N° P.20.0593.F
M. L.,
demandeur en récusation d'un conseiller à la cour d'appel de Liège,
ayant pour conseils Maîtres Thierry Delaey, avocat au barreau de Dinant, et Marc Léon Levaux, avocat au barreau de Bruxelles,
en cause
LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL DE LIEGE,
contre
M. L., mieux qualifié ci-dessus,
prévenu.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Par un acte déposé au greffe de la cour d'appel de Liège le 20 mai 2020, reçu au greffe de la Cour le 28 mai 2020 et annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme, le demandeur sollicite la récusation de B. L., conseiller à ladite cour d'appel, membre du siège saisi de l'action publique exercée à charge du requérant.
Le magistrat dont la récusation est demandée a fait, le 25 mai 2020, la déclaration prescrite à l'article 836, alinéa 2, du Code judiciaire, portant son refus motivé de s'abstenir.
Le président chevalier Jean de Codt a fait rapport.
L'avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
1. Sollicitée pour cause de suspicion légitime et conflit d'intérêts, la récusation se fonde sur une plainte avec constitution de partie civile déposée par le demandeur à charge du greffier-chef de service J.T. du chef de faux et usage de faux en écritures. Le récusant fait état des éléments suivants.
Le vendredi 21 février 2020, le conseil de L. M. a récusé deux des membres du siège appelé à connaître des poursuites exercées à sa charge et fixées à l'audience du lundi 24 février 2020.
Le matin de l'audience, le conseil du demandeur a sollicité la remise de la cause en invoquant l'introduction de la procédure de récusation et son effet suspensif. N'étant pas informée du dépôt de ces nouvelles requêtes, la cour a établi, de l'accord des parties, un calendrier de la procédure, opération qui s'est terminée à 09.30 heures.
Selon la plainte, ce n'est qu'à 09.40 heures que le greffier-chef de service J.T., présente au fond de la salle, a signifié aux magistrats concernés les deux requêtes en récusation. Elle a gardé le silence pendant que la cour établissait le calendrier de la procédure. En outre, elle ne pouvait pas se charger de cette signification, car elle a un conflit personnel avec le demandeur. Celui-ci en déduit qu'elle a agi par vengeance et que le calendrier de la procédure, consigné dans un procès-verbal d'audience, constitue un faux intellectuel et matériel par omission.
Il en résulte, selon le demandeur, que le magistrat récusé, trompé par le greffier, doit assumer deux rôles incompatibles : juger le faux et témoigner des faits dont il a été victime.
2. La suspicion exprimée par une partie quant à l'impartialité du juge n'est légitime que si les soupçons qu'elle dit éprouver à cet égard peuvent passer pour raisonnablement justifiés.
3. Par arrêts du 26 février 2020, n° P.20.0212.F et P.20.0215.F, la Cour a rejeté les récusations du 21 février 2020 et elle a dit que, constitutives d'un abus de procédure, ces demandes n'avaient pas d'effet suspensif.
4. Les accusations portées contre le greffier-chef de service par le demandeur ne concernent pas les préventions mises à charge de ce dernier et sont étrangères à la saisine du siège appelé à en connaître.
Le magistrat récusé n'est pas mis en cause par ces accusations, n'est pas chargé d'en apprécier le fondement, n'en est pas la victime et n'a pas d'intérêt personnel à la solution du litige créé par la constitution de partie civile.
Le récusant affirme que le magistrat visé par la requête doit se prononcer quant à l'incidence de sa plainte sur l'action publique mue à sa charge. Cette éventualité n'a pas pour effet de placer ce magistrat dans une situation pouvant susciter un doute sur les motifs de sa décision.
5. Des circonstances alléguées par L.M., il ne se déduit pas que le conseiller à la cour d'appel B. L. ne puisse, pour l'un des motifs énumérés par l'article 828 du Code judiciaire, statuer avec l'indépendance et l'impartialité requises sur l'action publique exercée par le procureur général.
La demande est sans fondement.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette la requête ;
Dit que cette nouvelle demande constitue un abus de procédure et n'a pas d'effet suspensif ;
Condamne le requérant aux frais.
Lesdits frais taxés jusqu'ores à zéro euro.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Benoît Dejemeppe, président de section, Françoise Roggen, Eric de Formanoir et Frédéric Lugentz, conseillers, et prononcé en audience publique du dix-sept juin deux mille vingt par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l'assistance de Fabienne Gobert, greffier.