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17/03/2020 | BELGIQUE | N°P.19.1253.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 17 mars 2020, P.19.1253.N


N° P.19.1253.N
I. M. A.,
prévenu,
demandeur en cassation,
Me Jan Swennen, avocat au barreau du Limbourg,
II. M. R.,
prévenu,
demandeur en cassation,
Me Klaas Bongaerts, avocat au barreau d'Anvers.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 13 novembre 2019 par la cour d'appel d'Anvers, chambre correctionnelle.
Le demandeur I invoque quatre moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le demandeur II invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certif

iée conforme.
Le conseiller Erwin Francis a fait rapport.
L'avocat général Els Herregodts a conclu...

N° P.19.1253.N
I. M. A.,
prévenu,
demandeur en cassation,
Me Jan Swennen, avocat au barreau du Limbourg,
II. M. R.,
prévenu,
demandeur en cassation,
Me Klaas Bongaerts, avocat au barreau d'Anvers.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 13 novembre 2019 par la cour d'appel d'Anvers, chambre correctionnelle.
Le demandeur I invoque quatre moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le demandeur II invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Erwin Francis a fait rapport.
L'avocat général Els Herregodts a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
[...]
Sur les premier et deuxième moyens du demandeur I :
4. Le premier moyen est pris de la violation des articles 149 de la Constitution, 66 et 67 du Code pénal, 2bis, § 1, § 4 et § 6, de la loi du 24 février 1921 concernant le trafic des substances vénéneuses, soporifiques, stupéfiantes, psychotropes, désinfectantes ou antiseptiques et des substances pouvant servir à la fabrication illicite de substances stupéfiantes et psychotropes, 1, 1bis, 2, 3, 11, 26bis et 28 de l'arrêté royal du 31 décembre 1930 réglementant les substances soporifiques et stupéfiantes, et relatif à la réduction des risques et à l'avis thérapeutique et 2, 3, 25, 26, 40bis et 45 de l'arrêté royal du 22 janvier 1998 réglementant certaines substances psychotropes, et relatif à la réduction des risques et à l'avis thérapeutique : l'arrêt condamne le demandeur I du chef d'importation illégale de cocaïne dans le cadre d'une association (prévention A) sans constater que les éléments constitutifs de cette infraction sont réunis ; si les éléments de fait énoncés par l'arrêt sont potentiellement révélateurs de l'activité d'une association, il ne peut en être déduit le fait principal sous-jacent d'importation de cocaïne ; l'arrêt se base sur la prémisse non établie que le conteneur renfermait de la cocaïne.
Le deuxième moyen est pris de la violation des articles 6, § 2, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 14, § 2, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 149 de la Constitution et 154, 189 et 211 du Code d'instruction criminelle : les juges d'appel n'ont pu déduire de leurs constatations de fait que le conteneur renfermait de la cocaïne ; une simple présomption déduite d'un fait de notoriété publique vague et non étayé sur le plan scientifique, médico-légal ou technique, à savoir que des conteneurs de fruits en provenance d'Amérique du Sud renferment de la cocaïne, ne suffit pas pour déclarer une infraction établie, au-delà de tout doute raisonnable, surtout lorsque cette infraction est passible de lourdes peines privatives de liberté ; les juges d'appel n'ont pu davantage déduire la preuve d'une infraction d'éléments dont la connaissance a été acquise en dehors des pièces du dossier répressif et du cadre de l'audience et qui n'ont pas été soumis à contradiction ; la présomption sur laquelle les juges d'appel se sont basés est en outre réfutée par le fait que les autres conteneurs renseignés, remplis également d'ananas, avaient été préalablement scannés et ne contenaient pas de cocaïne.
5. Lorsque la loi n'établit pas de mode spécial de preuve, le juge pénal apprécie souverainement la valeur probante des éléments qui lui sont régulièrement soumis et que les parties ont pu contredire. Dans ce cadre, il peut tenir compte de toutes les présomptions de fait qui suscitent dans son chef l'intime conviction de la culpabilité du prévenu. Lorsque le juge considère sur ce fondement que les faits d'une prévention sont établis, il ne méconnaît pas la présomption d'innocence.
Dans la mesure où ils sont déduits d'une autre prémisse juridique, les moyens manquent en droit.
6. Dans la mesure où ils critiquent l'appréciation souveraine des faits par l'arrêt ou requièrent un examen des faits pour lequel la Cour est sans pouvoir, les moyens sont irrecevables.
7. Un fait de notoriété publique relève, par sa nature, des débats et est donc toujours soumis à contradiction. En outre, le jugement entrepris appuyait, par un motif également adopté par l'arrêt, la déclaration de culpabilité du demandeur sur le fait que des lots de cocaïne sont souvent expédiés clandestinement dans des conteneurs réfrigérés renfermant des cargaisons de fruits en provenance d'Amérique du Sud. Ce fait figurait donc aussi parmi les éléments du dossier répressif sur la base duquel le demandeur I pouvait exposer sa défense devant les juges d'appel.
Dans cette mesure, le deuxième moyen ne peut être accueilli.
8. Aucune disposition ni quelque principe général du droit que ce soit ne requièrent qu'un fait admis par le juge soit étayé sur le plan scientifique, médico-légal ou technique.
Dans cette mesure, le deuxième moyen manque en droit.
9. Par adoption de motifs du jugement entrepris et par des motifs propres, l'arrêt considère, en substance, que :
- les services douaniers sont informés qu'un conteneur d'ananas, bien identifié, en provenance d'Amérique du sud renferme des stupéfiants ;
- après un premier contrôle, qui se révèle négatif, les services douaniers scellent le conteneur pour le soumettre à un scannage en vue d'un contrôle physique plus poussé ;
- le demandeur II se rend d'abord, sans raison admissible, dans un entrepôt situé à Buggenhout, où il s'arrête un moment, avant de se présenter au portique de scannage ;
- en poursuivant leur contrôle, les services douaniers constatent que le sceau a été remplacé et que la cargaison a été déplacée ;
- l'entrepôt avait été spécialement loué pour extraire discrètement la drogue de ce conteneur, par le biais de sociétés faisant appel à des hommes de paille rémunérés afin de permettre aux auteurs de ne pas se faire remarquer ;
- « il s'agissait d'un conteneur réfrigéré dont la cargaison (de couverture) consistait en un lot d'ananas en provenance d'Amérique du Sud, soit un mode opératoire généralement connu et souvent utilisé pour l'importation de cocaïne depuis l'Amérique du sud via le port d'Anvers. L'Amérique du Sud compte parmi les principaux producteurs d'ananas » ;
- ces éléments, ainsi que les efforts et les coûts consentis pour procéder à la récupération de la drogue, démontrent, au-delà de tout doute raisonnable, qu'à son arrivée au port d'Anvers, le conteneur renfermait effectivement de la cocaïne qui en a été extraite, entre autres, par le fait du demandeur I lors de l'arrêt effectué à l'entrepôt de Buggenhout, même si cette cocaïne n'a pas été retrouvée ;
- tous ces éléments et activités concernaient spécifiquement le conteneur ici visé, de sorte qu'il n'y a pas lieu de requalifier les faits en association de malfaiteurs en vue de commettre des délits, qui entraîne une peine d'emprisonnement de dix à quinze ans.
Sur la base de ces motifs, que l'arrêt résume dans les motifs critiqués au premier moyen, il peut légalement décider que les faits ont été correctement qualifiés d'infraction consistant en l'importation de cocaïne, dont les éléments constitutifs sont réunis, et que cette infraction est établie à charge du demandeur I.
Dans cette mesure, les moyens ne peuvent être accueillis.
Le contrôle d'office
22. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette les pourvois ;
Condamne les demandeurs aux frais de leur pourvoi.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président, Antoine Lievens, Erwin Francis, Ilse Couwenberg et Eric Van Dooren, conseillers, et prononcé en audience publique du dix-sept mars deux mille vingt par le conseiller faisant fonction de président Filip Van Volsem, en présence de l'avocat général Els Herregodts, avec l'assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.


Synthèse
Formation : Chambre 2n - tweede kamer
Numéro d'arrêt : P.19.1253.N
Date de la décision : 17/03/2020
Type d'affaire : Droit pénal - Droit international public - Autres

Analyses

Lorsque la loi n'établit pas de mode spécial de preuve, le juge pénal apprécie souverainement la valeur probante des éléments qui lui sont régulièrement soumis et que les parties ont pu contredire; dans ce cadre, il peut tenir compte de toutes les présomptions de fait qui suscitent dans son chef l'intime conviction de la culpabilité du prévenu; lorsque le juge considère sur ce fondement que les faits d'une prévention sont établis, il ne méconnaît pas la présomption d'innocence.

PREUVE - MATIERE REPRESSIVE - Administration de la preuve - Présomptions de fait - Conséquence - Obligation de motivation - PREUVE - MATIERE REPRESSIVE - Présomptions - Présomptions de fait - Portée - DROITS DE L'HOMME - CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Article 6 - Article 6, § 2 - Preuve - Matière répressive - Généralités - Obligation de motivation - Droit à un procès équitable - Droit au contradictoire - Présomption d'innocence [notice1]

Un fait de notoriété publique relève, par sa nature, des débats et est donc toujours soumis à contradiction; aucune disposition ni quelque principe général du droit que ce soit ne requièrent qu'un fait admis par le juge soit étayé sur le plan scientifique, médico-légal ou technique.

MOTIFS DES JUGEMENTS ET ARRETS - GENERALITES - Fait de notoriété publique - Application [notice4]


Références :

[notice1]

Constitution 1994 - 17-02-1994 - Art. 149 - 30 / No pub 1994021048 ;

Traité ou Convention internationale - 04-11-1950 - Art. 6 - 30 / Lien DB Justel 19501104-30 ;

Traité ou Convention internationale - 19-12-1966 - Art. 14, § 2 - 31 / Lien DB Justel 19661219-31 ;

Code d'instruction criminelle - 17-11-1808 - Art. 154, 189 et 211 - 30 / No pub 1808111701

[notice4]

Constitution 1994 - 17-02-1994 - Art. 149 - 30 / No pub 1994021048


Composition du Tribunal
Président : VAN VOLSEM FILIP
Greffier : VANDEN BOSSCHE KRISTEL
Ministère public : HERREGODTS ELS
Assesseurs : LIEVENS ANTOINE, FRANCIS ERWIN, BERNEMAN SIDNEY, COUWENBERG ILSE, VAN DOOREN ERIC

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-03-17;p.19.1253.n ?

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