvoir de rendre l’ordonnance; et (2) deuxième facteur : l’objectif de la loi

[33] Je vais commencer par les deux premiers facteurs, soit « les termes de la loi dont découle le pouvoir de rendre l’ordonnance » et « l’objectif de la loi ».

[34] La Commission a prévu l’assignation à résidence dans l’OSLD de M. Bird en vertu du par. 134.1(2) de la LSCMLSC , qui lui permet d’« imposer au délinquant les conditions de surveillance qu’elle juge raisonnables et nécessaires pour protéger la société et favoriser la réinsertion sociale du délinquant ». Une OSLD est une forme de mise en liberté sous condition régie par la LSCMLSC : R. c. Ipeelee, 2012 CSC 13, [2012] 1 R.C.S. 433, par. 47. Le tribunal chargé de la détermination de la peine établit uniquement la durée de l’OSLD (ibid., par. 44). Les conditions précises de la surveillance de longue durée sont une combinaison de ce que prescrit la LSCMLSC et de ce que la Commission ordonne en vertu du pouvoir que lui confère le par. 134.1(2) de la LSCMLSC (motifs de la Cour d’appel, par. 22).

[35] La surveillance de longue durée s’applique à deux groupes exceptionnels de délinquants : les délinquants à contrôler et les délinquants dangereux. Ceux qui appartiennent à ces deux groupes présentent un risque élevé pour la collectivité (R. c. Steele, 2014 CSC 61, [2014] 3 R.C.S. 138, par. 28). Le tribunal peut déclarer que le délinquant est un délinquant à contrôler s’il y a lieu de lui imposer une peine minimale d’emprisonnement de deux ans pour l’infraction dont il a été déclaré coupable, que s’il présente un risque élevé de récidive et s’il existe une possibilité réelle que ce risque puisse être maîtrisé au sein de la collectivité (Code criminel, par. 753.1(1) ; Ipeelee, par. 44). S’il déclare que le délinquant est un délinquant à contrôler, le tribunal doit lui infliger une peine d’emprisonnement et ordonner qu’il soit soumis à une surveillance de longue durée : Code criminel, par. 753.1(3) .

[36] Un délinquant dangereux est une personne qui a été déclarée coupable de sévices graves à la personne et dont « [l]es actes et [l]es comportements antérieurs démontrent qu’elle constitue un danger pour la vie, la sécurité ou le bien-être physique ou mental de qui que ce soit (al. 753(1) a)) », ou dont « [l’]incapacité à contrôler ses impulsions sexuelles laisse prévoir qu’elle causera vraisemblablement des sévices ou d’autres maux à d’autres personnes (al. 753(1) b)) » (Steele, par. 28; voir aussi R. c. Boutilier, 2017 CSC 64, [2017] 2 R.C.S. 936, par. 16‑18). Le tribunal chargé de la détermination de la peine peut, s’il déclare qu’un délinquant est un délinquant dangereux, décider de lui infliger une peine d’emprisonnement ainsi qu’une période de surveillance de longue durée plutôt qu’une peine d’emprisonnement d’une durée indéterminée, s’il juge que la surveillance de longue durée protégera suffisamment le public du risque posé par ce délinquant (par. 753(4) et (4.1) ; Steele, par. 31).

[37] Dans l’arrêt Ipeelee, la Cour a reconnu deux objectifs particuliers de la surveillance de longue durée : 1) la protection du public contre le risque de récidive posé par les délinquants à contrôler et les délinquants dangereux, et 2) la réadaptation et la réinsertion sociale de ces délinquants (par. 48). L’OSLD contrôle le risque que présentent pour la sécurité du public les délinquants à contrôler et les délinquants dangereux lorsqu’ils se trouvent dans la collectivité, ce qui explique pourquoi la violation d’une OSLD est réputée être une infraction plus grave que la violation d’une ordonnance de probation (Ipeelee, par. 53‑54). Comme le soulignent G.R. Clewley, P.G. McDermott et R.E. Young dans l’ouvrage Sentencing: The Practitioner’s Guide (feuilles mobiles) : [traduction] « [l]a violation d’une ordonnance de surveillance de longue durée est prise très au sérieux, parce que, par définition, les délinquants visés par ces ordonnances ont commis des infractions violentes ou d’ordre sexuel, et présentent un certain risque pour la collectivité » (p. 13‑57). Selon le par. 753.3(1) du Code criminel , le défaut de se conformer à une condition d’une OSLD est un acte criminel passible d’un emprisonnement maximal de dix ans.

[38] Selon moi, permettre aux délinquants d’adopter une approche qui consisterait à « contrevenir d’abord, pour ensuite contester » les conditions de l’OSLD minerait l’objet de la surveillance de longue durée. Assortir une OSLD de conditions vise à réduire à un niveau acceptable le risque élevé que présentent les délinquants à contrôler et les délinquants dangereux pour la collectivité. Lorsqu’un délinquant enfreint une de ces conditions, il expose le public à ce risque. J’ai donc de la difficulté à concevoir que le Parlement aurait pu avoir l’intention de permettre aux délinquants à contrôler et aux délinquants dangereux d’adopter l’approche qui consiste à « contrevenir d’abord, pour ensuite contester » relativement aux conditions d’une OSLD, exposant ainsi la collectivité aux dangers mêmes auxquels ces conditions étaient destinées à faire face. Qui plus est, la contravention aux conditions par le délinquant est vraisemblablement antithétique à sa réadaptation parce qu’elles lui ont été imposées, du moins en partie, pour faciliter sa réinsertion dans la collectivité. En somme, le fait de permettre l’approche qui consiste à « contrevenir d’abord, pour ensuite contester » dans ce contexte saperait non seulement les intérêts de la collectivité, mais aussi ceux du délinquant. Ce résultat est incompatible avec les objectifs du régime de surveillance de longue durée et, dans cette mesure, indique clairement que le Parlement n’avait pas l’intention de permettre les contestations incidentes.

[39] M. Bird nie qu’en permettant les contestations incidentes dans le présent contexte, la collectivité sera exposée à un risque. Selon lui, il est [traduction] « difficile d’imaginer qu’un délinquant soit prêt à risquer jusqu’à dix ans de sa vie en violant une condition, plutôt que d’opter pour la voie plus simple et de demander qu’elle soit modifiée » (m.a., par. 32). Or, c’est précisément ce que M. Bird a fait en l’espèce : plutôt que « d’opter pour la voie plus simple » en demandant la modification de son assignation à résidence, il a contesté cette dernière seulement après y avoir dérogé. Pour être clair, je ne suggère pas qu’en adoptant l’approche qui consiste à « contrevenir d’abord, pour ensuite contester », M. Bird a examiné ses options et a fait le choix délibéré et tactique de contester son assignation à résidence en y contrevenant, considérant cette façon de faire comme la plus avantageuse. Je me concentre plutôt sur les actions de M. Bird, qui parlent d’elles même : il n’a contesté son assignation à résidence qu’après y avoir dérogé. La question que doit trancher la Cour n’est pas celle de savoir pourquoi il a adopté cette ligne de conduite, mais plutôt si le Parlement avait l’intention de l’autoriser à le faire.

[40] Après avoir quitté le centre Oskana, M. Bird a été en liberté sans surveillance dans la collectivité, et ce pendant plus de deux mois. Il convient de rappeler que, selon la Commission, compte tenu du [traduction] « lourd passé [de M. Bird] en matière de violence occasionnant des préjudices corporels à ses victimes », de son « utilisation d’armes lors de la commission d’un grand nombre des infractions qu’il a commises », et de ses « nombreuses libérations infructueuses » (d.a., vol. II, p. 69), M. Bird avait besoin de la structure et de la surveillance que peuvent offrir un centre correctionnel communautaire ou un centre résidentiel communautaire. En contrevenant à l’assignation à résidence prévue dans son OSLD, M. Bird a exposé le public à un risque de récidive violente, risque que la Commission a jugé inacceptable.

[41] J’aimerais aussi souligner que M. Bird a enfreint son assignation à résidence à une autre reprise. Après qu’il eut acquitté M. Bird d’avoir contrevenu à l’assignation à résidence prévue dans l’OSLD dont il était l’objet, le 19 février 2016, le juge de première instance n’a ni annulé ni modifié l’assignation en question (motifs de première instance, par. 41). Ainsi, M. Bird est retourné au centre Oskana pour y terminer son assignation à résidence. Le ou vers le 18 mars 2016, M. Bird a de nouveau quitté le centre Oskana, contrevenant ainsi une fois de plus à l’assignation en question. Il a été arrêté le 11 avril 2016, lorsque des policiers ont été appelés à une résidence où du tapage avait été signalé. Les policiers y ont vu une femme qui semblait en pleurs et ils sont entrés pour s’enquérir de son bien-être. C’est alors qu’ils y ont trouvé M. Bird et l’ont arrêté.

[42] Selon moi, il est évident que de permettre à des délinquants comme M. Bird de s’opposer aux conditions de leur OSLD en recourant à la stratégie consistant à « contrevenir d’abord, pour ensuite contester » expose la collectivité à un risque et peut compromettre leur réadaptation. Cela pourrait également avoir l’inconvénient de réduire l’accès pour les délinquants dangereux à la surveillance de longue durée, ce qui minerait encore plus les objectifs de ce régime. Comme la Cour l’a affirmé dans l’arrêt R. c. Johnson, 2003 CSC 46, [2003] 2 R.C.S. 357, la surveillance de longue durée vise à protéger la société de la menace que les délinquants présentent actuellement, et ce, sans recourir à « la mesure radicale qu’est la peine de détention d’une durée indéterminée » (par. 32). Comme je l’ai mentionné, le tribunal peut condamner les délinquants dangereux à une peine d’emprisonnement d’une durée déterminée, combinée à une surveillance de longue durée, plutôt qu’à une peine d’emprisonnement d’une durée indéterminée (Steele, par. 31). Cependant, le tribunal ne le fera que s’il est convaincu que la surveillance de longue durée protégera adéquatement le public du risque que pose ce type de délinquants (Steele, par. 28). Si ces derniers pouvaient adopter relativement aux conditions de leur OSLD l’approche qui consiste à « contrevenir d’abord, pour ensuite contester », les tribunaux chargés de la détermination de la peine pourraient en venir à douter de la capacité de gérer les délinquants dangereux dans la collectivité, ce qui pourrait entraîner l’imposition d’un plus grand nombre de peines d’emprisonnement à durée indéterminée.

[43] Selon moi, les deux premiers facteurs du cadre d’analyse établi dans l’arrêt Maybrun — les termes de la loi dont découle le pouvoir de rendre l’ordonnance et l’objectif de la loi — suggèrent donc fortement que le législateur n’avait pas l’intention que les délinquants à contrôler et les délinquants dangereux puissent s’opposer à l’assignation à résidence de la surveillance de longue durée au moyen d’une contestation incidente.

(3) Troisième facteur : l’existence d’un droit d’appel

[44] Je passe maintenant au troisième facteur énoncé dans l’arrêt Maybrun, soit celui relatif à « l’existence d’un droit d’appel ». Selon moi, ce facteur permet au tribunal de tenir compte non seulement de l’existence d’un droit d’appel auprès d’un tribunal administratif d’appel, mais aussi de l’existence d’autres mécanismes efficaces ou forums pour contester l’ordonnance en cause.

[45] La Cour d’appel a mentionné, et les parties ont admis, que la LSCMLSC ne prévoit pas de droit d’appel de la décision de la Commission en ce qui a trait aux conditions dont est assortie une OSLD (motifs de la Cour d’appel, par. 52). C’est sous cet angle que j’examinerai la question.

[46] M. Bird fait valoir que, dans les affaires Maybrun et Klippert, il existait un droit d’appel devant un tribunal administratif d’appel. Puisqu’il n’existe pas de droit d’appel devant la section d’appel de la Commission, il prétend que le troisième facteur de l’arrêt Maybrun a [traduction] « peu d’application en l’espèce, voir aucune » (m.a., par. 34). Cependant, on doit se rappeler que le cadre d’analyse énoncé dans l’arrêt Maybrun met l’accent sur « l’intention législative quant au forum approprié pour soulever la validité d’une ordonnance administrative » (par. 52). Comme je l’ai mentionné, la Cour a pris soin d’y préciser que les facteurs énumérés n’étaient pas des « critères [. . .] absolus, mais plutôt des indices importants, parmi d’autres, permettant de cerner l’intention législative » (par. 46). De même, dans l’arrêt Klippert, la Cour a souligné que « [l]a recherche de l’intention législative n’est jamais un acte mécanique et on ne saurait pour y parvenir recourir à quelque formule rigide » (par. 14). Dans certains contextes administratifs, le législateur peut vouloir que la personne en cause soit en mesure de contester la validité d’une ordonnance administrative autrement qu’en interjetant appel devant un tribunal administratif. J’estime donc que, selon ce facteur, le tribunal peut tenir compte de l’existence d’autres mécanismes ou forums d’examen.

[47] Cela étant dit, ces mécanismes ou forums d’examen doivent permettre à la personne de faire valoir ses droits et de contester efficacement l’ordonnance administrative. Tel que je l’ai mentionné, suivant le cadre d’analyse établi dans l’arrêt Maybrun, il faut présumer que le législateur a l’intention que les citoyens touchés par les mesures gouvernementales disposent « d’une possibilité adéquate de faire valoir l’invalidité d’une ordonnance » (par. 46). Pour constituer un tel moyen, les mécanismes d’examen doivent donner accès à un recours efficace. Cela est particulièrement important lorsque la personne allègue que l’ordonnance administrative viole ses droits protégés par la Constitution. Rappelons que le justiciable en cause doit toujours avoir accès à un recours efficace qui lui permette de faire valoir ses droits protégés par la Charte .

[48] Devant la Cour, M. Bird fait valoir que l’assignation à résidence en cause portait atteinte à ses droits garantis par les art. 7 et 9 ainsi que par l’al. 11h) de la Charte . Il prétend que, parce qu’un centre correctionnel communautaire répond à la définition de « pénitencier » au sens de la LSCMLSC , l’assignation à résidence ne peut être imposée en vertu du par. 134.1(2) de la LSCMLSC , et n’est pas compatible avec les objectifs de la surveillance de longue durée. Il soutient que l’objectif de la surveillance de longue durée est de relâcher les délinquants dans la collectivité, et non dans un pénitencier (voir la transcription, p. 23).

[49] Dans la mesure où M. Bird se fonde sur la Charte pour contester l’assignation à résidence, je précise que, selon le dossier, il disposait d’au moins deux, voire de trois, solutions de rechange viables. Premièrement, M. Bird aurait pu écrire à la Commission pour lui demander de modifier ou d’annuler l’assignation. Deuxièmement, il aurait pu présenter une demande de contrôle judiciaire à la Cour fédérale (quoique, comme j’expliquerai, ce recours aurait pu s’avérer inefficace). Troisièmement, il aurait pu présenter une demande d’habeas corpus devant la cour supérieure provinciale. Par conséquent, je ne peux souscrire à l’affirmation de l’intervenant Aboriginal Legal Services Inc., selon laquelle M. Bird [traduction] « n’avait pratiquement aucun moyen de contester la décision devant qui que ce soit et où que ce soit » (m.i., par. 30). Considérés ensemble, ces mécanismes offraient à M. Bird un moyen efficace de contester l’assignation à résidence.

(a) Lettre à la Commission

[50] M. Bird aurait pu écrire à la Commission et lui demander que l’assignation à résidence qu’on lui avait imposée soit modifiée ou annulée. En effet, en vertu du par. 134.1(4) de la LSCMLSC , la Commission peut modifier ou annuler toute condition dont est assortie la surveillance de longue durée. M. Bird a été expressément avisé par écrit de cette possibilité avant l’entrée en vigueur de sa surveillance de longue durée. Dans la lettre de présentation datée du 24 juillet 2014 qui a été transmise à M. Bird, et à laquelle étaient joints ses motifs à l’appui de sa décision d’imposer l’assignation à résidence, la Commission a écrit ceci :

[traduction]

Vous pouvez présenter une demande à la Commission des libérations conditionnelles du Canada en vue d’être soustrait à l’une ou l’autre de vos conditions, ou pour lui demander de modifier l’une ou l’autre des conditions de l’ordonnance de surveillance de longue durée dont vous faites l’objet. Dès réception de votre demande et d’un rapport à jour de votre agent de libération conditionnelle, avec qui vous devriez discuter de votre demande, votre dossier sera transmis à la Commission qui tiendra un vote. Par la suite, vous serez informé du résultat du processus en question. Afin que votre demande puisse faire l’objet d’un examen complet, veuillez préciser les raisons qui la motivent. [Je souligne.]

(d.a., vol. II, p. 67)

[51] Cette lettre donnait à M. Bird un avis amplement suffisant de l’assignation à résidence puisqu’elle précédait de plus de cinq mois la date d’entrée en vigueur de son OSLD, soit le 7 janvier 2015. Au cours de ces cinq mois, il aurait pu écrire à la Commission pour lui demander de modifier ou d’annuler la condition, de sorte qu’il ne soit pas placé dans un centre correctionnel communautaire.

[52] M. Bird ne conteste pas que la Commission doit exercer le pouvoir que lui confère la loi en conformité avec la Charte et qu’elle a compétence pour examiner des questions relatives à la Charte et accorder des réparations appropriées à cet égard. Dans l’arrêt R. c. Conway, 2010 CSC 22, [2010] 1 R.C.S. 765, la Cour a déclaré qu’un « tribunal administratif possédant le pouvoir de trancher des questions de droit et dont la compétence constitutionnelle n’est pas clairement écartée peut résoudre une question constitutionnelle se rapportant à une affaire dont il est régulièrement saisi » (par. 78). Cela comprend les questions liées à la Charte et les réparations fondées sur cette dernière (ibid., par. 81).

[53] Il ne fait aucun doute que la Commission a le pouvoir de trancher des questions de droit. À titre d’exemple, le par. 147(1) de la LSCMLSC prévoit qu’un délinquant visé par une décision de la Commission peut interjeter appel auprès de la Section d’appel au motif que la Commission, en rendant sa décision, « a violé un principe de justice fondamentale » ou « a commis une erreur de droit ». Ce libellé démontre que la Commission a le pouvoir de trancher des questions de droit (voir Conway, par. 84, citant Nouvelle‑Écosse (Workers’ Compensation Board) c. Martin, 2003 CSC 54, [2003] 2 R.C.S. 504; voir aussi Québec (Procureur général) c. Québec (Tribunal des droits de la personne), 2004 CSC 40, [2004] 2 R.C.S. 223, et Mooring c. Canada (Commission nationale des libérations conditionnelles), [1996] 1 R.C.S. 75, par. 89). En outre, rien dans la LSCMLSC n’indique que le législateur avait l’intention de soustraire l’application de la Charte à la compétence de la Commission. Dans la foulée de l’arrêt Conway, je conclus donc que la Commission a compétence pour trancher des questions relatives à la Charte et accorder des réparations fondées sur celle‑ci, et qu’il s’agit donc d’un tribunal compétent au sens où il faut l’entendre pour l’application du par. 24(1) de la Charte (par. 22).

[54] Je reconnais que, dans l’arrêt Mooring, la Cour a jugé que la Commission n’était pas un tribunal compétent pour écarter des éléments de preuve en application du par. 24(2) de la Charte (par. 32). Dans cet arrêt, la Cour a en effet conclu que la loi constituant la Commission ne donnait pas à celle-ci compétence pour accorder cette réparation (par. 25‑29). Selon moi, l’arrêt Mooring n’a toutefois pas décidé si la Commission pouvait, de façon générale, accorder des réparations fondées sur la Charte . Comme la Cour l’a expliqué dans l’arrêt Conway, il faut commencer par déterminer si le tribunal a, de façon générale, une telle compétence et s’il est, en conséquence, un tribunal compétent (par. 22 et 81). Si tel est le cas, il faut ensuite se demander s’il peut accorder la réparation précise demandée eu égard au régime législatif applicable (par. 82). Ainsi, l’arrêt Mooring n’empêche pas de conclure que la Commission peut accorder d’autres réparations fondées sur la Charte . Cela dit, il est préférable d’attendre une autre occasion pour trancher la question de savoir si, à la lumière de l’arrêt Conway, l’arrêt Mooring est toujours valide en droit.

[55] Bref, rien ne donne à penser que M. Bird ne pouvait pas écrire à la Commission pour lui demander de réexaminer sa décision initiale, au motif que celle-ci n’était pas conforme à la Charte . La Commission aurait pu lui accorder une réparation appropriée, en modifiant ou en annulant l’assignation à résidence. Je reconnais que, en agissant ainsi, M. Bird aurait demandé à l’organisme qui a rendu la décision de la réexaminer, ce qui n’est pas équivalent à l’exercice d’un droit d’appel devant un organisme indépendant du décideur initial, tel qu’un tribunal administratif d’appel, comme c’était le cas dans les arrêts Maybrun et Klippert. Certes, dans ces arrêts, la Cour a expressément mentionné que les régimes législatifs applicables prévoyaient un droit d’appel devant un tribunal spécialisé indépendant (Maybrun, par. 56; Klippert, par. 17). Toutefois, comme je l’expliquerai, M. Bird aurait pu présenter une demande d’habeas corpus devant une cour supérieure provinciale. Il aurait aussi pu présenter une demande de contrôle judiciaire à la Cour fédérale, sous réserve des préoccupations abordées dans les lignes qui suivent.

(b) Demande de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale

[56] Le paragraphe 18(1) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, c. F‑7 , confère à la Cour fédérale la compétence exclusive pour, entre autres, décerner un bref de certioriari ou rendre un jugement déclaratoire contre tout office fédéral, ce qui comprend la Commission. Une telle réparation peut être accordée pour des motifs fondés sur la Charte . Cela dit, deux des intervenants affirment qu’un contrôle judiciaire devant la Cour fédérale n’aurait peut-être pas permis à M. Bird d’obtenir réparation en temps opportun. En outre, les avocats de M. Bird et du David Asper Centre for Constitutional Rights (« David Asper Centre ») ont des réserves quant à la possibilité pour M. Bird de se pourvoir en contrôle judiciaire.

[57] Le David Asper Centre et l’Association canadienne des libertés civiles — qui ont qualité d’intervenants dans la présente affaire — prétendent que, au moment où la contestation de M. Bird aurait été instruite par la Cour fédérale, son assignation à résidence aurait pu être expirée; la question serait donc devenue théorique.

[58] Les avocats de M. Bird et du David Asper Centre ont aussi des réserves quant à l’accès au contrôle judiciaire en Cour fédérale pour les personnes qui, comme M. Bird, auraient à introduire leur demande tout en étant incarcérées, ou, dans le meilleur des cas, peu après la date de leur libération d’office. L’avocat de M. Bird souligne que son client a passé presque la totalité de la dernière décennie en prison et qu’il est peu probable qu’il dispose des ressources financières nécessaires pour embaucher un avocat qui le représenterait dans un contrôle judiciaire potentiellement long. Le David Asper Centre fait valoir que, si M. Bird devait assurer sa propre défense, la procédure de la Cour fédérale lui occasionnerait des difficultés particulières. Citant la juge Bielby dans l’arrêt D.G. c. Bowden Institution (Warden), 2016 ABCA 52, 612 A.R. 213, le David Asper Centre fait valoir que [traduction] « sa connaissance des Règles [des cours fédérales] est vraisemblablement limitée [. . .] étant donné qu’il est relativement rare que des individus aient affaire au système des cours fédérales » (m.i., par. 24).

[59] Selon moi, les avocats de M. Bird et des intervenants soulèvent des préoccupations réalistes à propos de l’accessibilité et de la rapidité du recours devant la Cour fédérale. Lorsque la liberté d’un individu est en jeu, l’accessibilité et la rapidité sont d’autant plus importantes. Or, il importe qu’il existe un mécanisme qui procure un recours suffisamment accessible et rapide pour ceux qui sont privés de leur liberté. À la lumière du dossier porté à notre connaissance, je ne suis pas en mesure d’affirmer qu’un contrôle judiciaire aurait constitué un tel recours pour M. Bird.

[60] Cela dit, je souligne que M. Bird a été avisé de la décision de la Commission d’imposer l’assignation à résidence plus de cinq mois avant le début de sa surveillance de longue durée, ce qui lui donnait beaucoup de temps pour se pourvoir en contrôle judiciaire. Je fais aussi remarquer que M. Bird aurait pu, en application du par. 8(1) des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106, présenter une requête pour accélérer la procédure. Cela dit, il est vrai que si une telle requête avait été rejetée — ce qui est possiblement improbable compte tenu de l’enjeu urgent de la liberté en cause —, la décision de la Cour fédérale aurait pu ne pas être rendue avant que la période de validité de l’assignation à résidence imposée à M. Bird soit en grande partie, voire totalement, écoulée (May c. Établissement Ferndale, 2005 CSC 82, [2005] 3 R.C.S. 809, par. 69; Bowden, par. 43).

[61] Bien qu’il s’agisse en grande partie de spéculations, je ne peux rejeter d’emblée les préoccupations de M. Bird. Dans cette optique, le Parlement voudra peut-être examiner si les procédures en place régissant les demandes de contrôle judiciaire pourraient être modifiées afin qu’elles offrent un recours plus rapide et plus accessible. Cela profiterait à la fois aux personnes qui contestent les conditions qui restreignent leur liberté et à celles qui contestent les conditions qui n’ont pas un tel effet — peut-être davantage en ce qui concerne ces dernières. Heureusement pour lui, M. Bird aurait pu recourir à l’habeas corpus, un mécanisme rapide et efficace pour contester l’assignation à résidence en cause, qui restreignait sa liberté —, et ce de façon inconstitutionnelle selon lui. J’en viens maintenant à ce recours.

(c) Demande d’habeas corpus

[62] Même si M. Bird ne disposait pas du droit d’interjeter appel de la décision de la Commission devant un tribunal administratif indépendant, il aurait pu présenter une demande d’habeas corpus devant une cour supérieure provinciale pour que cette instance indépendante lui accorde rapidement une mesure de redressement. L’habeas corpus, qui a été qualifié de « grand bref de la liberté » (May, par. 19), est un recours conçu pour donner « un accès rapide à la justice pour les personnes illégalement privées de leur liberté » (Établissement de Mission c. Khela, 2014 CSC 24, [2014] 1 R.C.S. 502, par. 3). Dès que le demandeur démontre qu’il a été privé de sa liberté et qu’il existe quelque fondement que ce soit permettant de conclure à l’illégalité de la détention, le tribunal décerne le bref d’habeas corpus, obligeant ainsi les autorités carcérales à démontrer le bien-fondé de la détention lors d’une audience (ibid., par. 41). Règle générale, les tribunaux traitent les demandes d’habeas corpus en priorité, car elles sont réputées être urgentes (Brown c. Canada (Public Safety), 2018 ONCA 14, 420 D.L.R. (4th) 124, par. 20), et l’audition de ces demandes se tient plus rapidement que celle d’une demande de contrôle judiciaire en Cour fédérale (May, par. 69; Khela, par. 46; Ogiamien c. Ontario (Community Safety and Correctional Services), 2017 ONCA 839, 55 Imm. L.R. (4th) 220, par. 18). Comme la Cour l’a noté dans l’arrêt May, l’habeas corpus est un recours essentiel pour la protection des droits protégés par les art. 7 et 9 de la Charte (par. 22). Compte tenu de la longue histoire de ce recours, de son rôle central dans la protection contre les privations illégales de liberté et du fait qu’il a été intégré à l’al. 10c) de la Charte , le législateur était certainement au courant de son existence et du fait qu’il peut servir à contester des assignations à résidence au motif qu’elles ne sont pas conformes à la Charte et que, de ce fait, elles privent illégalement des délinquants à contrôler de leur liberté.

[63] Rien au dossier ne permet de croire que M. Bird aurait été incapable de présenter une demande d’habeas corpus. Selon l’essentiel de l’argument constitutionnel de M. Bird, l’ordonnance de la Commission l’assignant à résidence au centre Oskana le privait illégalement de sa liberté, une privation que nul ne conteste : R. c. Miller, [1985] 2 R.C.S. 613, p. 637; May, par. 76. En outre, la Cour a reconnu que l’habeas corpus convenait particulièrement aux personnes dans la situation de M. Bird, qui sont susceptibles de se défendre seules, puisque le « règlement rapide des questions litigieuses [que permet l’habeas corpus] » est important « lorsque les avocats agissent bénévolement ou sont rémunérés au tarif restreint de l’aide juridique, ou [lorsque] le détenu se représente lui‑même » (May, par. 69). L’habeas corpus est plus accessible que le contrôle judiciaire en Cour fédérale pour les parties qui se défendent seules, car il donne accès aux procédures locales [traduction] « à l’égard desquelles [ces parties] peuvent plus facilement obtenir une certaine forme d’aide et de conseils juridiques » (Bowden, par. 40).

[64] En outre, rien ne donne à penser qu’une cour supérieure provinciale aurait refusé d’exercer sa compétence pour entendre la demande de M. Bird. L’arrêt May précise qu’il est un principe directeur voulant qu’une cour supérieure provinciale ait compétence pour instruire une demande d’habeas corpus, même si d’autres recours peuvent être exercés en Cour fédérale (par. 50; Khela, par. 42). Comme la Cour l’a déclaré dans l’arrêt May, « [e]n principe, une cour supérieure provinciale devrait exercer sa compétence lorsqu’on le lui demande. Elle ne devrait pas refuser d’exercer sa compétence en matière d’habeas corpus simplement parce qu’il existe une autre voie de recours » (par. 44).

[65] Dans l’arrêt May, la Cour a déclaré que les cours supérieures provinciales ne devraient refuser d’exercer leur compétence en matière d’habeas corpus que dans deux cas bien précis (par. 50; Khela, par. 42) : premièrement, lorsqu’il est question de contester la légalité d’une déclaration de culpabilité (May, par. 36); deuxièmement, lorsque le législateur a mis en place « un régime complet, exhaustif et spécialisé prévoyant une procédure d’examen au moins aussi large et aussi avantageuse que celle de l’habeas corpus » (May, par. 40 et 63; Khela, par. 42; Ogiamien, par. 13).

[66] Dans les circonstances de la présente affaire, rien au dossier n’indique qu’il existait un mécanisme aussi avantageux que l’habeas corpus pour offrir une forme de contrôle. Monsieur Bird reconnait qu’il aurait pu écrire à la Commission pour lui demander de réexaminer sa décision originale, mais il ne se serait alors pas adressé à un organisme indépendant pour obtenir réparation (May, par. 62). En outre, dans les arrêts May et Khela, la Cour a énoncé cinq facteurs qui militent pour l’instruction de la demande d’habeas corpus par une cour supérieure provinciale, malgré la disponibilité du recours en contrôle judiciaire devant la Cour fédérale. Quatre de ces cinq facteurs sont pertinents en l’espèce. Premièrement, l’audition d’une demande d’habeas corpus devant une cour supérieure peut être obtenue plus rapidement que celle d’une telle demande de contrôle judiciaire (May, par. 69; Khela, par. 46). Deuxièmement, M. Bird aurait eu plus facilement accès à la cour supérieure provinciale de sa région qu’à la Cour fédérale (May, par. 70; Khela, par. 47; Ogiamen, par. 18). Troisièmement, les cours supérieures « connaissent fort bien l’application des principes et des valeurs de la Charte » qui sont directement mis en cause lorsqu’une personne prétend avoir été illégalement privée de sa liberté (Khela, par. 45; voir également May, par. 68). Quatrièmement, contrairement au contrôle judiciaire, le recours à l’habeas corpus n’est pas discrétionnaire : le tribunal doit accorder le bref d’habeas corpus dès lors que le demandeur prouve qu’il y a eu privation de liberté et qu’il soulève quelque fondement légitime que ce soit pour remettre en question la légalité de la détention (May, par. 71; Khela, par. 48; Ogiamien, par. 18).

[67] Pour ces motifs, il est difficile de concevoir un recours mieux adapté à la situation de M. Bird que celui en habeas corpus, puisqu’il est conçu pour assurer à ceux qui contestent la privation de leur liberté un recours rapide et facilement accessible. En outre, compte tenu de la force des deux premiers facteurs énoncés dans Maybrun, qui donne fortement à penser que le législateur n’avait pas l’intention d’autoriser les délinquants à contrôler à contester incidemment les conditions fixées par les OSLD prononcées au terme de procédures criminelles s’il existe des mécanismes ou des forums de rechange efficaces, il va de soi que le législateur aurait voulu que ces solutions soient utilisées, plutôt que de permettre une contestation incidente dans le cadre de procédures criminelles. Raisonner autrement reviendrait à supposer que le Parlement ne connaît pas ces solutions de rechange efficaces — ce qui est particulièrement difficile à concevoir dans le cas de l’habeas corpus puisque ce bref existe depuis des siècles (voir May, par. 19) et est enchâssé dans l’al. 10c) de la Charte — ou, s’il en a connaissance, qu’il avait l’intention, pour une raison inconnue, qu’elles ne soient pas utilisées. Je ne suis pas persuadé que l’une ou l’autre de ces hypothèses soit fondée.

[68] Ma collègue ne reconnait toutefois pas la pertinence de la possibilité d’intenter un recours en habeas corpus dans le contexte de l’analyse prescrite par Maybrun en l’espèce. Même si elle se dit d’avis que le réexamen par la Commission ne serait pas un mécanisme approprié pour contester l’assignation à résidence imposée à M. Bird, et si elle ne remet pas en question le fait que M. Bird pouvait recourir à l’habeas corpus, elle rejette la pertinence de ce dernier recours comme solution de rechange parce que, selon elle, le législateur aurait présumément eu l’intention de permettre les contestations incidentes dans le cadre de procédures criminelles, même si le délinquant peut recourir à l’habeas corpus, ouvrant ainsi la voie à l’approche qui consiste à « contrevenir d’abord, pour ensuite contester ».

[69] Soit dit en tout respect, je ne peux souscrire à ce point de vue. À mon avis, lorsqu’un processus administratif ne convient pas (ce qui, selon moi, n’est pas nécessairement le cas dans le présent dossier), mais que le justiciable peut recourir à une solution de rechange efficace comme l’habeas corpus — un recours dont, je le répète, le législateur avait sans aucun doute connaissance —, rien ne justifie de manière convaincante de tenir pour acquis que le législateur avait l’intention qu’une contestation incidente dans le cadre d’une procédure criminelle constitue un forum approprié pour contester l’ordonnance en question. En fait, l’inverse est plus plausible. De plus, à mon avis, lorsque le processus administratif mis en place par le législateur comporte des lacunes (comme le soutient ma collègue), il ne conviendrait guère de reprocher à une personne privée de sa liberté de « ne pas tenir compte » de ce processus inadéquat et de plutôt présenter une demande d’habeas corpus.

[70] Pour justifier sa conclusion selon laquelle la possibilité de recourir à l’habeas corpus n’est pas pertinente pour procéder à l’analyse Maybrun en l’espèce, ma collègue se fonde également sur le fait qu’il ne serait pas possible de recourir à cette procédure pour contester les conditions de l’OSLD qui ne restreignent pas la liberté du délinquant à contrôler (motifs de la juge Martin, par. 135).

[71] Là encore, je ne peux souscrire à l’approche préconisée par ma collègue. Selon moi, à cette étape de l’analyse, la bonne formulation de la question en litige consisterait à se demander s’il existe des mécanismes ou forums de rechange efficaces, hormis la contestation incidente dans le cadre de procédures criminelles, pour contester la condition particulière de l’OSLD en litige — soit, ici, une condition qui restreint la liberté du délinquant à contrôler. Cette formulation est importante parce qu’elle concentre l’enquête sur la condition particulière en litige, plutôt que de l’élargir au point où elle englobe d’autres types de conditions qui ne sont pas contestées. La façon dont l’analyse différerait si la condition en cause ne comportait pas de restriction de liberté peut être une question légitime, mais nous n’en sommes pas saisis et il est préférable de la reporter à une occasion ultérieure.

[72] En résumé, le dossier en l’espèce tend à indiquer que, pour M. Bird, se pourvoir en contrôle judiciaire devant la Cour fédérale n’était peut-être pas un recours efficace, mais écrire à la Commission ou présenter une demande d’habeas corpus lui aurait permis d’obtenir une réparation efficace. Je suis d’avis que ces mécanismes constituent, ensemble, un moyen efficace de contester l’ordonnance. En premier lieu, M. Bird aurait pu simplement écrire à la Commission pour lui demander de modifier ou d’annuler l’assignation à résidence. Il aurait aussi pu présenter une demande de contrôle judiciaire à la Cour fédérale. Cependant, s’il n’avait pu se pourvoir en contrôle judiciaire, ou s’il avait voulu obtenir plus rapidement réparation, M. Bird aurait pu présenter une demande d’habeas corpus à une cour supérieure provinciale, un recours dont les procédures sont simplifiées et qui favorise donc l’accessibilité à la justice pour les parties qui se représentent elles-mêmes et pour celles dont les moyens sont limités.

[73] Soit dit en passant, je note que, selon la conclusion de l’arrêt Maybrun, le législateur doit avoir eu l’intention de permettre la contestation incidente s’il s’agit du seul moyen efficace pour contester une ordonnance administrative. Or, dans la présente affaire, la contestation incidente ne semble pas constituer un tel moyen. Dans sa plaidoirie orale, le ministère public a fait valoir que, lorsqu’une personne contrevient à une assignation à résidence, un mandat de suspension est délivré et la personne est renvoyée en détention (transcription, p. 78). Si une accusation est portée pour violation de l’ordonnance, le délinquant est vraisemblablement maintenu en détention pendant son procès (ibid.). Le ministère public a plaidé que, après l’enquête sur remise en liberté provisoire, l’enquête préliminaire, la signification de l’avis de question constitutionnelle ainsi que le procès subséquent, de nombreux mois se seront vraisemblablement écoulés depuis la violation de la condition (ibid.). En fait, c’est exactement ce qui s’est produit pour M. Bird en l’espèce : il a quitté le centre Oskana, contrevenant ainsi à son assignation à résidence, et il a été arrêté plus de deux mois plus tard. Il a été maintenu en détention jusqu’à la date de son procès, soit pendant une période d’environ dix mois (motifs de première instance, par. 4). Comme le juge de première instance l’a souligné, cette période de détention était nettement supérieure à la période durant laquelle il avait été contraint à résider au centre Oskana (ibid.). Le législateur n’avait donc pas l’intention que M. Bird s’oppose à son assignation à résidence en la contestant incidemment.

[74] Selon moi, il s’ensuit que le troisième facteur de l’arrêt Maybrun témoigne de l’intention du législateur de ne pas permettre que des individus dans la situation de M. Bird contestent incidemment leur assignation à résidence. Il entendait plutôt que le délinquant écrive à la Commission ou, dans l’éventualité où le contrôle judiciaire en Cour fédérale n’est pas un recours efficace, qu’il présente une demande d’habeas corpus.

(4) Quatrième facteur : la nature de la contestation incidente eu égard à l’expertise de l’instance administrative d’appel et à sa raison d’être

[75] Le quatrième facteur dégagé dans l’arrêt Maybrun est « la nature de la contestation [incidente] eu égard à l’expertise de l’instance [administrative] d’appel et de sa raison d’être ». Selon moi, ce facteur permet aussi au tribunal de tenir compte de la nature de la contestation incidente eu égard à l’expertise du décideur et à la raison d’être d’autres mécanismes ou forums pour contester l’ordonnance.

[76] Dans l’arrêt Maybrun, la Cour a expliqué que ce quatrième facteur vise à déterminer si la nature de la contestation incidente fait appel à des considérations qui relèvent de l’expertise du tribunal ou à des questions pour lesquelles le tribunal a été créé par le législateur. La Cour a fait remarquer que, lorsque la nature d’une contestation incidente « amène à tenir compte d’éléments qui relèvent de l’expertise particulière d’une instance administrative d’appel, on disposera d’un indice solide pour conclure que le législateur souhaitait que la question soit tranchée par cette instance et non par une cour de juridiction pénale » (par. 50).

[77] L’avocat de M. Bird soutient que ce facteur n’est pas pertinent en l’espèce, car son client ne dispose pas d’un droit d’appel devant un tribunal administratif. Soit dit en tout respect, je ne suis pas d’accord. Le tribunal n’est pas tenu de limiter son examen à la question de l’expertise et de la raison d’être d’une instance administrative d’appel. Le cadre énoncé dans l’arrêt Maybrun met l’accent sur l’intention du législateur quant au forum approprié pour contester l’ordonnance, qui peut comprendre un mécanisme d’examen autre qu’une instance administrative d’appel. Il s’ensuit que le tribunal peut se pencher sur la nature de la contestation incidente en tenant compte de l’expertise et de la raison d’être d’autres forums et mécanismes. Lorsque la nature de la contestation incidente fait appel à des considérations qui relèvent clairement de l’expertise et de la raison d’être d’un organisme administratif ou d’un autre forum en particulier, on peut considérer qu’il s’agit d’un indice que le législateur souhaitait que cet organisme tranche la question, plutôt que de permettre une contestation incidente.

[78] En l’espèce, le par. 134.1(2) de la LSCMLSC confère à la Commission un vaste pouvoir discrétionnaire d’imposer les conditions de surveillance de longue durée qu’elle juge « raisonnables et nécessaires pour protéger la société et favoriser la réinsertion sociale du délinquant ». Comme l’a fait remarquer la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Normandin c. Canada, 2005 CAF 345, [2006] 2 R.C.F. 112, le par. 134.1(2) témoigne de « l’intention du législateur de s’en remettre à l’expertise et à l’expérience de la Commission » pour déterminer les conditions dont il convient d’assortir l’OSLD afin de maintenir l’équilibre entre la sécurité du public et la réinsertion réussie du délinquant (par. 46). En conséquence, si M. Bird avait demandé à la Commission de réexaminer sa décision d’imposer l’assignation à résidence, la Commission se serait penchée sur des questions qui relèvent clairement de son expertise.

[79] Ce n’est pas parce que la contestation de M. Bird quant à son assignation à résidence soulève des questions constitutionnelles qu’elle soulève des questions ne relevant pas de l’expérience et de l’expertise de la Commission. Comme la Cour l’a noté dans l’arrêt Conway, « les tribunaux spécialisés devaient [. . .] jouer un rôle de premier plan dans le règlement des questions liées à la Charte et relevant de leur compétence particulière » (par. 21).

[80] Les questions soulevées par la contestation de M. Bird relèvent clairement de l’expertise de la Commission. Ces questions n’échapperaient pas non plus à l’expertise de la Cour fédérale ou des cours supérieures provinciales qui instruisent des demandes d’habeas corpus. Selon moi, ce facteur témoigne de l’intention du législateur que M. Bird s’en remette à ces mécanismes et que la contestation incidente ne soit pas autorisée dans le cadre du processus pénal.

(5) Cinquième facteur : la sanction imposable pour défaut d’avoir respecté l’ordonnance

[81] J’examinerai maintenant le dernier facteur énoncé dans l’arrêt Maybrun, soit « la sanction imposable pour défaut d’avoir respecté l’ordonnance ». La sanction imposable en cas de manquement à une condition d’une OSLD est lourde. Comme je l’ai mentionné, le par. 753.3(1) du Code criminel prévoit que le délinquant qui, sans excuse raisonnable, contrevient à une OSLD est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de dix ans. M. Bird prétend que la sanction imposable en l’espèce [traduction] « est le facteur le plus important et qu’il devrait en fait être déterminant dans la présente affaire » (m.a., par. 59).

[82] Je reconnais que la sanction dont est passible la personne qui contrevient à une OSLD est lourde. Si je devais tenir compte de ce facteur de manière isolée, j’aurais de la difficulté à attribuer au législateur l’intention qu’un délinquant puisse être reconnu coupable d’avoir contrevenu à une OSLD sans avoir eu la possibilité, lors du procès au criminel, de contester la validité de la condition (motifs de la Cour d’appel, par. 56). Dans l’arrêt Maybrun, où la Cour a conclu que la contestation incidente n’était pas permise, la sanction imposable était une amende, et non pas l’emprisonnement comme la Cour l’a expressément souligné (par. 63). Je ne souscris toutefois pas à la proposition de M. Bird selon laquelle ce facteur est déterminant. Comme je l’expliquerai, si j’examine la disposition pénale non pas de manière isolée, mais conjointement avec les autres facteurs cernés dans l’arrêt Maybrun, il me semble évident qu’elle n’est pas déterminante quant à l’intention du législateur.

(6) Pondération des facteurs énoncés dans l’arrêt Maybrun

[83] Les facteurs énoncés dans l’arrêt Maybrun, hormis le dernier, donnent fortement à penser que le législateur n’avait pas l’intention de permettre les contestations incidentes dans des circonstances comme celles qui nous occupent. Permettre à des délinquants dangereux et à des délinquants à contrôler d’adopter l’approche qui consiste à « contrevenir d’abord, pour ensuite contester » pour s’opposer à leur assignation à résidence exposerait la collectivité à un risque inacceptable en plus de compromettre les chances de réhabilitation du délinquant.

[84] En outre, il appert du dossier qu’il existait des mécanismes qui auraient permis à M. Bird de contester efficacement l’assignation à résidence. Même si le contrôle judiciaire en Cour fédérale n’était pas un recours efficace, deux autres possibilités s’offraient à M. Bird : il aurait pu écrire à la Commission, experte et expérimentée dans l’établissement de conditions de surveillance de longue durée, ou présenter une demande d’habeas corpus devant une cour supérieure provinciale. Dans les circonstances, puisqu’il pouvait contester l’ordonnance de la Commission en recourant à ces mécanismes, M. Bird n’a pas été privé de la possibilité de se défendre pleinement contre l’accusation d’avoir enfreint l’assignation à résidence.

[85] Même si M. Bird était passible d’une sanction sévère — une peine d’emprisonnement — en cas de contravention à son assignation à résidence, j’estime que cette sanction n’a pas pour effet de faire pencher la balance pour sa prétention que le législateur avait l’intention de lui permettre de contester incidemment l’ordonnance de la Commission. Puisqu’autoriser le recours à l’approche qui consiste à « contrevenir d’abord, pour ensuite contester » dans le présent contexte poserait un véritable risque pour la sécurité du public, et puisque M. Bird avait à sa disposition des mécanismes d’examen efficaces, je conclus que le législateur n’avait pas l’intention qu’il puisse contourner ces mécanismes et ainsi contester l’assignation à résidence uniquement après y avoir contrevenu. En conséquence, je crois que la Cour d’appel a eu raison de statuer que le législateur n’avait pas l’intention de permettre aux délinquants à contrôler et aux délinquants dangereux de contester incidemment les assignations à résidence dont est assortie leur OSLD. Le législateur avait plutôt l’intention que ces délinquants demandent à la Commission de modifier ou d’annuler l’assignation ou, dans l’éventualité où le contrôle judiciaire en Cour fédérale ne constitue pas un recours efficace, qu’ils présentent une demande d’habeas corpus.

[86] Compte tenu de cette conclusion, il n’est pas nécessaire que j’examine l’argument de M. Bird selon lequel, dans sa situation, l’assignation à résidence portait atteinte à ses droits protégés par les art. 7 et 9 ainsi que par l’al. 11h) de la Charte .

VI. Dispositif

[87] La Cour d’appel n’a pas commis d’erreur en concluant que M. Bird n’était pas autorisé à contester incidemment l’assignation à résidence prévue dans son OSLD. Elle a annulé à bon droit l’acquittement de M. Bird, inscrit une déclaration de culpabilité à l’égard de l’accusation d’avoir contrevenu à l’OSLD aux termes du par. 753.3(1) du Code criminel , et renvoyé l’affaire à la Cour provinciale de la Saskatchewan pour détermination de la peine. En conséquence, je suis d’avis de rejeter l’appel.

Version française des motifs des juges Karakatsanis, Gascon et Martin rendus par

La juge Martin —

I. Introduction

[88] D’importantes conséquences se rattachent au fait d’être déclaré délinquant à contrôler en application du par. 753.1(3) du Code criminel, L.R.C. 1985, c. C‑46 . L’une de ces conséquences est l’application de l’art. 753.3 , qui rend le délinquant à contrôler passible d’un emprisonnement maximal de dix ans s’il contrevient à l’une ou l’autre des conditions de l’ordonnance de surveillance de longue durée (« OSLD ») dont il fait l’objet. Ces conditions sont établies en partie par la Commission des libérations conditionnelles du Canada (« Commission ») et en partie par le par. 161(1) du Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, DORS/92‑602. Elles s’appliquent après l’expiration de la peine d’emprisonnement et de la libération conditionnelle du délinquant et peuvent avoir une vaste portée de même que concerner divers aspects de la vie du délinquant. L’OSLD en cause en l’espèce interdit à Spencer Dean Bird de fréquenter certaines personnes, de se trouver dans certains endroits, de posséder ou de consommer de l’alcool ou des drogues et de résider dans un lieu qui n’est pas approuvé par le Service correctionnel du Canada (« SCC ») pendant une période de 180 jours. La présente affaire porte sur cette dernière condition.

[89] M. Bird a été accusé, en application de l’art. 753.3 , d’avoir contrevenu à l’assignation à résidence prévue dans son OSLD. Il s’agit ici de déterminer s’il devrait pouvoir contester la constitutionnalité de cette condition comme moyen de défense dans le cadre de son procès criminel, même s’il n’a pris aucune mesure proactive pour s’opposer à condition en question au moment où elle a été imposée. Devrait‑on permettre ce que l’on appelle la « contestation incidente » des assignations à résidence imposées par la Commission dans le cadre d’instances criminelles? M. Bird ayant admis les éléments de l’infraction et n’ayant invoqué aucun autre moyen de défense, la contestation constitutionnelle représente sa seule perspective d’acquittement.

[90] Comme les juges majoritaires, j’estime que notre tâche première en l’espèce consiste à appliquer le cadre d’analyse servant à évaluer la viabilité des contestations incidentes énoncé dans les arrêts R. c. Consolidated Maybrun Mines Ltd., [1998] 1 R.C.S 706 et R. c. Al Klippert Ltd., [1998] 1 R.C.S. 737. Ce cadre d’analyse vise à déterminer quelle était l’intention du législateur quant au forum où il convient de juger de la validité d’une ordonnance contestée (Maybrun, par. 19, 38, 44, 46 et 52; Klippert, par. 13). La question clé est celle de savoir si le législateur compétent a prescrit qu’il faille contester une ordonnance devant un forum en particulier (Maybrun, par. 46; voir aussi Klippert, par. 20). Cinq facteurs guident l’appréciation de cette question (Maybrun, par. 45 et 51‑52; Klippert, par. 13‑14).

[91] J’arrive toutefois à une conclusion différente de celle tirée par mon collègue sur la façon dont ces facteurs s’appliquent en l’espèce. Selon moi, deux d’entre eux — soit ceux relatifs à l’existence d’un droit d’appel devant une instance administrative et à la sanction imposable pour défaut de se conformer — militent très largement contre la conclusion voulant que le législateur ait eu l’intention d’empêcher une « contestation » comme celle de M. Bird dans les circonstances de l’espèce. Je souscris à la position du juge du procès selon laquelle M. Bird aurait dû pouvoir contester l’assignation à résidence pour des motifs d’ordre constitutionnel comme moyen de défense à son procès. En effet, il est difficile d’imaginer dans quelles circonstances les facteurs énoncés dans l’arrêt Maybrun donneraient ouverture à une contestation incidente si ce n’est dans celles de l’espèce. Je ne peux accepter que le fait de permettre la contestation de M. Bird équivaudrait en quelque sorte à tolérer ou à encourager la stratégie consistant à « contrevenir d’abord [aux conditions d’une OSLD], pour ensuite [les] contester ». Je conclus que M. Bird ne devrait pas être empêché de faire valoir ses arguments constitutionnels parce qu’il n’a pas contesté son assignation à résidence au moyen d’un des trois recours imparfaits dont il disposait selon les juges majoritaires.

[92] M. Bird prétend que l’assignation à résidence porte atteinte aux droits que lui garantissent les art. 7 et 9 ainsi que l’al. 11h) de la Charte canadienne des droits et libertés . Devant les tribunaux d’instances inférieures, M. Bird n’a fait valoir que sa prétention fondée sur l’art. 7 . Le ministère public s’oppose à ce que la Cour statue quant à ses prétentions fondées sur l’art. 9 et l’al. 11h) . M. Bird ne m’a pas convaincue que la Cour devrait exercer son pouvoir discrétionnaire exceptionnel d’examiner en appel de nouvelles prétentions fondées sur la Charte . En conséquence, je n’examinerai que sa prétention fondée sur l’art. 7 . Bien que je conclue que M. Bird aurait dû pouvoir faire valoir cette prétention fondée sur la Charte , j’estime que celle-ci n’est pas établie.

[93] Par conséquent, bien que je sois d’avis de permettre à M. Bird de contester la constitutionnalité de son assignation à résidence, je rejetterais le pourvoi.

II. Faits

[94] Le 27 mai 2005, M. Bird a été déclaré délinquant à contrôler après avoir été jugé coupable de voies de fait. Sa peine comportait donc, en plus d’un emprisonnement d’une durée de 54 mois et consécutivement à celui-ci, une surveillance d’une durée de cinq ans au sein de la collectivité.

[95] La libération d’office de M. Bird n’a eu lieu que le 14 août 2014, car il avait été déclaré coupable d’autres infractions dans l’intervalle. Le jour de sa libération, il a été transféré d’un établissement fédéral (soit une prison) en Alberta au Centre correctionnel communautaire Oskana à Regina (« Centre Oskana »), où le SCC avait choisi de le placer pendant sa période de libération d’office.

[96] Cette période a pris fin le 7 janvier 2015. La période de surveillance de longue durée de M. Bird a débuté le même jour.

[97] En prévision du début de la surveillance de longue durée de M. Bird, la Commission a élaboré les conditions dont serait assortie l’OSLD dont il faisait l’objet. Ce faisant, la Commission a pris en considération le dossier correctionnel de M. Bird ainsi qu’une évaluation fournie par le SCC.

[98] La Commission a assorti l’OSLD d’une assignation à résidence. Elle a prescrit à M. Bird de :

[traduction] [r]ésider dans un centre correctionnel communautaire, un centre résidentiel communautaire ou un autre établissement résidentiel (par ex. une maison privée) approuvé par le Service correctionnel du Canada, pendant une période de 180 jours.

(d.a., p. 64)

[99] La Commission a fait reposer cette condition sur la situation particulière de M. Bird, notamment ses antécédents de violence, ses problèmes de toxicomanie et ses déclarations de culpabilité pour défaut de se conformer. La Commission a conclu que [traduction] « [M. Bird] aura besoin de la structure et de la surveillance que seuls peuvent lui offrir un centre correctionnel communautaire ou un centre résidentiel communautaire ». Elle a également fondé sa décision sur l’avis du SCC selon lequel le fait de permettre à M. Bird de vivre avec sa famille, comme il l’avait proposé, lui donnerait vraisemblablement accès à de l’alcool et l’exposerait à un risque de récidive.

[100] Le SCC a approuvé le choix du Centre Oskana pour la mise en œuvre de l’assignation à résidence d’une durée de 180 jours prévue dans l’OSLD. Comme je l’ai indiqué précédemment, M. Bird s’y trouvait déjà, puisqu’il y purgeait le reste de sa peine d’emprisonnement en liberté d’office. Ces conditions de logement n’ont donc pas changé lorsqu’il est devenu assujetti à son OSLD. Autrement dit, on a ordonné à M. Bird de rester pendant 180 jours là où il était, en dépit du changement de son statut.

[101] Le Centre Oskana est un établissement résidentiel communautaire ou, plus précisément, un « centre correctionnel communautaire », car il appartient au SCC et est administré par celui‑ci. Il héberge des personnes qui font l’objet d’une surveillance de l’État, y compris certaines qui bénéficient d’une libération conditionnelle, et d’autres qui sont absentes de la prison parce qu’elles bénéficient d’une permission de sortir ou sont en liberté d’office.

[102] Tous les résidents du Centre Oskana doivent respecter un ensemble de règles usuelles. Dans l’exposé conjoint des faits déposé au procès, le ministère public a reconnu que le statut de délinquant à contrôler de M. Bird — quelqu’un qui avait déjà purgé sa peine d’emprisonnement — ne le soustrayait pas aux règles usuelles. Le dossier d’appel ne contient pas de descriptions des conditions courantes au Centre Oskana, mais les parties conviennent que M. Bird devait respecter un couvre-feu, ce qui comportait des heures de rentrée le soir et une obligation de se trouver au Centre Oskana de 11 h à 13 h.

[103] Le 28 janvier 2015, M. Bird a quitté le Centre Oskana et n’y est pas retourné. Les policiers l’ont arrêté le 16 avril 2015 à Regina et l’ont accusé, en application du par. 753.3(1) , de ne pas s’être conformé à l’assignation à résidence prévue dans l’OSLD en cause. Au procès, M. Bird a été acquitté; le juge a permis la contestation incidente de M. Bird et a fait droit à son argument fondé sur l’art. 7 de la Charte selon lequel l’assignation à résidence était inconstitutionnelle. En appel, la cour a conclu que le juge avait eu tort de permettre la contestation incidente de M. Bird, et celui-ci a été déclaré coupable.

III. Analyse

A. Contestation incidente

[104] Une tension fondamentale règne dans les affaires de contestation incidente — soit la tension entre le droit de la personne accusée de contester une ordonnance administrative qui serait invalide et le choix du législateur de faire examiner certaines questions par des organismes administratifs, et non par les tribunaux (Maybrun, par. 42). Cette tension est le fondement de l’exercice d’interprétation même. En effet, lorsqu’il examine l’intention du législateur, le juge du procès doit présumer « que [ce dernier] n’a pas voulu priver une personne visée par une ordonnance de l’opportunité de faire valoir ses droits » (Maybrun, par. 52).

[105] Les cinq facteurs qui peuvent aider le juge du procès à évaluer le bien-fondé d’une contestation incidente sont les suivants : 1) les termes de la loi dont découle le pouvoir de rendre l’ordonnance; 2) l’objectif de la loi; 3) l’existence d’un droit d’appel; 4) la nature de la contestation, eu égard à l’expertise et à la raison d’être de l’instance d’appel; et 5) la sanction imposable pour défaut d’avoir respecté l’ordonnance (Maybrun, par. 45 et 51‑52; Klippert, par. 13‑14). Comme la Cour l’a souligné aux par. 13 et 14 de l’arrêt Klippert, ces facteurs ne doivent pas être considérés comme un test strict, bien qu’il « [puisse] être utile de [les] considérer », et ils « ne sont pas nécessairement exhaustifs mais constituent plutôt divers indices susceptibles de nous aider à cerner l’intention du législateur ». Cela signifie qu’il ne s’agit pas d’une appréciation de facteurs selon une carte de pointage. Le juge du procès peut conclure qu’un seul facteur dicte l’issue de la cause.

[106] Le présent pourvoi donne pour la première fois à la Cour l’occasion d’appliquer l’arrêt Maybrun à une contestation incidente qui met en cause les droits que la Charte garantit au défendeur compte tenu de la possibilité très réelle d’emprisonnement. Ni dans Maybrun ni dans Klippert les défendeurs n’ont‑ils contesté les ordonnances administratives pour des motifs fondés sur la Charte . Dans ces affaires, le défaut de se conformer des défendeurs ne les exposait pas non plus à une peine de prison, encore moins à la possibilité d’un emprisonnement de dix ans. À mon avis, ces aspects clés de la cause de M. Bird sont essentiels à son appréciation. Lorsque l’on examine ces dimensions constitutionnelle et carcérale, je conclus que les facteurs 3 et 5 en particulier — soit la question de l’existence d’un droit d’appel devant une instance administrative et celle de la sanction imposable pour défaut d’avoir respecté l’ordonnance — révèlent que le législateur n’a pas voulu priver M. Bird de la possibilité de contester la validité constitutionnelle d’une condition dont la violation le rend passible d’une peine maximale de dix ans d’emprisonnement.

(1) Libellé et objet de la loi (facteurs 1 et 2)

[107] Je conviens avec les juges majoritaires que le vaste pouvoir que confère le par. 134.1(2) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, c. 20 (« LSCMLSC »), à la Commission milite contre les contestations incidentes des OSLD qu’elle rend.

[108] Toutefois, je n’adhère pas à la thèse selon laquelle le fait d’autoriser M. Bird à contester incidemment l’OSLD est incompatible avec l’objet du régime applicable aux délinquants à contrôler. Plus particulièrement, je n’impute aucun objectif stratégique à l’omission de M. Bird de se conformer à son assignation à résidence et je rejette la notion que de l’autoriser à présenter une contestation constitutionnelle inciterait ou encouragerait les délinquants à contrôler à « contrevenir d’abord [à l’OSLD dont ils font l’objet], pour ensuite [la] contester ». L’inférence que la décision de M. Bird de quitter le Centre Oskana constituait un choix délibéré de « contrevenir d’abord, pour ensuite contester » n’est pas étayée par le dossier, et la Cour ne peut pas se livrer à des conjectures sur le raisonnement et les motifs qui étaient les siens au moment où il a quitté le Centre Oskana. Les faits sont simplement les suivants : M. Bird n’a pas contesté son assignation à résidence au moment où elle lui a été imposée; ensuite, il a quitté le Centre Oskana avant d’être arrêté, accusé et maintenu en détention durant environ dix mois en attendant de subir un procès relativement à l’accusation d’avoir contrevenu à son assignation à résidence. L’inconstitutionnalité de cette assignation a été invoquée comme moyen de défense contre une accusation pouvant entraîner une peine de dix ans d’emprisonnement. À cet égard, M. Bird est dans la même situation qu’un grand nombre de personnes qui contestent la constitutionnalité d’un acte de l’État seulement après qu’elles ont été accusées.

[109] À mon avis, la manière dont la Cour conçoit le départ de M. Bird du Centre Oskana a une incidence cruciale sur l’analyse prescrite par l’arrêt Maybrun. Dire que la conduite de M. Bird a consisté à « contrevenir d’abord, pour ensuite contester » met l’accent sur la question de savoir si le législateur a voulu permettre les contraventions aux OSLD commises dans le but de contester les conditions enfreintes plutôt que sur celle de savoir si le législateur a voulu permettre aux délinquants à contrôler de contester les conditions de leur OSLD lorsqu’ils sont accusés d’y avoir contrevenu, la question qu’il convient de se poser. Le législateur ne peut évidemment pas avoir eu l’intention de permettre les contestations incidentes pour ceux qui font fi de leurs conditions dans le but de les contester.

[110] Il est crucial de reconnaître que ce sont les contraventions aux assignations à résidence, et non les contestations incidentes de ces conditions, qui présentent un risque pour la société. La Cour ne doit pas confondre le fait d’autoriser M. Bird à se prévaloir d’un moyen de défense avec la perpétuation des dangers liés aux contraventions aux assignations à résidence dont sont assorties les OSLD. Toute personne assujettie à une assignation à résidence prévue dans une OSLD peut enfreindre cette assignation et exposer la collectivité à un risque — que cette personne utilise diligemment ou non les recours appropriés pour contester cette condition, et qu’elle finisse ou non par tenter de la contester à l’encontre d’une accusation criminelle. Tout comme la Cour ne peut pas émettre d’hypothèse quant à la raison pour laquelle M. Bird a quitté le Centre Oskana, elle ne peut tenir pour acquis que le fait d’autoriser M. Bird à contester la constitutionnalité de son assignation à résidence motiverait d’autres délinquants à contrôler à « contrevenir d’abord, pour ensuite contester ».

[111] Enfin, il ne faut pas oublier que le délinquant qui enfreint une condition énoncée dans une OSLD est passible d’une peine maximale de dix ans d’emprisonnement pour cette infraction, de même que d’une période de détention avant le procès. (Comme je l’ai déjà mentionné, la détention avant le procès de M. Bird a duré dix mois, une période nettement plus longue que celle de 180 jours à laquelle il avait été assigné à résider au Centre Oskana). Il est difficile d’imaginer qu’un délinquant à contrôler puisse prendre de tels risques en raison de l’éventualité d’une contestation de l’assignation à résidence à une étape ultérieure.

(2) Existence d’un droit d’appel (facteur 3)

[112] Les juges majoritaires estiment que M. Bird disposait de trois avenues de contestation de l’assignation à résidence. Il aurait pu demander à la Commission de réexaminer l’ordonnance ayant permis son placement dans un centre correctionnel communautaire comme le Centre Oskana, présenter une demande de contrôle judiciaire de l’ordonnance de la Commission à la Cour fédérale et présenter une demande d’habeas corpus. Les juges majoritaires estiment que « ces mécanismes constituent, ensemble, un moyen efficace » de contester l’ordonnance administrative, et témoignent donc d’une intention du législateur d’empêcher une contestation incidente comme celle de M. Bird (motifs des juges majoritaires, par. 72).

[113] Je ne suis pas convaincue que ces avenues offrent, ensemble ou séparément, un moyen efficace de statuer sur les prétentions de M. Bird fondées sur la Charte au point d’illustrer une intention du législateur de l’empêcher de faire valoir que la condition pour laquelle il fait l’objet d’une accusation criminelle est inconstitutionnelle. Voici comment j’explique mon point de vue.

(a) Écrire à la Commission des libérations conditionnelles

[114] J’aborde d’abord la possibilité d’un examen interne. L’assignation à résidence en cause en l’espèce a été prescrite par la Commission en vertu de l’art. 134.1 de la LSCMLSC . Bien que la Commission soit dotée d’une section d’appel, les parties conviennent que la loi ne prévoit pas de recours devant elle pour les délinquants à contrôler qui souhaitent contester les conditions de leur OSLD.

[115] Dans les arrêts Maybrun et Klippert, les défendeurs disposaient d’un recours leur permettant de faire examiner les ordonnances contestées par des tribunaux d’appel créés précisément à cette fin. En vertu de leur loi habilitante, ces tribunaux pouvaient accorder une vaste gamme de réparations, et ils étaient distincts du décideur initial, en plus d’être régis par des procédures soigneusement élaborées et par des moyens définis ouvrant la voie à un nouvel examen. Il était manifeste dans chacune de ces affaires que le législateur voulait inciter les personnes visées par des ordonnances administratives à faire valoir leurs contestations dans le cadre du processus d’appel administratif précisé.

[116] Ne disposant de rien de comparable, les personnes comme M. Bird ne peuvent que présenter une demande à la Commission en vue de faire annuler ou modifier les conditions de leur OSLD en vertu du par. 134.1(4) de la LSCMLSC . Contrairement aux tribunaux d’appel en cause dans les arrêts Maybrun et Klippert, la Commission ne peut pas accorder une vaste gamme de réparations, n’est pas distincte du décideur initial et n’opère pas dans le cadre d’un processus d’appel précisé. M. Bird n’avait d’autres choix que de demander à la Commission de réexaminer l’assignation à résidence qu’elle avait elle‑même ordonnée.

[117] Comme le soulignent les juges majoritaires, la Commission a avisé M. Bird de cette possibilité dans une lettre un peu plus de cinq mois avant l’entrée en vigueur de l’OSLD dont il fait l’objet. On lui a donné l’avis qui suit :

[traduction] Vous pouvez présenter une demande à la Commission des libérations conditionnelles du Canada en vue d’être soustrait à l’une ou l’autre de vos conditions, ou pour lui demander de modifier l’une ou l’autre des conditions de l’ordonnance de surveillance de longue durée dont vous faites l’objet. Dès réception de votre demande et d’un rapport à jour de votre agent de libération conditionnelle, avec qui vous devriez discuter de votre demande, votre dossier sera transmis à la Commission qui tiendra un vote. Par la suite, vous serez informé du résultat du processus en question. Afin que votre demande puisse faire l’objet d’un examen complet, veuillez préciser les raisons qui la motivent.

(d.a., vol. II, p. 67)

[118] En vertu du par. 134.1(2) de la LSCMLSC , la Commission peut imposer des conditions discrétionnaires si elle « juge » qu’elles sont « raisonnables et nécessaires pour protéger la société et favoriser la réinsertion sociale du délinquant ». Comme l’indique la lettre qu’a reçue M. Bird, et compte tenu du libellé de l’art. 134.1 , un réexamen de l’assignation à résidence contestée en vertu du par. 134.1(4) supposerait la tenue d’un vote des membres de la Commission pour déterminer s’ils jugent toujours la condition raisonnable et nécessaire pour protéger la société et favoriser la réinsertion sociale. La lettre qu’a reçue M. Bird indique également que le vote des membres reposerait sur la demande de M. Bird et sur un rapport à jour de son agent de libération conditionnelle.

[119] La question dont nous sommes saisis en l’espèce est celle de savoir si la possibilité qu’un réexamen soit mené en vertu du par. 134.1(4) de la LSCMLSC indique une intention du législateur d’empêcher M. Bird de présenter à son procès un moyen de défense fondée sur la Charte . On ne saurait tirer une telle conclusion simplement parce la Commission peut procéder à un réexamen; cette possibilité doit offrir un moyen efficace de statuer sur la prétention de M. Bird et d’accorder une réparation adéquate. Bien que je convienne avec les juges majoritaires que le par. 134.1(4) offre un certain recours à une personne dans la situation de M. Bird, je ne crois pas qu’il s’agisse d’un recours efficace au point d’indiquer une intention du législateur de faire en sorte que les demandes fondées sur la Charte soient tranchées exclusivement au moyen d’un vote des membres de la Commission dans le cadre d’une demande de réexamen. Je tire cette conclusion pour les trois raisons suivantes.

[120] Premièrement, la simplicité du processus de réexamen mené par la Commission — une demande papier suivie d’un vote — ne se prête pas à la résolution de questions constitutionnelles qui peuvent être complexes. Puisque la décision serait prise par un vote, il semble que M. Bird ne recevrait rien qui ressemble à des motifs expliquant le succès ou l’échec de sa contestation fondée sur la Charte . De plus, comme je l’ai déjà mentionné, les parties ont convenu devant la Cour que le législateur n’a pas voulu permettre l’examen des prétentions comme celles de M. Bird par la section d’appel de la Commission, même après un réexamen mené en vertu du par. 134.1(4) .

[121] Deuxièmement, on ne sait pas de quelle manière la Commission est censée prendre en compte les prétentions fondées sur la Charte . Sa compétence pour établir les conditions dont il convient d’assortir une OSLD se limite à l’examen du caractère raisonnable et nécessaire de celles-ci pour protéger la société et favoriser la réinsertion sociale du délinquant. Supposons que les membres de la Commission cernent et examinent correctement les considérations pertinentes relatives à la Charte lorsqu’ils votent sur ce caractère d’une condition contestée, la LSCMLSC n’indique pas comment ces considérations relatives à la Charte doivent être évaluées par rapport aux facteurs ayant trait à la protection de la société et à la réinsertion sociale. Si, par exemple, la situation de M. Bird au Centre Oskana constituait une détention arbitraire quel poids cela aurait‑il dans le réexamen de la Commission si d’autres préoccupations importantes sur le plan de la sécurité publique et de la réinsertion sociale étaient en jeu? Les membres de la Commission pourraient‑ils simplement examiner la prétention de M. Bird? Ou faudrait‑il qu’ils procèdent à une analyse formelle fondée sur l’art. 9 de la Charte ? Puisqu’il s’agit d’un processus de vote, il serait de toute façon impossible de savoir quelle méthode aurait été adoptée.

[122] Certes, la Commission pourrait examiner des questions de droit et rendre des ordonnances qui respectent la Charte ; cet élément à lui seul n’établit toutefois pas, selon moi, une intention du législateur de confiner la présentation des demandes fondées sur la Charte comme celles de M. Bird à la Commission. Conclure autrement reviendrait à faire catégoriquement pencher la balance du côté de l’interdiction des contestations incidentes dans tous les cas où l’organisme administratif est en mesure de trancher des questions de droit, même si sa loi habilitante ne contient aucune disposition indiquant que le législateur a voulu que cet organisme soit le seul habilité à statuer sur les questions en litige. Une conclusion aussi catégorique serait particulièrement troublante dans les cas où, comme en l’espèce, M. Bird soutient que l’organisme administratif a mal interprété le pouvoir que lui confère sa loi habilitante lorsqu’il a imposé la condition contestée au départ. En l’espèce, un réexamen par la Commission constituerait non pas un examen d’une question de droit par un organisme indépendant, comme en appel, mais un réexamen par la Commission de sa propre décision pour des motifs constitutionnels.

[123] Troisièmement, il ne semble pas que la Commission recevrait les renseignements nécessaires pour statuer correctement quant aux prétentions fondées sur la Charte dans le cadre d’un réexamen. En effet, il ressort clairement de la lecture conjointe de l’art. 134.1 et de la lettre qu’a envoyée la Commission à M. Bird que le rapport de l’agent de libération conditionnelle joue un rôle clé dans le processus de réexamen. Selon toute vraisemblance, ce rapport ne vise pas à présenter tous les faits nécessaires pour aider la Commission dans son appréciation de la prétention fondée sur la Charte que soulève le délinquant. Il risque plutôt de porter principalement sur des questions de sécurité, de conduite et de réinsertion. À mon avis, cela fait ressortir le caractère factuel et particulier de la question soumise à la Commission lorsqu’il s’agit d’une demande de réexamen présentée en application du par. 134.1(4) . Or, cet examen factuel diffère de l’examen des questions juridiques ayant trait davantage au fond que soulèvent les demandes fondées sur la Charte .

[124] Pour ces motifs, je conclus que le législateur n’a pas voulu que le processus d’examen interne tienne lieu de substitut adéquat à un processus d’appel permettant de statuer sur les prétentions fondées sur la Charte comme celles de M. Bird à l’exclusion de l’examen mené par des tribunaux. Ma conclusion à cet égard met clairement en évidence l’effet préjudiciable sur la capacité de M. Bird de se défendre de façon pleine et entière s’il ne peut pas contester la constitutionnalité de l’ordonnance à laquelle il est accusé d’avoir contrevenu (Maybrun, par. 61).

[125] Je souligne ici que, bien que la Commission ait clairement compétence pour examiner l’objet de la demande de M. Bird (l’assignation à résidence dont est assortie l’OSLD) en vertu de l’art. 134.1 , je ne suis pas convaincue, pour les motifs que je viens d’énoncer, que sa raison d’être au titre du par. 134.1(4) est de statuer sur des demandes complexes fondées sur la Charte . Par conséquent, je n’accorderais pas au facteur 4 du cadre d’analyse énoncé dans Maybrun le même poids que lui accordent les juges majoritaires.

(b) Présenter une demande de contrôle judiciaire à la Cour fédérale

[126] Le ministère public soutient, et les juges majoritaires en conviennent, que M. Bird avait accès, quoique d’une manière imparfaite, à un contrôle judiciaire par la Cour fédérale. En effet, si M. Bird avait demandé à la Commission de réexaminer l’assignation à résidence et avait été insatisfait de la réponse de celle-ci, suivant les art. 18 et 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, c. F‑7 , il aurait pu demander un contrôle judiciaire par la Cour fédérale. Il aurait également pu demander le contrôle judiciaire de l’assignation à résidence de l’OSLD initiale elle-même.

[127] Je suis d’accord avec les juges majoritaires pour dire que, même si M. Bird avait suivi toutes les étapes appropriées en vue de présenter une demande de contrôle judiciaire, « la décision de la Cour fédérale aurait pu ne pas être rendue avant que la période de validité de l’assignation à résidence imposée à M. Bird soit en grande partie, voire totalement, écoulée » (motifs des juges majoritaires, par. 60; voir aussi May c. Établissement Ferndale, 2005 CSC 82, [2005] 3 R.C.S. 809, par. 69; Normandin c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 345, [2006] 2 F.C.R. 112, par. 2). En fin de compte, cette réalité mine l’efficacité de ce recours. De fait, même si une cour de révision a compétence pour examiner la question de la conformité d’une ordonnance administrative à la Charte , si la période ordonnée de ce qui est jugé constituer une détention illégale est expirée, le caractère adéquat des recours disponibles est vraisemblablement insuffisant.

[128] J’ajouterai ceci. Comme M. Bird et certains intervenants, j’estime que l’on peut douter de la capacité financière d’une personne dans la situation de M. Bird de retenir les services d’un avocat ou de sa capacité d’agir pour son propre compte afin de naviguer dans le processus de contrôle judiciaire. M. Bird n’a reçu aucun avis de la part de la Commission au sujet de la possibilité d’un contrôle judiciaire. Il a par ailleurs obtenu les services d’un avocat dans le cadre de son procès criminel seulement après que le juge eut décidé que son affaire était complexe et soulevait des questions constitutionnelles importantes. Or, M. Bird n’aurait vraisemblablement pas eu cette chance dans le cadre d’un contrôle judiciaire.

[129] Ces considérations soulèvent d’importantes préoccupations sur le plan de l’accès à la justice. Elles illustrent en outre la distinction fondamentale entre l’énoncé clair par le législateur d’un moyen d’appel interne (comme dans les affaires Maybrun et Klippert) et le fait de simplement s’attendre à ce que les personnes naviguent seules dans le processus de contrôle judiciaire. Un processus d’appel clairement prévu par la loi révèle une intention du législateur de faire trancher les questions par l’organisme ou les organismes désignés, selon des étapes précises et reconnues. En revanche, l’absence d’un tel processus d’appel ne permet pas de tirer pareille conclusion. Pour ces motifs, je conclus que la disponibilité du recours en contrôle judiciaire ne témoigne d’aucune intention précise du législateur d’empêcher les contestations constitutionnelles comme celle de M. Bird.

(c) Présenter une demande d’habeas corpus

[130] Enfin, le ministère public soutient, et les juges majoritaires en conviennent, que la possibilité d’intenter un recours en habeas corpus à l’extérieur du cadre de la LSCMLSC revêt beaucoup d’importance dans l’analyse. Je ne suis pas d’accord. Même si je retenais les présomptions des juges majoritaires selon lesquelles le législateur peut être réputé connaître le recours en habeas corpus et M. Bird aurait pu s’en prévaloir, cela ne m’amènerait pas à conclure que la LSCMLSC témoigne de l’intention d’empêcher M. Bird de contester son assignation à résidence au procès ou de prévoir que l’habeas corpus constitue le mécanisme indiqué pour cette contestation.

[131] La possibilité distincte d’intenter un recours en habeas corpus à l’extérieur du cadre de la LSCMLSC ne démontre tout simplement pas que, par le truchement de cette loi, le législateur a « [mis] en place une procédure complète, indépendante du droit éventuel de recourir à la révision en cour supérieure » (Maybrun, par. 57 (je souligne)), ou « [mis] en place des mécanismes internes et [prévu] des forums appropriés pour permettre [aux] personnes de faire valoir leurs droits » dans ce contexte (Maybrun, par. 27). Si le législateur avait mis en place une procédure ou un mécanisme efficace de ce genre dans la LSCMLSC , cela aurait fort bien pu militer contre le fait de permettre à M. Bird de contester la constitutionnalité de la condition de son OSLD durant son procès. Or, comme je l’ai expliqué précédemment, la LSCMLSC ne prévoit aucun mécanisme ou procédure efficace susceptible d’être la seule voie prescrite pour présenter cette contestation.

[132] Dans la même veine, il importe de signaler que tant la contestation dans le cadre d’un procès criminel d’une assignation à résidence prévue dans une OSLD qu’une demande d’habeas corpus constituent des contestations externes de la condition. À l’image du délinquant à contrôler qui conteste dans le cadre d’un procès criminel l’assignation à résidence à laquelle il est assujetti, le délinquant à contrôler qui intente un recours en habeas corpus, plutôt que de solliciter un réexamen par la Commission, ne tient pas compte non plus du « processus d’appel administratif » envisagé par la LSCMLSC . Puisque la présentation d’une demande d’habeas corpus et la contestation d’une condition de l’OSLD durant le procès constituent des dérogations à la procédure établie par la LSCMLSC , je ne vois pas en quoi la première démontre de manière convaincante que cette loi vise à empêcher la seconde.

[133] Le fait que les délinquants à contrôler assujettis à des assignations à résidence peuvent se prévaloir d’un recours distinct de celui prévu dans le régime législatif (à savoir l’habeas corpus) ne dit pas s’ils peuvent également se prévaloir d’un autre recours (à savoir la contestation au cours d’un procès criminel). Comme la LSCMLSC ne prescrit pas le recours à un forum en particulier pour contester les conditions dont sont assorties les OSLD sur le plan constitutionnel, je suis d’avis que M. Bird pouvait non seulement intenter un recours en habeas corpus, mais aussi contester l’assignation à résidence dans le cadre du procès intenté contre lui. À cette fin, il convient de répéter les propos tenus par la Cour dans Mayburn :

[. . .] on doit, notamment, présumer que le législateur n’a pas eu pour intention de priver les citoyens affectés par les actes de l’Administration d’une possibilité adéquate de faire valoir l’invalidité d’une ordonnance. La démarche interprétative doit donc viser à déterminer non pas si une personne peut ou non soulever la validité d’une ordonnance qui affecte ses droits, mais plutôt si la loi prescrit un forum particulier à cette fin.

(par. 46 (je souligne); voir aussi par. 52)

[134] Cela m’amène à la seconde préoccupation, plus fondamentale. Selon les juges majoritaires, chaque fois qu’une ordonnance administrative met en jeu la liberté physique d’une personne, il est possible d’intenter un recours en habeas corpus. Si l’on permet que cette avenue fasse échec à la contestation de la validité de l’ordonnance durant le procès, il est difficile, très difficile, d’imaginer quand l’accusé pourra s’opposer, lors du procès, aux ordonnances administratives qui restreignent sa liberté. À mon avis, laisser l’existence du recours en habeas corpus faire obstacle aux contestations lors du procès constitue une interprétation trop restrictive du cadre d’analyse énoncé dans Maybrun, qui vise, d’une manière plus large et plus nuancée, à déterminer l’intention du législateur. Il ne faut pas considérer que le législateur interdit à tous les accusés de s’opposer aux conditions administratives restrictives de liberté qui leur sont imposées tout simplement parce qu’ils ont raté auparavant l’occasion de contester ces conditions par voie de demandes d’habeas corpus.

[135] En outre, et dans le même ordre d’idées, tenir compte de l’habeas corpus dans le cadre de l’analyse fondée sur l’arrêt Maybrun comme le suggèrent les juges majoritaires a l’effet paradoxal suivant : moins l’ordonnance contestée a d’incidence sur la liberté physique du délinquant, plus il y a de chances que la contestation incidente soit permise; plus l’ordonnance contestée a d’incidence sur la liberté physique du délinquant, moins il y a de chances que la contestation incidente soit permise. Si, par exemple, M. Bird avait contrevenu à une ordonnance n’ayant eu aucune incidence sur sa liberté physique — une interdiction de fréquenter certaines personnes ou certains groupes, par exemple — et souhaitait contester cette ordonnance lors de son procès criminel, le recours en habeas corpus ne pourrait pas faire obstacle à sa contestation. En l’absence d’une indication légale claire, je ne suis pas disposée à tenir pour acquis que le législateur a voulu que les personnes faisant l’objet d’ordonnances imposant des contraintes physiques aient plus de difficultés à contester ces ordonnances qu’autrui.

[136] Enfin, je note que les considérations relatives à l’accès à la justice dont il a été question précédemment (par. 128‑129) militent également contre la suggestion selon laquelle l’habeas corpus est le recours désigné pour contester les conditions d’une OSLD. D’ailleurs, il est permis de se demander si, sans accès à un avocat, M. Bird aurait été au courant de l’existence de l’habeas corpus, et plus encore de la façon d’intenter ce recours.

[137] Le ministère public n’a fait état d’aucune autre avenue viable permettant à M. Bird de contester son assignation à résidence. À mon avis, les trois avenues mentionnées par les juges majoritaires n’indiquent pas que le législateur avait l’intention de faire trancher la demande fondée sur la Charte de M. Bird exclusivement en dehors du processus criminel. Je conclus également qu’il ne convient pas de laisser entendre que des recours insuffisants individuellement peuvent devenir efficaces lorsqu’ils sont exercés conjointement. Même si M. Bird avait demandé un examen interne et présenté une demande de contrôle judiciaire en plus d’une demande d’habeas corpus, l’un n’a aucune incidence sur les autres; le caractère adéquat d’un recours n’est nullement renforcé par l’existence d’un autre.

[138] Il ne s’agit pas de savoir si M. Bird disposait de plusieurs recours. C’était bel et bien le cas. La question est de savoir si l’on peut dire que le législateur a prescrit l’un ou l’autre d’entre eux comme étant le forum particulier pour contester la constitutionnalité d’une condition prévue dans l’OSLD. À mon avis, le législateur ne l’a pas fait.

(3) Sanction imposable (facteur 5)

[139] Les juges majoritaires et les tribunaux d’instances inférieures reconnaissent tous la sévérité de la sanction prévue à l’art. 753.3 du Code criminel : une peine maximale de dix ans d’emprisonnement. Il importe de rappeler qu’en empêchant M. Bird de contester la constitutionnalité de la condition, on le prive de son moyen de défense à un procès dans le cadre duquel il encourt une lourde peine d’emprisonnement.

[140] La règle générale interdisant les contestations incidentes découle de considérations relatives à la primauté du droit et à l’administration de la justice — à savoir qu’il ne convient pas de contourner les processus décisionnels établis par le législateur. Or, lorsque des moyens de défense en matière criminelle ne peuvent être présentés à l’encontre de sanctions sévères, des aspects différents de la primauté du droit et de l’administration de la justice peuvent clairement être en jeu. Plus particulièrement, le principe de la primauté du droit nous enseigne qu’il faut éviter les résultats fondés sur des erreurs de droit et dictés uniquement par le processus, et prêter attention à la considération dont jouit l’administration de la justice (R. c. Litchfield, [1993] 4 R.C.S. 333, p. 349‑350). Cela est d’autant plus vrai lorsque l’erreur qui peut être commise — par exemple, déclarer quelqu’un coupable d’avoir contrevenu à une ordonnance invalide — entraîne un emprisonnement. À mon avis, la tâche du juge du procès dans un cas comme celui qui nous occupe est de se demander si les considérations relatives à la défense pleine et entière et au droit à un procès équitable — qui entrent en jeu en l’espèce dans le contexte de possibles lourdes sanctions criminelles — l’emportent sur le respect rigoureux des structures administratives, surtout lorsque ces structures sont limitées. Dans le même esprit, les propos qu’a tenus la Cour suprême des États-Unis dans McKart c. United States, 395 U.S. 185 (1969), p. 197, sont pertinents :

[traduction] Tout d’abord, il ne faut pas oublier que l’application de la [règle interdisant la contestation des ordonnances administratives] dans les affaires criminelles peut être trop sévère. Le défendeur est souvent dépouillé de son seul moyen de défense; il doit aller en prison sans avoir eu accès au contrôle judiciaire d’une ordonnance censément invalide. Cette privation de contrôle judiciaire se produit non pas lorsque la personne visée demande affirmativement l’aide des tribunaux, mais bien lorsque le gouvernement tente de lui imposer des sanctions criminelles. Un tel résultat ne doit pas être toléré, à moins que les intérêts qui sous-tendent la [. . .] règle l’emportent clairement sur le lourd fardeau imposé à l’inscrit si on lui refuse le contrôle judiciaire.

[141] S’il est déclaré coupable, M. Bird est passible de dix ans d’emprisonnement. Je le répète, la contestation de son assignation à résidence constitue son unique moyen de défense. Il pourrait être emprisonné pendant une longue période sans que la validité constitutionnelle du fondement de cette peine — l’assignation à résidence — n’ait jamais été examinée par un tribunal. Bien que je conclue en définitive que la prétention de M. Bird fondée sur la Charte n’est pas établie en l’espèce, l’idée qu’une personne se trouvant dans la même situation que lui qui présente une demande fondée sur la Charte méritant d’être instruite puisse quand même ne pas être admissible à une réparation correspondante en raison du forum dans lequel la demande a été présentée constitue, à mon avis, un affront à la fois à l’administration de la justice et au droit de l’accusé protégé par la Charte de présenter une défense pleine et entière.

[142] J’estime que ce facteur milite fortement pour la conclusion selon laquelle le législateur ne peut avoir eu l’intention d’interdire la présentation d’une demande comme celle de M. Bird dans les circonstances de l’espèce.

(4) Conclusion sur la contestation incidente

[143] Je conviens avec les juges majoritaires que le libellé et l’objet des dispositions pertinentes de la LSCMLSC indiquent qu’un vaste mandat de sécurité publique discrétionnaire a été confié à la Commission des libérations conditionnelles dans le cadre de sa surveillance des délinquants à contrôler. Cet objet permet de penser que le législateur a voulu que la Commission ait la responsabilité des délinquants à contrôler. Toutefois, en prenant en considération les autres facteurs énoncés dans Maybrun, je ne puis conclure que la loi indique une intention du législateur d’offrir à M. Bird une voie de recours efficace au point que l’on doive empêcher la présentation de sa défense au procès. J’estime que les facteurs énoncés dans Maybrun, examinés ensemble, indiquent que le législateur ne peut avoir voulu faire obstacle à la contestation constitutionnelle que M. Bird oppose à cette condition de son OSLD. Le ministère public n’a fait état d’aucun autre facteur en dehors du cadre d’analyse établi dans Maybrun qui puisse étayer sa prétention dans le présent pourvoi. Je conclus donc que M. Bird doit être autorisé à faire valoir son moyen de défense à ce moment-ci et devant le présent forum.

B. Arguments fondés sur la Charte

(1) Question préliminaire : nouveaux arguments fondés sur la Charte soulevés en appel

[144] Au procès et en réponse à l’appel interjeté par le ministère public devant la Cour d’appel de la Saskatchewan, M. Bird a fait valoir que l’ordonnance d’assignation à résidence portait atteinte au droit à la liberté que lui garantit l’art. 7 de la Charte .

[145] Au moyen d’un avis de question constitutionnelle déposé devant la Cour, M. Bird a en outre soulevé des prétentions fondées sur l’art. 9 et l’al. 11h) de la Charte . En se fondant sur ces dispositions, il a soutenu que son assignation à résidence n’est pas autorisée par le par. 134.1(2) de la LSCMLSC et qu’elle constitue par conséquent une détention arbitraire (art. 9 ) et une peine d’emprisonnement supplémentaire portant atteinte à son attente légitime en matière de liberté (al. 11h) ).

[146] Bien que la Cour ait bel et bien le pouvoir discrétionnaire d’examiner de nouveaux arguments constitutionnels en appel, elle ne doit l’exercer « qu’à titre exceptionnel et jamais sans que le plaideur ne démontre que les parties n’en subiront pas un préjudice » (Guindon c. Canada, 2015 CSC 41, [2015] 3 R.C.S. 3, par. 23). La Cour doit tenir compte de « l’ensemble des circonstances, dont la teneur du dossier, l’équité envers toutes les parties, l’importance que la question soit résolue par la Cour, le fait que l’affaire se prête ou non à une décision et les intérêts de l’administration de la justice en général » (Guindon, par. 20).

[147] M. Bird n’a pas démontré qu’il s’agit de l’un des cas « rare[s] » où la Cour examine en appel des arguments nouveaux de nature constitutionnelle (Guindon, par. 37). Même si le ministère public et les procureurs généraux du Canada et de l’Ontario ont présenté des observations au sujet de l’ensemble des prétentions de M. Bird fondées sur la Charte , le ministère public soutient qu’il ne conviendrait pas d’examiner les nouvelles prétentions, malgré le chevauchement qu’il peut y avoir entre celles-ci et la prétention initiale de M. Bird fondée sur l’art. 7 . Je ne suis pas en mesure de savoir si l’omission de M. Bird de faire valoir dès le départ ses prétentions fondées sur l’art. 9 et sur l’al. 11h) a causé un préjudice aux parties dans la présentation de leur cause. De plus, j’estime qu’il serait imprudent de procéder sans disposer d’un dossier relatif aux prétentions de M. Bird fondées sur l’art. 9 et sur l’al. 11h) . Je me pencherai donc uniquement sur sa prétention fondée sur l’art. 7 .

(2) Article 7

[148] Devant la Cour, M. Bird soutient que son assignation à résidence constitue une atteinte arbitraire au droit à la liberté que lui garantit l’art. 7 de la Charte . (Il conteste seulement la constitutionnalité de cette assignation, et non la constitutionnalité des dispositions législatives applicables.) Essentiellement, il fait valoir que son assignation à résidence est arbitraire parce qu’elle est contraire à l’objectif du régime applicable aux délinquants à contrôler : veiller à la mise en liberté des délinquants dans la collectivité. Il insiste beaucoup sur le statut de « pénitencier » au sens de la LSCMLSC du Centre Oskana, affirmant qu’il ne devrait pas avoir à être détenu dans un « pénitencier » après l’expiration de sa peine d’emprisonnement. Pour lui, une interprétation contextuelle de l’art. 134.1 de la LSCMLSC démontre que le législateur n’a pas voulu que les délinquants à contrôler puissent être assignés à résidence dans des « pénitenciers ».

[149] Le ministère public reconnaît que l’assignation à résidence de M. Bird met en jeu le droit à la liberté que lui garantit l’art. 7 de la Charte . Il ne reste donc qu’à savoir si cette assignation est arbitraire eu égard à l’objet du par. 134.1(2) de la LSCMLSC et du régime des délinquants à contrôler en général. L’atteinte à la liberté est arbitraire d’une manière qui enfreint l’art. 7 de la Charte si elle n’a aucun lien rationnel avec l’objet de la loi applicable (Canada (Procureur général) c. Bedford, 2013 CSC 72, [2013] 3 R.C.S. 1101, par. 111; Carter c. Canada (Procureur général), 2015 CSC 5, [2015] 1 R.C.S. 331, par. 83). Comme le caractère arbitraire n’existe qu’en l’absence de lien entre l’objet de la loi et ses effets allégués, il est généralement difficile pour le demandeur de l’établir (Bedford, par. 119).

[150] La question que nous sommes appelés à trancher en est essentiellement une d’interprétation des lois. En effet, nous devons apprécier la portée du par. 134.1(2) à la lumière de son libellé, de son contexte et de son objet (Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27). Nous devons nous demander si le par. 134.1(2) habilite la Commission à obliger M. Bird à [traduction] « [r]ésider dans un centre correctionnel communautaire [. . .] approuvé par le Service correctionnel du Canada, pendant une période de 180 jours ». S’agit‑il d’une condition « raisonnable [. . .] et nécessaire [. . .] pour protéger la société et favoriser la réinsertion sociale »?

(a) Le paragraphe 134.1(2) et l’objet du régime des délinquants à contrôler

[151] La surveillance de longue durée est une forme de peine « exceptionnell[e] » qui est « réservé[e] aux délinquants qui font peser sur la société une menace permanente de nature à justifier, à titre préventif, une peine plus sévère » (R. c. Steele, 2014 CSC 61, [2014] 3 R.C.S. 138, par. 1). On ne déclare pas quelqu’un délinquant à contrôler à la légère; le tribunal chargé de la détermination de la peine doit notamment être convaincu que le délinquant risque vraisemblablement de récidiver (Code criminel, al. 753.1(1) b)). Au paragraphe 46 de l’arrêt R. c. L.M., 2008 CSC 31, [2008] 2 R.C.S. 163, la Cour a conclu que la surveillance de longue durée vise précisément « la prévention contre la récidive et la protection du public au cours d’une période de réinsertion sociale contrôlée » (voir aussi R. c. Ipeelee, 2012 CSC 13, [2012] 1 R.C.S. 433, par. 48). La réadaptation est un élément essentiel de la réinsertion du délinquant (Ipeelee, par. 48 et 50).

[152] Ces objectifs se reflètent dans le libellé du par. 134.1(2) de la LSCMLSC , qui prévoit ceci :

La Commission peut imposer au délinquant les conditions de surveillance qu’elle juge raisonnables et nécessaires pour protéger la société et favoriser la réinsertion sociale du délinquant.

[153] Ces objectifs se reflètent également dans l’art. 100 de la LSCMLSC , qui s’applique aux délinquants à contrôler aux termes de l’art. 99.1 . L’article 100 énonce l’objectif général de la mise en liberté sous condition — qui peut notamment prendre la forme d’une surveillance de longue durée :

La mise en liberté sous condition vise à contribuer au maintien d’une société juste, paisible et sûre en favorisant, par la prise de décisions appropriées quant au moment et aux conditions de leur mise en liberté, la réadaptation et la réinsertion sociale des délinquants en tant que citoyens respectueux des lois.

[154] Compte tenu de ce qui précède, il est faux de prétendre, comme le fait M. Bird, que la surveillance de longue durée vise la mise en liberté des délinquants dans la collectivité. Elle vise plutôt à favoriser le retour contrôlé ou surveillé dans la société des délinquants dont on juge qu’ils constituent un risque pour la société.

[155] S’il incombe aux tribunaux chargés de la détermination de la peine de déclarer les individus délinquants à contrôler en application du par. 753.1(3) du Code criminel , l’encadrement de ces délinquants et l’établissement des OSLD ainsi que des conditions connexes relèvent de la Commission (par. 753.2(1)). À cet égard, cette dernière est régie par les dispositions pertinentes de la LSCMLSC — plus particulièrement l’art. 134.1 .

[156] Le libellé du paragraphe 134.1(2) , reproduit précédemment, investit expressément la Commission d’un large pouvoir discrétionnaire d’établir les conditions dont sont assorties les OSLD. Ce pouvoir discrétionnaire est limité uniquement par l’exigence selon laquelle les conditions doivent viser à protéger la société ou à favoriser la réinsertion sociale du délinquant à contrôler. C’est à la Commission qu’il incombe de déterminer ce qu’elle juge raisonnable et nécessaire pour atteindre ces objectifs. Le libellé de la disposition étaye fortement, à lui seul, la conclusion selon laquelle la Commission est autorisée à imposer des assignations à résidence.

[157] En outre, et cet aspect est encore plus crucial, le meilleur moyen d’atteindre les objectifs du régime applicable aux délinquants à contrôler consiste à interpréter le par. 134.1(2) comme autorisant la Commission à ordonner l’assignation à résidence où bon lui semble, y compris dans un établissement résidentiel communautaire comme le Centre Oskana. Il va sans dire que le fait d’obliger un délinquant à contrôler à passer une période de transition dans un établissement comme ce centre permet une surveillance accrue, laquelle permet à son tour de protéger la société et de favoriser une réinsertion efficace. Une interprétation du par. 134.1(2) qui aurait pour effet de limiter l’éventail des établissements de transition nuirait à l’efficacité des efforts déployés pour assurer la réadaptation et la réinsertion des délinquants à contrôler. Le choix de la surveillance qui vise à protéger le public et à favoriser la réinsertion sociale constitue un exercice au cas par cas auquel il faut se livrer avec minutie. Comme l’a affirmé la Cour au par. 43 de l’arrêt Ipeelee, les OSLD ont été conçus pour « compléter les solutions du tout ou rien que représentaient la détention à durée déterminée et la détention à durée indéterminée ». Il faut donc interpréter le paragraphe 134.1(2) conformément à cette intention.

(b) L’importance de la qualité de « pénitencier » du Centre Oskana au sens de la LSCMLSC

[158] Selon M. Bird, puisque les centres correctionnels communautaires comme le Centre Oskana sont visés par la définition de « pénitencier » énoncée à l’art. 2 de la LSCMLSC , on ne peut ordonner aux délinquants à contrôler d’y résider. Autrement dit, M. Bird soutient essentiellement que sa présence obligatoire au Centre Oskana en application de son OSLD équivaut à une prolongation inadmissible (et donc arbitraire) de sa peine d’emprisonnement. Je ne puis souscrire à cet argument.

[159] Pour l’application de la LSCMLSC , le terme « pénitencier » vise tous les établissements qui sont « administré[s] à titre permanent ou temporaire par le [SCC] pour la prise en charge et la garde des détenus » (art. 2 ). Concrètement, et compte tenu du dossier dont nous disposons, cela signifie que le terme « pénitencier » vise deux catégories d’établissements : 1) les « établissements » fédéraux administrés par le SCC, qui comprennent ce que l’on appelle familièrement les « prisons » ou les « pénitenciers », et 2) les « établissements résidentiels communautaires » qui sont administrés par le SCC. (Ces établissements comprennent ce que l’on appelle communément les « maisons de transition » et d’autres formes de placements.) Les « centres correctionnels communautaires », comme le Centre Oskana, appartiennent à la deuxième catégorie; ce sont donc des « pénitenciers » au sens de la LSCMLSC . Les établissements résidentiels communautaires qui sont administrés par des entrepreneurs sont connus sous le nom de « centres résidentiels communautaires » et ce ne sont pas des « pénitenciers ».

[160] Selon la Directive du commissaire no 706, « Classification des établissements » du SCC, adoptée en vertu de l’art. 98 de la LSCMLSC , les centres correctionnels communautaires comme le Centre Oskana sont :

[des] établissement[s] résidentiel[s] communautaire[s] qu’administre le gouvernement fédéral et qui offre[nt] un milieu de vie structuré avec surveillance 24 heures sur 24 ainsi que des programmes et des interventions en vue de réinsérer les délinquants dans la collectivité en toute sécurité. Ces établissements, qui peuvent également offrir des programmes enrichis, accueillent des délinquants sous responsabilité fédérale libérés dans la collectivité aux termes d’une permission de sortir sans escorte, d’une semi‑liberté, d’une libération conditionnelle totale, d’un placement à l’extérieur ou d’une libération d’office, ainsi que des délinquants visés par une ordonnance de surveillance de longue durée.

[161] Bien que M. Bird souligne avec raison que le Centre Oskana est visé par la définition de « pénitencier » énoncée à l’art. 2 de la LSCMLSC , je ne puis souscrire à l’importance qu’il accorde à cette qualification. Comme je l’ai indiqué précédemment, le terme « pénitencier » est défini largement de façon à viser des établissements qui ne correspondent pas à la notion familière de « pénitenciers ». Rien dans le libellé ou le contexte de la LSCMLSC n’indique que les établissements résidentiels communautaires administrés par le SCC peuvent uniquement héberger des détenus purgeant une peine d’emprisonnement; d’ailleurs, comme nous le verrons plus loin, le législateur a expressément envisagé que les délinquants à contrôler pourraient résider dans (tout) établissement résidentiel communautaire lorsque cela s’avère nécessaire pour limiter les risques (art. 135.1 ).

[162] Si les délinquants à contrôler ne pouvaient pas vivre dans un endroit réputé constituer un « pénitencier » au sens de la loi, la capacité de la Commission d’élaborer des conditions adaptées aux besoins particuliers de chaque délinquant à contrôler en tenant compte de la sécurité publique et de la réadaptation serait considérablement restreinte.

[163] Enfin, je ne vois aucune raison logique de conclure que l’on peut ordonner aux délinquants à contrôler comme M. Bird de résider dans des centres résidentiels communautaires administrés par des entrepreneurs, mais pas dans des établissements résidentiels communautaires administrés par le SCC, en raison d’une distinction d’ordre définitionnel (puisque les derniers, contrairement aux premiers, constituent des « pénitenciers » au sens de la LSCMLSC ). Le fait que certains établissements résidentiels communautaires puissent techniquement être qualifiés de « pénitenciers » au sens de la LSCMLSC n’a aucune incidence sur leur capacité d’héberger des délinquants à contrôler si c’est ce type d’hébergement que prescrit la Commission en vertu du par. 134.1(2) .

(c) L’interprétation contextuelle du paragraphe 134.1(2)

[164] Enfin, M. Bird soutient qu’une interprétation contextuelle du par. 134.1(2) démontre que la Commission n’a pas le pouvoir, en vertu de cette disposition, d’ordonner que des délinquants résident dans des centres correctionnels communautaires.

[165] D’abord, M. Bird fait une distinction entre l’art. 134.1 , qui ne prévoit pas expressément la résidence dans un centre correctionnel communautaire pour les délinquants à contrôler, et les par. 133(4) à (4.2), qui le font dans le cas des délinquants en liberté conditionnelle, des détenus bénéficiant d’une permission de sortir sans escorte et de ceux bénéficiant d’une libération d’office. S’appuyant sur cette distinction, M. Bird soutient que le législateur a choisi de dispenser les délinquants à contrôler de l’obligation de résider dans des centres correctionnels communautaires. Selon M. Bird, cette distinction s’explique par le fait que le délinquant visé par l’art. 133 n’a pas fini de purger sa peine, tandis que l’OSLD ne s’applique qu’après l’expiration de la peine d’emprisonnement du délinquant. Des contraintes accrues — comme l’obligation de résider dans un centre correctionnel communautaire — sont justifiables pour ceux qui n’ont pas fini de purger leur peine.

[166] À mon avis, cette distinction entre les art. 134.1 et 133 ne permet pas d’interpréter la portée du pouvoir discrétionnaire que confère le par. 134.2(1) à la Commission comme le propose M. Bird. Les paragraphes 133(4) et (4.1) répondent à un objectif clair dans le contexte de l’art. 133 ; ils précisent les circonstances dans lesquelles les délinquants ordinaires bénéficiant d’une libération conditionnelle, d’une permission de sortir sans escorte ou d’une libération d’office peuvent être placés dans des établissements résidentiels communautaires, y compris des centres correctionnels communautaires (par. 133(4.2)). Plus particulièrement, ils précisent que la compétence de la Commission (ou de l’autorité compétente) pour imposer une assignation à résidence est beaucoup plus limitée pour les délinquants bénéficiant d’une libération d’office que pour ceux bénéficiant d’une libération conditionnelle ou d’une permission de sortir sans escorte. Or, le choix du législateur d’accorder, suivant l’art. 133 , un traitement distinct pour différentes catégories de délinquants purgeant une peine d’emprisonnement (en ce qui concerne la résidence) n’a aucune incidence sur la possibilité d’assigner les délinquants à contrôler à résidence sous le régime de l’art. 134.1 .

[167] De plus, je souscris à la conclusion tirée par la Cour d’appel fédérale aux par. 33‑38 de l’arrêt Normandin, selon laquelle l’interprétation que donne M. Bird aux art. 133 et 134.1 permettrait que les délinquants ordinaires présentant un faible risque de récidive fassent l’objet d’assignations à résidence comme celle de M. Bird, mais que ceux déclarés délinquants à contrôler — qui, par définition, présentent un risque de récidive élevé — fassent l’objet d’un contrôle moins strict de la part de l’État. Cette interprétation va à l’encontre de l’objectif du régime applicable aux délinquants à contrôler et du large pouvoir discrétionnaire que confère le par. 134.1(2) à la Commission d’établir des conditions en tenant compte de la sécurité publique et de la facilitation de la réinsertion.

[168] J’ajouterai ceci. S’il fallait que l’interprétation que donne M. Bird à la distinction entre l’art. 133 et l’art. 134.1 soit retenue, cela voudrait dire que les conditions qui sont expressément prévues ailleurs dans la loi — comme celles portant sur la consommation de drogues ou d’alcool prévues au par. 133(3) — ne seraient pas admissibles au titre du par. 134.1(2) . Or, compte tenu de l’objet du par. 134.1(2) et de celui du régime applicable aux délinquants à contrôler, il serait absurde d’interpréter le par. 134.1(2) de telle sorte qu’il interdise les conditions relatives aux drogues et à l’alcool pour les délinquants à contrôler dont le risque de récidive est lié à la consommation de ces substances.

[169] Ensuite, M. Bird fait état de l’al. 135.1(1)c) et du par. 135.1(2), qui habilitent la Commission à ordonner l’internement d’un délinquant à contrôler pendant 90 jours dans un établissement résidentiel communautaire lorsque ce délinquant enfreint une condition de son OSLD ou si la Commission est « convaincu[e] qu’il est raisonnable et nécessaire » de le faire pour empêcher une telle infraction. Il fait valoir que cette disposition doit être interprétée comme énonçant les seules circonstances où l’on peut ordonner à un délinquant à contrôler de résider dans un établissement résidentiel communautaire. Il ajoute que la période prescrite de 90 jours doit être considérée comme une indication de ce que le législateur juge approprié quant à la durée de l’assignation à résidence d’un délinquant à contrôler dans un établissement résidentiel communautaire.

[170] Cet argument n’est pas convaincant. L’article 134.1 traite de la tâche de la Commission qui consiste à établir les conditions dont est assortie une OSLD. L’objet de l’al. 135.1(1)c) est différent. En effet, cette disposition confère un pouvoir distinct à « un membre de la Commission ou [à] la personne [. . .] désign[ée] » dans des situations critiques ou urgentes où un délinquant à contrôler a enfreint, ou risque d’enfreindre, une condition de son OSLD ou présente un risque pour la société. Dans ces situations, une des personnes mentionnées peut, par mandat, ordonner l’internement du délinquant dans un établissement résidentiel communautaire ou un établissement psychiatrique, ou son incarcération. Ce pouvoir de déplacer avec peu de préavis le délinquant à contrôler dans l’un de ces endroits ne dit rien au sujet de l’endroit où ce dernier pouvait à juste titre se trouver selon le par. 134.1(2) avant le déplacement effectué en vertu du par. 135.1(1).

[171] En d’autres termes, dans la mesure où le par. 134.1(2) et l’art. 135.1 se chevauchent en ce qui concerne le pouvoir de placer un délinquant à contrôler dans un établissement résidentiel communautaire, il n’y a pas de conflit entre ces dispositions. Comme l’a précisé la Cour au par. 61 de l’arrêt Normandin, « le pouvoir d’application restreinte de l’article 135.1 s’oppose à celui beaucoup plus large de fixer des conditions de surveillance prévu au paragraphe 134.1(2) ». Lorsque deux dispositions se chevauchent sans entrer en conflit, on présume qu’il y a lieu de donner pleinement effet aux deux dispositions conformément à leur libellé, à moins d’une preuve qu’une des dispositions visait à énoncer de manière exhaustive le droit applicable (Thibodeau c. Air Canada, 2014 CSC 67, [2014] 3 R.C.S. 340, par. 98). Rien n’indique que l’article 135.1 visait à énoncer de façon exhaustive les circonstances dans lesquelles un délinquant à contrôler peut être placé dans un établissement résidentiel communautaire; de par son propre libellé, l’application de l’art. 135.1 se limite à certaines circonstances particulières, qui peuvent commander un placement dans un établissement résidentiel communautaire ou un établissement psychiatrique, ou une incarcération. Le libellé et l’objet manifeste de l’art. 135.1 n’altèrent en rien la capacité de la Commission d’ordonner des assignations à résidence en vertu du large pouvoir dont l’investit le par. 134.1(2) .

[172] Je conclus également que rien dans l’art. 135.1 ne donne à penser que le législateur a voulu limiter à 90 jours de façon générale la durée de la résidence d’un délinquant à contrôler dans un centre correctionnel communautaire. La période de 90 jours se rapporte précisément à la situation de risque ou d’urgence que vise l’al. 135.1(1)c) lui-même. Il convient au caractère urgent de la situation visée par la disposition et au fait qu’elle exige un mandat que la période prescrite soit limitée.

[173] Ainsi, selon moi, le libellé, le contexte et l’objet du par. 134.1(2) confirment que la Commission est habilitée à ordonner des assignations à résidence comme celle qu’elle a imposée à M. Bird lorsqu’elles sont raisonnables et nécessaires pour atteindre les objectifs du régime applicable aux délinquants à contrôler. L’assignation à résidence imposée en l’espèce reposait sur la situation particulière de M. Bird, telle qu’elle est décrite dans son lourd dossier correctionnel et dans l’évaluation fournie par le SCC. Compte tenu de cette situation — qui comporte d’importants antécédents en matière de défaut de se conformer, des problèmes de toxicomanie et un casier judiciaire chargé — et de l’objet du par. 134.1(2) dans le contexte du régime applicable aux délinquants à contrôler, l’assignation à résidence imposée à M. Bird n’est pas arbitraire au sens où il faut l’entendre pour l’application de l’art. 7 de la Charte .

IV. Conclusion

[174] Je suis d’accord avec le juge du procès pour dire qu’on aurait dû permettre à M. Bird de contester la constitutionnalité de l’assignation à résidence prévue dans son OSLD dans le cadre du procès qu’il a subi pour avoir contrevenu à cette condition. Cela dit, une fois cette contestation permise, je conclus que la prétention de M. Bird fondée sur l’art. 7 de la Charte ne tient pas. M. Bird admet les éléments de l’infraction décrite à l’art. 753.3 . Par conséquent, je suis d’avis de rejeter son pourvoi et de confirmer la déclaration de culpabilité prononcée contre lui. Les parties ne réclament aucuns dépens.

Pourvoi rejeté.

Procureurs de l’appelant : Community Legal Assistance for Saskatoon Inner City Inc., Saskatoon; Greenspan Humphrey Weinstein, Toronto.
Procureur de l’intimée : Procureur général de la Saskatchewan, Regina.
Procureur de l’intervenant le procureur général du Canada : Procureur général du Canada, Winnipeg.
Procureur de l’intervenante la procureure générale de l’Ontario : Procureure générale de l’Ontario, Toronto.
Procureurs de l’intervenante Aboriginal Legal Services Inc. : Aboriginal Legal Services Inc., Toronto.
Procureurs de l’intervenant David Asper Centre for Constitutional Rights : Breese Davies Law, Toronto; David Asper Centre for Constitutional Rights, Toronto.
Procureurs de l’intervenante l’Association canadienne des libertés civiles : IMK, Montréal.


Synthèse
Référence neutre : 2019CSC7 ?
Date de la décision : 08/02/2019
Type d'affaire : Arrêt

Analyses

Droit criminel — Ordonnances administratives — Contestation incidente — Accusé inculpé au criminel de ne pas s’être conformé à une ordonnance de surveillance de longue durée rendue par la Commission des libérations conditionnelles l’obligeant à demeurer dans un centre correctionnel communautaire — Contestation de l’accusation par l’accusé lors du procès au motif que l’assignation à résidence ne relevait pas de la compétence conférée par la loi à la Commission et qu’elle portait atteinte à son droit constitutionnel à la liberté — L’accusé pouvait‑il contester incidemment l’assignation à résidence? — Dans l’affirmative, l’assignation à résidence était‑elle arbitraire eu égard à l’objectif du régime applicable aux délinquants à contrôler?

B, déclaré délinquant à contrôler, a été condamné à une peine d’emprisonnement suivie d’une période de surveillance de longue durée dans la collectivité. En vertu du pouvoir que lui confère le par. 134.1(2) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (« LSCMLSC »), la Commission des libérations conditionnelles a assorti l’ordonnance de surveillance de longue durée (« OSLD ») de B d’une assignation à résidence. Cette condition obligeait B à demeurer dans un centre correctionnel communautaire, un centre résidentiel communautaire ou tout autre établissement résidentiel approuvé par le Service correctionnel du Canada. B a été placé au centre Oskana, un centre correctionnel communautaire. Moins d’un mois après le début de sa surveillance de longue durée, il a quitté le centre et n’y est pas retourné. Il a par la suite été arrêté et accusé de ne pas s’être conformé à l’assignation à résidence prévue dans l’OSLD à laquelle il était assujetti. Lors du procès, B s’est défendu contre l’accusation dont il faisait l’objet, en alléguant que l’assignation à résidence prévue dans son OSLD ne relevait pas de la compétence conférée par la loi à la Commission et que cette condition contrevenait à son droit à la liberté garanti par l’art. 7 de la Charte . Le juge de première instance s’est dit du même avis et a acquitté B, en concluant que l’assignation à résidence était invalide. La Cour d’appel a rejeté cette conclusion, annulé l’acquittement de B, inscrit une déclaration de culpabilité à l’égard de l’accusation et renvoyé l’affaire à la Cour provinciale pour détermination de la peine. B se pourvoit, conteste de nouveau l’assignation à résidence sur le fondement de l’art. 7 de la Charte et soutient pour la première fois que cette assignation contrevient aux droits que lui garantissent l’art. 9 et l’al. 11h) de la Charte .Intervenants : Procureur général du Canada, procureure générale de l’Ontario, Aboriginal Legal Services Inc., David Asper Centre for Constitutional Rights et Association canadienne des libertés civiles

Proposition de citation de la décision: Canada, Cour suprême, 08 février 2019, 2019CSC7


Origine de la décision
Date de l'import : 10/02/2019
Fonds documentaire ?: Jugements de la Cour supreme
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;2019-02-08;2019csc7 ?
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