N°. P.20.0417.N
B. D.,
prévenu,
demandeur en cassation,
Me Raan Colman, avocat au barreau de Gand.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre le jugement rendu le 10 mars 2020 par le tribunal correctionnel de Flandre orientale, division Gand, statuant en degré d'appel.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Peter Hoet a fait rapport.
L’avocat général Dirk Schoeters a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le moyen :
Quant à la première branche :
1. Le moyen, en cette branche, est pris de la violation de l’article 42 de la loi relative à la police de la circulation routière : le jugement attaqué base la déclaration d’incapacité du demandeur de conduire un véhicule à moteur sur le rapport d’expertise du Dr De Varé, qui ne se prononce toutefois pas sur l’aptitude du demandeur à la conduite ; ainsi, les juges d’appel ont outrepassé, dans leur appréciation de l’aptitude du demandeur à la conduite, la norme minimale et les attestations concernant l’aptitude physique et psychique à la conduite d’un véhicule à moteur, prévues à l’annexe 6 à l’arrêté royal du 23 mars 1998 relatif au permis de conduire.
2. L’article 42, alinéa 1er, de la loi relative à la police de la circulation routière dispose : « La déchéance du droit de conduire doit être prononcée si, à l’occasion d’une condamnation pour infraction à la police de la circulation routière ou pour accident de roulage imputable au fait personnel de son auteur, le coupable est reconnu physiquement ou psychiquement incapable de conduire un véhicule à moteur. »
Cette déchéance est une mesure de sûreté qui doit être prononcée en complément de la peine infligée.
3. Annexe 6 à l’arrêté royal du 23 mars 1998 relatif au permis de conduire définit les normes minimales et les attestations concernant l’aptitude physique et psychique à la conduite d’un véhicule à moteur.
Cette annexe décrit les troubles fonctionnels et affections éliminatoires ainsi que les normes médicales auxquelles le candidat au permis de conduire ou au permis de conduire provisoire et le titulaire d’un permis de conduire doivent satisfaire.
4. Il ne résulte pas de ces dispositions légales que le juge puisse uniquement conclure à l’incapacité physique d’une personne de conduire un véhicule à moteur lorsqu’elle ne satisfait pas aux normes minimales visées à ladite annexe 6.
Dans la mesure où il est déduit d’une autre prémisse juridique, le moyen, en cette branche, manque en droit.
5. Le jugement attaqué décide que :
- le rapport du Dr Steemans est un avis, mais que le tribunal peut ne pas suivre cet avis ;
- en effet, le rapport, plus circonstancié, du Dr De Varé révèle l’existence d’un risque très sérieux de récidive et d’agression future ;
- le demandeur peut certes satisfaire à l’annexe 6 à l’arrêté royal du 23 mars 1998 selon les termes du rapport du Dr Steemans, mais l’appréciation de l’aptitude à la conduite va au-delà de l’annexe ;
- le rapport du Dr De Varé, qui n’est pas contredit par le rapport du Dr Steemans, révèle l’existence d’un risque sérieux de récidive et d’agression ; il n’existe pas à ce jour de plan de traitement dont il s’avère que le demandeur ait suivi une quelconque thérapie afin de faire face à son problème ;
- en outre, il est établi que le grave abus d’alcool du demandeur (voir le rapport DE VARÉ : 1 à 2 casiers par jour pendant deux ans) a causé des lésions résiduelles ;
- le tribunal ne peut prendre le risque qu’une personne, compte tenu de la description des risques établie par le Dr De Varé, et dont il n’est pas établi à ce jour que les problèmes sont sous contrôle, soit admise dans la circulation motorisée ;
- il est établi que le demandeur ne dispose pas des capacités psychiques nécessaires afin de pouvoir participer à la circulation motorisée ;
- il résulte de la lecture conjointe de ces éléments que le tribunal ne peut faire abstraction de l’attitude du demandeur dans le passé, qui témoigne d’une incapacité psychique et physique persistante de conduire un véhicule à moteur ; il s’est déjà vu offrir, de façon répétée, l’opportunité d’adapter son comportement, mais ne manifeste aucune volonté en ce sens.
Par ces motifs, le jugement attaqué justifie légalement la décision selon laquelle le demandeur ne satisfait pas aux normes physiques et psychiques d’aptitude à la conduite d’un véhicule à moteur.
Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
Quant à la seconde branche :
6. Le moyen, en cette branche, est pris de la violation des articles 154 du Code d’instruction criminelle, 1319 et 1320 du Code Civil : le rapport du Dr De Varé révèle uniquement l’existence d’un risque sérieux de récidive et d’agression future ; il ne fait aucunement mention d’une inaptitude psychique ou physique du demandeur à la conduite.
7. Par les motifs énoncés dans la réponse à la première branche du moyen, le jugement attaqué ne donne pas du rapport du Dr De Varé une interprétation incompatible avec les termes de celui-ci.
Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
Le contrôle d’office
8. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et les décisions ont été rendues conformément à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Geert Jocqué, président de section, Peter Hoet, Sidney Berneman, Eric Van Dooren et Steven Van Overbeke, conseillers, et prononcé en audience publique du six octobre deux mille vingt par le président de section Geert Jocqué, en présence de l’avocat général Dirk Schoeters, avec l’assistance du greffier délégué Ayse Birant.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Tamara Konsek et transcrite avec l’assistance du greffier Fabienne Gobert.