N° P.19.1236.N
F. A. L. C.,
prévenue,
demanderesse en cassation,
Me Chris Vandebroeck, avocat au barreau de Louvain.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 13 novembre 2019 par la cour d'appel d'Anvers, chambre correctionnelle.
La demanderesse invoque trois moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Filip Van Volsem a fait rapport.
L'avocat général Bart De Smet a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le premier moyen :
1. Le moyen invoque la méconnaissance du principe général du droit de l'autorité erga omnes de la chose jugée d'un arrêt d'annulation du Conseil d'État : l'arrêt condamne, à tort, la demanderesse du chef de violation de l'article 18 de la loi du 8 juin 2006 réglant des activités économiques et individuelles avec des armes, en raison de la non-restitution ou de la non-cession d'armes à une personne agréée ou autorisée dans le délai fixé par une décision de retrait ; il résulte de l'arrêt du Conseil d'État ayant annulé la décision de retrait de l'autorisation, que cette décision est censée n'avoir jamais existé ; par conséquent, la demanderesse ne peut avoir enfreint l'article 18 de la loi du 8 juin 2006.
2. Il résulte des articles 11, § 1, alinéa 2, et § 2, alinéa 3, 13, alinéa 1er, et 32 de la loi du 8 juin 2006 que, si les conditions énoncées auxdits articles sont observées, le gouverneur peut retirer l'autorisation ou le droit de détenir une arme.
3. Conformément à l'article 30 de la loi du 8 juin 2006, un recours administratif organisé est ouvert auprès du ministre de la Justice ou de son délégué contre la décision du gouverneur retirant une autorisation ou un droit. Ce recours n'a pas d'effet suspensif. Ensuite de l'effet dévolutif de l'appel, l'instance d'appel exerce un pouvoir décisionnel sur la cause elle-même, de la même manière que le gouverneur. Si l'appel est recevable, la décision du ministre de la Justice ou de son délégué sur le retrait se substitue ainsi à la décision du gouverneur.
4. L'article 18 de la loi du 8 juin 2006 prévoit que, lorsqu'une autorisation ou le droit de détenir une arme sont retirés conformément à l'article 11, § 1, alinéa 2, ou § 2, alinéa 3, ou 13, alinéa 1er, de la loi du 8 juin 2006, l'arme doit être déposée chez une personne agréée ou cédée à une personne agréée ou à une personne autorisée à la détenir, et ce dans le délai prescrit par la décision de retrait.
5. L'inobservation de l'obligation prescrite à l'article 18 de la loi du 8 juin 2006 est punie des peines fixées à l'article 23 de cette même loi.
6. Le caractère répréhensible fondé sur les articles 18 et 23 de la loi du 8 juin 2006 requiert une décision de retrait légale du gouverneur ou, en degré d'appel, du ministre de la Justice ou de son délégué.
7. L'arrêt de la section du contentieux administratif du Conseil d'État qui annule un acte administratif a pour effet que cet acte est censé n'avoir jamais existé. Ainsi, il en résulte qu'en cas d'annulation par la section du contentieux administratif du Conseil d'État de la décision ministérielle de retrait rendue en degré d'appel, il manque un élément constitutif de l'infraction requis pour pouvoir la punir.
8. Les juges d'appel ont statué ainsi qu'il suit :
- à la suite d'une vérification effectuée conformément à l'article 32 de la loi du 8 juin 2006, le gouverneur a, par décision du 16 septembre 2014, retiré l'autorisation octroyée pour les armes à feu mentionnées dans la prévention ;
- l'article 2 de cette décision prévoit que la demanderesse était tenue de déposer les armes à feu ou de les céder à un marchand d'armes agréé ou à une personne titulaire de l'autorisation de détention de ces armes à feu dans un délai d'un mois au plus tard ;
- la demanderesse a interjeté appel de cette décision le 14 octobre 2014 ;
- la demanderesse n'a pas déposé les armes à feu auprès d'un marchand d'armes agréé ni ne les a cédées à un marchand d'armes agréé ou à une personne titulaire de l'autorisation de détention de ces armes à feu dans le délai fixé dans la décision du gouverneur;
- le 8 avril 2015, le délégué du ministre de la Justice a décidé de retirer à la demanderesse l'autorisation octroyée pour les armes visées ;
- le 20 décembre 2016, le Conseil d'État a annulé la décision du 8 avril 2015.
Les juges d'appel qui ont décidé que cet arrêt d'annulation de la section du contentieux administratif du Conseil d'État est sans effet sur le caractère répréhensible des faits mis à charge de la demanderesse, n'ont pas justifié légalement cette décision.
Le moyen est fondé.
Les autres griefs :
9. Il n'y a pas lieu de répondre aux griefs.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse l'arrêt attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt cassé ;
Laisse les frais à charge de l'État ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président, Antoine Lievens, Erwin Francis, Ilse Couwenberg et Eric Van Dooren, conseillers, et prononcé en audience publique du dix-neuf mai deux mille vingt par le conseiller faisant fonction de président Filip Van Volsem, en présence de l'avocat général Bart De Smet, avec l'assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.