N° P.19.1274.N
G. D.,
partie civile,
demandeur en cassation,
Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,
contre
H. B.,
partie intéressée,
défendeur en cassation,
Mes Jan Swennen et Lore Gyselaers, avocats au barreau du Limbourg.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 25 novembre 2019 par la cour d’appel d’Anvers, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Steven Van Overbeke a fait rapport.
L’avocat général Alain Winants a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le moyen :
Quant à la seconde branche :
1. Le moyen, en cette branche, est pris de la violation des articles 491 du Code pénal, 3 et 4 du titre préliminaire du Code de procédure pénale, 63 et 235bis du Code d’instruction criminelle, 1319, 1320 et 1322 du Code civil : en considérant que le demandeur ne rend pas plausible qu'il a subi un dommage personnel et réel résultant d’une infraction, qu’il apparaît tout au plus qu’un contrat de dépôt n’aurait pas été respecté et que le litige en cause est exclusivement à caractère civil, les juges d’appel n’ont pas légalement justifié leur décision de déclarer irrecevable la plainte pour abus de confiance déposée par le demandeur avec constitution de partie civile entre les mains du juge d'instruction ; c’est d’autant plus le cas que les juges d’appel ont considéré que le demandeur a rendu plausible l’existence d’un élément matériel de l’infraction d’abus de confiance, à savoir un contrat de dépôt, donnant lieu à une possession à titre précaire ; la circonstance que l’infraction d’abus de confiance requière, outre un contrat de dépôt, d’autres éléments constitutifs, est sans incidence à cet égard ; l’article 63 du Code d’instruction criminelle n’impose pas à la partie civile de décrire avec la plus grande précision l’ensemble des caractéristiques propres aux faits de la cause.
2. Toute personne qui se prétend lésée par un crime ou délit peut se constituer partie civile devant le juge d’instruction compétent sur la base de l’article 63 du Code d’instruction criminelle, sans devoir, à ce stade de la procédure, apporter la preuve du dommage, de son étendue et du lien de causalité entre ce dommage avec l’infraction commise. Toutefois, pour que la constitution de partie civile de la personne qui se prétend lésée soit recevable, celle-ci doit rendre plausible son allégation relative au dommage qu’elle aurait subi en conséquence de l’infraction. Pour procéder à cette appréciation, la juridiction d’instruction qui statue sur la recevabilité de la constitution de partie civile doit tenir compte des faits concrets qui font l’objet de la plainte avec constitution de partie civile, et non des qualifications d’infraction abstraites.
3. En principe, la juridiction d’instruction apprécie souverainement en fait si le dommage prétendument subi par la personne lésée est plausible, cette condition pouvant être considérée comme remplie sur la base de sa constatation que la personne prétendument lésée n’a pas subi ou n'a pas pu subir de dommage parce que le dommage allégué n’est ni réel ni personnel. La Cour se borne à vérifier si la juridiction d’instruction ne tire pas des éléments factuels qu’elle a constatés des conséquences qui y sont étrangères ou qui sont inconciliables avec la notion de dommage.
4. Il ressort des constatations opérées par les juges d’appel dans l’arrêt que :
- le 30 avril 2019, le demandeur s’est constitué partie civile contre X entre les mains du juge d’instruction, pour des faits qualifiés d’abus de confiance dans le procès-verbal de constitution de partie civile ;
- le demandeur allègue que des vins lui appartenant, qui avaient été mis en dépôt dans les caves de la société privée à responsabilité limitée Wijnmakelaarsunie, actuellement en état de faillite, ne lui a pas été restitués et que cette non-restitution lui porte préjudice.
Compte tenu de ces constatations, et notamment des allégations du demandeur qui affirme, à l’appui de sa plainte pour abus de confiance avec constitution de partie civile, que des biens lui appartenant ont été mis en dépôt auprès d’un tiers, qu’ils ne lui ont pas été restitués et que cette non-restitution lui porte préjudice, les juges d’appel, qui ont considéré ces allégations comme n’étant pas en elles-mêmes invraisemblables tout en n’ayant pas exclu, pour le surplus, que le contrat de dépôt n’ait pas été respecté, n’ont pu légalement considérer que le demandeur a échoué à rendre plausible l’existence d’un dommage réel et personnel résultant d’une infraction.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est fondé.
Sur les autres griefs :
5. Il n’y a pas lieu d’avoir égard aux griefs qui ne sauraient entraîner une cassation plus étendue.
Sur l’étendue de la cassation :
6. La cassation de la décision rendue sur la recevabilité de la constitution de partie civile et sur l’action publique entraîne l’annulation de la décision sur les frais et les indemnités de procédure qui en résulte, mais n’atteint pas les autres décisions de l’arrêt.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse l’arrêt attaqué en tant qu’il déclare irrecevables la plainte avec constitution de partie civile et l’action publique et qu’il statue sur l’octroi d’une indemnité de procédure ;
Rejette le pourvoi pour le surplus ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt partiellement cassé ;
Condamne le demandeur à un quart des frais de son pourvoi ;
Réserve la décision sur le surplus des frais afin qu’il soit statué sur celui-ci par la juridiction de renvoi ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, à la cour d’appel d’Anvers, chambre des mises en accusation, autrement composée.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président, Peter Hoet, Antoine Lievens, Eric Van Dooren et Steven Van Overbeke, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt et un avril deux mille vingt par le conseiller faisant fonction de président Filip Van Volsem, en présence de l’avocat général Alain Winants, avec l’assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller François Stévenart Meeûs et transcrite avec l’assistance du greffier Tatiana Fenaux.