N° P.20.1265.N
R. L.,
prévenu,
demandeur en cassation,
Me Bart D’Haene, avocat au barreau d’Anvers,
contre
JANSSENS-GEERINCK, société anonyme
partie civile,
défenderesse en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 19 novembre 2020 par la cour d’appel d’Anvers, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque cinq moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Erwin Francis a fait rapport.
L’avocat général Dirk Schoeters a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur la recevabilité du pourvoi :
1. Dans la mesure où il est dirigé contre la décision par laquelle l’arrêt acquitte le demandeur du chef de vol domestique concernant un certain nombre de biens mentionnés dans la citation directe, le pourvoi est irrecevable, à défaut d’intérêt.
2. L’article 429 du Code d’instruction criminelle dispose que la partie qui se pourvoit en cassation doit faire signifier son pourvoi à la partie contre laquelle il est dirigé. Toutefois, la personne poursuivie n’y est tenue qu’en tant qu’elle se pourvoit contre la décision rendue sur l’action civile exercée contre elle.
3. Un prévenu qui réclame une indemnité de procédure à une partie succombante ayant lancé la citation directe n’a pas la qualité de personne poursuivie pour ce qui concerne cette action.
4. Il ne ressort pas des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que le demandeur ait fait signifier le pourvoi à la défenderesse.
Dans la mesure où il est dirigé contre la décision qui rejette l’action du demandeur tendant à obtenir une indemnité de procédure à charge de la défenderesse, le pourvoi en cassation est également irrecevable.
Sur le premier moyen :
5. Le moyen est pris de la violation de l’article 47 du Code d’instruction criminelle ainsi que de la méconnaissance des droits de la défense : l’arrêt n’examine pas si l’article 47 précité a été violé ; le mandat de perquisition délivré par le juge d’instruction dans le cadre d’une instruction judiciaire pour infractions en matière de stupéfiants a permis de révéler des faits qui, à la suite d’une information distincte, ont débouché sur la condamnation du demandeur du chef de vol domestique ; le dossier répressif ne comporte aucun réquisitoire du procureur du Roi visant l’ouverture d’une instruction judiciaire ; il omet de déterminer si le juge d’instruction avait effectivement été chargé d’une instruction, quelle était sa saisine et sur la base de quelles informations ou à charge de qui l’instruction judiciaire a été ouverte.
6. Par des motifs propres et par adoption de motifs du jugement entrepris, l’arrêt (…) mentionne les éléments du dossier répressif qui ont fourni les indices de la commission d’infractions en matière de stupéfiants dans l’immeuble perquisitionné et qui ont constitué le fondement de l’instruction.
Dans la mesure où il ne critique pas ces motifs, le moyen repose sur une lecture incomplète de l’arrêt et manque en fait.
7. Pour le surplus, le moyen requiert un examen des faits pour lequel la Cour est sans pouvoir et est irrecevable.
Sur le deuxième moyen :
8. Le moyen, en sa première branche, est pris de la violation de l’article 47sexies, § 1er, du Code d’instruction criminelle : l’arrêt ignore les éléments du dossier répressif qui font apparaître de manière manifeste le caractère systématique de l’observation et admet à tort, en dépit de ces données, qu’il ne s’agissait pas d’une observation systématique.
Le moyen, en sa seconde branche, invoque la violation des droits de la défense : en n’admettant pas la nullité des procès-verbaux qui, entre autres, ne mentionnent pas la manière dont les observations ont été effectuées, leur fréquence et les moments auxquels elles ont été réalisées, l’arrêt méconnaît le droit du demandeur à pouvoir apprécier objectivement si l’observation revêtait ou non un caractère systématique.
9. Le moyen qui, dans son ensemble, critique l’appréciation souveraine des faits par l’arrêt ou requiert un examen des faits pour lequel la Cour est sans pouvoir, est irrecevable.
Sur le troisième moyen :
Quant à la première branche :
10. Le moyen, en cette branche, est pris de la violation de l’article 15 de la Constitution : l’arrêt déclare, à tort, que la perquisition ordonnée par le juge d’instruction, à savoir la première perquisition, n’est pas frappée de nullité alors qu’elle était fondée sur des informations erronées de la police et ne reposait pas sur des indices laissant présumer l’existence d’infractions en matière de stupéfiants ; il n’y avait, dès lors, aucune raison de procéder à une perquisition, de sorte que les éléments de preuve recueillis dans ce cadre sont nuls et ne peuvent être utilisés dans le cadre d’une procédure pénale.
11. L’arrêt (…) ne considère pas que le mandat de perquisition délivré par le juge d’instruction reposait sur des informations erronées de la police ou ne reposait pas sur des indices suffisamment sérieux de la commission d’infractions en matière de stupéfiants dans l’immeuble perquisitionné. Il considère au contraire que de tels indices existaient bel et bien. De plus, il considère également que :
- la constatation que la perquisition ultérieure n’a finalement apporté aucun élément de preuve concernant l’infraction faisant l’objet de l’instruction n’affecte en rien la valeur ou le sérieux de ces indices, ni la légalité du mandat de perquisition ou de la perquisition elle-même ;
- le demandeur ne rend pas plausible, au-delà d’une simple allégation, que le juge d’instruction aurait accordé le mandat de perquisition sur la base d’informations erronées, mais c’est le contraire qui ressort des éléments qu’il énumère par la suite.
Le moyen qui, en cette branche, ne critique pas ces moyens, repose sur une lecture incomplète de l’arrêt et, dès lors, manque en fait.
Quant à la seconde branche :
12. Le moyen, en cette branche, est pris de la violation de l’article 1er, alinéa 2, 3°, et de l’article 3 de la loi du 7 juin 1969 fixant le temps pendant lequel il ne peut être procédé à des perquisitions ou visites domiciliaires, dans sa version applicable actuellement : à tort, l’arrêt ne prononce pas la nullité de la deuxième perquisition, bien qu’elle ait été effectuée à défaut de mandat de perquisition et sans autorisation du juge d’instruction, du procureur du Roi ou du demandeur ; les agents verbalisateurs ont découvert des « faits nouveaux » à charge du demandeur durant une perquisition décidée de leur propre initiative et ils n’ont demandé le consentement du demandeur qu’après la perquisition.
13. Dans la mesure où il critique l’appréciation souveraine des faits par l’arrêt ou impose un examen des faits pour lequel la Cour est sans pouvoir, le moyen, en cette branche, est irrecevable.
14. La perquisition visée à l’article 1er, alinéa 3, 3°, de la loi du 7 juin 1969 ne requiert ni autorisation du juge d’instruction ni mandat de perquisition délivré par lui.
Déduit d’une autre prémisse juridique, le moyen, en cette branche, manque en droit.
15. L’arrêt (…) constate que pendant la perquisition, la police a immédiatement informé le procureur du Roi de la découverte d’une grande quantité de biens suspects et a rédigé un procès-verbal initial.
Dans la mesure où il n’a pas égard à ce motif, le moyen, en cette branche, repose sur une lecture incomplète de l’arrêt et manque en fait.
16. L’arrêt (…) considère également ce qui suit :
« Il ressort des pièces du dossier que [le demandeur] a donné le 29 avril 2015 à 14h00 son consentement écrit à la réalisation d’une perquisition, qui a débuté immédiatement après et a pris fin à 15h00. Le formulaire de consentement mentionne la suspicion de “vol salarial concernant des outils”.
(…)
Par ailleurs, la première perquisition ayant eu lieu le même jour dans la matinée, couverte par un mandat du juge d’instruction, doit être clairement distinguée de la deuxième perquisition, effectuée, cette fois-ci, avec le consentement [du demandeur], qui a eu lieu l’après-midi. Le consentement écrit a été fourni préalablement à cette dernière perquisition ».
Ainsi, la décision est légalement justifiée.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
Sur le quatrième moyen :
17. Le moyen est pris de la violation des articles 461, 463 et 464 du Code pénal : l’arrêt déclare le demandeur coupable de vol domestique alors que les biens ont déjà été restitués d’autorité par la police au demandeur et à la défenderesse avant que la culpabilité du demandeur ait été prononcée ; ainsi, la liste des biens volés n’a pu être reconstituée et l’enquête relative au titre de propriété a été contaminée ; il ne saurait être établi si les biens ont été volés.
18. Dans la mesure où il requiert un examen de fait pour lequel la Cour est sans pouvoir, le moyen est irrecevable.
19. L’arrêt (…) considère entre autres que l’affirmation du demandeur selon laquelle les biens saisis étaient stockés dans un entrepôt accessible à d’autres personnes, de sorte qu’il ne peut être exclu que des erreurs et des fautes aient été commises, relève de la simple allégation et n’est pas rendue admissible par le demandeur.
Pour le surplus (…), l’arrêt précise, par des motifs propres et par adoption de motifs du jugement entrepris, les éléments factuels sur la base desquelles il déclare le demandeur coupable de vol domestique concernant dix biens énumérés dans la citation directe et il justifie légalement la décision.
Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.
Sur le cinquième moyen :
20. Le moyen critique la décision rejetant l’action civile du demandeur tendant à obtenir la condamnation de la défenderesse au paiement d’une indemnité de procédure. Le pourvoi est irrecevable concernant cette décision.
Il n’y a pas lieu de répondre au moyen.
Le contrôle d’office
21. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président, Peter Hoet, Erwin Francis, Eric Van Dooren et Steven Van Overbeke, conseillers, et prononcé en audience publique du neuf mars deux mille vingt et un par le conseiller faisant fonction de président Filip Van Volsem, en présence de l’avocat général Dirk Schoeters, avec l’assistance du greffier Ayse Birant.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Eric de Formanoir et transcrite avec l’assistance du greffier Tatiana Fenaux.