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26/01/2021 | BELGIQUE | N°P.20.1283.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 26 janvier 2021, P.20.1283.N


N° P.20.1283.N
P. A.,
inculpé,
demandeur en cassation, détenu,
Me Nelson Vanlocke, avocat au barreau de Gand.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 26 novembre 2020 par la cour d’appel de Gand, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le 11 janvier 2021, l’avocat général Dirk Schoeters a déposé des conclusions au greffe.
À l’audience du 26 janvier 2021, le conseiller Filip Van Volsem a fait rapport et l’a

vocat général précité a conclu.
Le conseiller Filip Van Volsem a fait rapport.
L’avocat général ...

N° P.20.1283.N
P. A.,
inculpé,
demandeur en cassation, détenu,
Me Nelson Vanlocke, avocat au barreau de Gand.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 26 novembre 2020 par la cour d’appel de Gand, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le 11 janvier 2021, l’avocat général Dirk Schoeters a déposé des conclusions au greffe.
À l’audience du 26 janvier 2021, le conseiller Filip Van Volsem a fait rapport et l’avocat général précité a conclu.
Le conseiller Filip Van Volsem a fait rapport.
L’avocat général Dirk Schoeters conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le moyen :
1. Le moyen, en sa première branche, est pris de la violation des articles 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 10, 11 et 149 de la Constitution : en considérant que la confiscation doit être prononcée, l’arrêt part du principe que les juges d’appel ne disposent d’aucune marge d’appréciation et que le législateur a mis en place une automaticité ; cette motivation contra legem équivaut à une absence de motivation ; le juge pénal peut pourtant modérer les peines sur la base de l’article 85 du Code pénal et, par conséquent, modérer également la confiscation spéciale ; la confiscation peut affecter la situation financière de la personne concernée à un point tel qu’elle constitue une mesure disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi et méconnaît ainsi le droit de propriété consacré par l’article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention ; dans ces circonstances, la confiscation obligatoire est contraire à cette disposition conventionnelle ; la situation de séjour du demandeur est précaire de sorte qu’il ne peut accéder au marché du travail régulier ; il n’a pas de revenus légaux ; il est sans domicile fixe et n’est donc pas fortuné ; la mesure envisagée affectera donc fondamentalement le patrimoine très restreint du demandeur.
Le moyen, en sa seconde branche, est pris de la violation des articles 6, § 1er, de la Convention et 149 de la Constitution : en prononçant la confiscation du téléphone portable du demandeur, l’arrêt viole ses droits fondamentaux à la propriété ; la mesure n’est pas proportionnée à l’objectif poursuivi ; le téléphone portable est un moyen pour le demandeur de rester en contact avec sa sœur et son conseil pendant l’internement ; le contenu du téléphone portable peut être effacé par les services de police de manière à en faire disparaître les images ; le demandeur étant interné, l’objectif poursuivi ne peut être la sanction.
2. L’article 16 de la loi du 5 mai 2014 relative à l’internement prévoit que dans le cas où l’internement est prononcé, la confiscation spéciale est ordonnée. Il résulte de cette disposition que le juge qui prononce la mesure d’internement peut ou doit également ordonner la confiscation spéciale des objets pour lesquels la loi prévoit une confiscation, pour autant que les conditions légales en la matière soient réunies. Le fait que cette confiscation ait le caractère d’une peine accessoire est sans incidence à cet égard.
3. Selon l’article 42, 1°, du Code pénal, la confiscation spéciale s’applique aux choses qui ont servi ou qui ont été destinées à commettre l’infraction, quand la propriété en appartient au condamné.
4. L’article 43, alinéa 1er, première phrase, du Code pénal prévoit que, en cas de crime ou de délit, la confiscation spéciale s’appliquant notamment aux choses visées à l’article 42, 1°, du Code pénal sera toujours prononcée.
5. Aux termes de l’article 43, alinéa 1er, seconde phrase, du Code pénal, modifiée par l’article 19 de la loi du 18 mars 2018 modifiant diverses dispositions du droit pénal, de la procédure pénale et du droit judiciaire, la confiscation des choses qui ont servi ou qui ont été destinées à commettre le crime ou le délit sera ordonnée, sauf lorsqu’elle aurait pour effet de soumettre le condamné à une peine déraisonnablement lourde.
6. Il ressort des travaux parlementaires que, par cette modification, le législateur entendait pallier la violation, établie par la Cour constitutionnelle dans son arrêt n° 12/2017 du 9 février 2017, des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l’article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention, par l’article 43, alinéa 1er, du Code pénal en ce qu’il oblige le juge à prononcer la confiscation de la chose qui a servi à commettre un crime ou un délit lorsque cette peine porte une atteinte telle à la situation financière de la personne à laquelle elle est infligée qu’elle implique une violation du droit de propriété.
7. Il résulte de ce qui précède que, même lorsqu’il ordonne un internement, le juge est en principe tenu de prononcer la confiscation spéciale de la chose qui a servi ou qui a été destinée à commettre un crime ou un délit. Il ne peut toutefois ordonner cette confiscation spéciale lorsque la confiscation aurait pour effet de soumettre le condamné à une peine déraisonnablement lourde.
8. Le juge apprécie souverainement si, en ordonnant la confiscation spéciale d’une chose qui a servi ou qui a été destinée à commettre un crime ou un délit, il infligerait au condamné une peine déraisonnablement lourde. Pour procéder à cette appréciation, le juge peut tenir compte, entre autres, de la nature et de la gravité de l’infraction déclarée établie, de l’enrichissement recherché, du rôle du condamné dans la commission des faits, de sa personnalité et de sa situation patrimoniale, sans qu’il soit nécessaire d’inclure tous ces critères dans son appréciation.
9. Ce n’est que s’il y est invité par le condamné, que le juge est tenu de constater expressément que, en prononçant la confiscation spéciale d’une chose qui a servi ou qui a été destinée à commettre un crime ou un délit, il ne lui inflige pas une peine déraisonnablement lourde. Il appartient également à la personne condamnée de produire les éléments qui permettront au juge de procéder à cette évaluation.
10. Dans la mesure où elles sont déduites d’autres prémisses juridiques, les branches du moyen manquent en droit.
11. L’arrêt constate certes le caractère obligatoire de la confiscation spéciale du téléphone portable, propriété du demandeur et utilisé pour la commission de l’infraction qualifiée sous la prévention B, ladite confiscation devant être ordonnée sur la base de l’article 16 de la loi du 5 mai 2014 et des articles 42, 1°, et 43 du Code pénal ; mais il examine également cette confiscation à la lumière des éléments disponibles concernant la situation financière du demandeur et au regard de sa proportionnalité à l’objectif poursuivi. Ces motifs ne sont pas contradictoires.
Dans cette mesure, les branches du moyen s’appuient sur une lecture erronée de l’arrêt et manquent en fait.
12. Dans la mesure où elles requièrent un examen des faits, pour lequel la Cour est sans pouvoir, les branches du moyen sont irrecevables.
13. L’arrêt considère que la confiscation spéciale du téléphone portable est obligatoire sur la base de l’article 16 de la loi du 5 mai 2014 et des articles 42, 1°, et 43 du Code pénal, que la confiscation empêche le demandeur de continuer à utiliser le téléphone pour commettre des faits similaires et que, par ailleurs, aucun élément ne démontre que la situation financière du demandeur serait à ce point affectée par la confiscation que cette mesure serait disproportionnée par rapport à l’objectif poursuivi. Par ces motifs, l’arrêt peut légalement décider d’ordonner la confiscation spéciale du téléphone portable et cette décision est régulièrement motivée.
Dans cette mesure, les branches du moyen ne peuvent être accueillies.
Le contrôle d’office
14. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président, Antoine Lievens, Erwin Francis, Eric Van Dooren et Steven Van Overbeke, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-six janvier deux mille vingt et un par le conseiller faisant fonction de président Filip Van Volsem, en présence de l’avocat général Dirk Schoeters, avec l’assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Frédéric Lugentz et transcrite avec l’assistance du greffier Fabienne Gobert.


Synthèse
Formation : Chambre 2n - tweede kamer
Numéro d'arrêt : P.20.1283.N
Date de la décision : 26/01/2021
Type d'affaire : Droit pénal - Autres

Composition du Tribunal
Président : JOCQUE GEERT
Greffier : VANDEN BOSSCHE KRISTEL, BIRANT AYSE
Ministère public : SCHOETERS DIRK
Assesseurs : VAN VOLSEM FILIP, HOET PETER, LIEVENS ANTOINE, FRANCIS ERWIN, BERNEMAN SIDNEY, COUWENBERG ILSE, VAN DOOREN ERIC, VAN OVERBEKE STEVEN

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2021-01-26;p.20.1283.n ?

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