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20/07/2021 | BELGIQUE | N°P.21.0839.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 20 juillet 2021, P.21.0839.F


N° P.21.0839.F
E. R.,
condamné, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Nicolas Cohen et Stéphane Jans, avocats au barreau de Bruxelles.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 15 juin 2021 par le tribunal de l'application des peines francophone de Bruxelles.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller François Stévenart Meeûs a fait rapport.
L'avocat général Philippe de Koster a conclu.


II. LES FAITS
r>Par un arrêt rendu contradictoirement le 27 mars 2014, la cour d'appel de Bruxelles a condamné le demand...

N° P.21.0839.F
E. R.,
condamné, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Nicolas Cohen et Stéphane Jans, avocats au barreau de Bruxelles.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 15 juin 2021 par le tribunal de l'application des peines francophone de Bruxelles.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller François Stévenart Meeûs a fait rapport.
L'avocat général Philippe de Koster a conclu.

II. LES FAITS

Par un arrêt rendu contradictoirement le 27 mars 2014, la cour d'appel de Bruxelles a condamné le demandeur, en état de récidive légale, à une peine de travail de six cents heures ou, en cas d'inexécution totale ou partielle de cette peine, à une peine d'emprisonnement subsidiaire de sept ans.
Lors de sa réunion du 3 décembre 2019, la commission de probation a constaté que le demandeur n'avait presté sa peine principale qu'à concurrence de 326 heures et 30 minutes. Partant, elle a décidé d'une part, de convoquer le demandeur en sa séance du 9 janvier 2020 et, d'autre part, de prolonger le délai d'exécution de la peine de travail jusqu'au 30 septembre 2020.
Constatant que la dernière prestation du demandeur dans le cadre de l'exécution de la peine de travail remontait au 25 mai 2016, le procureur du Roi de Bruxelles a pris le 5 juin 2020 une ordonnance de capture en vue d'exécuter la peine de substitution.
Le demandeur fut écroué le 6 juin 2020 et introduisit les 2 février 2021 et 16 mars 2021 des demandes écrites de libération conditionnelle et de surveillance électronique, conformément aux articles 50, § 1er, et 49, § 1er, de la loi du 17 mai 2006 relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté.
A l'appui de ses demandes, il soutint notamment qu'en l'absence de disposition légale établissant des causes spécifiques d'interruption de la prescription d'une peine de travail, les peines principale et subsidiaire prononcées à son encontre étaient prescrites.
Par jugement rendu le 15 juin 2021, le tribunal de l'application des peines francophone de Bruxelles considéra que le moyen tiré de la prescription des peines principale de travail et subsidiaire d'emprisonnement n'était pas fondé.
Il se déclara compétent pour connaître des demandes précitées, mais les jugea non fondées.

Il s'agit du jugement entrepris.
III. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur la demande de remise :
Le demandeur sollicite la remise de la cause à bref délai afin de répondre aux conclusions orales du ministère public.
L'obligation de la Cour de statuer dans les trente jours du pourvoi et la circonstance que le demandeur est détenu s'opposent à ce qu'il soit fait droit à la demande.
Sur le moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 5, 6 et 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 12 et 14 de la Constitution, 7, 37quinquies à 37septies et 91 à 99 du Code pénal.
Le demandeur reproche en substance au jugement d'avoir estimé que la cause d'interruption de la prescription de la peine visée à l'article 96 du Code pénal s'applique aussi à une peine de travail partiellement exécutée alors que, selon lui, cette disposition ne vise que l'interruption de la prescription d'une peine d'emprisonnement. Il soutient qu'il résulte de la combinaison des articles 12 et 14 de la Constitution, ainsi que des articles 5 et 7 de la Convention que le régime de la prescription des peines doit être établi sur la base de dispositions légales qui sont précises et dont l'application est prévisible pour la catégorie de personnes auxquelles ces règles s'adressent, ce qui n'est pas le cas de l'interprétation donnée de l'article 96 du Code pénal par le tribunal dans la présente cause. Il souligne enfin qu'il ne ressort pas des travaux préparatoires de la loi du 17 avril 2002 instaurant la peine de travail comme peine autonome en matière correctionnelle et de police « que le législateur a souhaité étendre les mécanismes de l'interruption de la prescription de la peine à la peine de travail ».
En application de l'article 37quinquies, § 2, alinéa 1er, du Code pénal, la peine de travail infligée au demandeur par la cour d'appel est de nature correctionnelle et, aux termes du deuxième alinéa de cet article, elle doit être exécutée dans les douze mois qui suivent la date à laquelle la décision judiciaire est passée en force de chose jugée. La commission de probation peut d'office ou à la demande du condamné prolonger ce délai.
L'article 92, alinéa 1er, du même code dispose que, sauf pour les peines correctionnelles concernant les infractions définies aux articles 136bis, 136ter et 136quater, qui sont imprescriptibles, les peines correctionnelles qui ne dépassent pas trois années d'emprisonnement se prescriront par cinq années révolues, à compter de la date de l'arrêt ou du jugement rendu en dernier ressort, ou à compter du jour où le jugement rendu en première instance ne pourra plus être attaqué par la voie de l'appel.
Dès lors, lorsque le délai visé à l'article 37quinquies, § 2, alinéa 2, du code précité a été prolongé, pareille peine de travail correctionnelle se prescrit par cinq ans à partir de la date visée à l'article 92, alinéa 1er, précité.
Lorsque la peine d'emprisonnement est une peine de substitution à la peine de travail, elle se prescrit dans le même délai que cette dernière.
L'article 96 du Code pénal dispose que la prescription de la peine sera interrompue par l'arrestation du condamné.
En vertu de cette disposition légale, seul un acte d'exécution matérielle, volontaire ou forcée, de la peine, impliquant que le condamné commence à la subir effectivement, interrompt, en règle, la prescription de celle-ci.
L'exécution partielle d'une peine de travail, pour autant qu'elle soit effective, interrompt la prescription.
En tant qu'il soutient que l'article 96 du Code pénal ne vise que la prescription d'une peine principale d'emprisonnement, le moyen manque en droit.
Le jugement considère que
- l'article 96 du Code pénal a une portée générale et, en vertu de cette disposition, tout acte d'exécution de la peine en interrompt la prescription ;
- la peine de travail étant prescriptible, toute exécution matérielle, volontaire ou forcée, en interrompt le cours ;
- la dernière prestation du demandeur dans le cadre de l'exécution de sa peine de travail remonte au 25 mai 2016, de sorte que le délai de prescription de cinq ans a commencé à courir à cette date, tant pour la peine principale de travail que pour la peine subsidiaire d'emprisonnement ;
- le demandeur a été écroué le 6 juin 2020, soit moins de cinq ans après le 25 mai 2016, de sorte que la peine subsidiaire d'emprisonnement n'est pas prescrite.
Par ces considérations, qui ne reposent pas sur une interprétation extensive prohibée de l'article 96 du Code pénal, le tribunal de l'application des peines a légalement justifié sa décision que l'écrou du demandeur avait été pris conformément à la loi et aux dispositions invoquées par le demandeur et ne violait ni l'article 5.1 de la Convention, ni les articles 12 et 14 de la Constitution.
Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.
En vertu de l'article 97, § 3, alinéa 2, de la loi du 17 mai 2006, la Cour doit statuer dans les trente jours du pourvoi en cassation, le condamné étant pendant ce temps maintenu en détention.
La brièveté du délai imposé à la Cour pour statuer sur le pourvoi et la circonstance que le condamné est pendant ce temps maintenu en détention ne permettent pas qu'une question préjudicielle soit posée à la Cour constitutionnelle.
Le contrôle d'office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de six euros onze centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, chambre des vacations, à Bruxelles, où siégeaient Koen Mestdagh, président de section, Sidney Berneman, Frédéric Lugentz, François Stévenart Meeûs et Eric Van Dooren, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt juillet deux mille vingt et un par Koen Mestdagh, président de section, en présence de Philippe de Koster, avocat général, avec l'assistance de Fabienne Gobert, greffier.


Synthèse
Formation : Chambre vac - chambre des vacations
Numéro d'arrêt : P.21.0839.F
Date de la décision : 20/07/2021
Type d'affaire : Droit pénal

Analyses

Lorsque le délai d’exécution visé à l’article 37quinquies, § 2, alinéa 2, du Code pénal a été prolongé, la peine de travail correctionnelle se prescrit par cinq ans à partir de la date visée à l’article 92, alinéa 1er du Code pénal.

PRESCRIPTION - MATIERE REPRESSIVE - Peine - Délais - PEINE - AUTRES PEINES - Peine de travail [notice1]

Lorsque la peine d’emprisonnement est une peine de substitution à la peine de travail, elle se prescrit dans le même délai que cette dernière.

PRESCRIPTION - MATIERE REPRESSIVE - Peine - Délais - PEINE - EMPRISONNEMENT SUBSIDIAIRE [notice3]

L’exécution partielle d’une peine de travail, pour autant qu’elle soit effective, interrompt la prescription.

PRESCRIPTION - MATIERE REPRESSIVE - Peine - Interruption - PEINE - AUTRES PEINES - Peine de travail [notice5]


Références :

[notice1]

Code pénal - 08-06-1867 - Art. 37quinquies, § 2, al. 2, et 92, al. 1er - 01 / No pub 1867060850

[notice3]

Code pénal - 08-06-1867 - Art. 92, al. 1er - 01 / No pub 1867060850

[notice5]

Code pénal - 08-06-1867 - Art. 96 - 01 / No pub 1867060850


Composition du Tribunal
Président : MESTDAGH KOEN
Greffier : GOBERT FABIENNE
Ministère public : DE KOSTER PHILIPPE
Assesseurs : BERNEMAN SIDNEY, LUGENTZ FREDERIC, STEVENART MEEUS FRANCOIS, VAN DOOREN ERIC

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2021-07-20;p.21.0839.f ?

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