N° P.21.0127.N
E C.,
inculpé, détenu,
demandeur en cassation,
Me Anne Marie De Clerck, avocat au barreau de Gand.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 21 janvier 2021 par la cour d’appel de Gand, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Peter Hoet a fait rapport.
L’avocat général Dirk Schoeters a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le moyen :
1. Le moyen est pris de la violation des articles 149 de la Constitution, 195, alinéa 2, du Code d’instruction criminelle, 9, § 1er, de la loi du 5 mai 2014 sur l’internement : l’arrêt ne répond pas à la défense avancée par le demandeur dans ses conclusions d’appel, selon laquelle les experts n’ont décelé aucun problème cognitif chez lui et c’est à tort que le Dr Steemans a estimé que la manifestation de traits de personnalité antisociaux était suffisante pour conclure à l’existence d’un trouble mental.
2. L’article 9, § 1er, 2°, de la loi du 5 mai 2014 exige notamment qu’au moment de la décision, l’intéressé soit atteint d’un trouble mental qui abolit ou altère gravement sa capacité de discernement ou de contrôle de ses actes pour qu’un internement puisse être décidé.
3. La simple constatation que l’intéressé est atteint d’un trouble mental consistant en un trouble de la personnalité antisocial ne suffit pas pour conclure que la condition énoncée à l’article 9, § 1er, 2°, de la loi du 5 mai 2014 est satisfaite. S’il y est invité, le juge doit constater que le trouble mental abolit ou altère gravement la capacité de discernement de l’intéressé ou le contrôle de ses actes.
4. L’arrêt considère, entre autres, ce qui suit :
- en raison d’une tendance à la sous-déclaration dans les réponses, l’examen psychologique par test au sujet du niveau cognitif et du fonctionnement de la personnalité du demandeur n’a pu être objectivé ;
- l’examen psychologique clinique conclut que l’identité et les objectifs du demandeur sont égocentriques et axés sur son propre intérêt, avec peu de loyauté ou de sens du devoir dans la plupart des rôles sociaux ;
- les fonctions morales ne sont pas suffisamment développées pour limiter et guider le demandeur et, dès lors, celui-ci manifeste un comportement antisocial récurrent ;
- l’anamnèse fait apparaître des indications de contrôle réduit des pulsions et un faible contrôle de la frustration ;
- les traits relèvent essentiellement du cluster B (trouble de la personnalité) ;
- dans son diagnostic psychologique, le psychologue médicolégal conclut que le fonctionnement du demandeur correspond à un trouble de la personnalité relevant du cluster B, avec des caractéristiques essentiellement antisociales et narcissiques ;
- son fonctionnement est décrit comme de l’immaturité et de la dysharmonie, de sorte que la capacité intrinsèque à freiner ou à limiter les pulsions et les affects est insuffisante ;
- les fonctions liées à la conscience seraient développées de manière lacunaire et ne seraient que peu en mesure de limiter et guider le demandeur ;
- sa tolérance à la frustration et sa maîtrise de soi sont faibles ;
- le psychiatre judiciaire a examiné les conclusions du diagnostic psychologique et a constaté l’existence d’une personnalité antisociale et d’une déficience mentale ;
- le psychiatre judiciaire a conclu à l’existence d’un trouble mental qui abolit ou altère gravement la capacité de discernement du demandeur ou le contrôle de ses actes ;
- les conclusions de l’orthopédagogue clinique consulté par le demandeur concernant, notamment, l’existence d’une certaine maîtrise de soi, ne démentent pas les conclusions collégiales du psychiatre judiciaire et du psychologue médicolégal concernant l’existence d’un trouble de la personnalité relevant du cluster B ;
- il n’y a aucune raison de douter du professionnalisme et du sérieux avec lesquels le collège s’est acquitté de sa tâche.
Par ces motifs, l’arrêt répond à la contestation invoquée par le demandeur concernant la satisfaction à la condition énoncée à l’article 9, § 1er, 2°, de la loi du 5 mai 2014 et il justifie légalement la décision de dire cette condition remplie et de confirmer la décision entreprise ordonnant l’internement.
Le moyen ne peut être accueilli.
Le contrôle d’office
5. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi.
Condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président, Peter Hoet, Erwin Francis, Eric Van Dooren et Steven Van Overbeke, conseillers, et prononcé en audience publique du neuf mars deux mille vingt et un par le conseiller faisant fonction de président Filip Van Volsem, en présence de l’avocat général Dirk Schoeters, avec l’assistance du greffier Ayse Birant.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Tamara Konsek et transcrite avec l’assistance du greffier Fabienne Gobert.