N° P.19.1338.N
M. I.,
prévenu,
demandeur en cassation,
Me Julian Poelman, avocat au barreau de Bruxelles.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 10 décembre 2019 par le tribunal correctionnel de Flandre orientale, division Gand, statuant en degré d’appel.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le demandeur se désiste de son pourvoi dans la mesure où celui-ci est prématuré.
Le conseiller Filip Van Volsem a fait rapport.
L’avocat général Bart De Smet a conclu.
Le 22 mai 2020, une note telle que visée à l’article 1107, alinéa 3, du Code judiciaire a été déposée au greffe au nom du demandeur.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le moyen :
1. Le moyen, en sa première branche, est pris de la violation de l’article 6 du Code pénal ainsi que de la méconnaissance du principe général relatif à l’interprétation restrictive de la loi pénale : en faisant référence aux circonstances historiques dans lesquelles la loi du 15 juin 1935 concernant l’emploi des langues en matière judiciaire a été adoptée et en citant délibérément certains passages des travaux parlementaires, le jugement attaqué donne à l’article 23 de la loi du 15 juin 1935 une portée incompatible avec son libellé clair et non équivoque et fait donc une application illégale de cette disposition ; le changement de langue ne doit pas s’analyser sous l’angle de l’oppression exercée par un groupe linguistique sur un autre, mais comme un droit individuel dont chaque justiciable est assuré de bénéficier.
Le moyen, en sa seconde branche, est pris de la violation de l’article 23 de la loi du 15 juin 1935 : le jugement attaqué ne se fonde pas sur des circonstances objectives propres à la cause pour rejeter la demande de changement de langue.
2. Selon l’article 23, alinéa 2, de la loi du 15 juin 1935, le prévenu qui ne connaît que le français ou s’exprime plus facilement dans cette langue et qui est traduit devant un tribunal de police où la procédure est faite en néerlandais, peut demander que celle-ci ait lieu en français. Si la juridiction a égard à cette demande, elle ordonne le renvoi à la juridiction de même ordre la plus rapprochée où la procédure est faite dans la langue demandée par le prévenu, conformément à l’article 23, alinéa 4, de la loi du 15 juin 1935.
3. La demande de changement de langue ne peut être formulée pour la première fois en degré d’appel mais, lorsque le premier juge a rejeté la demande de changement de langue et a statué au fond, la décision de rejet est susceptible d’appel et la juridiction d’appel doit se prononcer à cet égard.
4. Toutefois, lorsqu’un prévenu avait demandé un changement de langue puis a renoncé, devant la juridiction d’appel, à son grief concernant l’appréciation de la culpabilité par le premier juge et s’est donc conformé à cette appréciation, il a nécessairement renoncé à sa demande de changement de langue.
5. Les constatations du procès-verbal de l’audience du 12 novembre 2019 et du jugement attaqué indiquent que le demandeur a renoncé à son grief visant la culpabilité. Il s’ensuit que le demandeur a renoncé à sa demande de changement de langue.
6. Fût-il fondé, le moyen ne saurait entraîner la cassation et est, dès lors, irrecevable.
Le contrôle d'office
7. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Décrète le désistement du pourvoi dans la mesure où il est dirigé contre la décision ordonnant une mesure d’instruction en vue de l’application de l’article 42 de la loi du 16 mars 1968 relative à la police de la circulation routière.
Rejette le pourvoi pour le surplus ;
Condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président, Antoine Lievens, Erwin Francis, Ilse Couwenberg et Eric Van Dooren, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-six mai deux mille vingt par le conseiller faisant fonction de président Filip Van Volsem, en présence de l’avocat général Henri Vanderlinden, avec l’assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Frédéric Lugentz et transcrite avec l’assistance du greffier Fabienne Gobert.