N° P.22.0470.F
B. R.,
prévenu, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître François Wintgens, avocat au barreau de Liège.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 31 mars 2022 par la cour d’appel de Liège, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque quatre moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Frédéric Lugentz a fait rapport.
L’avocat général Dirk Schoeters a conclu.
II. LES FAITS
Le demandeur a été renvoyé le 10 novembre 2021 devant le tribunal correctionnel et, par une ordonnance rendue le même jour, la juridiction d’instruction a décidé que la détention préventive se poursuivrait sous la modalité de la surveillance électronique.
Condamné par le tribunal, il a interjeté appel de cette décision.
Le 25 mars 2022, le procureur fédéral a ordonné l’arrestation du demandeur en application de l’article 24bis, § 4, alinéa 1er, 2°, de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive. Il lui était reproché de ne pas avoir respecté les règles relatives à la surveillance électronique.
Le 28 mars 2022, le ministère public a saisi la cour d’appel d’un réquisitoire tendant à la mise à exécution de la détention préventive en prison, conformément à l’article 24bis, §§ 3 et 4, alinéa 2, de la loi précitée.
Le 29 mars 2022, le demandeur a saisi la cour d’appel d’une requête fondée sur l’article 27 de ladite loi et tendant à sa mise en liberté, subsidiairement, à sa mise en liberté sous conditions ou, à titre plus subsidiaire, à la restauration de la modalité de la surveillance électronique.
Le 31 mars 2022, après avoir joint les deux causes, la cour d’appel, par une seule décision, a fait droit aux réquisitions du ministère public et a rejeté les demandes contenues dans la requête du demandeur.
Il s’agit de la décision attaquée.
III. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le désistement du pourvoi :
Le demandeur déclare se désister de son pourvoi dans l’hypothèse où celui-ci serait prématuré ou irrecevable.
À la date à laquelle le demandeur a saisi la cour d’appel, celle-ci n’avait pas encore statué sur les mérites des réquisitions du ministère public.
La requête du demandeur ne pouvait dès lors avoir pour objet que de contester le principe du maintien de la privation de liberté et ses modalités, tels qu’ils découlaient, d’une part, de la décision de la chambre du conseil de le maintenir en détention préventive sous la modalité de la surveillance électronique à l’issue du règlement de la procédure, et, d’autre part, de l’ordre d’arrestation pris par le ministère public le 25 mars 2022.
Mais, nonobstant la décision de faire droit aux réquisitions du procureur fédéral, dont il découle que l’ordre d’arrestation précité n’a plus d’objet, la décision que le demandeur demeurerait en détention préventive à l’issue du règlement de la procédure constitue toujours le titre dont découle cette privation de liberté.
Partant, le recours, en tant qu’il est dirigé contre la décision rendue en application de l’article 27 de la loi relative à la détention préventive, conserve son objet.
Pareil pourvoi est par ailleurs recevable.
Et s’il devait être accueilli, la cassation de l’arrêt qui a statué sur la requête du prévenu s’étendrait à la décision qui a fait droit aux réquisitions du ministère public, en raison du lien qui l’unit à celle de la juridiction d’instruction d’ordonner le maintien dudit prévenu en détention préventive sous la modalité de la surveillance électronique à l’issue du règlement de la procédure.
Ainsi, le pourvoi conserve un objet et il n’est pas irrecevable. Il n’est pas davantage prématuré.
Dans cette mesure, il n’y a pas lieu de décréter le désistement du pourvoi.
A. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur la requête du demandeur :
Sur le premier moyen :
Le moyen reproche à l’arrêt de violer les articles 5 et 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 24bis et 27 de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive, et 168, alinéa 4, 3°, du Code judiciaire.
En tant qu’il vise les articles 24bis, § 3, 2°, et 27, § 3, 2°, de la loi relative à la détention préventive, soit des dispositions qui n’existent pas, le moyen, obscur, est irrecevable.
Il est également irrecevable pour ce motif en ce qu’il invoque la violation de l’article 168, alinéa 4, 3°, du Code judiciaire, sans indiquer en quoi cette disposition, applicable au greffier, aurait pu être méconnue par les juges d’appel.
Il est enfin irrecevable en ce qu’il invoque les 5 et 6 de la Convention, sans indiquer en quoi l’arrêt méconnaîtrait ces dispositions.
Le demandeur reproche à l’arrêt attaqué de ne viser qu’un seul procès-verbal d’audience, alors que deux procès-verbaux ont été établis, l’un afférent à la procédure relative au réquisitoire du procureur fédéral et l’autre se rapportant à la requête du demandeur.
Mais, ni la régularité de la procédure ni la capacité de la Cour à s’en assurer ne sont subordonnées à l’existence, dans l’arrêt, d’un renvoi aux différents procès-verbaux établis lors des débats. Par ailleurs, en règle, la loi n’oblige pas le juge à préciser, dans sa décision, à quels actes de la procédure il a eu égard.
Dans cette mesure, le moyen manque en droit.
Et en tant qu’il postule que le renvoi, dans l’arrêt, à un seul de ces procès-verbaux implique que la cour d’appel n’a pas eu égard au contenu des débats dont la tenue a été constatée par le second, le moyen procède d’une hypothèse.
À cet égard, il est irrecevable.
Sur le second moyen :
Quant aux deux branches réunies :
Le moyen reproche à l’arrêt de violer les articles 5 et 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et 292, alinéa 2, du Code judiciaire.
Selon le demandeur, l’arrêt a été rendu par un siège comportant un magistrat qui avait déjà connu de la cause dans l'exercice d'une autre fonction judiciaire. Ainsi, le magistrat qui a attribué la cause à la chambre qui en a connu est également celui qui a ensuite présidé cette chambre. En outre, le même siège avait déjà statué, le 24 mars 2022, en cette cause, en décidant la remise de son examen et en fixant le calendrier d’échange des conclusions entre les parties.
Le magistrat qui décide d’attribuer une affaire à une chambre de la juridiction dont il assure la gestion ne connaît pas de la cause.
Dès lors, dans cette mesure, le moyen manque en droit.
De même, les juges qui siègent à une audience correctionnelle qualifiée « d’introduction », lors de laquelle ils se bornent à décider la remise de l’affaire et à fixer le calendrier en vue de l’échange des conclusions, ne statuent pas sur une accusation en matière pénale. Dès lors, ils n’ont pas, pour ce motif, connu de la cause dans l'exercice d'une autre fonction judiciaire.
Partant, cette seule circonstance ne pourrait suffire à les rendre suspects de partialité.
À cet égard également, le moyen manque en droit.
Sur le troisième moyen :
Le moyen reproche à l’arrêt de violer les articles 149 de la Constitution et 16, § 1er, alinéa 2, et 24bis, § 1er, de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive. Il fait d’abord grief à l’arrêt de ne pas préciser laquelle des cinq causes de révocation de la surveillance électronique visées à l’article 24bis, § 1er, alinéa 1er, de la loi relative à la détention préventive justifiait la révocation de la modalité de la surveillance électronique.
Conformément à l’article 24bis, § 1er, précité, la juridiction compétente peut décider que le mandat d'arrêt ou l'ordonnance ou l'arrêt de maintien de la détention préventive exécutée par une détention sous surveillance électronique sera exécuté à partir de ce moment dans la prison, si
1° l'inculpé reste en défaut de se présenter à un acte de la procédure conformément aux dispositions de l'article 23, 2°, de la loi ;
2° l'inculpé ne respecte pas les instructions standard et les règles de détention sous surveillance électronique fixées conformément à l'article 16, § 1er, alinéa 2 ;
3° l'inculpé méconnaît les interdictions prévues dans l'article 20, § 3bis ;
4° des circonstances nouvelles et graves rendent cette mesure nécessaire ;
5° la poursuite de la surveillance électronique s'avère techniquement impossible.
À la page 5 de l’arrêt, les juges d’appel ont énoncé que le demandeur se voyait reprocher « de ne pas avoir respecté les règles de la détention sous surveillance électronique ». L’arrêt indique ensuite la teneur du rapport du centre de surveillance électronique, qui reprend l’emploi du temps du demandeur dans la matinée et l’après-midi du 24 mars 2022, y compris selon les explications fournies par l’intéressé.
Ainsi, l’arrêt, qui déclare fondés ces griefs du ministère public, donne à connaître au demandeur, d’une part, dans les termes de la loi, que la révocation de la modalité de la surveillance électronique est justifiée au regard du deuxième cas prévu par l’article 24bis, § 1er, alinéa 1er, de la loi relative à la détention préventive et, d’autre part, en quoi ont consisté les manquements justifiant la révocation.
Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.
Pour le surplus, en l’absence de conclusions du prévenu sur ce point, le juge saisi des réquisitions en vue de la révocation de la modalité de la surveillance électronique n’est pas tenu, lorsque ces réquisitions sont prises sur la base de la disposition précitée et de la méconnaissance de l’article 16, § 1er, alinéa 2, de la loi, d’indiquer les sorties qui étaient autorisées et celles qui ne l’étaient pas.
À cet égard, le moyen manque en droit.
Enfin, le moyen reproche à l’arrêt d’avoir eu égard au risque de fuite du demandeur et à la crainte qu’il récidive, alors que les conditions de la détention préventive avaient déjà été examinées par l’ordonnance du 10 novembre 2021, de la chambre du conseil, de sorte que les juges d’appel n’avaient plus à statuer que sur la révocation de la surveillance électronique.
Mais la cour d’appel était également saisie d’une requête, déposée par le demandeur lui-même, aux termes de laquelle il postulait notamment sa mise en liberté au motif qu’il disposait d’attaches stables en Belgique et qu’il ne présentait qu’un faible risque de récidive.
Les motifs critiqués répondent donc à la défense proposée par le demandeur.
Dans cette mesure, reniant les écritures soumises à la cour d’appel, le moyen est irrecevable à défaut d’intérêt.
Sur le quatrième moyen :
Le moyen reproche à l’arrêt de violer la foi due au rapport du centre de surveillance électronique : selon le moyen, ce rapport se borne à répertorier les déplacements du demandeur, sans faire état d’évènements de nature à établir l’existence d’un risque de fuite et de récidive, contrairement à ce que les juges d’appel en ont déduit.
Ainsi, le moyen ne reproche pas à l’arrêt de considérer que l’acte invoqué contient une affirmation qui n’y figure pas ou qu’il ne contient pas une mention qui y figure. Il se borne à reprocher à l’arrêt de déduire, des constatations reprises dans cet acte, que le demandeur ne s’est pas limité à quitter le lieu de sa détention pour se rendre à une audience qui le concernait, mais qu’il a profité de cette autorisation de sortie pour rendre visite à des proches, ce qu’il a lui-même reconnu.
Pareil grief ne constitue pas une violation de la foi due aux actes.
Le moyen manque en droit.
Le contrôle d’office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
B. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur les réquisitions du procureur fédéral :
Il suit de la combinaison des articles 24bis, § 1er, alinéa 3, et § 3, de la loi relative à la détention préventive qu’aucun pourvoi en cassation n’est ouvert contre la décision par laquelle il est statué sur les réquisitions du ministère public, prises en exécution de l’article 24bis, §§ 3 et 4, alinéa 2, dernière phrase, de ladite loi.
Le demandeur se désiste de son pourvoi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Décrète le désistement du pourvoi en tant qu’il est dirigé contre la décision rendue sur les réquisitions du procureur fédéral ;
Rejette le pourvoi pour le surplus ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de septante et un euros un centime dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Tamara Konsek, conseiller faisant fonction de président, Filip Van Volsem, Sidney Berneman, Frédéric Lugentz et Steven Van Overbeke, conseillers, et prononcé en audience publique du treize avril deux mille vingt-deux par Tamara Konsek, conseiller faisant fonction de président, en présence de Dirk Schoeters, avocat général, avec l’assistance de Fabienne Gobert, greffier.