N° P.20.0170.N
E. D. R.,
prévenu,
demandeur en cassation,
Me Johan Cambier, avocat au barreau d’Audenaerde.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 20 décembre 2019 par le tribunal correctionnel de Flandre orientale, division Audenarde, statuant en degré d’appel.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Erwin Francis a fait rapport.
L’avocat général Henri Vanderlinden a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le moyen :
Quant à la première branche :
1. Le moyen, en cette branche, est pris de la violation de l’article 204 du Code d’instruction criminelle : le jugement attaqué déclare, à tort, l’appel du ministère public recevable ; l’acte d’appel contenant les griefs du ministère public à l’encontre du jugement entrepris du 14 novembre 2018 a été signifié au demandeur par exploit d’huissier du 7 décembre 2018 ; cet exploit doit, à peine de déchéance, être déposé au greffe dans les quarante jours à compter du prononcé du jugement entrepris ; rien n’indique que ce dépôt a eu lieu en l’espèce ; l’appel du jugement entrepris que le ministère public a par ailleurs interjeté, le 30 novembre 2018, par déclaration faite au greffe, où il a déposé un formulaire de griefs, est sans incidence à cet égard ; en effet, cet appel a été interjeté après l’envoi de l’ordre de citer précisant la date de l’audience d’appel ; cette audience ne peut être fixée avant que l’appel ait été interjeté ; le jugement attaqué se borne à statuer sur l’appel du 7 décembre 2018 ; ladite cause n’a jamais été jointe à la cause résultant de l’appel du 30 novembre 2018 et un avis de fixation n’a jamais été envoyé au demandeur dans le cadre de cette dernière affaire.
2. Les juges d’appel n’ont pas considéré qu’ils ont uniquement statué sur l’appel interjeté par le ministère public le 7 décembre 2018.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, s’appuie sur une lecture erronée du jugement attaqué et manque dès lors en fait.
3. Le Code d’instruction criminelle précise :
- à l’article 203, § 1er, que, sauf l’exception portée en l’article 205, il y a déchéance de l’appel si la déclaration d’appeler n’a pas été faite au greffe du tribunal qui a rendu le jugement entrepris, trente jours au plus tard après celui de ce jugement ;
- à l’article 204, alinéas 1 et 3, que, à peine de déchéance de l’appel, la requête ou le formulaire de griefs indique précisément les griefs élevés contre le jugement et est remis(e) dans le même délai et au même greffe que la déclaration visée à l’article 203 ;
- à l’article 205, que le ministère public près le tribunal ou la cour qui doit connaître de l’appel doit, à peine de déchéance, notifier son recours au prévenu dans les quarante jours à compter du prononcé du jugement. L’exploit contient l’assignation.
Dans ce dernier cas, l’exploit mentionnant les griefs doit, à peine de déchéance de l’appel, être déposé au greffe de la juridiction d’appel dans le même délai de quarante jours.
4. Lorsqu’un appel est régulièrement introduit dans le délai imparti puis suivi du dépôt régulier et en temps utile d’un formulaire de griefs, la juridiction d’appel n’est pas tenue de déclarer cet appel irrecevable ou l’appelant déchu de celui-ci au seul motif que ledit appelant a interjeté contre le même jugement un autre appel irrecevable ou dont il a été déclaré déchu. Lorsque le ministère public agit en qualité d’appelant, il est sans intérêt qu’il interjette l’un des appels par exploit d’huissier en application de l’article 205 du Code d’instruction criminelle et l’autre appel par déclaration faite au greffe du tribunal conformément à l'article 203, § 1er, du même code. En pareille occurrence, il est également sans intérêt que l’ordre de citer et, par conséquent, la communication de la date de l’audience d’appel, soient antérieurs à l’appel interjeté par le ministère public par voie de déclaration au greffe.
5. Sauf lorsqu’une atteinte à ses droits de défense en résulte, le défendeur en appel qui, en conséquence de l’exploit qui lui a été signifié, a connaissance de l’appel du ministère public et de la date de l’audience d’appel, ne doit pas être également informé d’un autre appel de même portée que le ministère public a interjeté contre le même jugement par une déclaration au greffe. L’intéressé ne doit pas davantage être cité deux fois à comparaître à la même audience de la juridiction d’appel.
6. Le simple fait que le ministère public interjette plusieurs appels d’un même jugement n’implique pas que les juges d’appel soient saisis d’actions publiques distinctes. Par conséquent, les juges d’appel ne sont pas tenus de décider de la jonction de ces appels.
7. Dans la mesure où il procède d’autres prémisses juridiques, le moyen, en cette branche, manque en droit.
8. Le jugement attaqué considère : « En ce qui concerne la condamnation [du demandeur], l’appel est recevable. La circonstance que le ministère public avait également indiqué les griefs dans la citation du 28.11.2018, signifiée au domicile [du demandeur] le 07.12.2018, sans déposer la citation reprenant ces griefs au greffe (en temps utile) (...), ne change rien au fait que le ministère public avait, entre-temps, interjeté appel par déclaration au greffe dans le délai imparti et avait également déposé le formulaire de griefs en temps utile. Rien n'empêchait le ministère public de le faire ». Ainsi, ce jugement justifie légalement la décision.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
(…)
Le contrôle d’office pour le surplus
15. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision ne contient aucune illégalité qui puisse infliger grief au demandeur.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse le jugement attaqué en tant qu’il condamne le demandeur à une déchéance subsidiaire du droit de conduire du chef des préventions C, D, E et F.
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge du jugement partiellement cassé ;
Rejette le pourvoi pour le surplus ;
Condamne le demandeur aux cinq sixièmes des frais ;
Réserve la décision sur le surplus des frais afin qu’il soit statué sur celui-ci par la juridiction de renvoi ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, au tribunal correctionnel de Flandre occidentale, siégeant en degré d’appel.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président, Antoine Lievens, Erwin Francis, Ilse Couwenberg et Eric Van Dooren, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-six mai deux mille vingt par le conseiller faisant fonction de président Filip Van Volsem, en présence de l’avocat général Henri Vanderlinden, avec l’assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Eric de Formanoir et transcrite avec l’assistance du greffier Tatiana Fenaux.