La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/09/2020 | BELGIQUE | N°P.20.0273.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 08 septembre 2020, P.20.0273.N


N° P.20.0273.N
M. S. A.,
prévenu,
demandeur en cassation,
Me Kris Beirnaert, avocat au barreau d’Anvers,
contre
1. C. D. W.,
partie civile,
(...)
5. L. V. W.,
partie civile,
défendeurs en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 13 février 2020 par la cour d’appel d’Anvers, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Erwin Francis a fait rapport.
L’avocat général Alain

Winants a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur la recevabilité du pourvoi :
1. Il ne ressort pas des pièces aux...

N° P.20.0273.N
M. S. A.,
prévenu,
demandeur en cassation,
Me Kris Beirnaert, avocat au barreau d’Anvers,
contre
1. C. D. W.,
partie civile,
(...)
5. L. V. W.,
partie civile,
défendeurs en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 13 février 2020 par la cour d’appel d’Anvers, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Erwin Francis a fait rapport.
L’avocat général Alain Winants a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur la recevabilité du pourvoi :
1. Il ne ressort pas des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que le pourvoi ait été signifié aux défendeurs, comme le requiert pourtant l’article 427 du Code d’instruction criminelle.
En tant qu’il est dirigé contre la décision rendue sur les actions civiles des défendeurs, le pourvoi est irrecevable.
Sur le moyen :
2. Le moyen est pris de la violation des articles 149 de la Constitution et 470 du Code pénal : l’arrêt déclare, à tort, le demandeur coupable du chef de la prévention A (tentative d’extorsion) ; l’incrimination de l’infraction d’extorsion vise à protéger la propriété ; dès lors, cette infraction ne peut exister lorsqu’elle a pour objet des biens revenant à l’auteur de celle-ci ; l’arrêt fait sienne l’allégation du demandeur selon laquelle l’objet de l’infraction poursuivie sous la prévention A consiste en des biens qui lui reviennent, parce qu’il n’a fait que réclamer une indemnité pour les effets personnels qu’il a laissés sur place et pour les investissements qu’il a consentis dans l’appartement de la défenderesse 1 ; si l’arrêt était lu en ce sens qu’il rejette cette allégation, il ne permettrait pas de vérifier si les juges d’appel ont légalement constaté l'existence de l’élément matériel de l’infraction et une violation de l’article 149 de la Constitution en découlerait ; si la Cour admettait que l’objet de l’infraction d'extorsion peut également consister en des biens revenant à l’auteur de l’infraction, il en résulterait une différence injustifiable par rapport à des infractions similaires contre les biens, telles le vol et l’escroquerie, dont l’objet peut uniquement consister en des biens n’appartenant pas à l’auteur de celles-ci ; dans cette hypothèse, le principe constitutionnel d’égalité serait méconnu.
À titre subsidiaire, la Cour est invitée à poser à la Cour constitutionnelle la question préjudicielle suivante : « L'article 470 du Code pénal viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution, dans l'interprétation selon laquelle l'objet de l’infraction de (tentative d’) extorsion peut consister en des biens appartenant à l'auteur de celle-ci alors que cette possibilité est exclue s’agissant d’infractions similaires contre les biens, telles le vol et l'escroquerie dont l'objet, selon les articles 461 et 496 du Code pénal, peut uniquement consister en des biens n'appartenant pas à l'auteur de ces infractions ? ».
3. L’article 470 du Code pénal sanctionne celui qui aura extorqué, à l’aide de violences ou de menaces, soit des fonds, valeurs, objets mobiliers, obligations, billets, promesses, quittances, soit la signature ou la remise d’un document quelconque contenant ou opérant obligation, disposition ou décharge.
4. Les éléments constitutifs de l’infraction d’extorsion sont, outre le recours à la violence ou à des menaces, l’appropriation du bien d’autrui ou d’un avantage illégitime au préjudice d'autrui.
5. La somme d’argent due par un débiteur à son créancier n’est pas un bien appartenant au créancier. En effet, ladite somme peut seulement faire l’objet d’un droit d’action exercé par le créancier sur le patrimoine du débiteur. Dès lors, le fait que l’auteur s’approprie une somme d’argent de la victime pour la raison que cette somme lui est due et, par conséquent, qu’elle « lui revient », n’exclut pas l’existence de l’élément matériel constitutif de l’infraction d’extorsion, ni d’une autre infraction contre les biens comme le vol ou l'escroquerie.
Dans la mesure où il procède d’une autre prémisse juridique, le moyen manque en droit.
6. Dans ses conclusions d’appel de synthèse, le demandeur a contesté sa culpabilité du chef de la prévention A en invoquant à l’appui de sa défense que :
- l’élément constitutif qu’est l’intention frauduleuse n’existe pas dans son chef parce qu’il était convaincu que, suite à la rupture de sa relation avec la défenderesse 1, il pouvait prétendre à une indemnisation pour ses effets personnels laissés sur place et pour les investissements qu’il a consentis dans l’appartement de celle-ci, de sorte qu’il n’a pas cherché à obtenir un avantage illégitime ;
- il n’a pas proféré de menaces dans les messages qu’il a envoyés à la défenderesse 1 à ce sujet, si ce n’est la menace d’entamer une procédure judiciaire.
7. L’arrêt condamne le demandeur du chef de la prévention de tentative d’extorsion, telle que celle-ci est qualifiée dans les termes de la loi. Par adoption des motifs du jugement entrepris et par motifs propres, l’arrêt contient, en outre, les considérations suivantes :
- le demandeur a exigé que son ex-partenaire lui verse 30.000,00 euros pour les effets personnels qu’il a laissés sur place après la rupture de leur relation et pour les investissements qu’il a faits dans l’appartement qu’ils occupaient en commun ;
- « Au moment de la rupture de leur relation, [le demandeur] a réclamé 30 000 euros à [la défenderesse 1], faute de quoi "des événements fâcheux lui arriveraient" ou "tout partirait en fumée". Par la suite, le montant a été réduit à 13.000 euros. Le 1er juillet 2014, 5.500 euros ont été versés sur le compte [du demandeur] à titre de transaction (“settlement”) » ;
- le fait que le demandeur estime avoir droit à l’argent qu’il a réclamé à la défenderesse 1 ne fait pas disparaître l’élément moral de l’infraction.
Par ces motifs, l’arrêt indique que le demandeur a tenté d’extorquer une somme d’argent de 30.000,00 euros au préjudice de la défenderesse 1 en proférant des menaces destinées à la contraindre à procéder à ce paiement, indépendamment de la question de savoir si cette somme « lui revenait » en raison de la créance qu’il aurait eue sur cette défenderesse. Ainsi, l’arrêt est régulièrement motivé et justifie légalement la décision, sans être tenu de motiver plus avant celle-ci, à défaut de conclusions en ce sens.
Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.
8. La question préjudicielle, qui procède de la prémisse erronée précitée, n’est pas posée.
Le contrôle d'office
9. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
(…)
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président, Peter Hoet, Antoine Lievens, Erwin Francis et Sidney Berneman, conseillers, et prononcé en audience publique du huit septembre deux mille vingt par le conseiller faisant fonction de président Filip Van Volsem, en présence de l’avocat général Alain Winants, avec l’assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Eric de Formanoir et transcrite avec l’assistance du greffier Tatiana Fenaux.


Synthèse
Formation : Chambre 2n - tweede kamer
Numéro d'arrêt : P.20.0273.N
Date de la décision : 08/09/2020
Type d'affaire : Droit pénal

Analyses

Les éléments constitutifs de l’infraction d’extorsion sont, outre le recours à la contrainte ou à des menaces, l’appropriation du bien d’autrui ou d’un avantage illégitime au préjudice d'autrui; la somme d’argent due par un débiteur à son créancier n’est pas un bien appartenant au créancier dès lors que ladite somme peut seulement faire l’objet d’un droit d’action exercé par le créancier sur le patrimoine du débiteur et, en conséquence, le fait que l’auteur s’approprie une somme d’argent de la victime pour la raison que cette somme lui est due et, par conséquent, qu’elle « lui revient », n’exclut pas l’existence de l’élément matériel constitutif de l’infraction d’extorsion, ni d’une autre infraction contre les biens comme le vol ou l'escroquerie (1). (1) Cass. 22 juin 2016, RG P.16.0010.F, Pas. 2016, n° 416 ; Cass. 17 février 2016, RG P.15.1593.F, Pas. 2016, n° 120 ; D. MERCKX et Th. LOQUET, « Afpersing », Comm. Straf., 2014, n° 3-5 et 9 et s.

VOL ET EXTORSION - Extorsion - Eléments constitutifs - Appropriation du bien d’autrui - Portée - Conséquence [notice1]


Références :

[notice1]

Code pénal - 08-06-1867 - Art. 470 - 01 / No pub 1867060850


Composition du Tribunal
Président : VAN VOLSEM FILIP
Greffier : VANDEN BOSSCHE KRISTEL
Ministère public : WINANTS ALAIN
Assesseurs : HOET PETER, LIEVENS ANTOINE, FRANCIS ERWIN, VAN DOOREN ERIC, VAN OVERBEKE STEVEN

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-09-08;p.20.0273.n ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award