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26/05/2020 | BELGIQUE | N°P.20.0169.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 26 mai 2020, P.20.0169.N


N° P.20.0169.N
K. S.,
prévenu,
demandeur en cassation,
Me Gino Houbrechts, avocat au barreau du Limbourg,
contre
1. H. K.,
2. M. P.,
3. M. K.,
Me Philip Daeninck, avocat au barreau du Limbourg,
4. B. W.,
parties civiles,
défendeurs en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 22 janvier 2020 par la cour d’appel d’Anvers, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Erwin

Francis a fait rapport.
L’avocat général Henri Vanderlinden a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le p...

N° P.20.0169.N
K. S.,
prévenu,
demandeur en cassation,
Me Gino Houbrechts, avocat au barreau du Limbourg,
contre
1. H. K.,
2. M. P.,
3. M. K.,
Me Philip Daeninck, avocat au barreau du Limbourg,
4. B. W.,
parties civiles,
défendeurs en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 22 janvier 2020 par la cour d’appel d’Anvers, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Erwin Francis a fait rapport.
L’avocat général Henri Vanderlinden a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le premier moyen :
1. Le moyen est pris de la violation de l’article 149 de la Constitution : d’une part, l’arrêt reconnait au demandeur le bénéfice de la cause d’excuse atténuante de la provocation parce qu’il rend admissible que le coup porté à D. K. était une réaction immédiate et proportionnée à un coup de tête que D. K. lui a donné, en conséquence duquel il n’était plus entièrement maître de lui-même ; l’arrêt considère également que le traumatisme causé à D. K. s’explique par sa chute malencontreuse consécutive au coup de poing donné par le demandeur, de sorte qu’il ne peut se déduire de ce traumatisme que le coup de poing était disproportionné ; d’autre part, l’arrêt impute 60 p.c. de la responsabilité civile du chef du sinistre au demandeur et ce, sur la seule base de l’incidence de chacune des fautes respectives sur le dommage ; ainsi, l’arrêt ne tient pas compte du caractère non disproportionné de la violence utilisée par le demandeur et du caractère malencontreux de la chute de D. K. ; ces motifs sont contradictoires, ne répondent pas à la défense du demandeur tendant à imputer les trois quarts de la responsabilité à D. K. et ne justifient pas légalement la décision.
2. S’il y a concours de fautes, le juge apprécie souverainement dans quelle mesure la faute de chacun a contribué à causer le dommage et il détermine, sur ce fondement, la part de dommages et intérêts due par chacun, dans leurs rapports respectifs. La gravité des fautes respectives et, en cas de coups volontaires, l’intention éventuelle de l’auteur de causer certains dommages, sont étrangères à ce lien de causalité.
Dans la mesure où il procède d’une autre prémisse juridique, le moyen manque en droit.
3. L’arrêt considère qu’il convient d’imputer à D. K. 40 p.c. de la responsabilité de son propre dommage et d’imputer 60 p.c. de celle-ci au demandeur, compte tenu de l’incidence de chacune de leurs fautes respectives sur le dommage subi par D. K. Ainsi, il constate souverainement dans quelle mesure la faute de chacun a pu causer le dommage et il justifie légalement la décision.
Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.
4. Dans la mesure où le moyen allègue que la décision attaquée est fondée sur des motifs contradictoires, il est déduit de l’illégalité vainement invoquée et est, dès lors, irrecevable.
5. Par les motifs précités, l’arrêt répond à la défense du demandeur tendant à imputer les trois quarts de la responsabilité à D. K, et rejette celle-ci.
Dans cette mesure, le moyen manque en fait.
Sur le deuxième moyen :
6. Le moyen est pris de la violation de l’article 1382 du Code civil : l’arrêt (...) considère que le demandeur est tenu à la réparation intégrale du dommage subi par les défendeurs 1 et 2 en nom propre et par les défenderesses 3 et 4, parce que ces défendeurs, en ces qualités, n’ont pas commis de faute présentant un lien de causalité avec leur dommage et parce que la faute propre de D. K. ne leur est pas opposable ; les personnes qui sont victimes d’un dommage par répercussion en raison de leurs liens affectifs ou familiaux avec la victime directe n’ont droit qu’à la part de l’indemnité à laquelle l’auteur est tenu envers cette victime.
7. Lorsqu’un dommage a été causé par les fautes concurrentes de plusieurs personnes, chacune de celles-ci est, en règle, tenue à la réparation intégrale du dommage subi par les victimes qui n’ont pas commis de faute.
8. Toutefois, la faute commise par la victime directe, qui présente un lien de causalité avec le dommage propre de celle-ci, est opposable aux personnes qui subissent un dommage par répercussion en raison de leurs liens affectifs ou familiaux avec cette victime. En effet, le droit de ces personnes à la réparation de ce dommage, y compris celui qu’elles ont subi personnellement, est alors atténué par la responsabilité personnelle de la victime. Dès lors, le tiers coresponsable ne sera, en pareil cas, tenu d’indemniser la victime du dommage par répercussion qu’à hauteur de sa propre part de responsabilité dans le dommage initial. L’arrêt, qui statue autrement, ne justifie pas légalement la décision.
Le moyen est fondé.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse l’arrêt attaqué en tant qu’il statue sur les dommages-intérêts alloués aux défendeurs 1 et 2 en leur nom propre et aux défenderesses 3 et 4 ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt partiellement cassé ;
Rejette le pourvoi pour le surplus ;
Condamne le demandeur à un tiers des frais de son pourvoi ;
Réserve la décision sur le surplus des frais afin qu’il soit statué sur celui-ci par la juridiction de renvoi ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, à la cour d’appel de Bruxelles.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président, Antoine Lievens, Erwin Francis, Ilse Couwenberg et Eric Van Dooren, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-six mai deux mille vingt par le conseiller faisant fonction de président Filip Van Volsem, en présence de l’avocat général Henri Vanderlinden, avec l’assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Eric de Formanoir et transcrite avec l’assistance du greffier Tatiana Fenaux.


Synthèse
Formation : Chambre 2n - tweede kamer
Numéro d'arrêt : P.20.0169.N
Date de la décision : 26/05/2020
Type d'affaire : Autres - Droit civil

Analyses

S’il y a concours de fautes, le juge apprécie souverainement dans quelle mesure la faute de chacun a contribué à causer le dommage et il détermine, sur ce fondement, la part de dommages et intérêts due par chacun, dans leurs rapports respectifs ; la gravité des fautes respectives et, en cas de coups volontaires, l’intention éventuelle de l’auteur de causer certains dommages, sont étrangères à ce lien de causalité (1). (1) Cass. 10 mars 2015, RG P.13.1170.N, Pas. 2015, n° 176 ; Cass. 9 octobre 2009, RG C.07.0080.F – C.07.370.F, Pas. 2009, n° 567 ; Cass. 21 octobre 2008, RG P.08.0561.N, Pas. 2008, n° 567 ; Cass. 4 février 2008, RG C.06.036.F, Pas. 2008, n° 81 ; Cass. 29 janvier 1988, RG 5630, Pas. 1987-88, n° 327.

APPRECIATION SOUVERAINE PAR LE JUGE DU FOND - Dommage - Concours de fautes - Fait de contribuer respectivement à causer le dommage - Détermination de la part de dommages et intérêts due par chacun - RESPONSABILITE HORS CONTRAT - DOMMAGE - Pouvoir d'appréciation. Evaluation. Date à considérer - Evaluation - Concours de fautes - Fait de contribuer respectivement à causer le dommage - Détermination de la part de dommages et intérêts due par chacun - Appréciation souveraine - Evaluation - Concours de fautes - Fait de contribuer respectivement à causer le dommage - Détermination de la part de dommages et intérêts due par chacun - Mission du juge [notice1]

Lorsqu’un dommage a été causé par les fautes concurrentes de plusieurs personnes, chacune de celles-ci est, en règle, tenue à la réparation intégrale du dommage subi par les victimes qui n’ont pas commis de faute ; toutefois, la faute commise par la victime directe, qui présente un lien de causalité avec le dommage propre de celle-ci, est opposable aux personnes qui subissent un dommage par répercussion en raison de leurs liens affectifs ou familiaux avec cette victime ; en effet, le droit de ces personnes à la réparation de ce dommage, y compris celui qu’elles ont subi personnellement, est alors atténué par la responsabilité personnelle de la victime ; dès lors, le tiers coresponsable ne sera, en pareil cas, tenu d’indemniser la victime du dommage par répercussion qu’à hauteur de sa propre part de responsabilité dans le dommage initial (1). (1) Cass. 16 février 2011, RG P.10.1232.F, Pas. 2011, n° 137.

RESPONSABILITE HORS CONTRAT - OBLIGATION DE REPARER - Pluralité d'auteurs. Solidarité - Victime n'ayant commis aucune faute - Réparation intégrale - RESPONSABILITE HORS CONTRAT - OBLIGATION DE REPARER - Victime coresponsable - Dommage subi par la famille de la victime - Dommage subi par répercussion - Réparation intégrale - Légalité - Dommage subi par la famille de la victime - Dommage subi par répercussion - Droit à réparation - Limite [notice4]


Références :

[notice1]

ancien Code Civil - 21-03-1804 - Art. 1382 et 1383 - 30 / No pub 1804032150

[notice4]

ancien Code Civil - 21-03-1804 - Art. 1382 et 1383 - 30 / No pub 1804032150


Composition du Tribunal
Président : VAN VOLSEM FILIP
Greffier : VANDEN BOSSCHE KRISTEL
Ministère public : VANDERLINDEN HENRI
Assesseurs : HOET PETER, LIEVENS ANTOINE, FRANCIS ERWIN, COUWENBERG ILSE, VAN DOOREN ERIC

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-05-26;p.20.0169.n ?

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