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19/05/2020 | BELGIQUE | N°P.20.0148.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 19 mai 2020, P.20.0148.N


N° P.20.0148.N
R. W.,
prévenu,
demandeur en cassation,
Me Yen Buytaert, avocat au barreau de Flandre occidentale.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 8 janvier 2020 par le tribunal correctionnel de Flandre orientale, division Termonde, statuant en degré d'appel.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Erwin Francis a fait rapport.
L'avocat général Bart De Smet a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le moyen :
1. Le moyen est

pris de la violation des articles 187, §§ 1 et 5, 1°, du Code d'instruction criminelle : le juge...

N° P.20.0148.N
R. W.,
prévenu,
demandeur en cassation,
Me Yen Buytaert, avocat au barreau de Flandre occidentale.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 8 janvier 2020 par le tribunal correctionnel de Flandre orientale, division Termonde, statuant en degré d'appel.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Erwin Francis a fait rapport.
L'avocat général Bart De Smet a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le moyen :
1. Le moyen est pris de la violation des articles 187, §§ 1 et 5, 1°, du Code d'instruction criminelle : le jugement attaqué déclare, à tort, irrecevable du chef de tardiveté l'opposition formée par le demandeur, le 3 décembre 2018, contre le jugement rendu par défaut par le tribunal de police le 23 janvier 2017 puis signifié le 18 avril 2017 ; il considère que le délai extraordinaire d'opposition a commencé à courir le 2 août 2017, soit à la date à laquelle le demandeur a été personnellement averti par la police de la déchéance du droit de conduire qui lui a été infligée par ce jugement par défaut ; toutefois, la signification du 18 avril 2017 n'a pas été faite à la personne du demandeur ; l'avertissement du 2 août 2017 ne fait pas davantage mention du droit de former opposition et du délai pour ce faire ; ainsi, la signification du jugement par défaut n'a pas été faite valablement et le délai d'opposition n'a pas pris cours.
2. L'article 187, § 1er, du Code d'instruction criminelle dispose :
« La personne condamnée par défaut pourra faire opposition au jugement dans les quinze jours qui suivent celui de la signification de ce dernier.
Lorsque la signification du jugement n'a pas été faite à sa personne, le condamné par défaut pourra faire opposition, quant aux condamnations pénales, dans les quinze jours qui suivent celui où il aura eu connaissance de la signification.
(...)
S'il n'est pas établi qu'il a eu connaissance de la signification, le condamné par défaut pourra faire opposition jusqu'à l'expiration des délais de prescription de la peine (...).
(...). »
3. L'article 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales requiert que l'exploit de signification au prévenu de la décision rendue par défaut informe ce dernier du droit de former opposition de cette décision et du délai pour ce faire.
4. L'article 40 de la loi du 16 mars 1968 relative à la police de la circulation routière, dans sa version applicable en l'espèce, dispose :
« Toute déchéance prononcée a titre de peine prend cours le cinquième jour suivant la date de l'avertissement donné au condamné par le ministère public. (...).
(...). »
5. Le juge apprécie souverainement si et à quelle date la personne condamnée par défaut a eu connaissance de la signification de la décision rendue par défaut. Cette connaissance ne nécessite l'accomplissement d'aucune formalité et peut donc résulter de l'avertissement visé à l'article 40, alinéa 1er, de la loi du 16 mars 1968. Par conséquent, le juge peut prendre en considération la date dudit avertissement pour déterminer le point de départ du délai extraordinaire d'opposition. Toutefois, dans ce cas précis, les droits de la défense, tel que précisés par la Cour constitutionnelle dans son arrêt n° 134/2018 du 11 octobre 2018, nécessitent que ledit avertissement informe l'intéressé de son droit de former opposition à cette décision et du délai qui lui est imparti pour ce faire.
6. Le jugement attaqué considère :
« A bon droit, le premier juge a déclaré irrecevable l'opposition formée par [le demandeur], le 3 décembre 2018, contre le jugement par défaut du 23 janvier 2017, dès lors que le 2 août 2017, un inspecteur de police a informé [le demandeur] de la déchéance de son droit de conduire prononcée par défaut et qu'une mention en gras de « l'avertissement en vue de l'exécution d'une déchéance du droit de conduire un véhicule », que [le demandeur] a alors signé, faisait expressément référence à la « décision définitive rendue le 23 janvier 2017 par le tribunal de police de Flandre orientale, division Saint-Nicolas » : « date de la signification du jugement le 18 avril 2017 s'il a été rendu par défaut ».
[Le demandeur] a manifestement formé opposition tardivement. Dans ce cas concret, le délai pour former opposition a expiré le 17 août 2017, soit quinze jours après qu'il a eu connaissance, le 2 août 2017, de la signification du jugement par défaut rendu le 23 janvier 2017, donc bien avant le 3 décembre 2018. L'opposition était irrecevable, comme le premier juge l'a constaté à bon droit, de sorte que le tribunal n'est pas tenu de se prononcer sur le fond de la cause en degré d'appel ».
Le jugement attaqué, qui situe ainsi le point de départ du délai extraordinaire d'opposition imparti au demandeur à la date de l'avertissement prévu à l'article 40, alinéa 1er, de la loi du 16 mars 1968, non parce que cet avertissement contient les informations précitées, mais simplement parce qu'il fait référence au jugement par défaut et à la date de sa signification, ne justifie pas légalement la décision.
Le moyen est fondé.
Le contrôle d'office pour le surplus
7. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.

PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse le jugement attaqué, sauf en tant qu'il déclare recevable l'appel du demandeur et détermine la saisine de la juridiction d'appel.
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge du jugement partiellement cassé ;
Rejette le pourvoi pour le surplus ;
Condamne le demandeur à un dixième des frais de son pourvoi.
Réserve la décision sur le surplus des frais afin qu'il soit statué sur celui-ci par la juridiction de renvoi ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, au tribunal correctionnel de Flandre occidentale, siégeant en degré d'appel.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président, Antoine Lievens, Erwin Francis, Ilse Couwenberg et Eric Van Dooren, conseillers, et prononcé en audience publique du dix-neuf mai deux mille vingt par le conseiller faisant fonction de président Filip Van Volsem, en présence de l'avocat général Bart De Smet, avec l'assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.


Synthèse
Formation : Chambre 2n - tweede kamer
Numéro d'arrêt : P.20.0148.N
Date de la décision : 19/05/2020
Type d'affaire : Autres - Droit international public - Droit pénal

Analyses

Le droit à un procès équitable requiert que l’exploit de signification au prévenu de la décision rendue par défaut informe ce dernier de son droit de former opposition à cette décision et du délai qui lui est imparti pour ce faire (1). (1) Cass. 23 février 2011, RG P.10.2047.F, Pas. 2011, n° 161, T. Strafr. 2011, 207, note C. VAN DEUREN, R.W. 2012-13, 216, note B. DE SMET; Cass. 9 mars 2016, RG P.15.1679.F, Pas. 2016, n° 168, concl. D. VANDERMEERSCH, avocat général; T. Strafr. 2016, 236, note T. DECAIGNY; Cass. 28 juin 2017, RG P.17.0490.F, Pas. 2017, n° 428; Cass. 26 novembre 2019, RG P.19.0556.N, Pas. 2019, n° 624. Voir également C.E.D.H. 24 mai 2007, Da Luz Dominguez Ferreira c. Belgique; C.E.D.H. 29 juin 2010, Hakimi c. Belgique, §§ 34-37; C.E.D.H. 1er mars 2011, Faniel c. Belgique, www.echr.coe.int, § 30; Cour const., 11 octobre 2018, n° 134/2018, www.const-court.be.

OPPOSITION - Matière répressive - Droit à un procès équitable - Signification de la décision par défaut - Information sur le délai et les formalités de l'opposition - DROITS DE L'HOMME - CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Article 6 - Article 6, § 1er - Condamnation par défaut - Signification de la décision par défaut - Information sur le délai et les formalités de l'opposition - SIGNIFICATIONS ET NOTIFICATIONS - EXPLOIT - Matière répressive - Signification de la décision par défaut - Information sur le délai et les formalités de l'opposition [notice1]

Le juge apprécie souverainement si et à quelle date la personne condamnée par défaut a eu connaissance de la signification de la décision rendue par défaut; cette connaissance ne nécessite l’accomplissement d’aucune formalité et, en matière de roulage, elle peut donc résulter de l’avertissement visé à l’article 40, alinéa 1er, de la loi du 16 mars 1968 relative à la police de la circulation routière; par conséquent, le juge peut prendre en considération la date dudit avertissement pour déterminer le point de départ du délai extraordinaire d’opposition, pour autant que ledit avertissement informe le condamné de son droit de former opposition à cette décision et du délai qui lui est imparti pour ce faire (1). (1) Cour const., 11 octobre 2018, n° 134/2018, www.const-court.be.

OPPOSITION - Matière répressive - Condamnation par défaut - Déchéance du droit de conduire - Signification de la décision par défaut - Absence d'informations concernant le délai et les formalités de l'oppostion - Délai extraordinaire d'opposition - Point de départ du délai d'opposition - ROULAGE - LOI RELATIVE A LA POLICE DE LA CIRCULATION ROUTIERE - DISPOSITIONS LEGALES - Article 40 - Condamnation par défaut - Déchéance du droit de conduire - Signification de la décision par défaut - Absence d'informations concernant le délai et les formalités de l'oppostion - Délai extraordinaire d'opposition - Point de départ du délai d'opposition - APPRECIATION SOUVERAINE PAR LE JUGE DU FOND - SIGNIFICATIONS ET NOTIFICATIONS - EXPLOIT [notice4]


Références :

[notice1]

Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 - 04-11-1950 - Art. 6, § 1er - 30 / Lien DB Justel 19501104-30

[notice4]

Code d'instruction criminelle - 17-11-1808 - Art. 187, § 1er - 30 / No pub 1808111701 ;

Loi relative à la police de la circulation routière, coordonnée par Arrêté Royal du 16 mars 1968 - 16-03-1968 - Art. 40 - 31 / No pub 1968031601


Composition du Tribunal
Président : VAN VOLSEM FILIP
Greffier : VANDEN BOSSCHE KRISTEL
Ministère public : DE SMET BART
Assesseurs : HOET PETER, LIEVENS ANTOINE, FRANCIS ERWIN, COUWENBERG ILSE, VAN DOOREN ERIC

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-05-19;p.20.0148.n ?

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