N° P.21.0163.F
N.T.,
inculpé, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Alice Gruwez, avocat au barreau de Bruxelles.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 29 janvier 2021 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
L'avocat général Michel Nolet de Brauwere a déposé des conclusions au greffe le 9 février 2021.
A l'audience du 10 février 2021, le conseiller Frédéric Lugentz a fait rapport et l'avocat général précité a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
En tant qu'il est dirigé contre la décision d'annulation de l'ordonnance de la chambre du conseil, le pourvoi, dépourvu d'intérêt, est irrecevable.
Sur le premier moyen :
Le demandeur reproche aux juges d'appel d'avoir décidé le maintien de sa détention préventive alors que c'est illégalement que le mandat d'arrêt, dont le contrôle était déféré à la cour d'appel, a ordonné son placement en détention en constatant que la sécurité publique s'opposait à sa mise en liberté moyennant le respect de conditions et à son placement en détention sous la modalité de la surveillance électronique. Selon le moyen, d'une part, le juge d'instruction n'a pu, sans violer la présomption d'innocence, décider que cette condition, visée à l'article 16, § 1er, alinéa 1er, de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive, était remplie en raison du « manque apparent de collaboration [du demandeur] », et, d'autre part, après avoir constaté que pareille motivation s'apparentait à l'exercice d'une forme de contrainte, les juges d'appel n'ont pu légalement décider qu'il leur était possible d'y remédier.
L'article 6.2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dispose que toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie.
L'article 16, § 1er, alinéa 1er, de la loi relative à la détention préventive prévoit qu'en cas d'absolue nécessité pour la sécurité publique seulement, et si le fait est de nature à entraîner pour l'inculpé un emprisonnement correctionnel principal d'un an ou une peine plus grave, le juge d'instruction peut décerner un mandat d'arrêt. Conformément à l'alinéa 3, cette mesure ne peut être prise dans le but d'exercer une répression immédiate ou toute autre forme de contrainte.
L'interdiction du recours à la détention préventive comme moyen de contrainte est la conséquence du droit au silence reconnu à tout inculpé, lequel découle lui-même de l'obligation, à laquelle sont tenues les autorités judiciaires, de respecter la présomption d'innocence de ce dernier.
La méconnaissance de cette interdiction affecte une condition de fond du titre de détention et non seulement sa formulation, de sorte que les juridictions d'instruction ne sont pas habilitées à y apporter remède.
Après avoir rappelé les termes précités du mandat d'arrêt, l'arrêt attaqué énonce qu'il n'est pas contestable que ceux-ci constituent l'exercice d'une forme de contrainte, qui est de nature à entraîner une violation de la présomption d'innocence. Il décide ensuite que cette méconnaissance de l'article 16, § 1er, alinéa 3, de la loi relative à la détention préventive et du droit au silence du demandeur peut cependant être corrigée, dès lors que d'autres conditions de la détention préventive sont réunies.
Partant, les juges d'appel n'ont pas légalement justifié leur décision d'ordonner le maintien de la détention préventive du demandeur.
Le moyen est fondé.
Il n'y a pas lieu d'avoir égard au second moyen, qui ne saurait entraîner une cassation plus étendue.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse l'arrêt attaqué en tant qu'il ordonne le maintien du demandeur en détention préventive ;
Rejette le pourvoi pour le surplus ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt partiellement cassé ;
Laisse les frais à charge de l'Etat ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi.
Lesdits frais taxés à la somme de cinquante-cinq euros dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Benoît Dejemeppe, président de section, Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Tamara Konsek et Frédéric Lugentz, conseillers, et prononcé en audience publique du dix février deux mille vingt et un par Benoît Dejemeppe, président de section, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l'assistance de Tatiana Fenaux, greffier.