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17/06/2020 | BELGIQUE | N°P.19.1223.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 17 juin 2020, P.19.1223.N


N° P.19.1223.N
H. D. R.,
prévenu,
demandeur en cassation,
Me Raf Verstraeten, avocat au barreau de Leuven.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre des arrêts rendus le 1er avril 2019 (ci-après : arrêt I) et le 18 novembre 2019 (ci-après : arrêt II) par la cour d'appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque trois moyens contre l’arrêt I et deux moyens contre l’arrêt II dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme,.
Le 9 mars 2020, l’avocat général Bart De Smet a déposé des

conclusions au greffe.
Le 27 mars 2020, le demandeur a déposé au greffe une note visée par l’art...

N° P.19.1223.N
H. D. R.,
prévenu,
demandeur en cassation,
Me Raf Verstraeten, avocat au barreau de Leuven.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre des arrêts rendus le 1er avril 2019 (ci-après : arrêt I) et le 18 novembre 2019 (ci-après : arrêt II) par la cour d'appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque trois moyens contre l’arrêt I et deux moyens contre l’arrêt II dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme,.
Le 9 mars 2020, l’avocat général Bart De Smet a déposé des conclusions au greffe.
Le 27 mars 2020, le demandeur a déposé au greffe une note visée par l’article 1107, alinéa 2, du Code judiciaire.
À l’audience du 17 juin 2020, le conseiller Erwin Francis a fait rapport et l’avocat général précité a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le premier moyen dirigé contre l’arrêt I :
Quant à la première branche :
1. Le moyen, en cette branche, est pris de la violation des articles 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 2 et 833 du Code judiciaire, ainsi que de la méconnaissance des principes généraux du droit relatifs au respect des droits de la défense et au droit à l’indépendance et à l’impartialité du juge : les juges d'appel ont refusé d'accorder aux avocats qui ont représenté le demandeur à l'audience du 25 février 2019 un ajournement devant leur permettre d’introduire une demande en récusation de deux conseillers et, lors de cette audience, ils ont examiné la cause au fond et l’ont prise en délibéré ; or le juge est, en principe, tenu d’accéder à une telle demande ; les juges d’appel ont privé le demandeur du droit de contester l’indépendance et l’impartialité de la cour d’appel au moyen d’une demande en récusation.
2. Le fait qu'une demande en récusation vise à contester l'indépendance et l'impartialité du juge n'a pas pour effet de contraindre le juge à accorder à une partie un ajournement devant lui permettre d'introduire une demande en récusation que ce juge considère comme manifestement irrecevable ou non fondée.
Le moyen qui, en cette branche, procède d’une autre prémisse juridique, manque en droit.
Quant à la seconde branche :
3. Le moyen, en cette branche, est pris de la violation des articles 837 et 838 du Code judiciaire : les juges d'appel ont motivé le rejet de la demande d’ajournement formulée par le demandeur, devant lui permettre d’introduire une demande en récusation, en se fondant sur leur propre appréciation de la recevabilité et du bien-fondé de ladite demande en récusation ; cette appréciation est réservée au juge compétent pour statuer sur la récusation.
4. Les juges d’appel ont considéré ce qui suit :
- à l'audience du 25 février 2019, le demandeur était initialement représenté par ses avocats ;
- immédiatement après l’appel de la cause, l'avocat du demandeur a sollicité un ajournement devant lui permettre de déposer une requête en récusation de deux des trois conseillers qui composaient le siège à ce moment ; il a déposé des conclusions formulant une telle demande lors de cette audience ;
- les avocats du demandeur n'ont pas voulu expliquer quel pouvait être la cause de la récusation ;
- si la cause de récusation alléguée était apparue au moment de l'examen de la cause lors d'une audience antérieure à l'arrêt interlocutoire du 29 octobre 2018, la requête en récusation aurait dû être déposée à ce moment. Une récusation recevable fondée sur un incident antérieur au prononcé de cet arrêt ne semble pas possible au stade actuel de la procédure ;
- quand bien même la cause de récusation serait liée aux motifs ou aux décisions de l'arrêt du 29 octobre 2018, elle aurait dû être soulevée dès que le demandeur en a eu connaissance, or cela n'est plus possible au stade actuel de la procédure. Le demandeur savait ou devait à tout le moins présumer qu’après ledit arrêt, la composition de cour d’appel appelée à poursuivre l’examen de la cause serait identique ;
- de plus, selon les avocats du demandeur, la cause de récusation n'existerait qu’à l’égard de deux des trois conseillers qui composaient le siège le 25 février 2019 ; la cause de récusation alléguée semble donc étrangère à cet arrêt du 29 octobre 2018 parce que, autrement, cette même cause de récusation existerait aussi à l’égard du troisième conseiller qui a rendu cet arrêt et qui siégeait également le 25 février 2019 ;
- enfin, la cause de récusation alléguée peut également difficilement se rapporter à un incident qui se serait produit après le prononcé de l'arrêt du 29 octobre 2018, dès lors que l'avocat du demandeur a formulé sa demande d’ajournement de l'examen de l'affaire, devant lui permettre d’introduire la demande en récusation, immédiatement après que la cour d'appel a appelé la cause à l’audience du 25 février 2019 ; aucun incident d’audience pouvant donner lieu à une récusation n’a pu se produire entre le prononcé de l'arrêt le 29 octobre 2018 et l’appel de la cause à l'audience du 25 février 2019, ;
- la cour d'appel considère que, dans ces circonstances, la demande d’ajournement de la cause, formulée oralement à l'audience et introduite auprès de la cour d'appel par voie de conclusions, est dilatoire et qu'il n'y a pas lieu d'y donner suite.
5. D’une part, une telle motivation n'implique pas qu’il y ait eu appréciation d’une demande en récusation formulée par le demandeur, mais uniquement de sa demande d’ajournement de l’examen de la cause, devant lui permettre d’introduire une demande en récusation ultérieurement. D’autre part, cette motivation implique que les juges d’appel ont vérifié s’il existait de prime abord des motifs de nature à fonder la demande d’ajournement et qu’ils ont conclu à l’absence de tels motifs. Ainsi, les juges d’appel n’ont pas procédé indûment à une appréciation sans y être habilités et ils ont légalement justifié leur décision.
Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
Sur le deuxième moyen dirigé contre l’arrêt I :
6. Le moyen est pris de la violation de l’article 12, alinéa 1er, de la loi du 17 avril 1878 contenant le titre préliminaire du Code de procédure pénale : l’arrêt considère que l’action publique exercée à charge du demandeur est recevable, même si les infractions de faux en écritures (prévention A.1 à A.4) ont été commises à l’étranger, parce que le demandeur a été trouvé en Belgique lors de la perquisition du 13 juin 2006 ; la condition d’avoir trouvé le suspect en Belgique doit toutefois être remplie au moment de la mise en mouvement de l’action publique, à savoir le 10 mai 2006 ; ainsi, l’arrêt ne constate pas que le demandeur se trouvait en Belgique au moment de la mise en mouvement de l’action publique.
7. Aux termes de l’article 7, § 1er, du titre préliminaire du Code de procédure pénale, tout Belge ou toute personne ayant sa résidence principale sur le territoire du Royaume qui, hors du territoire du Royaume, se sera rendu coupable d'un fait qualifié crime ou délit par la loi belge pourra être poursuivi en Belgique si le fait est puni par la législation du pays où il a été commis.
Ce titre prévoit à l’article 12, alinéa 1er, dans sa version applicable, que, sauf exceptions, la poursuite des infractions mentionnées n’a lieu que si l’inculpé est trouvé en Belgique.
8. Cette condition doit être remplie au moment de la mise en mouvement de l’action publique. Toutefois, cela ne signifie pas que le suspect doit être trouvé en Belgique au moment même de la mise en mouvement de l’action publique. Il est requis, mais il suffit, qu’après la commission de l’infraction et avant la mise en mouvement de l’action publique ou, au plus tard, au moment de celle-ci, le suspect ait passé un certain temps en Belgique et y ait été rencontré ou trouvé.
9. En ce qui concerne la recevabilité de l’action publique du chef des préventions A.1 à A.4 et la condition selon laquelle le suspect doit être trouvé en Belgique au sens de l’article 12, alinéa 1er, précité, l’arrêt considère (…) que le demandeur a la nationalité belge et qu’il a été trouvé en Belgique lors de la perquisition pratiquée le 13 juin 2006 dans l’habitation située à Knokke-Heist, Lispannenlaan, 9. Il considère par ailleurs (…), en ce qui concerne les préventions C.3, que le demandeur a en réalité séjourné en Belgique durant toute la période d’incrimination (à savoir entre 1995 et 2008), tant pour ses activités personnelles que professionnelles.
Par ces motifs, sur lesquels il n’était pas tenu de s’étendre davantage en l’absence de conclusions en ce sens, l’arrêt justifie légalement la décision selon laquelle l’action publique est recevable en ce qui concerne les préventions A.1 à A.4, la condition visée en l’espèce étant remplie.
Le moyen ne peut être accueilli.
Sur le troisième moyen dirigé contre l’arrêt I :
10. Le moyen est pris de la violation des articles 193 et 196 du Code pénal : l’arrêt condamne le demandeur du chef de faux en écritures sans constater expressément que tous les éléments constitutifs de cette infraction sont réunis ; le juge y est pourtant tenu, même en l’absence de conclusions du prévenu contestant ces éléments constitutifs ; plus précisément, l’arrêt ne mentionne à aucun endroit que les documents mentionnés dans les préventions A.1 à A.4 concernent soit des écritures authentiques ou publiques, soit des écritures bancaires, commerciales ou écritures privées, qui s’imposent à la confiance publique.
11. Il ne résulte pas des dispositions énoncées comme ayant été violées que le juge qui déclare un prévenu coupable d’une infraction dans les termes de la loi est tenu de constater expressément, en l’absence de conclusions en ce sens, que tous les éléments constitutifs de ladite infraction sont réunis.
Dans la mesure où il est déduit d’une autre prémisse juridique, le moyen manque en droit.
12. Sous les préventions A.1 à A.4, le demandeur est poursuivi du chef de quatre faits de faux en écritures bancaires, commerciales ou privées, avec indication du libellé légal et mention des éléments factuels sur lesquels se fonde chaque prévention. L’arrêt déclare le demandeur coupable du chef de ces infractions et ajoute, entre autres, que les documents visés dans ces préventions ont notamment permis au demandeur de se soustraire à ses obligations fiscales. Ainsi, il justifie légalement la condamnation du demandeur du chef de ces préventions.
Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.
Sur le premier moyen dirigé contre l’arrêt II :
13. Le moyen, en sa première branche, est pris de la violation de l’article 187, § 6, 1°, Code d'instruction criminelle : l’arrêt déclare non avenue l’opposition formée par le demandeur contre l’arrêt I parce qu’aucune excuse légitime ne découle du fait que les précédents avocats du demandeur ont quitté l’audience du 25 février 2019 en raison du refus opposé à la demande d’ajournement devant leur permettre d’introduire une demande en récusation, celle-ci reposant sur un fondement dénué de crédibilité et s’inscrivant manifestement dans le cadre d’une défense visant uniquement à ne pas devoir se défendre quant au fond de la cause mais uniquement à se soustraire à la justice ; une excuse légitime n’est pas constitutive d’un cas de force majeure, et permet à la partie défaillante qui avait connaissance de la citation de rendre admissible que son absence à l’audience n’était pas dictée ni par la volonté de renoncer à son droit de comparaître et de se défendre ni par celle de se soustraire à la justice ; a la volonté de se soustraire à la justice le prévenu qui est latitant ou qui, à tout le moins, tente de dissimuler son véritable lieu de résidence afin de se dérober aux autorités judiciaires ; l’arrêt qui ne constate pas que le demandeur a, en ce sens, voulu se soustraire à la justice, ne peut légalement déduire des constatations de fait qu’il comporte la circonstance que l’absence du demandeur et de ses conseils à l’audience susmentionnée n’était pas dictée par une excuse légitime.
Le moyen, en sa seconde branche, est pris de la violation des articles 6, § 1er, de la Convention, 187, § 6, 1°, et 208 du Code d'instruction criminelle, ainsi que de la méconnaissance des principes généraux du droit relatifs au respect des droits de la défense et au droit à l’indépendance et à l’impartialité du juge : pour statuer sur le caractère (non) avenu de l’opposition formée par une partie qui a quitté l’audience, le juge est tenu d’examiner la raison sous-jacente de cette attitude ; lorsque celle-ci résulte d’une décision du juge répressif qui contrarie la volonté de se défendre, l’absence de la défense est justifiée par une excuse légitime parce que cette partie ne peut en aucun cas être considérée comme ayant implicitement renoncé à son droit de comparaître et de se défendre ; tel est le cas lorsque, comme en l’espèce, le juge répressif refuse au cours de l’ultime audience prévue avant la clôture des débats d’accorder un ajournement de l’examen de la cause, en principe de courte durée et devant permettre à la partie d’introduire une demande en récusation et, partant, de garantir son droit à un procès équitable devant un juge indépendant et impartial.
14. L’arrêt déclare l’opposition du demandeur non avenue tant en raison de sa renonciation au droit de comparaître et de se défendre qu’en raison de son intention de se soustraire à la justice. La première raison invoquée, qui suffit à déclarer l’opposition non avenue, ne requiert pas la constatation que le demandeur ait voulu se dérober aux autorités judicaires en prenant la fuite ou en dissimulant son véritable lieu de résidence.
Dans cette mesure, le moyen, en sa première branche, ne peut être accueilli.
15. Dans la mesure où il est déduit de l’illégalité vainement invoquée par le demandeur dans le premier moyen dirigé, en sa première branche, contre l’arrêt I, le moyen, en sa seconde branche, est irrecevable.
16. L’article 187, § 6, 1°, du Code d'instruction criminelle prévoit que l'opposition sera déclarée non avenue si l'opposant, lorsqu'il comparaît en personne ou par avocat et qu'il est établi qu'il a eu connaissance de la citation, ne fait pas état d'un cas de force majeure ou d'une excuse légitime justifiant son défaut lors de la décision attaquée, la reconnaissance de la force majeure ou de l'excuse invoquées restant soumise à l'appréciation souveraine du juge.
17. Il ressort des travaux préparatoires de cette disposition que le législateur a voulu prévenir les recours abusifs à la procédure en opposition, en particulier le recours stratégique à l’opposition comme manœuvre dilatoire, en limitant la possibilité de former opposition contre une décision rendue par défaut, sans déroger au droit des parties à être entendues qui constitue un élément du droit à un procès équitable, ni aux conditions posées en la matière par la Cour européenne des droits de l’Homme.
18. Il résulte de l’interprétation faite de l’article 6 de la Convention par la Cour européenne des droits de l’Homme que la notion d’ « excuse légitime » figurant à l’article 187, § 6, 1°, du Code d'instruction criminelle s'étend aux cas non constitutifs de force majeure dans lesquels l’opposant a eu connaissance de la citation mais a invoqué un motif révélant que son absence n'était pas dictée par la volonté soit de renoncer à son droit de comparaître et de se défendre, soit de se soustraire à la justice. Cette renonciation ou cette volonté peut non seulement ressortir d’une décision explicite de l’opposant, mais peut également être déduite du fait que, sans justification raisonnable, la partie ne se présente pas ou ne reste pas présente à l’audience à laquelle elle a été dûment convoquée, alors qu’elle était suffisamment en mesure d’évaluer les conséquences de cette décision. Le juge se prononce souverainement à cet égard, mais la Cour vérifie s’il ne tire pas de ses constatations des conséquences qu’elles ne peuvent justifier.
19. Le juge peut déclarer non avenue l’opposition formée par une partie qui a quitté l’audience durant l’examen de sa cause, et a donc refusé de mener sa défense, en raison du rejet de sa demande d’ajournement. N’y fait pas obstacle le simple fait que cette demande visait à permettre à cette partie d’introduire une demande en récusation, même si une telle demande tend, en principe, à garantir le droit à un procès équitable et le droit à l’examen de la cause par un juge indépendant et impartial.
Dans la mesure où il est déduit d’une autre prémisse juridique, le moyen, en ses branches, manque en droit.
20. En substance, l’arrêt se prononce ainsi qu’il suit :
- le demandeur était représenté par son avocat aux audiences de la cour d’appel des 19 septembre 2016, 18 décembre 2017 et 3 décembre 2018, cette dernière après un arrêt interlocutoire du 29 octobre 2018. À la date de l’audience fixée au 25 février 2019, il a été représenté dès le début de l’examen de la cause par deux avocats ;
- les juges d’appel n’ont pas accédé à la demande de ces avocats tendant à l’ajournement de la cause devant leur permettre d’introduire une demande en récusation de deux conseillers du siège, parce que cette demande semblait dictée, dans les circonstances constatées par les juges d’appel, par des fins purement dilatoires ;
- l’allégation actuelle du demandeur selon laquelle la demande d’ajournement devant lui permettre d’introduire une demande en récusation serait justifiée par une inimitié capitale entre l’un de ses avocats et deux conseillers du siège dans le cadre d’une autre affaire, manque de toute crédibilité, alors que ce motif ne peut en outre constituer un motif de récusation pour le demandeur en la cause examinée en l’espèce ;
- par conséquent, il est manifeste que la défense du demandeur exposée à l’audience du 25 février 2019 visait uniquement à ne pas devoir assurer sa défense quant au fond de la cause et à se soustraire à la justice.
Il considère également que la décision des avocats du demandeur de faire défaut à l’audience du 25 février 2019 reposait sur un mandat régulier du demandeur.
Par ces motifs, l’arrêt peut légalement décider que l’opposition du demandeur est non avenue parce qu’il ne fait pas état d’une excuse légitime.
Le moyen, en ses branches, ne peut être accueilli.
Sur le second moyen dirigé contre l’arrêt II :
Quant à la première branche :
21. Le moyen, en cette branche, est pris de la violation de l’article 149 de la Constitution : l’arrêt ne répond pas à la défense du demandeur selon laquelle il n’était pas informé de l’initiative de ses précédents conseils consistant à solliciter, à l’audience du 25 février 2019, un ajournement devant lui permettre d’introduire une demande en récusation et à quitter l’audience à la suite du refus opposé à cette demande, et selon laquelle la présomption déduite de l’article 440, alinéa 2, du Code judiciaire, en vertu duquel l'avocat comparaît comme fondé de pouvoirs sans avoir à justifier d'aucune procuration, n’exclut pas que la négligence du conseil de cette partie au procès puisse constituer un cas de force majeure ou une excuse légitime parce que ces agissements ne sont pas imputables à cette partie au procès ; les motifs de l’arrêt ne permettent pas aux parties au procès et aux tiers de comprendre pourquoi les juges d’appel n’ont pas suivi sur ce point l’argumentation du demandeur.
22. L’article 440, alinéa 2, du Code judiciaire dispose : « L'avocat comparaît comme fondé de pouvoirs sans avoir à justifier d'aucune procuration, sauf lorsque la loi exige un mandat spécial. »
23. Il résulte de cette disposition que, pour l’ensemble des actes de procédure qu’un avocat pose dans une cause en laquelle il représente son client devant le juge répressif, il est réputé intervenir dans les limites du mandat que le client lui a donné. Cette présomption ne peut être renversée. Les articles 848 à 850 du Code judiciaire, qui régissent le désaveu d’actes de procédure, ne sont en effet pas applicables aux causes examinées selon la procédure organisée par le Code d'instruction criminelle.
Dans la mesure où il est déduit d’une autre prémisse juridique, le moyen, en cette branche, manque en droit.
L’absence de motivation invoquée est déduite de cette prémisse juridique erronée.
Dans cette mesure, le moyen ne peut entraîner une cassation et est, par conséquent, irrecevable.
Quant à la seconde branche :
24. Le moyen, en cette branche, est pris de la violation des articles 187, § 6, 1°, du Code d'instruction criminelle et 440, alinéa 2, du Code judiciaire : l’arrêt ne peut déduire des constatations qu’il comporte que l’absence du demandeur et de ses précédents conseils à l’audience de la cour d’appel n’était pas dictée par une situation de force majeure ou par une excuse légitime ; en effet, l’article 440, alinéa 2, du Code judiciaire n’exclut pas que les actes ou omissions non judicieux des conseils d’une partie au procès, même s’ils ont été posés dans les limites générales du mandat ad litem, puissent, dans certaines circonstances, constituer pour la partie au procès elle-même une situation de force majeure ou une excuse légitime ; le juge est tenu d’examiner cet aspect des choses à la lumière de toutes les circonstances concrètes de la cause et, en particulier, si ces actes ou négligences sont intervenus au su de la partie au procès.
25. L’arrêt ne considère pas que les précédents avocats du demandeur n’ont pas agi judicieusement ou ont commis une négligence.
Dans la mesure où il se fonde sur une lecture erronée de l’arrêt, le moyen, en cette branche, manque en fait.
26. Par les motifs qu’il énonce, l’arrêt peut légalement considérer que l’attitude des avocats du demandeur à l’audience du 25 février 2019 ne constitue pas pour le demandeur un cas de force majeure ou une excuse légitime, de sorte que son opposition est non avenue.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
Le contrôle d’office
27. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
(…)
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président, Peter Hoet, Erwin Francis, Eric Van Dooren et Steven Van Overbeke, conseillers, et prononcé en audience publique du dix-sept juin deux mille vingt par le conseiller faisant fonction de président Filip Van Volsem, en présence de l’avocat général Bart De Smet, avec l’assistance du greffier Ayse Birant.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Eric de Formanoir et transcrite avec l’assistance du greffier Tatiana Fenaux.


Synthèse
Formation : Chambre 2n - tweede kamer
Numéro d'arrêt : P.19.1223.N
Date de la décision : 17/06/2020
Type d'affaire : Autres - Droit pénal

Analyses

Le fait qu’une demande en récusation vise à contester l’indépendance et l’impartialité du juge n’a pas pour effet de contraindre le juge à accorder à une partie un ajournement devant lui permettre d'introduire une demande en récusation que ce juge considère comme manifestement irrecevable ou non fondée (1). (1) Voir les concl. du MP publiées à leur date dans AC.

APPRECIATION SOUVERAINE PAR LE JUGE DU FOND - Matière répressive - Instruction d'audience - Demande de récusation - Demande d'ajournement - Appréciation - RECUSATION [notice1]

La condition d’avoir trouvé le suspect en Belgique pour poursuivre tout Belge ou toute personne ayant sa résidence principale sur le territoire du Royaume du chef d’un fait commis à l’étranger doit être remplie au moment de la mise en mouvement de l’action publique; il suffit que le suspect ait passé un certain temps en Belgique et qu’il y ait été rencontré ou trouvé après la commission de l’infraction et avant la mise en mouvement de l’action publique ou, au plus tard, au moment de celle-ci (1). (1) Voir les concl. du MP publiées à leur date dans AC.

COMPETENCE ET RESSORT - MATIERE REPRESSIVE - Compétence - Fait commis à l'étranger - Prévenu trouvé en Belgique - Moment de la mise en mouvement de l'action publique - Notion - INFRACTION - INFRACTION COMMISE A L'ETRANGER - Prévenu trouvé en Belgique - Moment de la mise en mouvement de l'action publique - Notion [notice3]

Le désistement du prévenu de son droit de comparaître et de se défendre, comme raison qui suffit à déclarer l’opposition non avenue, ne requiert pas la constatation que le prévenu a voulu se dérober aux autorités judicaires en prenant la fuite ou en dissimulant son véritable lieu de résidence (1). (1) Voir les concl. du MP publiées à leur date dans AC.

OPPOSITION - Matière répressive - Opposition déclarée non avenue - Connaissance de la citation - Motif légitime d'excuse - Droit de comparaître - Droit de se défendre - Désistement - Appréciation - Etendue - DROITS DE LA DEFENSE - MATIERE REPRESSIVE - Opposition - Opposition déclarée non avenue - Droit de comparaître - Droit de se défendre - Désistement - Opposition déclarée non avenue - Connaissance de la citation - Motif légitime d'excuse - Etendue - DESISTEMENT (PROCEDURE) - DESISTEMENT D'UN ACTE DE PROCEDURE - Matière répressive - Instruction d'audience - Droit de comparaître - Droit de se défendre - Opposition - Opposition déclarée non avenue - Connaissance de la citation - Motif légitime d'excuse - Etendue [notice5]

La notion d’ « excuse légitime » s'étend aux cas non constitutifs de force majeure dans lesquels l’opposant a eu connaissance de la citation mais a invoqué un motif révélant que son absence n'était pas dictée par la volonté soit de se désister de son droit de comparaître et de se défendre, soit de se soustraire à la justice ; ce désistement ou cette volonté peut non seulement ressortir d’une décision explicite de l’opposant, mais peut également être déduit du fait que, sans justification raisonnable, la partie ne se présente pas ou ne reste pas présente à l’audience à laquelle elle a été dûment convoquée, alors qu’elle était suffisamment en mesure d’évaluer les conséquences de cette décision (1). (1) Voir les concl. du MP publiées à leur date dans AC.

OPPOSITION - Matière répressive - Opposition déclarée non avenue - Connaissance de la citation - Motif légitime d'excuse - Droit de se défendre - Droit de comparaître - Désistement - Soustraction à la justice - Absence à l'audience - Convocation régulière - Conditions - DROITS DE LA DEFENSE - MATIERE REPRESSIVE - Opposition - Opposition déclarée non avenue - Connaissance de la citation - Motif légitime d'excuse - Droit de se défendre - Droit de comparaître - Désistement - Soustraction à la justice - Absence à l'audience - Convocation régulière - Conditions - DESISTEMENT (PROCEDURE) - DESISTEMENT D'UN ACTE DE PROCEDURE - Matière répressive - Instruction d'audience - Droit de comparaître - Droit de se défendre - Opposition - Opposition déclarée non avenue - Connaissance de la citation - Motif légitime d'excuse - Absence à l'audience - Convocation régulière - Conditions [notice8]

Le juge peut déclarer non avenue l’opposition formée par une partie qui a quitté l’audience durant l’examen de sa cause, et a donc refusé de mener sa défense, en raison du rejet de sa demande d’ajournement ; n’y fait pas obstacle le simple fait que cette demande visait à permettre à cette partie d’introduire une demande en récusation, même si une telle demande tend, en principe, à garantir le droit à un procès équitable et le droit à l’examen de la cause par un juge indépendant et impartial (1). (1) Voir les concl. du MP publiées à leur date dans AC.

OPPOSITION - Matière répressive - Opposition déclarée non avenue - Connaissance de la citation - Motif légitime d'excuse - Demande de récusation - Demande d'ajournement - Fait de quitter l'audience - Conséquences - RECUSATION - Matière répressive - Demande de récusation - Demande d'ajournement - Fait de quitter l'audience - Opposition - Opposition déclarée non avenue - Conséquences - DROITS DE LA DEFENSE - MATIERE REPRESSIVE - Demande de récusation - Demande d'ajournement - Fait de quitter l'audience - Opposition - Opposition déclarée non avenue - Conséquences [notice11]

Il résulte de l’article 440, alinéa 2, du Code judiciaire que, pour l’ensemble des actes de procédure qu’un avocat pose dans une cause en laquelle il représente son client devant le juge répressif, il est réputé intervenir dans les limites du mandat que ce client lui a donné; cette présomption ne peut être renversée (1). (1) Voir les concl. contraires du MP publiées à leur date dans AC et Cass. 3 juin 2020, RG P.20.0302.N, Pas. 2020, n° 354.

AVOCAT - Matière répressive - Instruction d'audience - Représentation - Actes de procédure - Mandat - Portée [notice14]

Les articles 848 à 850 du Code judiciaire, qui régissent le désaveu d’actes de procédure, ne sont pas applicables aux causes examinées selon la procédure organisée par le Code d'instruction criminelle (1). (1) Voir les concl. contraires du MP publiées à leur date dans AC et Cass. 3 juin 2020, RG P.20.0302.N, Pas. 2020, n° 354; Cour const. 22 février 2018, n° 21/2018, www.const-court.be.

DEMANDE EN JUSTICE - Matière répressive - Désaveu d'actes de procédure - Avocat - Représentation - Mandat - Limites - AVOCAT - Matière répressive - Instruction d'audience - Représentation - Mandat - Désaveu d'actes de procédure - Limites [notice15]


Références :

[notice1]

Code Judiciaire - 10-10-1967 - Art. 2 et 828 - 01 / No pub 1967101052

[notice3]

L. du 17 avril 1878 contenant le titre préliminaire du code de procédure pénale - 17-04-1878 - Art. 7, § 1er, et 12, al. 1er - 01 / No pub 1878041750

[notice5]

Code d'instruction criminelle - 17-11-1808 - Art. 187, § 6, 1° - 30 / No pub 1808111701

[notice8]

Code d'instruction criminelle - 17-11-1808 - Art. 187, § 6, 1° - 30 / No pub 1808111701

[notice11]

Code d'instruction criminelle - 17-11-1808 - Art. 187, § 6, 1° - 30 / No pub 1808111701

[notice14]

Code Judiciaire - 10-10-1967 - Art. 440, al. 2 - 01 / No pub 1967101052

[notice15]

Code Judiciaire - 10-10-1967 - Art. 848, 849 et 850 - 01 / No pub 1967101052


Composition du Tribunal
Président : VAN VOLSEM FILIP
Greffier : VANDEN BOSSCHE KRISTEL
Ministère public : WINANTS ALAIN, DE SMET BART
Assesseurs : HOET PETER, LIEVENS ANTOINE, FRANCIS ERWIN, VAN DOOREN ERIC, VAN OVERBEKE STEVEN

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-06-17;p.19.1223.n ?

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