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16/03/2022 | BELGIQUE | N°P.21.1300.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 16 mars 2022, P.21.1300.F


N° P.21.1300.F
D. D.,
condamné,
demandeur en réouverture de la procédure,
ayant pour conseil Maître Béatrice Versie, avocat au barreau de Liège.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Par une requête remise au greffe le 14 octobre 2021, signée par un avocat inscrit au barreau depuis plus de dix ans, et annexée au présent arrêt en copie certifiée conforme, le demandeur sollicite la réouverture de la procédure ayant fait l’objet de l’arrêt de la Cour du 11 décembre 2013.
Le 25 janvier 2022, l’avocat général Damien Vandermeersch a déposé des conclus

ions au greffe.
Le 23 février 2022, le demandeur a déposé des conclusions au greffe.
A l’audi...

N° P.21.1300.F
D. D.,
condamné,
demandeur en réouverture de la procédure,
ayant pour conseil Maître Béatrice Versie, avocat au barreau de Liège.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Par une requête remise au greffe le 14 octobre 2021, signée par un avocat inscrit au barreau depuis plus de dix ans, et annexée au présent arrêt en copie certifiée conforme, le demandeur sollicite la réouverture de la procédure ayant fait l’objet de l’arrêt de la Cour du 11 décembre 2013.
Le 25 janvier 2022, l’avocat général Damien Vandermeersch a déposé des conclusions au greffe.
Le 23 février 2022, le demandeur a déposé des conclusions au greffe.
A l’audience du 9 mars 2022, le conseiller Tamara Konsek a fait rapport et l’avocat général précité a conclu.
II. LES ANTÉCÉDENTS
1. Le demandeur s’est vu poursuivre du chef d’avoir frappé un agent de la force publique, avec la circonstance que les coups ont causé une incapacité permanente de travail, de s’être rebellé avec la circonstance que la rébellion a été commise par plusieurs personnes sans concert préalable et munies d’armes, d’avoir publiquement outragé les mœurs, d’avoir détruit un objet destiné à la décoration publique et d’avoir volontairement détruit, en tout ou en partie, des clôtures urbaines, les faits ayant été commis à Visé le 25 mai 2008.
2. Par un jugement du 12 septembre 2012, le tribunal correctionnel de Liège a déclaré ces préventions établies, hormis celle de destruction d’un objet de décoration publique, et a condamné le demandeur à une peine d’emprisonnement de quatre ans assortie d’un sursis à l’exécution de cette peine pendant cinq ans pour ce qui dépasse la détention préventive déjà subie, à une amende de deux cents euros portée à mille cent euros et assortie d’un sursis de trois ans, et à l’interdiction pendant cinq ans des droits énoncés à l’article 31 du Code pénal pendant cinq ans. Le jugement alloue également des indemnités aux parties civiles et désigne un expert.
3. Statuant sur les appels du demandeur et du ministère public, la cour d’appel de Liège, par un arrêt rendu le 13 mai 2013, a prononcé les mêmes condamnations pénales et civiles, hormis l’interdiction visée à l’article 31 du Code pénal et deux décisions sur des réclamations civiles pour lesquelles la réouverture des débats a été ordonnée.
4. Le demandeur s’est pourvu en cassation le 27 mai 2013. Il a notamment invoqué un moyen soutenant que les juges d’appel auraient dû constater que le droit à un procès équitable était irrémédiablement compromis et, en conséquence, déclarer les poursuites irrecevables, en raison du fait que la cour d’appel avait eu connaissance de l’existence des déclarations auto-incriminantes que le demandeur a faites sans entretien confidentiel préalable avec un avocat ni assistance d’un avocat, pendant la privation de liberté précédant le placement en détention préventive.
La Cour a rejeté le pourvoi par un arrêt du 11 décembre 2013.
5. Le 6 juin 2014, le demandeur a introduit une requête auprès de la Cour européenne des droits de l’homme, sollicitant la condamnation de l’Etat belge pour violation de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Par une décision rendue le 15 avril 2021, la Cour européenne des droits de l’homme a rayé la requête du rôle (requête n° 44813/14), après avoir pris acte de la déclaration unilatérale du gouvernement belge, assortie de la proposition de verser la somme de quatre mille euros au requérant, reconnaissant qu’il y avait eu violation de l’article 6.1 et 6.3, c, de la Convention, « à défaut d’assistance par avocat [du] requérant à tous les stades préalables au procès pénal ».
III. LA DÉCISION DE LA COUR
6. L’article 442bis du Code d’instruction criminelle permet au condamné de demander la réouverture de la procédure, notamment lorsque la violation de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales fait l’objet d’une déclaration de reconnaissance par le gouvernement de l’Etat qui en est accusé, que la Cour européenne des droits de l’homme prend acte de cette reconnaissance et qu’elle décide par voie de conséquence de rayer l’affaire du rôle.
Selon le premier alinéa de l’article 442bis susdit, la réouverture ne peut être demandée qu’en ce qui concerne les débats relatifs à l’action publique.
En vertu de l’article 442quinquies, alinéa 1er, du Code d’instruction criminelle, lorsqu’il ressort de l’examen de la demande soit que la décision attaquée est contraire sur le fond à la Convention, soit que la violation constatée est la conséquence d’erreurs ou de défaillances de procédure d’une gravité telle qu’un doute sérieux existe quant au résultat de la procédure attaquée, la Cour ordonne la réouverture de la procédure, pour autant que la partie condamnée continue à souffrir des conséquences négatives très graves que seule une réouverture peut réparer.
7. Le droit à un procès équitable garanti par l’article 6.1 et 6.3.c, de la Convention, tel qu’il est interprété par la Cour européenne des droits de l’homme, requiert que l'accès à un avocat soit accordé à une personne pendant son audition par la police si elle se trouve dans une position particulièrement vulnérable, au sens que la Cour européenne donne à cette notion, ce qui est par exemple le cas lorsque la personne concernée est privée de liberté au motif qu’elle est suspectée d’avoir commis une infraction et qu’elle est interrogée à ce sujet.
Les droits minimaux garantis par l’article 6.3.c précité ne sont pas des fins en soi. Ils ont pour but de contribuer à préserver l’équité de la procédure pénale dans son ensemble, de telle sorte que la restriction au droit d’accès à un avocat n’entraîne pas automatiquement une violation de l’article 6 de la Convention.
Il ressort de l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 9 novembre 2018 (Beuze c. Belgique, req. 71409/10) que, lorsque cette restriction n’est pas justifiée par des raisons impérieuses, il appartient au juge d'examiner si, à la lumière des circonstances de l'espèce, la restriction au droit d'accès à un conseil a, ou non, porté une atteinte irrémédiable au caractère équitable du procès considéré dans son ensemble. Cette appréciation de l’équité globale de la procédure peut notamment tenir compte des facteurs suivants, dans la mesure où ils sont pertinents au regard des circonstances de la cause : la vulnérabilité particulière du suspect, par exemple en raison de son âge ou de ses capacités mentales ; le dispositif légal encadrant la procédure antérieure à la phase de jugement et l’admissibilité des preuves au cours de cette phase, ainsi que le respect ou non de ce dispositif, étant entendu que, quand s’applique une règle dite d’exclusion, il est très peu vraisemblable que la procédure dans son ensemble soit jugée inéquitable ; la possibilité ou non pour l’intéressé de contester l’authenticité des preuves recueillies et de s’opposer à leur production ; la qualité des preuves et l’existence ou non de doutes quant à leur fiabilité ou à leur exactitude compte tenu des circonstances dans lesquelles elles ont été obtenues ; lorsque les preuves ont été recueillies illégalement, l’illégalité en question et, si celle-ci procède de la violation d’un autre article de la Convention, la nature de la violation constatée ; s’il s’agit d’une déposition, la nature de celle-ci et le point de savoir s’il y a eu prompte rétractation ou rectification ; l’utilisation faite des preuves, et en particulier le point de savoir si elles sont une partie intégrante ou importante des pièces à charge sur lesquelles s’est fondée la condamnation, ainsi que la force des autres éléments du dossier ; le point de savoir si la culpabilité a été appréciée par des magistrats professionnels, par des juges non professionnels ou par des jurés et la teneur des instructions et éclaircissements qui auraient été donnés à ces derniers ; l’importance de l’intérêt public à enquêter sur l’infraction particulière en cause et à en sanctionner l’auteur ; l’existence dans le droit et la pratique internes d’autres garanties procédurales.
8. La situation du demandeur peut être résumée comme suit :
A la suite d’une perquisition effectuée à son domicile, le demandeur, alors âgé de dix-huit ans, a été arrêté le 24 juillet 2008 et auditionné par les services de police le même jour. Le lendemain, il a été interrogé par le juge d’instruction, préalablement à son placement sous mandat d’arrêt. A ces deux occasions, il n’a pas été assisté d’un avocat.
Le 27 août 2008, le demandeur, assisté d’un avocat, a comparu devant la chambre du conseil qui a ordonné sa libération sous conditions.
Il n’apparaît pas de la procédure que, durant la phase d’instruction de la procédure pénale, le demandeur ait fait l’objet d’autres auditions.
Devant le tribunal correctionnel, puis devant la cour d’appel, le demandeur a également été assisté d’un avocat.
9. La décision attaquée par la demande en réouverture de la procédure est l’arrêt de la Cour du 11 décembre 2013.
Cette décision rejette le moyen, invoqué par le demandeur, soutenant que l’arrêt de la cour d’appel de Liège du 13 mai 2013 ne pouvait pas se borner à écarter les déclarations auto-incriminantes du demandeur faites à la police et devant le juge d’instruction pendant la garde à vue les 24 et 25 juillet 2008 sans avoir bénéficié de l’assistance d’un avocat, mais devait constater l’irrecevabilité des poursuites pour violation du droit à un procès équitable, au motif que les juges d’appel ont été influencés par la connaissance de l’existence desdites déclarations, ainsi qu’il résulte de la circonstance que le sursis à l’exécution de la peine d’emprisonnement a été accordé pour ce qui dépasse la détention préventive, elle-même motivée par les aveux du demandeur.
La Cour a fondé sa décision sur les motifs suivants :
- l’absence d’un avocat lors d’une audition faite en garde à vue n’est pas sanctionnée par l’irrecevabilité de la poursuite mais par l’interdiction d’asseoir une condamnation sur le fondement d’une déclaration recueillie de la sorte ;
- la cour d’appel a écarté les auditions effectuées sans l’assistance d’un avocat et il ne ressort d’aucune énonciation de l’arrêt que les juges du fond se soient fondés sur des éléments obtenus à la faveur des déclarations consenties en garde à vue pour se convaincre de la culpabilité du demandeur ;
- de la seule circonstance que le sursis a été ordonné pour l’exécution de la partie de la peine d’emprisonnement excédant la durée de la détention préventive, il ne saurait se déduire que la cour d’appel a été influencée par les déclarations auto-incriminantes du demandeur durant la garde à vue.
10. Toutefois, pour rejeter l’exception d’irrecevabilité des poursuites fondée sur l’existence des déclarations auto-incriminantes des 24 et 25 juillet 2008 faites sans l’assistance d’un avocat, l’arrêt de la cour d’appel de Liège du 13 mai 2013 ne se borne pas à écarter ces déclarations et à décider qu’elles ne pouvaient en aucune manière fonder la condamnation.
Les juges d’appel ont également pris en considération les éléments suivants :
- durant la phase préliminaire du procès pénal, tout inculpé détenu bénéficie des formalités imposées par l’article 47bis du Code d’instruction criminelle, de l’accès à un avocat immédiatement après la délivrance du mandat d’arrêt dans le délai constitutionnel très bref, de l’accès au dossier prévu par la loi relative à la détention préventive, et des droits prévus par les articles 61ter, 61quater, 61quinquies, 136 et 235bis du Code d’instruction criminelle ; le demandeur, qui était assisté d’un avocat au moins depuis la procédure devant la chambre du conseil, n’a formulé aucune demande au juge d’instruction quant à la réalisation d’un interrogatoire récapitulatif ou à l’accomplissement de devoirs complémentaires ;
- les premières déclarations, écartées des débats, ne sont pas à l’origine des autres éléments de preuve retenus car intervenues après et à la suite de l’examen et de l’analyse par les policiers et par la victime d’une vidéo amateur, confortant les constatations policières, et corroborés par les attestations médicales ;
- le demandeur a eu la possibilité, jusqu’à la clôture des débats, tant devant le premier juge que devant la cour d’appel, de déposer toute pièce et de demander tout devoir complémentaire ou audition utile à sa défense, et ainsi, il a demandé et obtenu que la vidéo amateur relative à l’objet lancé sur la victime, à partir de laquelle des photos ont été déposées au dossier, soit visionnée contradictoirement par le tribunal correctionnel ;
- tant devant le tribunal correctionnel que devant la cour d’appel, le demandeur, assisté de son conseil, a reconnu la matérialité de certains faits qui lui sont reprochés, tout en soutenant ne pas se reconnaître sur les photos et la vidéo montrant le jet d’un objet ayant blessé le policier ;
- ainsi, assisté de son conseil, il a admis être l’individu qui a commis le fait qualifié d’outrage public aux mœurs et, sur présentation des photos, il a reconnu être la personne désignée par les enquêteurs sous « ID14 », et avoir jeté des débris en direction des policiers.
Examinant ensuite la question de la culpabilité du demandeur, la cour d’appel a considéré que les images de la vidéo amateur permettent de constater que l’individu qui baisse son pantalon devant les forces de l’ordre est celui qui lance un débris en leur direction et atteint la victime, dès lors qu’il est identifié par sa morphologie et par sa tenue vestimentaire, que les images des faits montrent que ce même individu jette un morceau de chasse d’eau en direction des forces de police et blesse l’agent R.Z. à l’œil, et que la conviction des enquêteurs quant à l’identité de l’auteur des faits, fondée sur le visionnage de la vidéo, est confortée par la déclaration de la mère du demandeur, selon laquelle il a présenté une blessure à la main et est revenu du stade de football avec un pantalon déchiré.
Sur cette base, l’arrêt considère qu’il existe, indépendamment des auditions auto-incriminantes écartées, un faisceau de présomptions graves, précises et concordantes, élusives de tout doute, permettant de conclure à la culpabilité du demandeur quant aux faits retenus par la cour d’appel.
11. Il ressort de ces motifs de l’arrêt de la cour d’appel de Liège que, d’une part, celle-ci a écarté les déclarations auto-incriminantes du demandeur, faites sans l’assistance d’un avocat, et qu’elle s’est effectivement abstenue d’en tenir compte d’une quelconque manière pour apprécier la question de la culpabilité, et, d’autre part, que les juges d’appel ont examiné les conséquences de ces déclarations, faites par une personne vulnérable, sur le caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en prenant en compte et en vérifiant les autres facteurs, pertinents en l’espèce, retenus par la Cour européenne des droits de l’homme dans l’arrêt précité du 9 novembre 2018.
Ainsi, la cour d’appel a légalement justifié sa décision que la restriction à l’accès à un avocat durant la phase préalable du procès n’avait pas porté une atteinte irrémédiable à l’équité globale du procès.
12. Il s’ensuit qu’en ayant rejeté le pourvoi formé contre l’arrêt de la cour d’appel du 13 mai 2013, l’arrêt attaqué n’est pas contraire sur le fond à l’article 6.1 et 6.3.c, de la Convention.
Il en résulte également que la violation constatée du droit d’accès à un avocat garanti par l’article 6.3.c, de la Convention, en l’occurrence le défaut d’assistance d’un avocat aux auditions du demandeur des 24 et 25 juillet 2008, n’est pas la conséquence d’une erreur ou d’une défaillance de procédure d’une gravité telle qu’un doute sérieux existe quant au résultat de la procédure attaquée.
13. Selon le demandeur, si la Cour devait considérer que le « doute sérieux quant au résultat de la procédure attaquée », au sens de l’article 442quinquies du Code d’instruction criminelle, concerne « un doute sur la culpabilité du requérant et donc une question de fond », une telle décision serait contraire à l’article 12 de la Constitution dès lors qu’elle implique un examen en fait de la cause pour lequel la Cour est sans pouvoir en vertu de l’article 147 de la Constitution et il sollicite que soit posée la question préjudicielle suivante à la Cour constitutionnelle : « En ce qu’il implique que la Cour de cassation réexamine le fond de l’affaire, l’article 442quinquies du Code d’instruction criminelle viole-t-il les articles 10, 11 et 12 de la Constitution, lus ou non en relation avec l’article 147 de la Constitution et l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ? »
Le demandeur précise qu’une pareille interprétation de la notion de « doute » impliquerait un contrôle particulièrement limité du fond de l’affaire puisque, en vertu de l’article 147 de la Constitution, la Cour ne peut pas connaître du fond ni avoir égard au dossier répressif. Le demandeur en déduit que, dans ce cas, il serait discriminé par rapport au justiciable dont le dossier est examiné par une juridiction de jugement, laquelle peut apprécier le fond de la cause dans son entièreté, en ayant égard au dossier répressif.
Lorsque, saisie d’une requête en application de l’article 442quater du Code d’instruction criminelle, la Cour examine s’il y a lieu d’ordonner la réouverture de la procédure, elle ne statue pas sur les mérites d’un pourvoi en cassation mais elle exerce un pouvoir d’appréciation propre pour juger si la décision attaquée est contraire sur le fond à la Convention ou si la violation constatée est la conséquence d’erreurs ou de défaillances de procédure d’une gravité telle qu’un doute sérieux existe quant au résultat de la procédure attaquée, sans statuer sur le fond de la cause.
Le demandeur soutient ensuite que, si le doute visé à l’article 442quinquies du Code d’instruction criminelle concerne un « doute juridique », une telle décision reviendrait à laisser subsister une décision de condamnation rendue en violation de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, dès lors que celle-ci aurait été cassée si l’examen de l’équité procédurale, dans le cadre du pourvoi en cassation, avait été fait selon les critères retenus par la Cour européenne des droits de l’homme. Il sollicite que soit posée la question préjudicielle suivante à la Cour constitutionnelle : « En ce qu’ils impliquent que la Cour de cassation procède à un contrôle de légalité différent de celui auquel elle procède lorsqu’elle est saisie sur la base des articles 408 et suivants du Code d’instruction criminelle, les articles 442bis à 442septies du même code violent-ils les articles 10 et 11 de la Constitution ? »
Mais, ainsi qu’il résulte de la réponse ci-avant à la requête, l’arrêt de la cour d’appel de Liège du 13 mai 2013 examine le respect de l’équité procédurale selon lesdits critères et partant, constate légalement que les poursuites ne sont pas irrecevables.
Reposant sur des prémisses erronées, les questions préjudicielles ne doivent pas être posées.
14. La requête en réouverture de la procédure n’est pas fondée.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette la requête en réouverture de la procédure ;
Laisse les frais à charge de l’Etat.
Lesdits frais taxés jusqu’ores à zéro euro.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Eric de Formanoir, conseiller faisant fonction de président, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz, François Stévenart Meeûs et Eric Van Dooren, conseillers, et prononcé en audience publique du seize mars deux mille vingt-deux par Eric de Formanoir, conseiller faisant fonction de président, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l’assistance de Tatiana Fenaux, greffier.


Synthèse
Formation : Chambre 2f - deuxième chambre
Numéro d'arrêt : P.21.1300.F
Date de la décision : 16/03/2022
Type d'affaire : Droit pénal - Droit international public - Autres

Analyses

L’article 442bis du Code d’instruction criminelle permet au condamné de demander la réouverture de la procédure, notamment lorsque la violation de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales fait l’objet d’une déclaration de reconnaissance par le gouvernement de l’Etat qui en est accusé, que la Cour européenne des droits de l’homme prend acte de cette reconnaissance et qu’elle décide par voie de conséquence de rayer l’affaire du rôle(1). (1)Voir les concl. du MP.

REOUVERTURE DE LA PROCEDURE - DROITS DE L'HOMME - CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Généralités [notice1]

En vertu de l’article 442quinquies, alinéa 1er, du Code d’instruction criminelle, lorsqu’il ressort de l’examen de la demande soit que la décision attaquée est contraire sur le fond à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, soit que la violation constatée est la conséquence d’erreurs ou de défaillances de procédure d’une gravité telle qu’un doute sérieux existe quant au résultat de la procédure attaquée, la Cour ordonne la réouverture de la procédure, pour autant que la partie condamnée continue à souffrir des conséquences négatives très graves que seule une réouverture peut réparer (1). (1) Voir les concl. du MP.

REOUVERTURE DE LA PROCEDURE - DROITS DE L'HOMME - CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Généralités [notice3]

Le droit à un procès équitable garanti par les articles 6.1 et 6.3.c, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, tel qu’il est interprété par la Cour européenne des droits de l’homme, requiert que l'accès à un avocat soit accordé à une personne pendant son audition par la police si elle se trouve dans une position particulièrement vulnérable, au sens que la Cour européenne donne à cette notion, ce qui est par exemple le cas lorsque la personne concernée est privée de liberté au motif qu’elle est suspectée d’avoir commis une infraction et qu’elle est interrogée à ce sujet (1). (1) Voir les concl. du MP.

DROITS DE L'HOMME - CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Article 6 - Article 6, § 1er - DROITS DE LA DEFENSE - MATIERE REPRESSIVE - AVOCAT [notice5]

Les droits minimaux garantis par l’article 6.3.c, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ne sont pas des fins en soi; ils ont pour but de contribuer à préserver l’équité de la procédure pénale dans son ensemble, de telle sorte que la restriction au droit d’accès à un avocat n’entraîne pas automatiquement une violation de l’article 6 de la Convention (1). (1) Voir les concl. du MP.

DROITS DE L'HOMME - CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Article 6 - Article 6, § 3 - DROITS DE LA DEFENSE - MATIERE REPRESSIVE - Conséquence - AVOCAT [notice9]

Il ressort de l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 9 novembre 2018 (Beuze c. Belgique, req. 71409/10) que, lorsque cette restriction n’est pas justifiée par des raisons impérieuses, il appartient au juge d'examiner si, à la lumière des circonstances de l'espèce, la restriction au droit d'accès à un conseil a, ou non, porté une atteinte irrémédiable au caractère équitable du procès considéré dans son ensemble; cette appréciation de l’équité globale de la procédure peut notamment tenir compte des facteurs suivants, dans la mesure où ils sont pertinents au regard des circonstances de la cause: la vulnérabilité particulière du suspect, par exemple en raison de son âge ou de ses capacités mentales; le dispositif légal encadrant la procédure antérieure à la phase de jugement et l’admissibilité des preuves au cours de cette phase, ainsi que le respect ou non de ce dispositif, étant entendu que, quand s’applique une règle dite d’exclusion, il est très peu vraisemblable que la procédure dans son ensemble soit jugée inéquitable; la possibilité ou non pour l’intéressé de contester l’authenticité des preuves recueillies et de s’opposer à leur production; la qualité des preuves et l’existence ou non de doutes quant à leur fiabilité ou à leur exactitude compte tenu des circonstances dans lesquelles elles ont été obtenues; lorsque les preuves ont été recueillies illégalement, l’illégalité en question et, si celle-ci procède de la violation d’un autre article de la Convention, la nature de la violation constatée; s’il s’agit d’une déposition, la nature de celle-ci et le point de savoir s’il y a eu prompte rétractation ou rectification; l’utilisation faite des preuves, et en particulier le point de savoir si elles sont une partie intégrante ou importante des pièces à charge sur lesquelles s’est fondée la condamnation, ainsi que la force des autres éléments du dossier; le point de savoir si la culpabilité a été appréciée par des magistrats professionnels, par des juges non professionnels ou par des jurés et la teneur des instructions et éclaircissements qui auraient été donnés à ces derniers; l’importance de l’intérêt public à enquêter sur l’infraction particulière en cause et à en sanctionner l’auteur; l’existence dans le droit et la pratique internes d’autres garanties procédurales (1). (1) Voir les concl. du MP.

DROITS DE L'HOMME - CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Article 6 - Article 6, § 1er - DROITS DE L'HOMME - CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Article 6 - Article 6, § 3 - DROITS DE LA DEFENSE - MATIERE REPRESSIVE - AVOCAT [notice12]

Lorsqu’il ressort des motifs de l’arrêt de la cour d’appel, d’une part, que celle-ci a écarté les déclarations auto-incriminantes du prévenu, faites sans l’assistance d’un avocat, et qu’elle s’est effectivement abstenue d’en tenir compte d’une quelconque manière pour considérer qu’il existe, indépendamment des auditions auto-incriminantes écartées, un faisceau de présomptions graves, précises et concordantes, élusives de tout doute, permettant de conclure à la culpabilité du prévenu, et, d’autre part, que les juges d’appel ont examiné les conséquences de ces déclarations, faites par une personne vulnérable, sur le caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en prenant en compte et en vérifiant les autres facteurs, pertinents en l’espèce, retenus par la Cour européenne des droits de l’homme dans son arrêt du 9 novembre 2018 (Beuze c. Belgique, req. 71409/10), la cour d’appel a légalement justifié sa décision que la restriction à l’accès à un avocat durant la phase préalable du procès n’est pas contraire sur le fond aux articles 6.1 et 6.3.c, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales; il en résulte également que la violation constatée du droit d’accès à un avocat garanti par l’article 6.3.c, de la Convention, en l’occurrence le défaut d’assistance d’un avocat aux auditions du prévenu placé en garde à vue, n’est pas la conséquence d’une erreur ou d’une défaillance de procédure d’une gravité telle qu’un doute sérieux existe quant au résultat de la procédure attaquée (1). (1) Voir les concl. du MP.

REOUVERTURE DE LA PROCEDURE - DROITS DE L'HOMME - CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Généralités - DROITS DE LA DEFENSE - MATIERE REPRESSIVE - AVOCAT [notice16]

Lorsque, saisie d’une requête en application de l’article 442quater du Code d’instruction criminelle, la Cour examine s’il y a lieu d’ordonner la réouverture de la procédure, elle ne statue pas sur les mérites d’un pourvoi en cassation mais elle exerce un pouvoir d’appréciation propre pour juger si la décision attaquée est contraire sur le fond à la Convention ou si la violation constatée est la conséquence d’erreurs ou de défaillances de procédure d’une gravité telle qu’un doute sérieux existe quant au résultat de la procédure attaquée, sans statuer sur le fond de la cause (1). (1) Voir les concl. du MP.

REOUVERTURE DE LA PROCEDURE - DROITS DE L'HOMME - CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Généralités [notice20]


Références :

[notice1]

Code d'instruction criminelle - 17-11-1808 - Art. 442bis, al. 2 - 30 / No pub 1808111701

[notice3]

Code d'instruction criminelle - 17-11-1808 - Art. 442quinquies, al. 1er - 30 / No pub 1808111701

[notice5]

Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 - 04-11-1950 - Art. 6, § 1er et 3, c - 30 / Lien DB Justel 19501104-30

[notice9]

Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 - 04-11-1950 - Art. 6, § 1er et 3, c - 30 / Lien DB Justel 19501104-30

[notice12]

Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 - 04-11-1950 - Art. 6, § 1er et 3, c - 30 / Lien DB Justel 19501104-30

[notice16]

Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 - 04-11-1950 - Art. 6, § 1er et 3, c - 30 / Lien DB Justel 19501104-30 ;

Code d'instruction criminelle - 17-11-1808 - Art. 442quater et 442quinquies, al. 1er - 30 / No pub 1808111701

[notice20]

Code d'instruction criminelle - 17-11-1808 - Art. 442quater et 442quinquies, al. 1er - 30 / No pub 1808111701


Composition du Tribunal
Président : DE FORMANOIR DE LA CAZERIE ERIC
Greffier : FENAUX TATIANA
Ministère public : NOLET DE BRAUWERE MICHEL
Assesseurs : KONSEK TAMARA, LUGENTZ FREDERIC, STEVENART MEEUS FRANCOIS, VAN DOOREN ERIC

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2022-03-16;p.21.1300.f ?

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