La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/03/2021 | BELGIQUE | N°P.20.1104.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 09 mars 2021, P.20.1104.N


N° P.20.1104.N
I. R. D. L.,
prévenu, détenu,
demandeur en cassation,
Me Pieterjan Van Muysen, avocat au barreau de Gand,
II. P. T. S.,
prévenu, détenu,
demandeur en cassation,
Me Raan Colman, avocat au barreau de Gand,
III. S. S.,
prévenu, détenu,
demandeur en cassation,
Me Louis De Groote, avocat au barreau de Gand.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 6 octobre 2020 par la cour d’appel de Gand, chambre correctionnelle.
Le demandeur I invoque quatre moyens dans un mém

oire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le demandeur II invoque un moyen dans un mémo...

N° P.20.1104.N
I. R. D. L.,
prévenu, détenu,
demandeur en cassation,
Me Pieterjan Van Muysen, avocat au barreau de Gand,
II. P. T. S.,
prévenu, détenu,
demandeur en cassation,
Me Raan Colman, avocat au barreau de Gand,
III. S. S.,
prévenu, détenu,
demandeur en cassation,
Me Louis De Groote, avocat au barreau de Gand.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 6 octobre 2020 par la cour d’appel de Gand, chambre correctionnelle.
Le demandeur I invoque quatre moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le demandeur II invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le demandeur III invoque trois moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Erwin Francis a fait rapport.
L’avocat général Dirk Schoeters a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur les moyens :
Sur le troisième moyen du demandeur I :
Quant à la première branche :
9. Le moyen, en cette branche, est pris de la violation des articles 6, § 1er, et 6, § 3, d, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : l’arrêt rejette la demande formulée par les demandeurs tendant à entendre G.W. et S.R. en qualité de témoins à l’audience ; il fonde ce rejet sur des critères relatifs à l’audition ou non de témoins à décharge ; contrairement à ce que l’arrêt soutient, le demandeur I n’a cependant pas invoqué qu’il s’agit nécessairement de témoins à décharge ; en outre, les juges d’appel ne disposaient pas des déclarations des intéressés ; dès lors, ils devaient appliquer les critères relatifs à l’audition ou non de témoins à charge ; même s’il s’agissait de témoins à décharge, l’arrêt n’applique pas correctement les critères applicables en la matière puisqu’il décide uniquement que ces témoins doivent être considérés comme des témoins non fiables parce que le demandeur I n’a jamais fait mention de ceux-ci pendant la procédure et que les deux personnes sont des détenus ; l’arrêt n’examine pas si l’audition de ces témoins est nécessaire en vue de la manifestation de la vérité, alors que tel est pourtant l’un des critères ; l’arrêt ne peut apprécier la fiabilité des témoins sans d’abord entendre leurs déclarations et apprécier l’utilité de celles-ci pour la manifestation de la vérité.
10. Selon l’article 6, § 3, d, de la Convention, qui contient des modalités d’application particulières du droit à un procès équitable consacré par l’article 6, § 1er, tout accusé a aussi le droit d’interroger ou de faire interroger des témoins à décharge.
11. Ces dispositions n’accordent cependant pas à un prévenu un droit absolu ou illimité d’entendre des témoins à décharge en tant que témoins à l’audience. Il appartient au prévenu de démontrer et de motiver que l’audition d’un témoin à décharge est nécessaire à la manifestation de la vérité.
Il incombe alors au juge de statuer à cet égard, en veillant à ce que le droit du prévenu à un procès équitable considéré dans son ensemble ne soit pas compromis.
12. Le juge doit fonder sa décision d’entendre ou non des témoins à décharge sur des circonstances concrètes qu’il indique. Ces circonstances concrètes peuvent concerner la fiabilité de la déclaration que le témoin doit faire.
13. Le juge est autorisé à partir du principe que le témoin qu’un prévenu propose d’entendre à l’audience est un témoin à décharge, sauf indication contraire. Pour ce faire, le prévenu ne doit pas prendre formellement position quant à la qualité du témoin et le juge ne doit pas disposer d’abord de sa déclaration.
14. Rien n’empêche que le juge fonde uniquement sa décision de ne pas entendre un témoin à décharge à l’audience sur l’absence de fiabilité de la déclaration que l’intéressé doit faire. Cela implique en effet que cette déclaration ne contribuera pas à la manifestation de la vérité.
15. Il est certes requis que le juge ait une certitude raisonnable à ce sujet. Pour ce faire, il ne doit toutefois pas entendre d’abord la déclaration de l’intéressé. Le juge peut en effet en arriver à cette conclusion sur la base de l’ensemble des éléments qui lui ont été régulièrement soumis.
16. Dans la mesure où il procède d’autres prémisses juridiques, le moyen, en cette branche, manque en droit.
17. Les juges d’appel ont entendu V.D. et F.M. en tant que témoins à l’audience du 7 septembre 2020 et ont ainsi accédé à la demande formulée par le demandeur I et certains des coprévenus. Par contre, ils rejettent, en indiquant les critères qu’ils ont appliqués à cet égard, la demande par laquelle le demandeur I sollicite que G.W. et S.R. soient également entendus à l’audience et ce, sur la base des motifs suivants :
- « Le [demandeur I] sollicite en outre d’entendre deux (anciens) codétenus, à savoir (« phonétiquement ») [G.W.] et [S.R.], avec lesquels il aurait eu des discussions et qui peuvent être considérés comme témoins à décharge » ;
- « Le constat que l’identité des dénommés [G.W.] et [S.R.] n’a jamais été dévoilée par [le demandeur I] au cours de l’instruction judiciaire, que ces personnes n’ont pas davantage été évoquées au cours de l’examen par le premier juge et que ces personnes sont en outre des codétenus (ce qui ne plaide pas vraiment en faveur de leur crédibilité) fait que ces personnes doivent être considérées comme des personnes non fiables, si bien que la cour (d’appel) ne fait pas droit à la demande tendant à les entendre comme témoins sous serment ».
Ces motifs constituent des circonstances concrètes sur la base desquelles l’arrêt, conformément aux critères qu’il mentionne, peut légalement considérer que G.W. et S.R. ne doivent pas être entendus en tant que témoins à décharge à l’audience.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
Quant à la seconde branche :
18. Le moyen, en cette branche, est pris de la violation des articles 6, § 1er et 6, § 3, d, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et 149 de la Constitution : par les motifs énoncés dans la réponse apportée à la première branche du moyen, l’arrêt ne répond pas à la défense par laquelle le demandeur invoque que ses droits de la défense seraient méconnus si G.W. et S.R. n’étaient pas entendus comme témoins à l’audience et n’apprécie pas le droit du demandeur à un procès équitable pris dans son ensemble.
19. Par les motifs qu’il énonce, l’arrêt répond bel et bien à la défense du demandeur, vérifie si la décision est compatible avec son droit à un procès équitable pris dans son ensemble et justifie légalement la décision de considérer que tel est le cas.
Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
(…)
Le contrôle d’office
36. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et les décisions sont conformes à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette les pourvois ;
Condamne les demandeurs aux frais de leur pourvoi.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président, Peter Hoet, Erwin Francis, Eric Van Dooren et Steven Van Overbeke, conseillers, et prononcé en audience publique du neuf mars deux mille vingt et un par le conseiller faisant fonction de président Filip Van Volsem, en présence de l’avocat général Dirk Schoeters, avec l’assistance du greffier Ayse Birant.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Eric de Formanoir et transcrite avec l’assistance du greffier Fabienne Gobert.


Synthèse
Formation : Chambre 2n - tweede kamer
Numéro d'arrêt : P.20.1104.N
Date de la décision : 09/03/2021
Type d'affaire : Droit international public - Droit pénal

Composition du Tribunal
Président : JOCQUE GEERT
Greffier : BIRANT AYSE, VANDEN BOSSCHE KRISTEL
Ministère public : SCHOETERS DIRK
Assesseurs : VAN VOLSEM FILIP, HOET PETER, LIEVENS ANTOINE, FRANCIS ERWIN, BERNEMAN SIDNEY, COUWENBERG ILSE, VAN DOOREN ERIC, VAN OVERBEKE STEVEN

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2021-03-09;p.20.1104.n ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award