La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/03/2021 | BELGIQUE | N°P.21.0355.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 31 mars 2021, P.21.0355.F


N° P.21.0355.F
I. A. R.,
étranger, privé de liberté,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Dominique Andrien, avocat au barreau de Liège,
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 4 mars 2021 par la cour d'appel de Liège, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque six moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Tamara Konsek a fait rapport.
L'avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR

Sur le premier m

oyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 27, 29, 71, 72, 74/14 et 74/15 de la loi du 15 ...

N° P.21.0355.F
I. A. R.,
étranger, privé de liberté,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Dominique Andrien, avocat au barreau de Liège,
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 4 mars 2021 par la cour d'appel de Liège, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque six moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Tamara Konsek a fait rapport.
L'avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR

Sur le premier moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 27, 29, 71, 72, 74/14 et 74/15 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, 110terdecies de l'arrêté royal du 8 octobre 1981 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 7 et 15 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier.
Le 27 novembre 2020, le demandeur s'est vu notifier un ordre de quitter le territoire avec maintien en vue de l'éloignement pris en application des articles 7, alinéas 1er, 1° et 3°, et 3, et 74/14, § 3, 1°, 4° et 5°, de la loi du 15 décembre 1980. Le 10 décembre 2020, l'Office des étrangers a ordonné le réécrou du demandeur sur la base de l'article 27, §§ 1 et 3, de la loi précitée à la suite de son refus de se soumettre à un test de dépistage au Covid-19 et cette dernière mesure a été prolongée par décision du 9 février 2021.

Le moyen soutient que la décision de réécrou et sa prolongation sont illégales dès lors qu'elles n'ont pas été notifiées au demandeur conformément à l'article 110terdecies de l'arrêté royal du 8 octobre 1981 qui prévoit l'utilisation du modèle figurant à l'annexe 13septies lorsque l'étranger se trouve dans la situation visée à l'article 7 ou aux articles 27 et 74/14, § 3, de la loi précitée.
Le demandeur reproche à l'arrêt de considérer, par adoption des motifs de l'avis du ministère public, que sa situation est étrangère à cette dernière disposition. Selon le moyen, dès lors que c'est en vertu de l'article 74/14, § 3, que l'Office des étrangers est autorisé à poursuivre la procédure d'éloignement de l'étranger sans laisser à celui-ci un délai pour quitter volontairement le territoire, la situation du demandeur, qui est soumis à une mesure de rétention en vue de son éloignement, entre nécessairement dans le champ d'application de cette disposition. Il en déduit que, s'agissant d'une décision autonome, le réquisitoire de réécrou devait être notifié selon le modèle de l'annexe 13septies, comme l'a été l'ordre de quitter le territoire avec maintien en vue de l'éloignement du 27 novembre 2020.
Selon l'article 74/14, § 1er, de la loi du 15 décembre 1980, la décision d'éloignement prévoit un délai de trente jours pour quitter le territoire et le ressortissant d'un pays tiers qui n'est pas autorisé à séjourner plus de trois mois dans le Royaume, bénéficie, pour ce faire, d'un délai de sept à trente jours qui est susceptible de prolongation.
Conformément à l'article 74/14, § 2, aussi longtemps que le délai pour le départ volontaire court, le ressortissant d'un pays tiers est protégé contre un éloignement forcé.
En vertu de l'article 74/14, § 3, il peut être dérogé au délai prévu au paragraphe 1er, notamment, en cas de risque de fuite ou de menace pour l'ordre public ou la sécurité nationale.
Lorsque, comme en l'espèce, l'ordre de quitter le territoire justifie qu'aucun délai ne soit accordé à l'étranger pour le départ volontaire, conformément à l'article 74/14, § 3 précité, la décision de réécrou prise en application de l'article 27 de la loi à la suite du refus de l'étranger de se soumettre à l'éloignement, n'ouvre pas à celui-ci le délai prévu à l'article 74/14, § 1er, nonobstant le caractère autonome de cette décision.
Partant, l'Office des étrangers n'est pas tenu de motiver le réécrou ni sa prolongation par application de l'article 74/14, § 3, précité.
Il s'ensuit que l'obligation alléguée d'utiliser l'annexe 13septies précitée repose sur une prémisse erronée.
Le moyen manque en droit.
Sur le deuxième moyen :
Le moyen invoque la violation de l'article 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il fait grief à l'arrêt de dire les décisions de réécrou et de prolongation légales alors que celles-ci seraient dépourvues de base réglementaire, à défaut d'avoir pris la forme de l'une des annexes à l'arrêté royal du 8 octobre 1981 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. Selon le demandeur, la sécurité juridique n'est pas assurée lorsque l'Etat est libre de placer une personne en rétention sur la base d'un formulaire dont le libellé est laissé à sa libre appréciation.
La privation de liberté est légale lorsque l'autorité administrative respecte le prescrit légal fondant cette mesure et motive sa décision, en fait et en droit, au regard de ce prescrit. La légalité de la privation de liberté n'est pas tributaire de l'existence d'un formulaire arrêté par un acte réglementaire.
Le moyen manque en droit.
Sur le troisième moyen :
Pris de la violation des articles 27, 29, 71 et 72 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, le moyen reproche aux juges d'appel de ne pas avoir constaté l'existence, contestée, de la réservation d'une place dans un avion. Selon le demandeur, à défaut d'avoir vérifié la réalité de ce motif du réécrou, les juges d'appel n'ont pas effectué le contrôle de légalité de la mesure qui leur incombe.
Mais, l'arrêt constate, par adoption de l'avis du ministère public, que le réquisitoire de réécrou, daté du 10 décembre 2020, est motivé par le refus du demandeur du même jour de se soumettre au test de dépistage au Covid-19, celui-ci étant un préalable nécessaire à son rapatriement, prévu pour le 12 décembre 2020.
Le moyen manque en fait.
Sur le quatrième moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 29, 71 et 72 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers.
En relevant que l'ordre de quitter le territoire avec maintien a été pris le 27 novembre 2020, le demandeur allègue que, conformément à l'article 29, alinéas 1 et 2, de la loi du 15 décembre 1980, la prolongation de la mesure de rétention devait intervenir dans les deux mois de son arrestation et non dans les deux mois du réécrou. Il soutient que, partant, les juges d'appel ne pouvaient dire que la décision de prolongation du 9 février 2021 respecte le prescrit légal dès lors qu'elle a été prise au-delà de ce délai.
La décision de réécrou prise sur la base de l'article 27, § 3, de la loi du 15 décembre 1980 ne constitue pas la prolongation de la mesure de sûreté prise antérieurement à l'égard du demandeur, mais un titre autonome de privation de liberté, à partir duquel commence à courir le délai de deux mois visé à l'article 29, alinéa 1er, de la loi précitée.
Le moyen manque en droit.
Sur le cinquième moyen :
Le moyen invoque la violation des articles 29, 71 et 72 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers et 15 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier.

Il reproche aux juges d'appel de ne pas avoir constaté que le dossier administratif contient les rappels d'escorte des 12 janvier et 9 février 2021 invoqués par l'Office des étrangers pour justifier la diligence requise dans la poursuite des démarches en vue de l'éloignement du demandeur. Selon le moyen, les juges d'appel n'ont ainsi pas effectué le contrôle de légalité de la mesure qui leur incombe.
Par adoption des motifs de l'avis du ministère public, l'arrêt énonce qu'après l'annulation du rapatriement prévu le 12 décembre 2020, des rappels d'escorte ont été envoyés les 12 janvier et 9 février 2021 à la police fédérale.
Requérant pour son examen la vérification de pièces auxquelles la Cour ne peut avoir égard, le moyen est irrecevable.
Sur le sixième moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 1er, § 1er, 7°, et 74/15 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers et 21, § 1er, de l'arrêté ministériel du 28 octobre 2020 portant des mesures d'urgence pour limiter la propagation du coronavirus Covid-19.
Le demandeur fait grief aux juges d'appel d'avoir ordonné son maintien à la disposition de l'Office des étrangers en vue de son éloignement, nonobstant l'interdiction momentanée de voyages non essentiels à l'étranger.
Selon le moyen, le transfert du demandeur hors du territoire national doit être considéré comme un « voyage » au sens usuel du terme et, à défaut d'être repris dans la liste des voyages essentiels énumérés à l'annexe 2 de l'arrêté ministériel du 28 octobre 2020, il doit être légalement considéré comme un voyage non essentiel.
Contrairement à ce que le demandeur allègue, l'exécution d'une décision d'éloignement du territoire national prise en vertu d'une disposition de la loi du 15 décembre 1980 n'est pas une mesure assimilable aux voyages visés à l'arrêté ministériel précité.
Le moyen manque en droit.
Le contrôle d'office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de quarante-sept euros nonante et un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Benoît Dejemeppe, président de section, Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Tamara Konsek et Frédéric Lugentz, conseillers, et prononcé en audience publique du trente et un mars deux mille vingt et un par Benoît Dejemeppe, président de section, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l'assistance de Tatiana Fenaux, greffier.


Synthèse
Formation : Chambre 2f - deuxième chambre
Numéro d'arrêt : P.21.0355.F
Date de la décision : 31/03/2021
Type d'affaire : Droit administratif

Analyses

Lorsque, conformément à l'article 74/14, § 3, de la loi du 15 décembre 1980, l'ordre de quitter le territoire justifie qu'aucun délai ne soit accordé à l'étranger pour le départ volontaire, la décision de réécrou prise en application de l'article 27 de cette loi à la suite du refus de l'étranger de se soumettre à l'éloignement n'ouvre pas à celui-ci le délai prévu à l'article 74/14, § 1er, nonobstant le caractère autonome de cette décision ; partant, l'Office des étrangers n'est pas tenu de motiver le réécrou ni sa prolongation par application de l'article 74/14, § 3 (1). (1) L'article 74/14 de la loi du 15 décembre 1980 énonce que, sauf les exceptions énumérées en son § 3, la décision d'éloignement à laquelle s'applique le Titre IIquater de cette loi (voir art. 74/10) prévoit un délai pour quitter le territoire. La décision de réécrou prise en application de l'article 27 de cette loi à la suite du refus de l'étranger de se soumettre à l'éloignement constitue certes un nouveau titre autonome de détention. Mais elle ne constitue pas pour autant une nouvelle décision d'éloignement, qui ferait courir un nouveau délai pour quitter le territoire (sauf les exceptions visées audit § 3). Voir Cass. 3 mars 2021, RG P.21.0276.F, Pas. 2021, n° 156 : « Selon l'article 110terdecies de l'arrêté royal du 8 octobre 1981, l'étranger qui se trouve dans la situation visée à l'article 7 ou aux articles 27 et 74/14, § 3, de la loi du 15 décembre 1980, se voit notifier un ordre de quitter le territoire assorti d'une décision de maintien en vue de son éloignement, conforme au modèle figurant à l'annexe 13septies. Il est ainsi requis, pour que cette disposition s'applique à la seconde hypothèse qu'elle vise, que l'étranger se trouve à la fois dans les conditions de l'article 27 et de l'article 74/14, § 3, de la loi ». (M.N.B.)

ETRANGERS [notice1]


Références :

[notice1]

Loi - 15-12-1980 - Art. 27, 740/10 et 74/14 - 30 / No pub 1980121550


Composition du Tribunal
Président : DEJEMEPPE BENOIT
Greffier : FENAUX TATIANA
Ministère public : NOLET DE BRAUWERE MICHEL
Assesseurs : ROGGEN FRANCOISE, DE FORMANOIR DE LA CAZERIE ERIC, KONSEK TAMARA, LUGENTZ FREDERIC

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2021-03-31;p.21.0355.f ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award