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07/09/2020 | BELGIQUE | N°C.18.0316.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 07 septembre 2020, C.18.0316.N


N° C.18.0316.N
N. C.,
Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,
contre
N. V.,
Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 19 mars 2018 par la cour d’appel de Gand.
Par ordonnance du 13 février 2020, le premier président a renvoyé la cause devant la troisième chambre.
Le conseiller Bart Wylleman a fait rapport.
Le premier avocat général Ria Mortier a conclu.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au pré

sent arrêt en copie certifiée conforme, le demandeur présente un moyen.
III. La décision de la Cour
...

N° C.18.0316.N
N. C.,
Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,
contre
N. V.,
Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 19 mars 2018 par la cour d’appel de Gand.
Par ordonnance du 13 février 2020, le premier président a renvoyé la cause devant la troisième chambre.
Le conseiller Bart Wylleman a fait rapport.
Le premier avocat général Ria Mortier a conclu.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, le demandeur présente un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur la recevabilité du moyen :
1. La défenderesse oppose au moyen une fin de non-recevoir partielle déduite de ce qu’il est irrecevable dans la mesure où il est dirigé contre l’accueil de la demande en divorce et la liquidation-partage ordonnée.
2. Le demandeur n’élève pas de grief contre la décision du juge d’appel que ni l’instruction judiciaire ni la demande en annulation du mariage ne font obstacle à la prononciation du divorce et n’allègue, au demeurant, une possibilité de décisions contradictoires qu’en ce qui concerne les demandes en annulation du mariage.
La fin de non-recevoir partielle opposée au moyen est fondée.
Sur le fondement du moyen :
3. La règle d’ordre public consacrée à l’article 4, alinéa 1er, du titre préliminaire du Code de procédure pénale, en vertu de laquelle l’exercice de l’action civile qui n’est pas poursuivie en même temps et devant le même juge que l’action publique est suspendu tant qu’il n’a pas été prononcé définitivement sur l’action publique est justifiée par le fait que le jugement pénal a, en règle, autorité de chose jugée à l’égard de l’action civile intentée séparément, en ce qui concerne les points communs à l’action publique et à l’action civile.
L’obligation que la disposition légale précitée impose au juge qui connaît de l’action civile de réserver sa décision ne s’applique que lorsqu’il existe un risque d’incompatibilité entre les décisions du juge pénal et du juge civil.
La Cour peut vérifier si le juge a pu légalement déduire des faits qu’il a constatés qu’il n’existe pas de risque de contradiction entre les décisions du juge pénal et du juge civil.
4. Le juge d’appel a constaté que :
- le demandeur poursuit devant la cour d’appel l’annulation de son mariage avec la défenderesse sur la base, d’une part, de sa propre incapacité en raison de laquelle il n’a pas consenti ou n’a pu consentir au mariage et, d’autre part, du dol commis par la défenderesse, en particulier l’escroquerie dont elle s’est rendue coupable en contractant avec lui un mariage simulé, dans le but de s’approprier son patrimoine ;
- le demandeur a introduit une plainte avec constitution de partie civile, entre autres, pour « tentative d’escroquerie [de la défenderesse] quant aux droits [du demandeur] dans la succession de son père, pour la période du 28 décembre 2013 à ce jour, en se mariant, le 28 décembre 2013, sous le régime de la communauté universelle et en demandant le divorce le 29 février 2016 pour ‘se faire attribuer, par la liquidation-partage du régime matrimonial, la moitié de la succession du père [du demandeur]’ » ;
- à cet égard, le demandeur soutient que le mariage est, du côté de la défenderesse, un mariage simulé, celle-ci « n’aspirant pas à une vie commune durable mais l’ayant épousé, exclusivement/seulement pour l’avantage matériel qu’elle pourrait en retirer, à savoir le patrimoine considérable [du demandeur] » ;
- au moyen de sa plainte avec constitution de partie civile, le demandeur se prévaut également de « sa propre faiblesse psychique qui altérerait gravement sa capacité de jugement et dont [la défenderesse] aurait frauduleusement abusé pour le dépouiller (art. 442quater et 462 du Code pénal) ».
S’agissant de la demande en annulation du mariage pour défaut de consentement, le juge d’appel a considéré qu’aucun élément n’indique une quelconque incapacité juridique ou le moindre défaut de consentement du demandeur, de sorte que le mariage ne peut être annulé sur ce fondement.
En ce qui concerne la demande en annulation du mariage pour dol, le juge d’appel a considéré que l’allégation du demandeur que le mariage est un mariage simulé du côté de la défenderesse suppose que la défenderesse n’aspirait pas à une vie commune durable, mais l’avait épousé, exclusivement pour l’avantage matériel qu’elle pourrait en retirer, alors que cette preuve fait défaut et ne pourra pas davantage être rapportée par l’instruction judiciaire, dès lors qu’« il n’apparaît nullement de l’ensemble de faits et des circonstances spécifiques qui ont précédé le mariage ou se sont présentées pendant celui-ci que [la défenderesse] a épousé [le demandeur] exclusivement ‘pour son argent’ ».
5. En refusant, sur la base de ces motifs, de suspendre la procédure et en statuant ensuite lui-même sur la question de savoir s’il y a mariage simulé du côté de la défenderesse, ce qui constitue, selon le demandeur, un élément de la tentative d’escroquerie, le juge d’appel a violé l’article 4 du titre préliminaire du Code de procédure pénale.
Dans cette mesure, le moyen est fondé.
Sur l’étendue de la cassation :
6. La cassation de la décision rendue sur l’annulation du mariage pour dol et mariage simulé du côté de la défenderesse s’étend à la décision de rejet de la demande en annulation du mariage pour défaut de consentement, qui y est étroitement liée, de même qu’aux décisions rendues sur la demande en divorce et la demande en liquidation-partage, unies par un lien étroit.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l’arrêt attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt cassé ;
Réserve les dépens pour qu’il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause devant la cour d’appel de Bruxelles.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Koen Mestdagh, président, les conseillers Antoine Lievens, Bart Wylleman, Maxime Marchandise et Sven Mosselmans, et prononcé en audience publique du sept septembre deux mille vingt par le président de section Koen Mestdagh, en présence du premier avocat général Ria Mortier, avec l’assistance du greffier Mike Van Beneden.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Marie-Claire Ernotte et transcrite avec l’assistance du greffier Lutgarde Body.


Synthèse
Formation : Chambre 3n - derde kamer
Numéro d'arrêt : C.18.0316.N
Date de la décision : 07/09/2020
Type d'affaire : Autres

Analyses

La règle d'ordre public consacrée à l'article 4, alinéa 1er, du titre préliminaire du Code de procédure pénale, en vertu de laquelle l'exercice de l'action civile qui n'est pas poursuivie en même temps et devant le même juge que l'action publique est suspendu tant qu'il n'a pas été prononcé définitivement sur l'action publique est justifiée par le fait que le jugement pénal a, en règle, autorité de chose jugée à l'égard de l'action civile intentée séparément, en ce qui concerne les points communs à l'action publique et à l'action civile.

ACTION CIVILE - Action publique et action civile introduites séparément - Suspension de l'action civile - Règle d'ordre public - Fondement de la règle

L'obligation que l'article 4, alinéa 1er, du titre préliminaire du Code de procédure pénale impose au juge qui connaît de l'action civile de réserver sa décision ne s'applique que lorsqu'il existe un risque d'incompatibilité entre les décisions du juge pénal et du juge civil; la Cour peut vérifier si le juge a pu légalement déduire des faits qu'il a constatés qu'il n'existe pas de risque de contradiction entre les décisions du juge pénal et du juge civil.

ACTION CIVILE - Action publique et action civile introduites séparément - Suspension de l'action civile - Conditions - Conséquence


Composition du Tribunal
Président : MESTDAGH KOEN
Greffier : VAN BENEDEN MIKE
Ministère public : VANDERLINDEN HENRI
Assesseurs : LIEVENS ANTOINE, WYLLEMAN BART, COUWENBERG ILSE, MOSSELMANS SVEN

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-09-07;c.18.0316.n ?

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